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Dossier : Circulations matérielles et immatérielles dans le Sud global

Les coopératives d’habitat par aide mutuelle : circulation d’un contre-référentiel en Amérique latine

Irene Valitutto, Claire Simonneau et Éric Denis
p. 145-164

Résumés

L’article analyse la diffusion des coopératives uruguayennes d’habitat par aide mutuelle en Amérique latine et la fabrique d’un contre-référentiel dans les débats internationaux sur l’habitat abordable. Nous retraçons les modalités de la circulation des coopératives par aide mutuelle, issue des revendications syndicales sous-régionales, basée sur les échanges entre habitants et relayée tardivement par des ONG et des agences internationales. Nous questionnons l’originalité d’une démarche de diffusion entre pairs et la place qu’il reste aux échanges directs entre habitants dans cette circulation.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Entretien avec une des fondatrices de la coopérative Nueva Esperanza, Cochabamba, Bolivie, du 2 mar (...)

1« Maintenant, ça fait vingt ans que je crois dans ce projet ». Nelly, enseignante à la retraite, est fondatrice d’une des premières coopératives de logement en Bolivie, Nueva Esperanza, inaugurée lors de notre visite en mars 2022. Au début des années 2000, une collègue de son école lui a proposé de la former avec d’autres enseignant·e·s. Elle commence alors à s’impliquer dans le projet et part en Uruguay, en tant que représentante de sa coopérative avec son homologue de la coopérative voisine, pour se former durant cinq jours auprès de la FUCVAM (Fédération uruguayenne des coopératives de logement par aide mutuelle). Elle se rappelle avoir visité huit coopératives dans la ville de Montevideo et un projet pilote d’implantation de coopératives au Paraguay1.

2Bien loin des arènes politiques nationales et multilatérales, des experts de l’aide au développement ou des décideurs, l’histoire de Nelly et de sa coopérative de logements évoque la circulation, par les échanges entre habitants, d’un dispositif de production de logements à la renommée désormais internationale.

3Les coopératives de logement par aide mutuelle (CLAM) sont nées dans les années 1960 en Uruguay dans le cadre d’expérimentations militantes, et sont rapidement intégrées au cadre légal du pays. Grâce à la valorisation de l’autoconstruction, à l’aide mutuelle et à des prêts favorables, elles permettent à des ménages défavorisés de se loger dans des habitats et des quartiers réputés de qualité (encadré 1). Les CLAM constituent aujourd’hui une filière importante de production de logements en Uruguay, représentant près de 30 % de la production aidée de logements. Elles abritent 25 000 familles, environ 2 % de la population (de Souza et al., 2021).

  • 2 L’accès à ce dispositif est régulé par un plafond de revenus par foyer, calculé à travers la « unid (...)
  • 3 Le CCU est une organisation non gouvernementale visant à promouvoir le mouvement coopératif dans to (...)

Encadré 1 : Les coopératives de logement par aide mutuelle (CLAM) en Uruguay

Les CLAM constituent un dispositif de production de logements destiné aux populations défavorisées2. Elles reposent sur quatre principes qui valorisent le rôle des habitants : 1) l’aide mutuelle avec l’engagement de tous les membres de la coopérative dans l’autoconstruction ; 2) l’autogestion, reposant sur les décisions collectives à l’échelle de la coopérative relatives à la conception, la réalisation et la gestion du projet et soutenues par une assistance technique professionnelle ; 3) la propriété collective du terrain et des bâtiments, garantissant aux habitants la détention d’un droit d’usage ; 4) une approche non spéculative de la propriété, puisque les biens sont détenus perpétuellement par la coopérative et que les habitants ne peuvent pas vendre ou louer leurs maisons.
Les CLAM naissent en 1966, dans un contexte de vives contestations sociales. Trois projets pilotes de construction de logements sont menés par le Centre coopératif uruguayen (CCU)3 dans les régions intérieures du pays. En 1968, le dispositif est intégré à la Loi nationale sur le logement (Ley de vivienda) 13.728. Ce cadre juridique, ajusté et renouvelé en 2008, permet aux coopératives d’avoir accès à un portefeuille de terrains publics, à des prêts du Fonds national de logement et d’urbanisation (FO.NA.VI y U), et de bénéficier d’un service d’assistance technique spécialisé avec un coût fixe plafonné (MVOTMA, 2020).

4Les CLAM s’imposent aujourd’hui comme une référence incontournable en matière d’habitat abordable. À partir du début des années 2000, elles acquièrent une renommée auprès des acteurs internationaux à travers des prix. Elles sont évoquées comme un cas exemplaire par les ONG internationales en matière de « production sociale de l’habitat », comme alternative à la production publique ou privée (Royez et al., 2015). Plus concrètement enfin, le dispositif a connu une diffusion croissante ces trente dernières années, particulièrement en Amérique latine où il est désormais présent dans une dizaine de pays (figure 1).

Figure 1 : Les coopératives de logement par aide mutuelle en Amérique latine en 2019

Figure 1 : Les coopératives de logement par aide mutuelle en Amérique latine en 2019

(Valitutto, Simonneau, Denis, 2022)

5Le déploiement des CLAM en dehors de l’Uruguay reste modeste en termes quantitatifs : alors qu’environ 25 000 foyers logent dans ces coopératives en Uruguay, le nombre de familles concernées oscille entre 23 (Haïti) et 925 (Paraguay). En revanche leur diffusion progresse de manière continue. Les chiffres exacts de cette évolution sont difficiles à obtenir, car l’information est fragmentée, non centralisée et détenue par un réseau d’acteurs divers. Cependant, plusieurs expériences témoignent d’une progression lente mais continue, comme au Salvador, évoqué plus loin dans ce texte. Ces constats nous semblent justifier l’intérêt d’étudier plus précisément les modalités de diffusion des principes des CLAM. Ce travail ne se concentre pas en revanche sur leur mise en œuvre locale.

6Alors que la circulation des modèles dans les Suds est souvent analysée comme un transfert de modèles forgés par les experts et agences internationales des Nords, nous observons ici plutôt des expérimentations concrètes en Uruguay qui ont été le support d’une diffusion régionale, et qui ont généré un intérêt tardif de la part d’organisations internationales (Folléas, 2012 ; Solanas Domínguez, 2016, 2017). La circulation des CLAM présente plusieurs singularités : elle passe par le biais d’un réseau associatif et militant extrêmement structuré à l’échelle latino-américaine, s’appuie sur des échanges locaux entre habitants et entre projets, et véhicule des principes à rebours des normes propriétaristes et individualistes qui régulent généralement la production du logement.

7Cet article vise à documenter la circulation Sud-Sud portée par des collectifs de résidents d’un dispositif solidaire et anti-spéculatif original. Il s’insère dans le sillage des travaux récents sur la mobilité des politiques publiques et le renouvellement de l’aide internationale par ses nouvelles géographies (Mawdsley, 2018), et ses nouveaux acteurs (Cabannes et Deboulet, 2013). Il ne s’agit pas tant d’étudier l’atterrissage (réussi ou non) des principes des CLAM dans différents pays, que d’analyser les modalités de cette circulation : par quels processus, méthodes, acteurs les CLAM ont-elles circulé ? Dans quelle mesure les échanges directs entre habitants, fondamentaux dans la philosophie des CLAM, ont-ils été préservés dans cette circulation ?

8Dans les lignes qui suivent nous reconstruisons le processus de circulation du système des CLAM en Amérique latine et dans les arènes internationales. Après avoir posé le cadre théorique et méthodologique de l’étude de la circulation internationale des modèles urbains, nous détaillons les différents moments du déploiement des CLAM et de leurs principes depuis le foyer uruguayen vers les fédérations pairs en Amérique latine, et dans le monde des organisations internationales. Nous examinons ensuite les modalités plurielles de cette circulation, et questionnons la place qu’il reste aux échanges entre habitants.

Des transferts de modèles aux référentiels mobiles. Cadre d’analyse

9La circulation internationale des idées et des modèles de politiques publiques fait l’objet de nombreux travaux, à la fois en études du développement et en études urbaines. Ainsi, l’anthropologie du développement, les sciences politiques mais aussi la géographie urbaine se sont particulièrement intéressées aux transferts de politiques publiques dans le cadre de l’aide, des Nords vers les Suds, notamment les modèles de réforme de l’État, de gouvernance ou de politiques sectorielles comme les services urbains. Ces travaux ont montré le rôle fondamental de l’aide au développement dans la fabrique de « modèles voyageurs » standardisés (Olivier de Sardan et Vari-Lavoisier, 2022) et dans les transferts eux-mêmes, ainsi que les inévitables adaptations aux contextes locaux, faites de déformations, détournements, appropriations sélectives (Olivier de Sardan, 1995, 2021 ; Bako-Arifari et Le Meur, 2001 ; Dorier-Apprill et Jaglin, 2002 ; Darbon, 2009) selon un processus de « revanche des contextes » (Olivier de Sardan, 2021). Les travaux récents mettent en évidence un paysage de l’aide aujourd’hui polycentrique. Avec de nouveaux acteurs, tels les pays émergents ou les ONG internationales, la distinction Nords/Suds se brouille (Mawdsley, 2018).

10Au sein des études urbaines, les emprunts aux contextes étrangers et aux modèles urbains, réels ou utopiques, constituent un objet d’étude ancien (Choay, 1965 ; Ward, 2000 ; Harris et Moore, 2013 ; Lemaire et al., 2020). Si la majorité des travaux analyse les grands projets urbains des métropoles des Nords, des recherches récentes soulignent l’intérêt d’éclairer d’autres acteurs que les élites politiques et économiques, tels les mouvements sociaux et les militants (Baker et al., 2020 ; Thompson, 2020), d’autres géographies que celles des villes globales, notamment les villes des Suds et les flux Sud-Sud (Robinson, 2011 ; Söderström, 2014), et d’autres catalyseurs de changement (drivers of change) que le néolibéralisme, à l’instar de la défense des droits humains et la réduction des inégalités (Parnell et Robinson, 2013 ; Lemaire et al., 2020).

11Enfin, la littérature appelle à renouveler les démarches de recherche, en dépassant la notion de transfert comme celle de modèle. La notion de « modèles voyageurs » standardisés reposant sur des mécanismes types, utile pour décrypter l’aide au développement (Darbon, 2009) et sa réinvention permanente autour de nouveaux récits de succès, ne permet pas en revanche d’expliquer des formes plus lâches et partielles de circulation d’idées, de valeurs et de méthodes et qui n’offrent pas une place centrale à ces « agences de voyage » (Olivier de Sardan et Vari-Lavoisier, 2022) conventionnelles. Les approches par la « mobilité » des politiques publiques (McCann et Ward, 2011) s’intéressent davantage aux modalités éclatées de circulation des savoirs et des dispositifs. Elles insistent sur la nécessité de suivre les acteurs et les alliances entre acteurs hétérogènes (Peck et Theodore, 2010). Dans cette perspective, la notion de référentiel, définie par Muller (2019) comme une représentation spécifique « du problème, de ses conséquences et des solutions envisageables pour le résoudre », permet de rendre compte de la manière dont l’action urbaine peut être cadrée de manière souple. Les référentiels peuvent aussi circuler d’un pays à l’autre, voire être produits à des échelons transnationaux (Lavigne Delville, 2018).

12Alors que les coopératives d’habitat uruguayennes sont qualifiées aujourd’hui de « modèle » dans les rapports et sites internet d’organisations internationales, nous nous interrogeons sur la manière dont leur circulation n’a pas seulement conduit à diffuser un modèle, mais a surtout contribué à façonner, stabiliser, et rendre visible le référentiel qui l’accompagne.

Méthodologie

  • 4 Programme Communs fonciers pour l’habitat dans les Suds, financé par l’Agence française de développ (...)
  • 5 Ce cours est l’équivalent de la pasantía, sorte de « stage » d’initiation au mouvement coopératif.
  • 6 Par exemple le nombre de participants aux formations et aux pasantías est impossible à obtenir car (...)

13Notre analyse est issue d’une recherche collective sur la production de l’habitat en commun4 et se base sur des données qualitatives récoltées, depuis 2018, auprès des acteurs qui travaillent à la diffusion des CLAM. Une vingtaine d’entretiens semi-directifs a été réalisée principalement par la première auteure de cet article avec des représentants de la FUCVAM, des membres des organisations du réseau latino-américain des coopératives, des représentants des ONG et de la coopération internationale qui promeuvent des projets de CLAM, et des chercheurs latino-américains et européens souvent également impliqués à titre militant. Des observations participantes des colloques et de réunions organisés par ce réseau d’acteurs ainsi que dans une session du Cours international de formation au modèle de FUCVAM en 20215 complètent le corpus. La littérature grise, comme les rapports, les descriptifs des projets et les plateformes web de ces organisations, a été examinée. Une visite de terrain de deux semaines à Montevideo en 2019 et une visite ponctuelle en Bolivie en 2022 ont été l’occasion d’échanger avec des coopérateurs, de visiter des CLAM, et de recueillir les récits de leurs protagonistes. Malgré nos tentatives, des données quantitatives ont en revanche été difficiles à obtenir6.

14Chronologie de la diffusion des CLAM à travers l’Amérique latine et le monde

15Les premières coopératives uruguayennes apparaissent durant la seconde moitié des années 1960 dans un contexte militant et syndical : à cette époque, dans la plupart des cas, tous les membres d’une coopérative font partie du même syndicat (de Souza et al., 2021 ; Solanas Domínguez, 2016). En 1970, la FUCVAM est fondée autour de deux missions principales : consolider le réseau d’échanges et de collaboration entre les coopératives, et représenter les coopératives à l’échelle nationale.

  • 7 Traduction des auteur·e·s de la formule « vivienda decorosa » utilisée dans la constitution uruguay (...)

16L’émergence des CLAM s’opère donc dans les « espaces traditionnels de la mobilisation, notamment ceux du travail » (Goirand, 2010), avec cependant une revendication spécifique concernant l’accès à des logements « dignes7 ». C’est à partir de cette perspective et de ces acteurs militants que la diffusion des CLAM va débuter.

Premiers pas vers l’internationalisation des réseaux militants

  • 8 L’expression « mouvements de base » désigne des mobilisations menées par des citoyens des milieux m (...)

17Fin 1980, les premières connexions hors Uruguay se dessinent, alors que dans la plupart des pays latino-américains les régimes dictatoriaux tombent, laissant émerger des revendications relatives au logement ou aux infrastructures urbaines portées par les « mouvements de base8 » (Goirand, 2010).

18La FUCVAM reprend ses activités après la dictature militaire uruguayenne (1973-1984), et propose de créer un réseau régional de revendication. En 1990, à l’occasion des vingt ans de son existence, elle invite d’autres organisations du continent engagées dans la lutte pour le droit au logement à se réunir en Uruguay9. Elles créent ensemble le SELVIP, Secretaría Latinoamericana de Vivienda Popular (Secrétariat latino-américain de l’habitat populaire), animé par des objectifs militants forts tels que « l’opposition au néolibéralisme capitaliste ; la construction d’un réseau latino-américain d’organisations de base pour le logement ; la promotion de politiques d’autogestion10 ».

19Le SELVIP encourage la création de nouvelles organisations d’habitants et les échanges d’expériences entre elles. Il met en place un système de stages (pasantías), qui consistent en des visites réciproques entre les membres du réseau. Le dispositif des CLAM uruguayennes commence par ce biais à être connu à l’échelle régionale.

  • 11 Seconde Conférence des Nations unies sur les établissements humains organisée par ONU-Habitat en 19 (...)

20À cette époque, le SELVIP se rapproche d’organisations internationales telles que Habitat International Coalition (HIC), réseau mondial d’organisations d’habitants et de mouvements sociaux. En 1996, lors du sommet Habitat II11, la FUCVAM rencontre pour la première fois le Swedish Cooperative Center (SCC), renommé We Effect en 2013. Cette organisation suédoise, fondée en 1958, défend la mise en œuvre des droits humains, notamment le droit au logement, à travers le renforcement des organisations coopératives. Ses projets sont principalement financés par l’Agence suédoise de développement international. Une alliance stratégique se met en place entre le SCC et la FUCVAM. À partir de 1998, le SCC soutient un projet de coopération internationale avec la FUCVAM visant à « diffuser le modèle coopératif uruguayen », les CLAM, dans d’autres pays d’Amérique latine avec deux expériences pilotes au Paraguay et en Bolivie.

  • 12 Entretien avec une des fondatrices de la coopérative Nueva Esperanza, Cochabamba, Bolivie, du 2 mar (...)

Encadré 2 : La coopérative El Paso (COVISEP), Cochabamba, Bolivie

La création de la COVISEP, évoquée en amorce de cet article, débute avec un voyage d’habitants volontaires en Uruguay et au Paraguay. Cet échange était organisé par We Effect, avec le soutien en Bolivie de PROCASHA (Fundación de Promoción para el Cambio Socio Habitacional), ONG locale engagée dans la défense du droit au logement. À la suite du voyage, deux ensembles de logements sont construits : le premier accueille des familles avec des revenus modestes, qui ont bénéficié d’un financement d’Habitat for Humanity International sous la coordination de PROCASHA ; le second rassemble des classes moyennes12.

Sollicitation des mouvements de base et structuration d’un réseau hiérarchisé

  • 13 Entretien avec la coordinatrice de We Effect en Amérique centrale, du 23 avril 2020.

21Les années 2000 voient une diffusion progressive des CLAM avec l’appui de SCC/We Effect. Cet appui porte, d’une part, sur la structuration d’un réseau hiérarchisé d’organisations et, d’autre part, sur l’incitation à la création de mouvements de base. Dans cette perspective, Gustavo González, secrétaire général de la FUCVAM à l’époque, est recruté par We Effect pour organiser des rencontres entre habitants et faire connaître l’expérience des CLAM uruguayennes en Amérique centrale. C’est par ce biais que les CLAM deviennent connues au Salvador, au Guatemala, en Honduras et au Nicaragua. Comme l’explique une coordinatrice de We Effect en Amérique centrale : « Gustavo González a été engagé [...] pour essentiellement convaincre les gens […] que c’était possible13 ».

  • 14 Entretien avec G. González, du 1er juillet 2022.

Encadré 3 : Gustavo González, un acteur clé de la diffusion des CLAM en Amérique latine

L’histoire personnelle de Gustavo González est ancrée dans le militantisme de gauche. Dès ses années d’étudiant, il est engagé dans la lutte contre la dictature militaire. Par les camarades de ce mouvement, il rentre en 1978 dans une coopérative de logements dont il est toujours membre aujourd’hui, COVISAP 1 à Montevideo (González, 2013). Il devient rapidement membre de la commission fomento (promotion) de la FUCVAM, secrétaire général en 1982, tout en dirigeant le syndicat postal et l’association de travailleurs saisonniers, et s’engage dans la création du SELVIP. Au début des années 1990, le responsable du service logement de la municipalité de São Paulo au Brésil, un Uruguayen exilé pendant la dictature, lui propose de le rejoindre pour partager son expérience.
Ensuite, en 2003, dans le cadre d’un projet de We Effect, il s’installe au Salvador où il reste une quinzaine d’années pour soutenir les organisations d’habitants et partager son expérience, en Amérique latine et au-delà. Il conduit en 2014 des missions de renforcement de capacités de coopératives dont il avait soutenu la naissance, au Malawi, en Zambie, au Sri Lanka et aux Philippines. En 2016, Gustavo González rentre en Uruguay et réintègre la FUCVAM à temps plein. Il écrit différents ouvrages sur l’histoire des coopératives et son engagement (González, 2013, 2021). Il est aujourd’hui porte-parole officiel de la FUCVAM et sollicité pour parler du coopérativisme uruguayen partout dans le monde14.

22Avec le déploiement des projets en Amérique centrale, le mouvement des CLAM s’élargit, au point de rendre nécessaire une réorganisation interne. Au début des années 2000 et avec un important soutien de We Effect, des organisations faitières d’échelle nationale, équivalentes de la FUCVAM (figure 2), sont créées ou renforcées au Salvador, au Honduras, au Nicaragua, au Costa Rica, au Guatemala, au Paraguay et en Bolivie. Elles ont pour mission d’assurer l’interface avec les pouvoirs centraux et la coordination d’actions communes. Il s’agit également pour We Effect et la FUCVAM de pouvoir compter sur des relais locaux pour organiser les rencontres entre habitants ou militants. Ces fédérations constituent les « organisations de second niveau », par référence aux « organisations de premier niveau » que sont les coopératives de base (Algoed et al., 2020).

Figure 2 : Structuration du réseau des CLAM dans les années 2000

Figure 2 : Structuration du réseau des CLAM dans les années 2000

(Valitutto, Simonneau, Denis, 2021)

23En 2010, les organisations de troisième niveau, deux comités de coordination régionale, sont également mises en place en Amérique centrale et en Amérique du Sud, là exclusivement tournées vers la coordination des CLAM. Enfin, ces associations de premier, deuxième et troisième niveau font partie de réseaux plus larges, administrés par le SELVIP et le HIC, dont la FUCVAM et We Effect sont les principaux animateurs.

La globalisation et la professionnalisation du réseau

24Les projets soutenus par We Effect contribuent in fine à la professionnalisation des organisations de second niveau, dont la FUCVAM (Duyne Barenstein et Pfister, 2019) : toutes les fédérations nationales créées dans ce cadre reçoivent une formation sur le mouvement coopératif de la part de la FUCVAM. Elles gagnent en autonomie d’action et arrivent à se rapprocher d’autres bailleurs. C’est le cas par exemple de la fédération du Salvador, la FESCOVAM, qui a bénéficié d’un projet de réhabilitation du centre de San Salvador (encadré 4).

25We Effect soutient également l’animation du réseau régional des CLAM, en finançant par exemple les déplacements pour la réunion annuelle des comités régionaux et pour les formations des membres des organisations de second niveau par la FUCVAM, ou encore les voyages de la FUCVAM à l’étranger pour donner des cours. En 2012, la FUCVAM gagne le World Habitat Award pour le projet « coopération Sud-Sud15 » de diffusion du modèle des CLAM en Amérique centrale, financé par We Effect.

  • 16 Asian Coalition for Housing Rights, University of Delft / Co-Lab Research, Co-operative Housing Int (...)

26Durant les années 2010, à partir de ces organisations solides, les CLAM acquièrent une visibilité qui dépasse les limites latino-américaines et atteint notamment l’Europe (Solanas Domínguez, 2016). Lors d’une rencontre internationale sur l’habitat coopératif en 2015, la FUCVAM rencontre l’ONG suisso-française UrbaMonde. Cette dernière s’intéresse à son tour aux CLAM, qui sont porteuses des principes de production sociale de l’habitat que l’ONG promeut. UrbaMonde contribue à soutenir leur développement et leur visibilité par la mise en réseau à l’échelle mondiale, notamment à travers le réseau CoHabitat, qui rassemble ONG internationales, réseaux de coopératives et institutions de recherche16.

27Finalement, les CLAM ont aujourd’hui une présence importante en Amérique latine, comme le montre la carte ci-dessous (figure 3). À partir d’un pôle de référence, la FUCVAM, se dessine la diffusion des CLAM.

Figure 3 : Diffusion des coopératives et émergence des organisations faitières

Figure 3 : Diffusion des coopératives et émergence des organisations faitières

(Valitutto, Simonneau, Denis, 2021)

28En définitive, le réseau uruguayen militant réuni dans la FUCVAM a impulsé et animé une solide coalition latino-américaine militante à partir des années 1990, à laquelle se sont arrimées des organisations internationales. Cette coalition d’acteurs a œuvré à mobiliser dans les pays latino-américains des organisations relais (les organisations de second niveau) et à structurer un réseau dédié à la défense des CLAM. L’appui technique et financier des organisations internationales a favorisé une professionnalisation des acteurs, une institutionnalisation des organisations et des relations avec les arènes internationales. Cette diffusion se distingue par l’importance des échanges entre pairs, habitants-militants, et s’appuie sur des techniques et modalités concrètes qu’il convient de préciser.

Une circulation par les échanges entre habitants ?

29Cette dernière section permet de descendre à hauteur de ces expériences et d’en décrypter les modalités. Sur la période historique observée, nous distinguons trois principales modalités représentées dans la chronologie ci-dessous (figure 4).

Figure 4 : Chronologie de modalités de circulation des CLAM

Figure 4 : Chronologie de modalités de circulation des CLAM

(Valitutto, Simonneau, Denis, 2021)

Promouvoir les échanges entre habitants

30Modalité historique de circulation des CLAM en Amérique latine, les échanges entre habitants et entre militants sont le pilier même des coopératives : l’entraide entre pairs, la mutualisation des moyens et des savoirs. Sans financement externe, le SELVIP joue un rôle clé dans la mise en relation des différentes fédérations nationales. La pasantía symbolise et codifie ces échanges relativement informels. La mission de Gustavo González en Amérique centrale joue un rôle similaire : elle crée des occasions de rencontres et de discussions avec des syndicats et des organisations de base.

31La pasantía a été structurée, renforcée, systématisée ces dernières années par la création de l’école de formation officielle de la FUCVAM : EnForma (voir plus bas). Certains membres de la FUCVAM sont également mobilisés dans d’autres pays (via We Effect dans ce cas), comme cela est expliqué dans cet entretien :

  • 17 Entretien avec le coordinateur de l’école de formation EnForma de FUCVAM, du 19 janvier 2020.

X : Comment ça marche ? Êtes-vous mobilisés pour aller parler du modèle coopératif [auprès de la population] ?
Y : Oui, exactement, ou dans d’autres missions nous devions leur apprendre à le connaître et à travailler avec les techniciens pour comprendre le cadre juridique, et évaluer si le modèle coopératif pourrait y être inclus.
Le Pérou est un exemple typique, en ce qui concerne ce travail. Nous [membres de la FUCVAM mandatés par We Effect] essayons de trouver un groupe de collaborateurs qui voudraient devenir des coopérateurs. Nous avons donné des conférences sur ce que signifie le coopérativisme en Uruguay en particulier.
X : Où alliez-vous pour donner des conférences ?
Y : Aux syndicats, aux associations de logement dans le centre historique de Lima par exemple. Moi j’ai fait ça à partir de 2010 jusqu’à l’année dernière [2018]. Au début, c’est We Effect qui soutenait ces visites, maintenant depuis 2016, c’est UrbaMonde, dans le cadre de leur projet de formation en Amérique latine.
Nous avons essayé d’identifier un groupe de citoyens pour chercher à leur transférer le modèle. Donc nous avons travaillé avec des techniciens péruviens pour définir le modèle, le quantifier, le valoriser, et trouver des sources possibles de financement soit par l’État soit par la coopération internationale, et en même temps nous avons travaillé avec quelques volontaires, en étudiant le cadre légal.
X : Combien de temps êtes-vous resté pour faire ce travail ?
Y : Je suis allé de 2010 à 2018, avec quelques collègues, environ quatre fois par an, pour une semaine17.

Soutenir la greffe de modèle

32La seconde modalité, celle de la « greffe » de modèle (Meny, 1993), apparaît au tournant des années 2000, lorsque les organisations d’aide au développement commencent à s’intéresser aux CLAM. Elles mettent en œuvre des projets pilotes accompagnés d’activités de plaidoyer dans la perspective d’impulser un changement législatif favorable aux coopératives.

33Des programmes financés par l’aide internationale voient le jour, avec pour objectif explicite de promouvoir la diffusion des CLAM en Amérique latine, à l’instar du projet de coopération Sud-Sud financé par l’agence suédoise de coopération internationale et mis en œuvre par We Effect. Les étapes de ces projets sont assez similaires aux modalités classiques de dissémination des « modèles voyageurs » (Olivier de Sardan, 2021) par l’industrie de l’aide (Jacob et Lavigne Delville, 2016) : formulation d’un projet pilote financé par l’aide internationale qui sert de point d’appui pour un plaidoyer en faveur d’une réforme légale (voir l’encadré 4 pour un exemple). Toutefois, il se distingue par une pasantía préalable qui place les habitants à l’initiative du projet.

34Le soutien aux organisations de second niveau est également clé. Il s’agit de s’assurer de la présence d’organisations solides pour orienter la mise en place de projets pilotes, et suffisamment institutionnalisées pour amorcer un plaidoyer auprès des autorités nationales et revendiquer un changement de législation. L’exemple des récentes coopératives salvadoriennes montre cet enchevêtrement des actions volontaristes de We Effect pour promouvoir les principes des CLAM au Salvador, et des organisations locales désormais autonomes des ONG ou de la FUCVAM.

Encadré 4 : Émergence et autonomisation des coopératives de logement par aide mutuelle au Salvador

Quand Gustavo González s’installe au Salvador, il est accueilli par FUNDASAL, une ONG fondée en 1968, axée sur la thématique du logement pour les classes défavorisées. Sous l’impulsion de We Effect, la fédération salvadorienne des CLAM (FESCOVAM) est créée en 2010.
En 2010, alors qu’un projet de réhabilitation du centre-ville de San Salvador est en discussion entre l’État et la coopération italienne qui souhaite apporter un soutien financier, les représentants du ministère de l’Économie salvadorien demandent qu’il soit réalisé à travers des CLAM. Une longue période d’élaboration de l’accord de coopération bilatérale débute, pour mettre en place un cadre légal exceptionnel permettant l’installation de CLAM dans le périmètre du projet, qui débute finalement en 2019. C’est la FESCOVAM appuyée par FUNDASAL (équipe technique) qui mène les formations des habitants pour la mise en place des coopératives et leur construction. La FUCVAM apporte son soutien dans le cadre des relations entre les organisations sœurs, sans l’appui de la coopération italienne. Selon la cheffe du projet de la coopération italienne : « Les organisations des coopératives [FUNDASAL et FESCOVAM] sont très autonomes, on leur fait confiance et ils gèrent tout ». Ce projet donne une impulsion sans précédent au mouvement coopératif au Salvador, avec 352 familles et 11 coopératives soutenues sur les 20 que compte la FESCOVAM.

35La mise en place du réseau d’organisations relais semble avoir fonctionné, mais les transformations législatives sont plus lentes et incertaines. Le cas du Salvador atteste comment l’ancrage des coopératives se consolide et atteint une production plus importante grâce aux financements de la coopération internationale, qui prend le relais des premières expériences pilotes promues par We Effect. En Argentine, le dispositif, promu par un réseau militant, est ensuite institutionnalisé au sein du cadre légal de la Ciudad Autonoma de Buenos Aires (Loi n° 341, promulguée le 16 mars 2000). Ces deux exemples témoignent de la lenteur des processus de réforme des cadres institutionnels. En particulier, les réseaux d’acteurs militants travaillent à l’intégration des CLAM aux politiques publiques locales, tout en militant pour qu’elles s’imposent comme des dispositifs institutionnalisés dont les collectifs d’habitant·e·s pourraient se saisir. Or ces deux attentes impliquent des temporalités longues.

Fabriquer un contre-référentiel

36Enfin, apparaît dans un troisième temps, à partir des années 2010, une entreprise de fabrique d’un contre-référentiel par plusieurs organisations qui œuvrent non pas à la diffusion des CLAM, mais plutôt à la production d’une image cohérente soutenue par un ensemble de savoirs ordonnés. Cela se concrétise dans le travail de capitalisation sur les CLAM mené par HIC-Amérique latine, le concours pour le Prix mondial de l’habitat décerné par World Habitat et ONU-Habitat, ou encore la mise en place du réseau CoHabitat et du répertoire des initiatives d’habitat collaboratif en ligne, coordonnée par UrbaMonde.

37En Uruguay, le référentiel des CLAM est stabilisé et constitue un cadrage puissant de la politique publique de logement dans ce pays, qui a survécu aux alternances politiques très contrastées. En s’appuyant sur les distinctions apportées par Muller (2019) – normes, algorithmes et images –, il est possible de caractériser formellement ce référentiel. La propriété collective, l’organisation en coopérative, l’autoconstruction par entraide, l’autogestion, mais aussi le financement inclusif et l’assistance technique professionnelle, en constituent les normes. Les algorithmes s’expriment par la nécessité de loger un nombre croissant d’habitants, à laquelle ne peuvent pas faire face les politiques de logement basées sur l’endettement individuel des ménages, mais aussi par l’idée de limiter la prolifération de quartiers précaires autoconstruits. Enfin, les images qui émergent de cette expérience et qui en influencent la large diffusion sont celles de la coopération entre membres des coopératives, d’échange horizontal entre habitants, de collectifs d’habitants autonomes et proactifs dans la création de leur propre habitat.

38Nous faisons une différence entre un référentiel à l’échelle uruguayenne et la construction d’un contre-référentiel à l’échelle internationale, qui contribue à la consolidation et la dissémination du modèle. Nous employons la notion de contre-référentiel pour décrire le fait qu’il s’affiche comme porteur de valeurs militantes, contraires à des politiques propriétaristes favorisant les mécanismes spéculatifs du marché, ainsi que comme promoteur de l’autogestion habitante.

39La communication numérique accélérée, nécessaire à ces réseaux de plaidoyer contemporains, va ainsi de pair avec la fabrique d’une image cohérente et de répertoires ordonnés. L’inscription dans ces sphères de visibilité sert alors non seulement les groupes locaux, mais également une démarche globale de plaidoyer menée par les ONG internationales (Deboulet et al., 2020). Pour ces dernières, ce contre-référentiel représente une « composante identitaire » (Muller, 2019) essentielle dans les luttes militantes qui se jouent dans les arènes internationales contre les approches néolibérales de la production de la ville et du logement. Leur travail de capitalisation permet également une « traduction » (Lascoumes, 2010) d’un dispositif issu du militantisme de gauche et d’un petit pays qu’est l’Uruguay, vers les arènes internationales plutôt rompues aux catalogues de best practices passant sous silence les structures sociopolitiques qui ont permis leur déploiement (Navez-Bouchanine, 2007) et pour défendre ces principes dans la fabrique feutrée des accords globaux (Clerc et Deboulet, 2018).

Quelle place pour les échanges entre habitants quand le modèle se diffuse ?

40À rebours des transferts de modèles orchestrés par l’aide internationale, les CLAM ont ainsi circulé en Amérique latine et au-delà par le biais d’une méthode originale : la pasantía (littéralement « stage »), structurant les échanges de savoirs et d’expériences entre habitants. Initialement mise en place dans les années 1990 par le SELVIP, elle est reprise par We Effect dans les années 2000, et plus récemment par UrbaMonde. Le World Habitat Award que la FUCVAM a gagné en 2012 porte ainsi sur la méthode de transmission elle-même, comme le rappelle le titre de la fiche projet sur le site web : « Coopération Sud-Sud : Transfert international de modèle des coopératives de logement par entraide18 ».

  • 19 Entretien avec le coordinateur de l’école de formation EnForma de FUCVAM, du 19 janvier 2020.

41À partir de 2009, face à la demande croissante de formations, la FUCVAM s’engage dans la structuration de ses formations et la capitalisation de savoirs. La pasantía est désormais organisée selon un format type d’une semaine. Les matinées sont consacrées à un enseignement théorique sur les valeurs coopératives, l’organisation interne d’une coopérative, les aspects juridiques, la gestion de la phase de chantier en autoconstruction et la gouvernance d’une coopérative. Les après-midi comprennent des visites de coopératives et des rencontres avec les habitants. Les échanges informels entre habitants continuent lors des dîners communs. Ce sont les mêmes coopérateurs, membres bénévoles de la FUCVAM, qui donnent les cours théoriques et partagent leur expérience personnelle19. La participation à la pasantía est gratuite et libre.

42Comme le suggèrent plusieurs témoignages, aller en Uruguay et visiter les coopératives permet de croire dans le projet. La coordinatrice de We Effect en Amérique centrale relate ainsi son expérience :

  • 20 Entretien avec la coordinatrice de We Effect en Amérique centrale, du 23 avril 2020.

Je me souviens, par exemple, que lorsque [Gustavo González] est arrivé [en Amérique centrale], disons que j’ai rencontré FUCVAM. Pour moi, ça semblait être quelque chose de trop utopique pour être réel. Je veux dire, c’était comme : « Eh bien, ça ne peut pas être possible, c’est juste une expérience dans un seul pays ». Mais [...] j’ai décidé d’aller à la FUCVAM pour voir si ce qu’il disait était vraiment vrai. Lorsque j’ai rencontré la FUCVAM, j’ai été vraiment impressionnée et remplie d’espoir de savoir qu’il existait une véritable alternative au modèle de logement traditionnel20.

  • 21 À partir des années 2010, à Barcelone se développent des expérimentations de création de logements (...)
  • 22 Entretien avec le coordinateur de l’école de formation EnForma de FUCVAM, souvent mobilisé pour don (...)

43Parmi les bénéficiaires de ces formations, nombreux sont ceux qui créent ensuite des coopératives directement inspirées des CLAM uruguayennes, y compris loin de l’Amérique latine comme à Barcelone21. Les ONG soutiennent cette méthodologie par le financement de la mission de Gustavo González ou par le financement de voyages d’étude dont les bénéficiaires s’engagent à partager à leur retour les connaissances acquises avec les autres coopérateurs22.

  • 23 Entretien avec le coordinateur de l’école de formation EnForma de FUCVAM, du 19 janvier 2020.

44Dans le prolongement direct du travail de capitalisation et de structuration de la pasantía par la FUCVAM, EnForma voit le jour en 201423. Née de manière indépendante de tout financement extérieur, l’école bénéficie depuis 2015 du soutien de UrbaMonde pour « la dissémination du modèle [CLAM] en Amérique du Sud » (UrbaMonde, 2019 : 12).

45On peut s’interroger sur les effets à long terme de cette implication des canaux de l’aide au développement dans les échanges entre habitants, alors que les acteurs pionniers des coopératives uruguayennes soulignent que le militantisme social constituait le ciment de la cohésion communautaire. L’évolution de ces formes d’échanges entre habitants reste à suivre, alors que, depuis 2022, EnForma propose des formations payantes.

Conclusion

46Cet article a permis de reconstituer les modalités de circulation des CLAM en Amérique latine et de son contre-référentiel dans les arènes internationales. À partir d’une étude sur le temps long des acteurs, lieux et pratiques de cette circulation, nous avons mis en évidence trois modalités distinctes : les échanges entre habitants et fédérations d’habitants, peu à peu institutionnalisés autour de la pasantía ; la greffe de politique publique soutenue par l’aide internationale ; la fabrique d’un contre-référentiel à même de s’imposer dans les débats internationaux, en opposition au modèle propriétariste. Ces trois modalités se superposent dans le temps et ne sont pas pleinement étanches entre elles, la plupart des organisations et a fortiori des individus étant amenés à naviguer entre ces différentes approches.

47Les échanges entre habitants, à travers la pasantía, sont une constante. La pasantía représente un dispositif clé de la circulation des CLAM, et une des principales conditions de l’ancrage des CLAM en Amérique latine. Elle est légitime sur les scènes nationales et internationales par ses actions concrètes (les actions de sensibilisation et de formation in loco et au sein de la FUCVAM), mais aussi les valeurs qu’elle véhicule (esprit coopératif, entraide), les normes (formule non spéculative, propriété collective) et l’image qu’elle génère (échange horizontal, entraide). Ici, les composantes du référentiel jouent un rôle clé dans le processus de diffusion. Cela laisse supposer que le référentiel, relativement lâche, souple, voyage de manière plus fluide qu’un « modèle » verrouillé. En particulier lorsqu’il fait appel à des énoncés généraux tels que le « droit au logement », il rentre facilement dans les canaux non linéaires, émancipés des rapports Nord/Sud et des distances physiques de circulation des idées en matière d’habitat abordable. Il constitue également le fondement d’une boîte à outils dont les habitants peuvent se saisir. Il leur permet de garder la maîtrise du projet non seulement durant la construction mais pour une gestion durable et collaborative dans la durée.

48Le processus de diffusion que nous avons retracé confirme également que les agences de coopération et les ONG peuvent assurer le développement des projets pilotes, mais leur action ne se substitue pas à celle des acteurs locaux, notamment dans la durée et en matière d’institutionnalisation. Le décalage important entre le nombre de coopératives présentes en Uruguay et dans les autres pays latino-américains semble corrélé à l’absence de soutien, surtout financier, des pouvoirs publics nationaux ou locaux. Il apparaît que la matérialisation de cette diffusion, d’une part, et le processus d’appropriation du dispositif par les pouvoirs publics et les habitant·e·s, d’autre part, relèvent de temporalités fort différentes.

49La mondialisation bouleverse les modalités de circulation des idées, dispositifs, instruments et référentiels de politiques. Dans le domaine de l’habitat, à côté de la montée en puissance des élites économiques et politiques, d’autres modalités de circulation d’idées et de dispositifs émergent, forgées dans les contacts nouveaux entre différentes sphères d’action collective (Almeida et Chase-Dunn, 2018), notamment les mouvements sociaux urbains, les fédérations d’habitants et les acteurs classiques de l’aide et de l’action publique urbaine. La recherche urbaine gagnerait à mieux examiner ces modalités plurielles, en se penchant sur les modèles dits alternatifs, hors des villes globales, issus des expérimentations sociales, dans une perspective attentive à la pluralité des espaces urbains et de leurs modes de production (Robinson, 2011) et aux processus d’émergence des référentiels alternatifs ou critiques (Fouilleux et Jobert, 2017).

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Notes

1 Entretien avec une des fondatrices de la coopérative Nueva Esperanza, Cochabamba, Bolivie, du 2 mars 2022. Toutes les traductions sont des auteur·e·s.

2 L’accès à ce dispositif est régulé par un plafond de revenus par foyer, calculé à travers la « unidad reajustable » ou UR (un coefficient variable avec le dollar, dont la valeur est de 1 502,25 dollars en janvier 2023), et selon le nombre des membres du foyer. Par exemple le plafond pour un foyer d’une personne sera de 40 UR, pour deux personnes 60 UR, pour quatre personnes 84 UR (MVOTMA, 2020).

3 Le CCU est une organisation non gouvernementale visant à promouvoir le mouvement coopératif dans toutes ses formes, dans le domaine du travail, du commerce et de l’habitat, en Uruguay. Voir : https://ccu.org.uy/sobreccu (consulté le 18 juillet 2023).

4 Programme Communs fonciers pour l’habitat dans les Suds, financé par l’Agence française de développement (2017-2020).

5 Ce cours est l’équivalent de la pasantía, sorte de « stage » d’initiation au mouvement coopératif.

6 Par exemple le nombre de participants aux formations et aux pasantías est impossible à obtenir car il n’existe pas de registres systématiques.

7 Traduction des auteur·e·s de la formule « vivienda decorosa » utilisée dans la constitution uruguayenne de 1968 (article 45).

8 L’expression « mouvements de base » désigne des mobilisations menées par des citoyens des milieux modestes, « dont les revendications très hétérogènes se sont organisées autour de la question des conditions de vie, des services publics et des droits sociaux » (Goirand, 2010 : 449).

9 UMM (Uniao de Movimentos de Moradia) et FRACAB (Federaçao Riograndense de Associaçoes Comunitarias y Barrios) du Brésil, Ceglatino du Paraguay, MOI (Movimiento de Ocupantes e Inquilinos), SeDECA (Secretariado de Enlace de Comunidades Autogestionarias) et CIDA (Coordinadora de Inquilinos de Buenos Aires) d’Argentine.

10 Voir : https://selvip-america.blogspot.com/ (consulté le 18 juillet 2023).

11 Seconde Conférence des Nations unies sur les établissements humains organisée par ONU-Habitat en 1996 à Istanbul.

12 Entretien avec une des fondatrices de la coopérative Nueva Esperanza, Cochabamba, Bolivie, du 2 mars 2022.

13 Entretien avec la coordinatrice de We Effect en Amérique centrale, du 23 avril 2020.

14 Entretien avec G. González, du 1er juillet 2022.

15 Voir : https://world-habitat.org/world-habitat-awards/winners-and-finalists/south-south-cooperation-international-transfer-of-the-fucvam-model-of-mutual-aid-housing-cooperatives/ (consulté le 18 juillet 2023).

16 Asian Coalition for Housing Rights, University of Delft / Co-Lab Research, Co-operative Housing International, University College London / Development Planning Unit, Global Land Alliance, Grounded Solutions Network, Habitat International Coalition, MOBA Housing Network, Slum Dwellers International, UrbaMonde, We Effect, World Habitat. Voir : https://co-habitat.net/en (consulté le 18 juillet 2023).

17 Entretien avec le coordinateur de l’école de formation EnForma de FUCVAM, du 19 janvier 2020.

18 Voir : https://world-habitat.org/fr/les-prix-mondiaux-de-lhabitat/vainqueurs-et-finalistes/cooperation-sud-sud-transfert-international-du-modele-des-cooperatives-de-logement-par-entraide-de-la-fucvam/ (consulté le 18 juillet 2023).

19 Entretien avec le coordinateur de l’école de formation EnForma de FUCVAM, du 19 janvier 2020.

20 Entretien avec la coordinatrice de We Effect en Amérique centrale, du 23 avril 2020.

21 À partir des années 2010, à Barcelone se développent des expérimentations de création de logements inspirées des CLAM uruguayennes. Elles suscitent un soutien des autorités locales. À partir de 2015, la mairie de Barcelone met à disposition des terrains publics, avec des baux emphytéotiques, pour la construction de coopératives de logements « en cession d’usage ». Ce dispositif reprend le modèle uruguayen, en excluant le volet d’autoconstruction (entretien avec des membres de la coopérative Sostre Civic de Barcelone, du 17 et du 30 juillet 2019, et entretien avec la chercheuse Marta Solanas Dominguez, du 4 juillet 2019).

22 Entretien avec le coordinateur de l’école de formation EnForma de FUCVAM, souvent mobilisé pour donner des formations dans d’autres pays, du 19 janvier 2020.

23 Entretien avec le coordinateur de l’école de formation EnForma de FUCVAM, du 19 janvier 2020.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Les coopératives de logement par aide mutuelle en Amérique latine en 2019
Crédits (Valitutto, Simonneau, Denis, 2022)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anthropodev/docannexe/image/2298/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 260k
Titre Figure 2 : Structuration du réseau des CLAM dans les années 2000
Crédits (Valitutto, Simonneau, Denis, 2021)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anthropodev/docannexe/image/2298/img-2.png
Fichier image/png, 44k
Titre Figure 3 : Diffusion des coopératives et émergence des organisations faitières
Crédits (Valitutto, Simonneau, Denis, 2021)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anthropodev/docannexe/image/2298/img-3.png
Fichier image/png, 282k
Titre Figure 4 : Chronologie de modalités de circulation des CLAM
Crédits (Valitutto, Simonneau, Denis, 2021)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anthropodev/docannexe/image/2298/img-4.png
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Pour citer cet article

Référence papier

Irene Valitutto, Claire Simonneau et Éric Denis, « Les coopératives d’habitat par aide mutuelle : circulation d’un contre-référentiel en Amérique latine »Anthropologie & développement, 54 | 2023, 145-164.

Référence électronique

Irene Valitutto, Claire Simonneau et Éric Denis, « Les coopératives d’habitat par aide mutuelle : circulation d’un contre-référentiel en Amérique latine »Anthropologie & développement [En ligne], 54 | 2023, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 25 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anthropodev/2298 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anthropodev.2298

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Auteurs

Irene Valitutto

UMR PRODIG, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; irene.valitutto[at]gmail.com

Claire Simonneau

LATTS, Université Gustave Eiffel, CNRS, École des Ponts ; claire.simonneau[at]univ-eiffel.fr

Articles du même auteur

Éric Denis

UMR Géographie-cités, INSHS-CNRS, Équipe PARIS ; eric.denis[at]parisgeo.cnrs.fr

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