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Dossier thématique
Introduction

Transferts et évacuations sanitaires

La place des États dans les mobilités thérapeutiques
Medical transfers and evacuations. The role of States in therapeutic mobilities
Dolorès Pourette et Alice Servy

Texte intégral

  • 1 Signalons, dans le même sens, l’organisation de la journée d’étude « Mobilités thérapeutiques, inég (...)

1Les circulations nationales et transnationales de personnes en quête de diagnostics et de soins ont fait l’objet de nombreux travaux en sciences humaines et sociales (Kangas, 2007 ; Roberts & Scheper-Hugues, 2011 ; Duchesne & Bonnet, 2014 ; Bochaton, 2015 ; Connell, 2015a ; Sobo, 2015 ; Faria, 2016 ; Ludet et al. 2023). Ces recherches portent principalement sur des déplacements que l’on peut qualifier d’autonomes, dans le sens où ils ne sont pas initiés par une institution, tels un État, une Église, une association ou une organisation non gouvernementale (ONG). Les mobilités non institutionnelles reposent ainsi principalement sur les ressources personnelles, mais aussi familiales et sociales des personnes qui se déplacent et de leur entourage (Bochaton, 2015). Peu de ces travaux portent sur des mobilités institutionnalisées par un État, autrement dit, des dispositifs organisés, gérés ou financés par des institutions étatiques. Nous entendons par État « l’autorité souveraine qui s’exerce sur l’ensemble d’un peuple et d’un territoire » (Fougeyrollas, 1999 : 195) à travers notamment ses institutions, telles qu’en France hexagonale l’armée ou la Sécurité sociale. Or il y a fort à parier que les modes de financement et d’organisation de ces dispositifs influencent le déroulement et l’expérience des mobilités intra et extraterritoriales des personnes qui se déplacent ou sont déplacées, et de leur entourage. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé qu’un dossier thématique d’Anthropologie & Santé se focalise sur les dispositifs étatiques d’évacuation et de transfert sanitaires. Dans son récent ouvrage intitulé Evacuation: The Politics and Aesthetics of Movement in Emergency, le géographe Peter Adey (2024 : 6) – qui s’intéresse à des formes très variées d’évacuations, liées par exemple aux attaques terroristes de 2001 aux États-Unis ou aux incendies de 2020 en Australie – indique que le « monde académique a été relativement aveugle à la question de l’évacuation ». Ce dossier constitue une contribution au champ de recherche en construction des évacuations et transferts sanitaires, et plus largement, à celui des mobilités thérapeutiques1, dont font partie ces dispositifs.

  • 2 Les termes « Hexagone » et « France hexagonale » désignent la France continentale par rapport à ses (...)

2L’institutionnalisation par l’État des circulations de personnes en quête de diagnostics et de soins n’est pas propre à l’Hexagone ni aux « outre-mer » français2. Dans de nombreux pays, y compris parmi ceux les plus fragiles économiquement, l’État peut encadrer, organiser ou financer – au moins en partie – des déplacements intra et extraterritoriaux de personnes dont l’existence est en danger, comme en cas de naufrage ou d’accouchement difficile, ou bien de personnes malades, lors de crises sanitaires, de conflits armés ou pour pallier un manque d’infrastructures médicales, par exemple.

3Ces dispositifs s’inscrivent dans des contextes variés et recouvrent des expériences multiples : évacuation médicale d’étudiant·e·s népalais·es qui se trouvaient dans la ville chinoise de Wuhan au début de la pandémie de covid-19 (Rajbhandari et al., 2020), transferts réguliers vers l’Hexagone et La Réunion de patient·e·s nécessitant des soins non disponibles à Mayotte (Sakoyan, 2010 ; Lotte Hoareau et al., 2023), de l’île de Jersey vers la Grande-Bretagne (Fleury, 2010), de Wallis et de Futuna vers la Nouvelle-Calédonie ou de la Nouvelle-Calédonie vers l’Australie et la France hexagonale (Barbe, 2013), accords entre le gouvernement mauricien et le gouvernement indien pour assurer la prise en charge en Inde de patient·e·s mauricien·ne·s, en partie financée par la république de Maurice (Pourette, 2023), évacuation à l’étranger, et notamment au Maroc, de fonctionnaires de la République du Congo (Tebeu et al., 2020), évacuations aéromédicales de personnes autochtones au Canada (Shaheen-Hussain, 2021 ; Lévesque, 2022), transferts ferroviaires ou aériens interhospitaliers de patient·e·s atteint·e·s du covid en France hexagonale (Do Monte et al., 2020), évacuations de blessé·e·s de guerre depuis une zone de combat vers une structure de soins en Europe du Nord pendant la Première Guerre mondiale (Fèvre, 2007 ; Adey, 2024), etc. Si ces exemples sont présentés dans des travaux d’histoire, de géographie, d’anthropologie, de sociologie ou de santé publique, ils ne font néanmoins pas toujours l’objet d’une analyse approfondie, notamment par rapport à la question de la place des États qui nous intéresse ici.

4Comme Peter Adey (2015), nous pensons qu’il est nécessaire de se questionner « sur les enjeux du contrôle, de la catégorisation, de la mobilisation et du traitement des personnes évacuées » ou transférées par les « autorités en charge de la santé publique, des routes et des transports, de la police et des services d’urgence ». L’objectif de ce numéro est de documenter et d’interroger ces dispositifs de déplacements de personnes malades ou en danger : les usages qui en sont faits, les négociations et processus de décision qui encadrent les transferts et les évacuations, les expériences et pratiques des acteurs et actrices de ces dispositifs (professionnel·le·s de santé, accompagnateur·rice·s, patient·e·s), etc. Dans une moindre mesure, ce dossier est aussi l’occasion d’interroger plus largement l’articulation des politiques de santé des gouvernements avec les politiques migratoires et les histoires (post)coloniales ; de souligner la manière dont ces dispositifs – qui représentent souvent des possibilités réelles en termes d’amélioration ou de maintien de la santé – contribuent à (re)produire des inégalités ; ainsi que d’inscrire ces déplacements dans le champ de recherche en construction des mobilités thérapeutiques.

5Les cinq articles qui constituent ce dossier documentent des dispositifs de transferts et d’évacuations sanitaires, de manière complémentaire, à partir de disciplines diverses et de terrains pluriels. Si tous s’appuient sur des enquêtes empiriques originales et des méthodes qualitatives (ethnographie, observations, entretiens), ils s’inscrivent dans des approches disciplinaires variées : socio-anthropologie de la santé des enfants, anthropologie de la santé, anthropologie de l’expérience, sociologie des migrations, de la santé et des frontières, etc. Ils portent sur des mobilités intra et extraterritoriales se déclinant dans plusieurs pays et continents : du Togo et du Bénin vers la Suisse, de l’Union des Comores vers Mayotte et La Réunion, de La Réunion vers la France hexagonale, des espaces insulaires sénégalais vers des zones moins enclavées, et des espaces maritimes aux espaces terrestres dans le nord de l’Hexagone. Ils étudient différents moments et espaces de la mobilité, allant de la prise de décision du départ au retour dans le lieu de résidence habituelle, en passant par l’organisation des déplacements et la vie pendant la période de mobilité (hébergement, relations affectives, etc.). Ils analysent également des déplacements de personnes liés à des situations d’urgence (accouchement, noyade) ou bien au recours à des pratiques biomédicales spécifiques (opération de malformations cardiaques congénitales, traitements contre le cancer, allogreffe de cellules souches hématopoïétiques).

6Dans cette introduction, après avoir resitué l’étude des transferts et évacuations sanitaires dans le champ des mobilités thérapeutiques, nous interrogeons la place des États dans l’organisation et le financement des dispositifs étudiés. En nous appuyant sur les contributions des auteur·rice·s et nos propres recherches en cours en Océanie (Servy, 2022) et dans l’océan Indien (Pourette, 2023), nous nous intéressons au déroulement et aux expériences de ces dispositifs. Nous émettons notamment des hypothèses quant aux particularités des mobilités thérapeutiques des personnes malades ou en danger lorsqu’elles sont institutionnalisées par l’État. Ces hypothèses concernent en particulier le gouvernement des mobilités et des corps, ainsi que la diminution et le renforcement des inégalités socio-territoriales à travers ces dispositifs.

Des mobilités thérapeutiques parmi d’autres

7Depuis la parution en 2019 d’un numéro spécial de la revue Mobilities, coordonné par les géographes Heidi Kaspar, Margaret Walton-Roberts et Audrey Bochaton (2019), un nombre croissant de publications en sciences humaines et sociales font usage de la notion de therapeutic mobilities, traduite en français par « mobilités thérapeutiques ». Ces travaux portent par exemple sur les évacuations maritimes ou aériennes de personnes atteintes de cancer, depuis leur île de résidence vers Tahiti ou de Tahiti vers la France hexagonale ou la Nouvelle-Zélande (Servy, 2022), sur les transferts de patient·e·s nécessitant une greffe de La Réunion vers Paris (Franchina et al., 2022), sur les mobilités de tests de diagnostic et de migrant·e·s entre la Pologne et le Royaume-Uni (Troccoli et al., 2022), sur la circulation de plantes médicinales entre le Laos et les États-Unis (Bochaton et al., 2020) ou sur les expériences de femmes africaines amenées à voyager de leur propre initiative en Hexagone pour la prise en charge d’un cancer du sein (Ludet et al., 2023). Il peut ainsi s’agir de mobilités relativement autonomes (Bochaton et al., 2020 ; Troccoli et al., 2022 ; Ludet et al., 2023) ou de dispositifs étatiques (Franchina et al., 2022 ; Servy, 2022 ; Pourette, 2023) comme ceux qui font l’objet de ce numéro.

8Si ces recherches sur les mobilités thérapeutiques concernent principalement les circulations de personnes, d’autres travaux se sont plutôt intéressés aux mobilités des soignants (Faye, 2011 ; Vasilcu, 2014), des messages de prévention (Servy, 2020), des pratiques thérapeutiques (Hoyez, 2004 ; Pordié, 2011) ou encore de médicaments biomédicaux (Baxerres & Bureau, 2018). Ces publications ne recourent toutefois pas toujours à la notion de mobilités thérapeutiques qui nous intéresse ici. De même, de nombreuses recherches sur les circulations (trans)nationales de personnes en quête de diagnostics et de soins font usage de notions plus spécifiques, telles que « mobilité reproductive » (Duchesne & Bonnet, 2014), « parcours de soin » (Besle et al., 2019), « itinéraires thérapeutiques » (Faria, 2016), « migrations médicales » (Roberts & Scheper-Hugues, 2011), « tourisme médical » (Connell, 2015a) ou « voyage médical » (Kangas, 2007 ; Sobo, 2015).

  • 3 Notre traduction de « therapeutic mobilities consist of multiple movements of health-related things (...)

9Dans le numéro spécial de la revue Mobilities, les therapeutic mobilities sont définies, de manière englobante, comme les « multiples mouvements de personnes et d’entités liées à la santé y compris, mais sans s’y limiter, les infirmier·ère·s, les médecins, les patient·e·s, les récits, les informations, les dons [en plantes médicinales, médicaments biomédicaux, etc.] et les produits pharmaceutiques3 » (Kaspar et al., 2019 : 1). Avant la parution de ce numéro, la littérature en sciences humaines et sociales présentait principalement les mobilités thérapeutiques, de manière restrictive, comme la circulation de personnes. Pour l’anthropologue Juliette Sakoyan (2012 : 1), ces mobilités désignent par exemple « les conditions dans et par lesquelles des personnes recourent à des structures de soins délocalisées ». Dans ce numéro d’Anthropologie & San, nous nous inscrivons dans une définition large des mobilités thérapeutiques pour plusieurs raisons.

10Cette conception englobante des therapeutic mobilities permet d’abord d’élargir la focale. Elle prend en considération les autres personnes que les malades (parents, accompagnateur·rice·s, bénévoles, aidant·e·s, professionnel·le·s de santé), ainsi que les objets, les idées, les pratiques (Sakoyan et al., 2011) ou le matériel biologique (fragment d’organe, sang, cellule) qui circulent parallèlement (ou non) aux personnes malades ou en danger. L’étude des mobilités thérapeutiques s’inscrit en effet dans le tournant ou le paradigme des nouvelles mobilités (mobility turn ou new mobilities paradigm) qui est centré sur l’étude des enchevêtrements entre les mouvements de personnes, d’informations, d’images et d’objets (Sheller & Urry, 2006). Dans le cadre des mobilités thérapeutiques, cela consiste à penser ensemble les différents types de mobilités qui se rapportent à la préservation de la santé ou au traitement des maladies (Kaspar et al., 2019). Il s’agit ainsi de s’intéresser tout à la fois aux interactions entre les circulations d’humain·e·s (soigné·e·s, soignant·e·s, aidant·e·s), de non-humain·e·s (Dieu, agents pathogènes, animaux), de sujets animés (personnes, esprits), d’entités non animées (médicaments, scanner, IRM), de pratiques (techniques, habitudes), d’idées (savoirs, représentations, normes, référentiels), etc. Dans ce numéro, Ibrahima Demba Dione, Jean-Alain Goudiaby et Fatoumata Hane évoquent par exemple le fait qu’au Sénégal, l’immobilité des médicaments et des équipements engendre le besoin de mobilité des femmes enceintes et des personnes malades. Dans son article sur un programme permettant à des enfants togolais et béninois d’être opérés du cœur dans des hôpitaux en Suisse, Carla Vaucher mentionne, quant à elle, la mise en œuvre de missions chirurgicales dans les pays bénéficiaires du dispositif et de formations de personnels (échanges, stages) à la fois sur place et en Suisse. Aucun des cinq articles de ce numéro ne prend cependant réellement pour objet d’étude les imbrications entre les déplacements de personnes malades ou dont la vie est en danger et les mouvements d’autres personnes ou d’entités liées à la santé. De la même manière, les articles de ce numéro analysent surtout les expériences des personnes malades ou en danger, plus que celles des autres acteur·rice·s des évacuations et transferts sanitaires (parents, accompagnateur·rice·s, bénévoles, aidant·e·s, professionnel·le·s de santé). Le texte de Chloé Tisserand s’intéresse néanmoins aussi aux sauveteurs, aux acteurs associatifs et aux bénévoles intervenant auprès de personnes naufragées dans la Manche. Elle montre notamment comment ils et elles ont adapté leurs pratiques à un phénomène récent et grandissant de franchissement illégal de la frontière maritime entre la France et l’Angleterre. Dans un tout autre contexte, le texte de Carla Vaucher évoque les difficultés rencontrées par les soignant·e·s suisses pour communiquer avec les enfants ouest-africains, pour les comprendre et pour connaître l’histoire de leur maladie, leurs trajectoires et leurs conditions de vie, dans un contexte où ils ne sont pas accompagnés de leurs parents. Ces soignant·e·s ont aussi conscience de la situation injuste dans laquelle se trouvent ces enfants malades. Ils et elles développent alors des pratiques « compensatoires » en leur accordant des « petits privilèges » : tendresse, demandes spéciales (comme ne pas les « piquer » pour rien), autorisation de sortie, accompagnement à la cafétéria, cadeaux, etc. Il leur est parfois difficile de tenir leur posture professionnelle et de ne pas s’attacher aux enfants.

11L’usage du terme « mobilité », en tant que ce qui se déplace ou peut être déplacé par rapport à un lieu et dans le temps, permet ensuite de mettre en avant la présence ou bien l’absence d’agentivité (agency en anglais), autrement dit de capacité d’agir, des personnes ou des entités en mouvement. Un transfert ou une évacuation sanitaire peut en effet impliquer plus ou moins de libertés et de prises de décisions individuelles. Peter Adey (2024 : 5-7) avance que l’expression « être évacué » témoigne d’une agency extérieure qui met la personne en sécurité. Ceci est le cas des sauvetages en mer étudiés par Chloé Tisserand dans ce numéro. Certaines personnes peuvent néanmoins « s’auto-évacuer » ou « s’auto-évasaner », entreprendre seules ces déplacements, tels les malades comoriens se rendant clandestinement à Mayotte, présentés par Anne Vega dans ce dossier. D’autres personnes – ou les mêmes personnes, mais à d’autres moments – peuvent également refuser d’être déplacées, comme certain·e·s patient·e·s réunionnais·es devant subir une allogreffe en Hexagone, rencontré·e·s par Loreley Franchina et Aline Sarradon-Eck. Le terme « mobilité » met par ailleurs l’accent sur la dimension spatio-temporelle des déplacements et la nécessité d’historiciser les espaces de mobilités. Comme nous le verrons plus bas, il s’agit par exemple de prendre en compte les histoires coloniales et les politiques migratoires qui marquent, façonnent, régissent ou contraignent ces mouvements historiquement et spatialement situés (Sakoyan, 2010).

12L’utilisation du concept de mobilité permet également de souligner que ces déplacements ne constituent pas toujours des trajectoires unidimensionnelles ou clairement balisées entre des points de départ et d’arrivée. Les déplacements sont souvent complexes, multiples et divers. Ils peuvent avoir lieu à l’intérieur d’un même ensemble national, mais aussi entre plusieurs pays ou continents. Ce point est particulièrement bien illustré dans l’article d’Anne Vega portant sur les mobilités thérapeutiques en océan Indien qui concerne des déplacements entre les Comores, Mayotte, La Réunion, mais aussi parfois en Hexagone, en Tanzanie et à Madagascar. Les mobilités thérapeutiques s’inscrivent dans le cadre de la mondialisation contemporaine ou globalisation, c’est-à-dire, de la prolifération des flux de personnes, de biens, de capitaux, d’informations, de normes, d’idées et de représentations à travers le monde (Corboz, 2009). Tandis que les mouvements de personnes et d’entités liées à la santé ‒ tels que les déplacements des Européen·ne·s ou des Américain·e·s vers les sanatoriums pratiqués dès le xixe siècle ‒ ne sont pas des phénomènes nouveaux (Sakoyan et al., 2011), les coordinatrices du numéro spécial de Mobilities indiquent que la circulation transnationale du matériel biomédical, des patient·e·s, des aidant·e·s, des soignant·e·s, des produits thérapeutiques est de plus en plus courante dans de nombreuses parties du monde (Kaspar et al., 2019).

13La notion de mobilités thérapeutiques permet enfin de dépasser l’opposition entre « tourisme médical » (Wilson, 2011 ; Holliday et al., 2015) et « immigration thérapeutique » (Guillou, 2009). Cette distinction est par exemple souvent effectuée en France par les médias ou les professionnel·le·s d’organisations publiques, en faisant référence aux statuts socio-économiques (supposés) des personnes et à la légitimité juridique de leur quête transnationale de soins, du point de vue du pays d’accueil (Pian, 2015 ; Geeraert, 2016). Or, ces catégories ne reflètent pas la diversité des personnes qui reçoivent des soins en dehors de leur lieu de résidence habituel (Perez, 2010 ; Connell, 2015b ; Ormond & Lunt, 2019), ni le fait qu’elles ne se définissent pas nécessairement comme des « consommateur·rice·s », des « voyageur·se·s », des « touristes » ou des « migrant·e·s ».

14L’utilisation du terme « thérapeutique », accolé à celui de « mobilité », met en avant, quant à elle, la primauté de la préservation de la santé ou du traitement des pathologies. Il s’agit de considérer des circulations dont la fonction principale est le maintien ou le retour d’un « bien-être physique, mental et social » (OMS, 1946 : 1). Cela inclut les circulations de personnes et d’entités liées à la biomédecine ‒ qui utilise des connaissances des sciences biologiques ‒, mais aussi à d’autres pratiques et systèmes visant à prévenir ou traiter les maladies (ayurvéda, homéopathie, magnétisme, sport santé, spas, etc.). Le terme « thérapeutique » est ainsi plus englobant que le terme « médical » qui fait lui uniquement référence à la biomédecine. Bien que les transferts et évacuations sanitaires étudiés dans ce numéro soient des dispositifs biomédicaux, les personnes en mobilité peuvent, dans certains cas, profiter de leur séjour dans un autre pays ou territoire pour consulter des spécialistes d’autres médecines (coupeur de feu, marabout, médecine chinoise) et avoir accès à d’autres formes de traitements (plantes médicinales, eau bénite). C’est par exemple le cas de certaine·s patient·e·s vivant avec un cancer évacué·e·s de leur île de résidence vers Tahiti ou de Tahiti vers l’Hexagone (Servy, 2022). Dans ce numéro, seul l’article d’Ibrahima Demba Dione, Jean-Alain Goudiaby et Fatoumata Hane sur le Sénégal évoque la médecine dite « traditionnelle », en la présentant comme une alternative à l’évacuation.

15Cela étant dit, les mouvements de personnes et d’entités en lien avec la santé impliquent bien évidemment d’autres dimensions que celles thérapeutiques. Elles peuvent être aussi d’ordre économique, familial, touristique, politique, etc. Nous avons en effet à l’esprit que les mobilités dites thérapeutiques, tout comme les migrations (Izambert, 2022), sont des phénomènes complexes, dont les motivations sont rarement réductibles à une seule variable.

Les rôles variés des autorités étatiques

16Les dispositifs institutionnels de mobilités thérapeutiques de personnes malades ou en danger, qui font l’objet de ce numéro, sont appelés « évacuation sanitaire » (abrégée « évasan »), « medical evacuation » (abrégée « medevac »), « évacuations aéromédicales » ou « transferts sanitaires » par exemple. En fonction des contextes géographiques et historiques, ces termes émiques peuvent désigner des réalités différentes, eu égard au type de prise en charge par l’État notamment. Issue du langage militaire d’Europe du Nord, l’évacuation sanitaire désignait à l’origine uniquement l’extraction de blessé·e·s de guerre par voie aérienne, terrestre ou navale et leur transfert vers un lieu de prise en charge médicale, par les services de l’armée (Rajerison, 2022 ; Adey, 2024). L’expression s’est ensuite étendue aux évacuations effectuées dans d’autres contextes d’urgence sanitaire, comme le secours en montagne effectué en Hexagone par les compagnies républicaines de sécurité (CRS montagne), les sapeurs-pompiers ou les pelotons de gendarmerie de haute montagne. Il s’agit alors d’évacuer la personne blessée ou nécessitant des soins urgents du lieu où elle se trouve pour la conduire vers un lieu où elle sera prise en charge médicalement. Le transfert sanitaire désigne souvent, quant à lui, le transfert d’un·e patient·e entre deux établissements de santé. Dans certains pays, comme au Burkina Faso (Ouédraogo, 2006) ou au Sénégal (Dione, Goudiaby et Hane, dans ce numéro), l’expression évacuation sanitaire est néanmoins localement employée pour désigner « la référence » – référer un·e patient·e –, c’est-à-dire le transfert de patient·e·s d’une structure de santé à une autre, en respectant la pyramide sanitaire. L’expression évacuation sanitaire est également parfois utilisée pour parler des transferts ou des déplacements « non urgents » de patient·e·s, comme c’est le cas en Polynésie française (Servy, 2022) ou à Mayotte (Lotte Hoareau et al., 2023). Le terme « évasan », pourtant issu des dispositifs institutionnels, peut en outre être employé par les personnes concernées elles-mêmes sans faire référence à ce type de dispositifs. Nous avons vu plus haut que des ressortissants comoriens utilisent ainsi les expressions « s’évasaner » ou « s’auto-évasaner » pour désigner l’organisation d’un déplacement clandestin vers Mayotte (Vega, dans ce numéro).

17Les textes reçus par la revue Anthropologie & Santé pour ce dossier ne portent pas tous sur des dispositifs étatiques, ni exactement sur le rôle de l’État en la matière. Néanmoins, ils permettent, en creux, d’interroger la place des autorités étatiques et leurs manquements dans l’organisation et le financement des mobilités thérapeutiques de personnes malades ou en danger ; ce que nous souhaitons souligner à présent pour chacun des cinq articles du dossier.

18Le premier article, écrit par Loreley Franchina et Aline Sarradon-Eck, porte sur l’expérience de patient·e·s réunionnais·es nécessitant des traitements de haute technicité impliqué·e·s dans des « mobilités thérapeutiques ultramarines » entre La Réunion et l’Hexagone. La place de l’État dans ce dispositif est particulièrement prégnante. La Sécurité sociale française prend en effet en charge la totalité des traitements biomédicaux, mais aussi le vol aller-retour, les trajets terrestres, l’hébergement en foyer ou dans un centre de réadaptation en période de post-greffe. Il est par ailleurs recommandé que les patient·e·s subissant une allogreffe soient accompagné·e·s par un·e aidant·e. Les frais de voyage et d’hébergement en foyer de l’accompagnateur·rice sont pris en charge par le département de La Réunion. Les transports terrestres et les repas restent cependant généralement à la charge de cette personne aidante.

19Dans le deuxième article, Anne Vega étudie les déplacements sanitaires de personnes souffrant de cancers depuis les îles indépendantes de l’Union des Comores vers les départements français de Mayotte et de La Réunion. Elle évoque deux dispositifs d’évacuations sanitaires impliquant l’État français : le dispositif « entravé », qui devrait permettre aux personnes comoriennes résidant aux Comores de partir en évacuation sanitaire vers Mayotte, et le dispositif permettant le transfert sanitaire de Mayotte vers La Réunion. L’accès au premier dispositif est néanmoins très restrictif, ce qui pousse les personnes à tenter la traversée clandestine et dangereuse vers Mayotte à leurs frais.

20Le troisième article d’Ibrahima Demba Dione, Jean-Alain Goudiaby et Fatoumata Hane fait état de la situation d’enclavement des populations vivant dans les espaces insulaires sénégalais, plus précisément dans les îles du Saloum de la région de Fatick et les îles du Bliss-Kassa en Casamance. Du fait de l’absence de structures sanitaires sur place, les personnes malades ou en danger doivent recourir à des évacuations sanitaires effectuées en pirogue. Si le dispositif d’évacuation sanitaire fait partie d’un programme national, le transport de ces personnes, effectué dans les îles, n’est pas pris en charge par l’État. Ce sont des ONG, des associations, des membres de la diaspora ou les populations locales qui financent les pirogues et les piroguiers, ainsi que les ambulances stationnées sur la terre ferme, en répercussion des incohérences dans les stratégies d’aménagement sanitaire.

21Dans un tout autre contexte, le quatrième article, proposé par Chloé Tisserand, explore l’action de l’État français à travers le dispositif de secours et d’assistance en mer de la sécurité civile, à partir de l’analyse d’opérations de sauvetage de personnes exilées dans la Manche. L’autrice montre notamment en quoi la gestion des moyens logistiques (transport, sauvetage) révèle une distribution inégale entre les moyens mobilisés en mer et ceux mobilisés à terre. Elle constate que l’État ne propose pas de prise en charge médicale et psychologique aux naufragés. Ce sont des associations qui se chargent de les accompagner vers les soins biomédicaux.

22Dans le cinquième et dernier article de ce numéro, Carla Vaucher analyse un programme permettant à des enfants togolais et béninois d’être opérés du cœur dans des hôpitaux en Suisse. S’il s’agit d’un dispositif qui est institutionnel, puisqu’il est mis en place et financé par une ONG d’aide à l’enfance, il n’est pas réellement étatique. L’État suisse y contribue néanmoins financièrement via le « budget humanitaire » alloué aux établissements de santé. Depuis 2011, les deux hôpitaux suisses partenaires du dispositif offrent ainsi la « gratuité » des soins – comprenant les opérations, hospitalisations et examens biomédicaux – à l’ONG. Le but est de venir en aide à davantage d’enfants ouest-africains, tout en permettant aux chirurgiens et aux cardiologues suisses de gagner en expertise, parce que les interventions deviennent plus nombreuses, mais aussi plus complexes, du fait de la prise en charge relativement tardive de ces malformations.

23Les cinq articles de ce numéro s’intéressent donc à des dispositifs institutionnels dans lesquels le rôle des États, par rapport notamment à l’organisation et au financement de ces mobilités, est très variable : il se manifeste par l’élaboration principalement théorique d’un programme d’évacuation sanitaire au Sénégal, jusqu’à la prise en charge pratique quasiment totale dans le cas des patient·e·s réunionnais·es allogreffé·e·s en Hexagone. Le trait commun à l’ensemble de ces contributions est cependant de montrer que le fonctionnement des dispositifs étudiés repose en partie sur l’intervention d’autres acteur·rice·s que les institutions étatiques, telles que des ONG ou des associations. Ceci permet notamment d’interroger la frontière présentée plus haut, entre dispositif étatique et non étatique, et plus largement entre mobilités thérapeutiques institutionnelles versus autonomes.

Gouverner les mobilités des personnes malades ou en danger

24Les déplacements de personnes et d’entités liées à la santé, qu’ils soient ou non organisés ou financés par des États, sont marqués, permis ou contraints par les contextes géographiques, politiques, économiques, législatifs et historiques dans lesquels ils s’inscrivent. Dans un précèdent numéro d’Anthropologie & Santé, Sylvain Landry Faye (2011) explique par exemple qu’à Dakar, les « tradithérapeutes » étrangers, venant d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, se sont installés dans la capitale du Sénégal du fait de son attractivité liée à l’histoire coloniale. Au temps de l’Afrique occidentale française (AOF), les services administratifs et les activités industrielles et informelles ont en effet été centralisés à Dakar, ce qui impacte par exemple encore l’accès aux soins dans les espaces insulaires sénégalais étudiés dans le troisième article de ce numéro. Dans un autre contexte, le traité de Maastricht de 1992 a instauré la libre circulation des personnes, dont les patient·e·s, en Union européenne (Filhon, 2012). Ce principe permet par exemple à des femmes ayant dépassé le délai légal français d’interruption volontaire de grossesse – actuellement de 14 semaines – de traverser la frontière espagnole pour avorter, jusqu’à leur 22semaine de grossesse. Au Bénin et au Ghana, Carine Baxerres, Adolphe Codjo Kpatchavi et Daniel Kojo Arhinful (2021) montrent quant à eux que les médicaments originaires – ou supposés être originaires – des pays colonisateurs sont plus valorisés par les consommateurs et les distributeurs que les médicaments fabriqués sur place ou dans les pays voisins. La demande pour un médicament y dépend de l’équilibre entre sa « qualité subjective » – déterminée notamment par sa provenance – et le prix jugé accessible par les consommateur·rice·s.

25Dans le cas des dispositifs institutionnels que nous questionnons dans ce dossier, les mobilités de personnes malades ou en danger ne sont pas simplement modelées par leur contexte, mais peuvent être complètement gouvernées par les institutions étatiques. En fonction des rôles des États dans l’organisation et le financement de ces mobilités, les personnes peuvent en effet avoir une marge de manœuvre relativement faible par rapport au déroulement de leur transfert ou de leur évacuation sanitaire. Une fois que les personnes malades ou en danger ont accepté d’entrer dans un dispositif institutionnel, ce sont les autorités en charge de la santé publique ou des services d’urgence qui décident souvent du déroulement de ces mobilités. Les personnes peuvent être « prises » dans ces dispositifs. Dans leur article, Loreley Franchina et Aline Sarradon-Eck indiquent qu’après avoir subi une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques, les personnes réunionnaises opérées en Hexagone sont par exemple contraintes d’y demeurer pendant dix semaines, afin de rester sous surveillance médicale étroite. Du fait du partenariat du Centre hospitalier universitaire (CHU) réunionnais avec l’hôpital parisien Necker, nous pouvons également émettre l’hypothèse que les patient·e·s réunionnais·es n’ont pas leur mot à dire par rapport à la destination de l’évacuation sanitaire. De même, au Sénégal, le programme national d’évacuation sanitaire, décrit par Ibrahima Demba Dione, Jean-Alain Goudiaby et Fatoumata Hane, implique théoriquement que le patient évacué ne peut pas choisir dans quel hôpital il se rend, ce qui conduit notamment les personnes à contourner ce dispositif. Dans l’article de Chloé Tisserand, les exilés naufragés ne peuvent également pas décider de leur moyen de transport (hélicoptère, bateau) ni du côté de la Manche où ils seront débarqués par la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). Les enfants ouest-africains et leurs familles, rencontrés par Carla Vaucher, ne peuvent eux non plus ni choisir l’hôpital dans lequel ils seront opérés, ni la durée de leur séjour en Suisse, ni s’ils souhaitent ou non être accompagnés par un proche.

26À la lecture des articles de ce numéro, nous pouvons supposer que le manque de libertés des personnes par rapport au déroulement de leur transfert ou de leur évacuation sanitaire est lié à différentes raisons. Tout d’abord, nous pourrions dire que les institutions peuvent piloter ces mobilités à des fins thérapeutiques. Les autorités en charge de la santé publique ou des services d’urgence décident par exemple d’envoyer les patient·e·s dans un établissement de santé en fonction des appareils disponibles (comme le TEP scan, c’est-à-dire le tomographe à émission de positons, utilisé en Nouvelle-Zélande auprès de patient·e·s de Polynésie française) ou des actes biomédicaux qui peuvent y être réalisés (allogreffe de personnes réunionnaises effectuée en Hexagone, chirurgie cardiaque faite en Suisse pour des enfants ouest-africains). La dimension thérapeutique ne peut cependant à elle seule expliquer comment ces autorités sélectionnent les pays, les établissements de santé, les périodes, les durées, les pathologies, la possibilité de bénéficier d’un·e accompagnateur·rice, voire les personnes malades ou en danger à soigner ou à secourir. Des raisons financières, organisationnelles, stratégiques, linguistiques, éthiques, historiques ou politiques entrent en effet également en ligne de compte. Ainsi, ne pas prendre en charge les déplacements et l’hébergement d’un·e accompagnateur·rice pour un enfant ouest-africain devant subir une chirurgie cardiaque en Suisse (Vaucher dans ce numéro), envoyer un patient polynésien en Hexagone plutôt qu’aux États-Unis parce que les traitements des cancers y sont moins onéreux, ou encore maintenir entre deux rendez-vous médicaux une personne des îles Marquises à Tahiti pour ne pas financer un billet d’avion aller-retour supplémentaire (Servy, 2022), permet par exemple de diminuer les coûts des dispositifs.

27Les manières dont les institutions étatiques gouvernent les déplacements des personnes évacuées ou transférées semblent en particulier fortement liées aux histoires (post)coloniales et aux politiques migratoires. Plusieurs articles de ce numéro font par exemple état de la centralisation des soins de plus haute technicité en Hexagone ou dans d’anciennes capitales coloniales. C’est le cas de l’article de Loreley Franchina et Aline Sarradon-Eck qui étudie la prise en charge à Paris des patient·e·s réunionnais·es nécessitant une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Anne Vega montre quant à elle que l’évolution des accords et des désaccords entre l’Union des Comores et la France ont rendu caduc le dispositif d’évacuation sanitaire entre les Comores et Mayotte. En outre, l’application de politiques migratoires très restrictives limite fortement les possibilités d’accéder à des évacuations sanitaires vers La Réunion pour les Comoriens vivant à Mayotte ou arrivés récemment à la recherche de soins (Vega, dans ce numéro). Dans son article, Carla Vaucher avance pour sa part que si les enfants ouest-africains hospitalisés en Suisse ne sont pas autorisés à être accompagnés de leurs parents, ce n’est pas seulement dû à des raisons financières, mais également à la crainte que la famille cherche à rester sur le territoire.

28Les contributions de ce dossier soulignent par ailleurs que les personnes dont l’accès aux soins est permis grâce à ces dispositifs de mobilité thérapeutique n’en sont pas les seules bénéficiaires. Les États tirent aussi des bénéfices de ces dispositifs qu’ils contribuent, entièrement ou partiellement, à planifier et mettre en œuvre. L’article de Carla Vaucher montre combien la prise en charge d’enfants béninois et togolais en Suisse permet aux équipes médicales de se maintenir à un haut niveau d’expertise reconnue à l’échelle internationale. Ce sont les professionnels de santé, l’institution hospitalière, mais aussi les populations suisses qui profitent des retombées du dispositif de prise en charge d’enfants africains. Ce même mécanisme est mentionné dans l’article d’Anne Vega lorsqu’elle évoque le fait que la prise en charge de cancers « rares » de patient·e·s arrivé·e·s à La Réunion en évacuation sanitaire profite à l’hôpital, d’un point de vue financier et pour favoriser l’expertise des soignant·e·s. Dans d’autres contextes, des dispositifs de transfert ou d’évacuation médicale ont été mis en œuvre pour renforcer le pouvoir colonial et assujettir les populations locales. C’est notamment le cas du « colonialisme médical » tel qu’il a été conduit au Canada à travers les évacuations aéromédicales des populations autochtones, qui visaient notamment à séparer les familles à des fins assimilationniste et génocidaire (Shaheen-Hussain, 2020).

29En s’appuyant sur les travaux du géographe Peter Adey (2015, 2024), nous pouvons émettre l’hypothèse que les transferts et évacuations sanitaires, gérés par des autorités étatiques, sont des moyens pour celles-ci de gouverner les corps des personnes malades ou en danger, et plus globalement, de gérer les populations. Avec l’article de Carla Vaucher, nous voyons qu’un dispositif institutionnel non étatique, mis en œuvre par une ONG, et que l’on pourrait rapprocher de l’aide au développement, peut également contribuer au gouvernement des corps et des populations (Fassin & Memmi, 2004). Par ailleurs, nous ne nions pas que les personnes qui se déplacent dans le cadre de mobilités thérapeutiques autonomes puissent manquer d’agency, notamment du fait de contraintes administratives, financières ou familiales, auxquelles font face des femmes africaines venues soigner leur cancer du sein en Hexagone par exemple (Ludet et al. 2023). Néanmoins, nous avançons que les dispositifs étatiques se trouvent plutôt à l’extrémité du continuum du gouvernement des corps des personnes malades ou en danger par une agency extérieure. Dans ce sens, Peter Adey (2024 : 11) écrit que « l’évacuation est peut-être l’une des choses les plus illibérales que nous puissions entreprendre, car nous nous arrachons ou sommes arrachés à nos liens avec le lieu, la maison, les réseaux et les relations sociales, familiales et même inter-espèces, déstabilisant les attachements tandis que de nouveaux, imprévisibles, peuvent être créés ». Tout comme les politiques d’aide humanitaire (Fassin, 2010 ; Ticktin, 2011 ; Huschke, 2014), les dispositifs institutionnels étudiés dans ce numéro participent à perpétuer les inégalités en maintenant les bénéficiaires dans des positions d’impuissance ou de victimes ou bien en limitant l’accès aux dispositifs à certaines populations privilégiées.

Atténuer et créer des inégalités socio-territoriales

  • 4 Article L1411-1 du Code de la santé publique, https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIA (...)

30Les mobilités thérapeutiques, qu’elles relèvent de décisions et de trajectoires autonomes ou qu’elles s’inscrivent dans un dispositif institutionnel, s’enracinent dans des contextes locaux et globaux d’inégalités d’accès aux diagnostics et aux soins. Les dispositifs institutionnels de transfert ou d’évacuation sanitaire étudiés dans ce dossier sont mis en œuvre afin de réduire ces inégalités d’accès aux diagnostics, aux soins et au secours. En France, ces dispositifs étatiques sont conçus pour assurer « l’accès effectif de la population à la prévention et aux soins » imposé par le Code de la santé publique4, dans un contexte d’inégalités territoriales en matière d’offre de soins – dues notamment à la répartition des moyens, des personnels et des équipements médico-techniques (Lotte Hoareau et al., 2023). Ces dispositifs permettent ainsi à l’État français d’assurer une continuité territoriale des soins entre l’Hexagone et les différentes régions ultramarines. À ce titre, ils sont accessibles à toute personne nécessitant des soins non disponibles sur place, quelles que soient sa nationalité et sa situation administrative vis-à-vis de sa présence sur le territoire (en situation « régulière » ou non) ou de son affiliation à la Sécurité sociale. Ainsi, dans les outre-mer et en Corse, toutes les personnes qui ont besoin de soins biomédicaux non disponibles sur leur lieu de résidence peuvent théoriquement bénéficier d’une évacuation sanitaire. Ces dispositifs étatiques contribuent d’une certaine manière à diminuer les inégalités par rapport à des situations de mobilités transfrontalières autonomes, où les mouvements de personnes malades ou en danger reposent principalement sur les réseaux, les capitaux financiers et la connaissance préalable du pays d’accueil par les personnes ou leur entourage (Bochaton, 2015 ; Mathon et al., 2019).

31Nos travaux ainsi que les textes présentés dans ce dossier montrent cependant que dans les faits, la mise en œuvre de ces dispositifs repose sur un certain nombre de contraintes, liées aux situations d’urgence médicale, au flux de patients nécessitant une prise en charge, aux disponibilités des moyens de transport et des équipes médicales, qui tendent à perpétuer les inégalités. Ce « contexte contraint » (Lotte Hoareau et al., 2023) aboutit notamment au fait que toutes les personnes qui en auraient besoin ne parviennent pas à bénéficier des dispositifs. La nécessité de sélectionner les personnes qui accéderont au dispositif de mobilité thérapeutique amène les acteurs qui le mettent en œuvre à effectuer une opération de triage, reposant sur des critères biomédicaux, mais aussi sur des évaluations morales, sociales et affectives (Lachenal et al., 2014). Par exemple, l’article de Chloé Tisserand dans ce numéro montre que les secours en mer dans la Manche priorisent les enfants, les femmes, les personnes âgées, puis les personnes blessées. Dans ce contexte, c’est le critère de la vulnérabilité physique qui est pris en compte. Dans leur article sur le Sénégal, Ibrahima Demba Dione, Jean-Alain Goudiaby et Fatoumata Hane mettent en évidence que le dispositif étatique d’évacuation sanitaire est en lui-même inégalitaire puisqu’il est peu opérationnel pour prendre en charge les populations insulaires, en raison d’un aménagement sanitaire incohérent compte tenu des conditions réelles de déplacement en pirogue. De ce fait, les populations locales gèrent elles-mêmes leur évacuation vers des postes de santé accessibles, même s’ils ne relèvent pas de leur district sanitaire de référence, avec l’appui d’associations et de partenaires internationaux.

32Les articles montrent également que les dispositifs impliquant plusieurs États tendent à privilégier certaines populations. Ainsi, s’agissant d’un dispositif officiel d’évacuation sanitaire entre l’Union des Comores et le département français de Mayotte, Anne Vega montre combien il est caduc et qu’il n’est dans les faits accessible qu’aux personnes proches du gouvernement comorien. Dans un autre contexte, Carla Vaucher souligne que les enfants béninois et togolais n’ont pas tous le même accès au dispositif de mobilité thérapeutique vers la Suisse : cet accès relève notamment de la possibilité qu’ils ont de faire diagnostiquer leur pathologie, ainsi que de la proximité géographique et sociale de leur famille avec des membres de l’ONG organisant ces transferts. Si ces dispositifs interviennent pour réduire les inégalités d’accès aux soins, ils instaurent à leur tour des inégalités entre les personnes qui peuvent y accéder et celles qui ne le peuvent pas.

33En outre, ils peuvent aussi créer des inégalités entre les personnes qui bénéficient de ces dispositifs. Par exemple, l’expérience d’une évacuation sanitaire n’est pas la même en fonction des capitaux sociaux, économiques et du « savoir migrer » des personnes (Sakoyan, 2012). Le déracinement, le rapport aux soins et aux soignants ne seront pas les mêmes pour une personne qui a l’habitude de voyager, qui parle la même langue que les professionnel·le·s de santé, qui a des proches pouvant lui rendre visite, et pour une personne qui n’a jamais pris l’avion et qui ne maîtrise pas les codes sociaux et langagiers de la région ou du pays où les soins sont dispensés. En Polynésie française, Alice Servy (2022) note que les expériences des évacuations sanitaires des patient·e·s atteint·e·s de cancer sont influencées par des « savoir-être » et des « savoir-faire » particuliers, inégalement répartis dans les populations. Ces compétences sont d’ordre administratif (savoir réserver un billet d’avion, faire une demande d’aide sociale), logistique (prendre les transports en commun, se repérer dans une ville, organiser sa vie familiale et professionnelle en son absence, trouver des vêtements chauds), social (rester en contact avec ses proches, mobiliser son réseau, vivre en collectivité dans une structure d’accueil, négocier une date d’évacuation sanitaire), technologique (conduire une voiture, utiliser un téléphone portable, surfer sur Internet, échanger sur un forum de patient·e·s) ou encore linguistique (parler français en Hexagone, anglais en Nouvelle-Zélande) (Servy, 2022).

  • 5 L’hospitalisme est un état dépressif avec régression physique et psychique qui se manifeste chez ce (...)

34La possibilité d’être accompagné.e ou non pendant sa mobilité constitue un facteur important de différenciation des trajectoires (Béliard & Pourette, 2024). Alors que certains dispositifs prévoient la prise en charge financière d’un.e accompagnateur·rice agréé·e, toutes les personnes malades ou en danger ne peuvent en bénéficier, et parfois au sein d’un même dispositif, en lien avec des critères d’âge, de pathologie ou d’état de santé général (Servy, 2022). Mais ces critères sont évalués au cas par cas, comme le montrent nos recherches en cours. Le dispositif d’évacuation sanitaire entre Mayotte et La Réunion, par exemple, prévoit que tout enfant de moins de 16 ans puisse être accompagné par un parent. Cependant, dans les faits, seulement 40 % des enfants ont pu en bénéficier en 2021 (Lotte Hoareau et al., 2023). Le manque de ressources financières de la famille, l’impossibilité de faire garder les autres enfants à Mayotte, l’absence d’un parent ou d’un tuteur légal, ou encore l’absence de solution d’hébergement pour l’accompagnateur·rice à La Réunion expliquent que de nombreux enfants partent seuls (Bahuaud et al., 2024). Cette situation d’éloignement familial a des effets délétères pour la réussite des soins, avec notamment le risque de développer un syndrome d’hospitalisme5 lorsque les séjours sont longs. Il s’agit en outre d’une pratique contraire aux recommandations de la pédiatrie contemporaine, qui met en avant les bienfaits de l’accompagnement parental des enfants hospitalisés (Mougel, 2009). Cet exemple illustre bien la manière dont les dispositifs institutionnels contribuent à la fois à créer de nouvelles inégalités et à diminuer ou creuser des inégalités préexistantes. Cette dualité entre l’atténuation et la création d’inégalités semble d’ailleurs inhérente à ces dispositifs et contribue peut-être à caractériser les mobilités thérapeutiques institutionnelles par rapport aux mobilités autonomes. Si les mobilités thérapeutiques qui relèvent de décisions et de trajectoires autonomes s’enracinent dans des contextes locaux et globaux d’inégalités d’accès aux diagnostics et aux soins, le principal objectif des personnes qui se déplacent n’est en effet pas de diminuer ces inégalités, mais d’améliorer leur santé, voire d’éviter la mort (Ludet et al., 2023).

  • 6 Les propos publiés dans les articles n’engagent que leurs auteur·rice·s et n’engagent ni la revue n (...)

35Ce numéro d’Anthropologie & Santé consacré aux transferts et évacuations sanitaires présente des cas d’étude recouvrant des situations inégalitaires diverses. S’il s’agit de travaux de recherche fondamentale, nous espérons qu’ils pourront également contribuer à éclairer les politiques de santé des gouvernements, ainsi que les politiques migratoires, afin de diminuer les inégalités socio-territoriales et les injustices face aux (im)mobilités thérapeutiques6.

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Notes

1 Signalons, dans le même sens, l’organisation de la journée d’étude « Mobilités thérapeutiques, inégalités et accompagnements. L’enjeu des évacuations sanitaires dans les outre-mer », le 11 octobre 2024 à la Maison des sciences de l’homme Paris Nord, par l’équipe de recherche AccMinEv (« Mobilités sanitaires et accompagnements : les évacuations sanitaires des mineur·es de Mayotte vers l’Île de La Réunion ») dont fait partie Dolorès Pourette (https://www.ceped.org/fr/Projets/Projets-Axe-1/article/accminev-mobilites-sanitaires-et). À la faculté de sciences sociales de l’université de Strasbourg, Alice Servy dispense quant à elle, depuis 2020, un cours magistral de 24 heures sur les mobilités thérapeutiques.

2 Les termes « Hexagone » et « France hexagonale » désignent la France continentale par rapport à ses départements, régions et collectivités d’outre-mer. De manière sous-jacente, et à l’instar des termes « Métropole » et « France métropolitaine » utilisés dans le langage courant, ils englobent le rapport de domination entre l’État français et ces territoires. Les termes « outre-mer » et l’adjectif « ultramarin·e » s’appliquent aux territoires français issus des empires coloniaux de la France, à savoir la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, La Réunion, Mayotte, la Polynésie française, les îles Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, la Nouvelle-Calédonie, ainsi que les Terres australes et antarctiques françaises et l’île de la Passion-Clipperton. Pour une analyse socio-politique de la catégorie des outre-mer, voir (Lemercier, Muni Toke et Palomares, 2014).

3 Notre traduction de « therapeutic mobilities consist of multiple movements of health-related things and beings, including, though not limited to, nurses, doctors, patients, narratives, information, gifts and pharmaceuticals. » (Kaspar et al., 2019 : 1).

4 Article L1411-1 du Code de la santé publique, https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038886152

5 L’hospitalisme est un état dépressif avec régression physique et psychique qui se manifeste chez certains enfants séparés précocement de tout lien d’affection. Ce trouble a été théorisé par le psychanalyste René Spitz (1945).

6 Les propos publiés dans les articles n’engagent que leurs auteur·rice·s et n’engagent ni la revue ni les coordinatrices du numéro.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Dolorès Pourette et Alice Servy, « Transferts et évacuations sanitaires »Anthropologie & Santé [En ligne], 29 | 2024, mis en ligne le 22 novembre 2024, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anthropologiesante/14088 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12s9e

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Auteurs

Dolorès Pourette

IRD, UMR 196 Ceped (IRD, Université Paris Cité, Inserm), Fellow de l’Institut Convergences Migrations, France
https://orcid.org/0000-0002-3599-8806
dolores.pourette@ird.fr

Articles du même auteur

Alice Servy

Faculté de sciences sociales, Sociétés, Acteurs et Gouvernement en Europe (UMR 7363 SAGE), Université de Strasbourg, France
https://orcid.org/0000-0001-9764-9444
servy@unistra.fr

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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