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Le métier de procurateur

Le procurateur domanial et ses subordonnés

Documents nouveaux ou méconnus de Theueste et de Numidie méridionale
Xavier Dupuis
p. 165-180

Résumés

Le rapprochement de plusieurs inscriptions du sud de la Numidie montre que la circonscription domaniale de Theueste était, comme celle de Carthage, subdivisée en regiones administrées par des procurateurs affranchis impériaux. D’autre part un texte inédit de Theueste, un hommage à un procurateur équestre anonyme, apporte la première mention connue d’un service spécifique chargé de contrôler les comptes du patrimonium. Ces documents mettent bien en évidence la complexité de la structure de l’administration domaniale, preuve de son importance pour les finances de l’État romain.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Lella Drebblia : AE 2017, 1725 qui remplace AE 2001, 2083 et intègre les remarques de M. Christol (...)
  • 2 Naddari 2020 (AE, 2020, 1553).

1En Afrique, lorsqu’on évoque les propriétés impériales, on songe immédiatement à la circonscription domaniale de Carthage qui, depuis le xixe siècle, n’a cessé de livrer des documents exceptionnels comme en témoignent toujours les découvertes récentes de Lella Drebblia et Henchir Hnich1. À un niveau plus modeste nous connaissons depuis peu le procurateur affranchi d’une nouvelle subdivision dépendant de Carthage, la regio Vagensis et Vilthensis, et des membres de son personnel grâce à une inscription publiée par L. Naddari2.

  • 3 Hadrumetum : Christol 1999 ; Theueste : Christol 1990, 1996, articles repris et enrichis dans un (...)
  • 4 Christol 1990, p. 902-903 (= 2005, p. 114) ; 1999, p. 78 (= 2005, p. 119) ; 2005, p. 103. Cette s (...)
  • 5 Christol 1990, qui emporte sur ce point la conviction malgré les réticences répétées de Y. Le Boh (...)
  • 6 On peut citer l’exemple d’un service mal connu, la procuratèle at fusa per Numidiam, qui avait à (...)
  • 7 Sur ces subdivisions, qui n’étaient jusque-là connues que dans la circonscription domaniale de Ca (...)

2Les autres circonscriptions, celles d’Hadrumetum, de Theueste ou encore de Lepti Minus, n’ont certes pas livré de tels documents, mais dans une série d’articles3, M. Christol a bien montré l’intérêt d’un réexamen de la documentation disponible, parfois enrichie de découvertes récentes. Il a notamment mis en évidence la complexité de la structure de la procuratèle de Theueste, dont dépendaient trois bureaux, respectivement établis à Hippo Regius, Cirta et Lambaesis4, le dernier ayant la charge de l’entretien de la IIIe Légion et du paiement de la solde5. Un inventaire complet des documents épigraphiques mentionnant des membres du personnel subalterne attachés à cette circonscription domaniale apporterait certainement nombre d’éléments nouveaux6, mais dépasserait le cadre de ce travail. Cet article se bornera donc volontairement à présenter un dossier épigraphique plus limité, regroupant des documents « nouveaux », inédits ou méconnus mais parfois simplement mal compris ou mal lus, provenant de Numidie méridionale. La première partie s’attachera à mettre en évidence l’existence de subdivisions domaniales comparables à celles que nous connaissons en Proconsulaire7, en dressant une liste aussi complète que possible des procurateurs affranchis qui les dirigeaient. La seconde présentera une nouvelle inscription émanant d’affranchis et d’esclaves en poste à Theueste. Au-delà de l’enrichissement de la masse documentaire, toujours appréciable, on verra que ces textes permettent de mieux appréhender tant l’organisation territoriale et administrative de ce secteur de la circonscription de Theueste, que la structure et le fonctionnement de son bureau central.

1.  Regiones et procurateurs affranchis dans le sud-est de la Numidie

3Plusieurs documents prouvent l’existence en Numidie de subdivisions domaniales comparables à celles de la Proconsulaire.

  • 8 Anonyme 1933, d’après une copie du commandant Céard, médecin-chef du 7e Régiment de tirailleurs a (...)
  • 9 Le site (AAAlg, f. 28, sous le no 138 de la carte) est plus couramment appelé Aïn Chabor ou Chabo (...)

4La première est la reg(io) Masc(ulitana) dont l’existence est attestée par une inscription découverte en 1933 (fig. 1)8. Son premier éditeur précise que la pierre, une « colonne » qui mesurait 80 cm de hauteur, avait été trouvée à 100 m au sud d’un « fortin » au lieu-dit « Chabord », à environ un kilomètre à l’ouest de Mascula (Khenchela), dans un secteur où se trouvaient de multiples ouvrages de captage et d’adduction d’eau alimentant la ville antique9.

Fig. 1 : L’inscription de Khenchela, AE 2020, 1603

Fig. 1 : L’inscription de Khenchela, AE 2020, 1603

(copie du Cdt Céard)

5Malgré une maladresse typographique (les V en forme de U aux l. 1-3), la copie semble précise et indique la présence d’une ponctuation irrégulière aux l. 2, 3, 6 et 8, et de deux lettres plus petites, le X final de la l. 4, et le V de templum à la l. 6.

6Diis Mau|ris Aug(ustis), | Verna, Aug(ustorum) | nn(ostrorum) uerna, ex|5actor reg(ionis) |
Masc(ulitanae), templum | conlapsum | a solo suis | sumptibus |
10 fecit ded(icauit).

  • 10 Cette mention des Dii Mauri est pratiquement le seul point du texte qui a retenu l’attention : Ca (...)
  • 11 Ce nom est bien attesté, notamment pour des esclaves ou des affranchis (Kajanto 1965, p. 82, 314  (...)
  • 12 Nous y connaissons en effet les regiones Assuritana (CIL VIII, 12879 = ILS 1486), [---]tana (CIL (...)
  • 13 Sur les différents sens du mot, ThLL V, 2, col. 1135, l. 16 ; 1137, l. 65. La mention d’un autre (...)
  • 14 CIL VIII, 2228, une dédicace à Cautopates, un des dadophores de Mithra, érigée par un nommé Eutyc (...)
  • 15 La seule autre attestation explicite provient d’Éphèse, IK 13, 647 = IK 59, 129, un hommage rendu (...)

7En dépit de son intérêt, ce document n’a guère retenu l’attention et n’a été que très récemment repris par L’année épigraphique (AE 2020, 1603). Le texte mentionne pourtant un acte d’évergétisme, la reconstruction totale d’un temple dédié aux Dieux Maures10, accompli par un uerna, un esclave né dans la maison impériale nommé Verna11. Pour notre propos, l’expression regio Masculitana ne laisse guère de doute sur le fait qu’il s’agissait d’une subdivision domaniale, analogue à celles qui sont attestées en Proconsulaire12. Qualifié d’exactor, Verna était donc probablement responsable de la perception des redevances dues par les fermiers des domaines, sans qu’on puisse totalement exclure qu’il s’agisse d’un agent chargé plus spécifiquement de contrôler ou de vérifier les comptes13. Si nous en connaissons un autre à Mascula14, il faut toutefois noter que cette fonction n’est que très rarement attestée dans l’administration domaniale15.

  • 16 Dupuis, à paraître. Il est donc possible que le document publié ici par G. L. Gregori (2024) ment (...)
  • 17 Comme le montre la carte récemment établie par L. Naddari (2020, p. 511, fig. 1), où on voit que (...)

8Que Mascula ait été le siège d’une subdivision domaniale ne semble donc pas niable, et plusieurs documents suggèrent qu’elle s’étendait sur une trentaine de kilomètres vers l’est et vers l’ouest16, ce qui correspond exactement à la situation du nord de la Proconsulaire17. Enfin l’emploi de l’adjectif Masculitana pour désigner son centre amène à penser que d’autres regiones se trouvaient dans le ressort territorial du procurateur domanial de Theueste.

Fig. 2 : La région de Timgad

Fig. 2 : La région de Timgad

AAAlg, f. 27 (les sites mentionnés dans le texte sont indiqués par une flèche)

  • 18 AAAlg, f. 27, no 149.
  • 19 Outre le CIL, il s’agit de Delamare 1852, p. 65-66, nos II et III, de Renier 1855-1858, nos 1789 (...)

9De fait à Ksar Kalaba18, à une quarantaine de kilomètres au nord de Timgad (fig. 2), un dossier épigraphique composé de deux inscriptions dont on peut améliorer le texte et la présentation, CIL VIII, 4364 et 4365 = 18547 et 18548, atteste l’existence d’une seconde regio malheureusement anonyme. En tenant compte des différentes éditions (fig. 3-6)19, on peut en établir les textes comme suit :

10A)  CIL VIII, 4364 = 18547 : Imp(eratori) Caes(ari) L. Septi|mio Seuero Per|tinaci
Aug(usto) Arabi|co Adiabenico, |
5 p(ontifici) m(aximo), tr(ibunicia) p(otestate) III, imp(eratori) |
V, co(n)s(uli) II, p(atri) p(atriae), [ex] | HS c(entum) n(ummum) Gibb[en]|ses fecer(unt).

11B)  CIL VIII, 4365 = 18548 : Imp(eratori) Caes(ari) L. Septimio | Seuero Pertin[a]|ci Aug(usto)
Arabico | Adiabenico, p(ontifici) m(aximo), |
5 tr(ibunicia) p(otestate) III, imp(eratori) V,
co(n)s(uli) | II, p(atri) p(atriae), ex HS c(entum) n(ummum), cu|rante Pomponio | Fausto,
Aurel(iani) f(ilio), | d(e)d(icante) Socraten(e) proq(uratore) (sic!) |
10 Augg(ustorum)
nn(ostrorum) lib(erto) reg(ionis).

Fig. 3 : Les inscriptions de Gibba

Fig. 3 : Les inscriptions de Gibba

Les copies de Delamare.

Fig. 4 : Les inscriptions de Gibba

Fig. 4 : Les inscriptions de Gibba

Les copies de Renier.

Fig. 5 : Les inscriptions de Gibba

Fig. 5 : Les inscriptions de Gibba

Les copies de Payen.

Fig. 6 : Les inscriptions de Gibba

Fig. 6 : Les inscriptions de Gibba

Les copies du CIL.

  • 20 Kienast, Eck, Heil 2017, p. 150.

12Texte A : la copie de Leroux, transmise par A. Héron de Villefosse à J. Schmidt et H. Dessau (CIL VIII, 18548), précise et confirme les lectures antérieures des l. 1-4. Il faut simplement ajouter aux ligatures AE, MI, TI et NA, et BI et NI signalés aux l. 1, 2, 3 et 4, DI à la l. 4 (Renier). Elle est en revanche moins satisfaisante pour la suite, car aux l. 5-6, la séquence TR P II IMP COS II reprise au CIL, et la date de 194 qui en découle logiquement, seraient fautives. Les surnoms triomphaux Arabicus Adiabenicus, et la 5e salutation impériale – dont la mention, qui n’apparaît pas sur la copie de Leroux, avait été auparavant lue à deux reprises (Delamare ; Renier) – , n’ont en effet été accordés à l’empereur qu’à l’été 19520. Il faut donc revenir aux précédentes lectures reprises par G. Wilmanns, TRP IIII (Renier ; Payen ; le premier ne surligne que les trois premiers I, le second les quatre), le dernier I étant l’initiale de l’abréviation IMP vue par Leroux. L. 5-6, les chiffres sont tous surlignés (Renier). L. 7, une seule copie (Payen) indique le surlignage de C N, qui n’a rien de surprenant, puis « GIBE (?) ». Plutôt que de comprendre Gibe[n]|ses, il est préférable de penser que cet E, dont la lecture paraissait douteuse à son auteur qui l’a fait suivre d’un point d’interrogation, est en fait un vestige de la partie gauche du second B.

13Texte B : la copie de Leroux, la plus complète, est finalement assez proche de celle de Payen et semble la plus précise. À la seule exception de la dernière lettre de la l. 2, le texte ne comportait aucune lacune, et les ligatures comme les surlignages sont indiqués de façon plus complète et plus précise que par les premiers éditeurs. Toutefois il semble qu’il faille ajouter un signe de ponctuation, peut-être une hedera, entre IMP et V à la l. 5, et le groupe NN était surligné à la l. 10 (Payen). Si seul Leroux a vu le Q final de la l. 9, sa lecture LIB REG doit être rapprochée de IIB REGI (Delamare, suivi par Renier) et III REG (Payen).

14Il est inutile d’insister sur l’interprétation de G. Wilmanns, qui pensait que Pomponius Faustus était peut-être curator rei publicae et flamine perpétuel, et renonçait à interpréter les l. 9-10. Pour sa part J. Schmidt (suivi par H. Dessau) n’était apparemment guère convaincu (« fortasse … ut coniecit ») par la proposition de Th. Mommsen qui lisait Socraten(e) à la l. 9, et ne comprenait pas (« non intellego ») LIB REG, qu’il corrigeait en [G]ib(benses) [f]e[c(erunt)].

  • 21 Delamare 1852, p. 9 ; Payen 1860-1861, p. 121-122. Il pourrait aussi s’agir d’un « monument à aug (...)
  • 22 Renier 1855-1858, nos 1789, 1790 ; Delamare 1852, p. 9.

15Ces deux textes, qui ont probablement disparu, étaient apparemment remployés dans un édifice rectangulaire en pierre de taille, qualifié de « petit fort byzantin »21. Si L. Renier les décrit simplement comme s’agissant de « dé de piédestal », Ad. H. Al. Delamare, mentionne des « autels ornés de moulures »22. Ces remarques suggèrent une certaine qualité d’exécution.

  • 23 Kienast, Eck, Heil 2017, p. 149-151. Le surnom Pius apparaît dès la fin de 195 à Rome (CIL VI, 95 (...)

16Les deux textes sont contemporains, la mention conjointe des surnoms triomphaux Arabicus Adiabenicus, accordés à l’été 195 avant le 28 août, et de la 3e puissance tribunicienne, nous place entre l’été et le 9 décembre 195. Les deux Augustes mentionnés à la ligne 10 du second texte sont donc Septime Sévère et Clodius Albinus, ce dernier déclaré ennemi public à la fin de cette même année. Cependant l’absence des 6e et 7e salutations impériales, liées elles aussi aux victoires de l’été 195, comme celle du surnom Pius repris par Septime Sévère avant la fin de l’année23, amène à penser que les deux textes ont été gravés sitôt connue la nouvelle des premières victoires remportés en Orient par Septime Sévère, donc au milieu de l’été 195.

  • 24 La modicité de la somme, 100 sesterces, montre que l’hommage se limitait à ces deux pierres. Il s (...)
  • 25 AAAlg, f. 27, no 166 (fig. 2) : CIL VIII, 4363 et p. 956 : Pedatura | steratae | ˹G˺ibbensi<u>m ( (...)
  • 26 Conc. Carth. a. 411, Lancel 1991, p. 1384.
  • 27 Not. Episc. Num. 40 et 90 ; Lancel 2002, p. 256, 258 (édition du texte), 347, 352 (commentaire). (...)
  • 28 Dans cette nomenclature l’indication de la filiation par un nom, et non par le prénom du père, po (...)
  • 29 Solin 1982, p. 207 ; 2003, I, p. 264. Cette forme est rare ; on n’en relève que quatre attestatio (...)
  • 30 Attestée à Boulogne en Belgique (CIL XIII, 3550) et à Ampurias en Citérieure, précisément pour un (...)

17Il faut aussi noter que ces deux textes se complètent mutuellement et n’en forment en réalité qu’un seul. Le premier nous donne en effet le nom des auteurs de l’hommage, les Gibbenses, qui en ont à l’évidence assuré le financement24. Ces Gibbenses apparaissent également sur une inscription retrouvée à Henchir Dibba à 7 kilomètres au sud-ouest, qui indique semble-t-il l’étendue de leur territoire25. D’autre part un évêché Gibbensis est attesté en 41126, puis en 484 sous la forme Giluensis27. En revanche le second texte ne les mentionne pas mais indique d’abord celui du responsable (curante) de la gravure et de la mise en place des inscriptions, Pomponius Faustus, fils d’Aurel(ianus)28. Figure ensuite le dédicant, un nommé Socraten, variante de Socrates comme l’avait bien vu Th. Mommsen29. Même si l’ordre de la fin du texte est surprenant, tout comme la forme proquratore30, sa fonction de procurator regionis ne semble guère faire de doute. Tout indique donc que les Gibbenses étaient les colons d’un domaine impérial, et que Socraten était le responsable de la subdivision domaniale dont ils dépendaient. Sans qu’on puisse en avoir la certitude, car un procurateur affranchi pouvait évidemment intervenir dans tous les domaines dont il était responsable, rien n’exclut qu’il ait été en poste à Gibba, qui aurait donc été le centre de la subdivision.

  • 31 AAAlg, f. 27, no 277.
  • 32 Gsell, Graillot 1894, p. 20, no 68 ; Jacques 1992, p. 128 et 135, no 8.

18À Aïn Bida31, à une douzaine de kilomètres au nord de Timgad (fig. 2), une inscription mentionnant Commode a été dédiée par un procurateur impérial. Le texte était gravé sur un autel partiellement enterré (97 × 40 × 40 cm ; lettres : 4 cm) ; publié dès 1894, il n’a pas été repris par L’année épigraphique32.

19Imp(eratore) Caesa|[[re Commo|do]] Anton|ino Aug(usto) Pi|5o Germa|nico Sar|matico, |
trib(unicia) pote|st(ate) VIII, Im|
10p(eratore) VI, co(n)s(ule) IIII, | pat(re) pat(riae), de|dic(ante)
Sporu (sic), p|roc(uratore) Aug(usti).

  • 33 ILS, Index, p. 845-846.

20Sporu pour Sporo, forme d’ablatif en -u bien attestée33.

  • 34 Outre son nom, l’absence de titre montre qu’il ne peut s’agir d’un chevalier. Sans être rare, le (...)
  • 35 Kienast, Eck, Heil 2017, p. 140-142. Il ne faut probablement pas trop descendre la date du texte (...)

21St. Gsell et H. Graillot avaient déjà bien compris que Sporus était certainement un affranchi appartenant à l’administration domaniale34. Comme à Ksar Kalaba, la date du texte est intéressante. Les titres de Commode montrent en effet qu’elle correspond à la période allant du 1er janvier (4e consulat) au 9 décembre 183 (fin de la 8e puissance tribunicienne). Il est cependant possible qu’on se place plutôt au début de l’année, l’inscription commémorant à la fois le 4e consulat et la 6e salutation impériale de Commode, dont nous ignorons quand il l’a précisément reçue dans le courant de 18335.

  • 36 AAALg, f. 27, no 247.
  • 37 CIL VIII, 2439 d’après Renier 1855-1858, no 1578 ; révisée dans Leglay 1966, p. 114, n. 1 ; 1968, (...)

22Toujours aux environs de Timgad, mais à 10 kilomètres à l’ouest, à Lambafundi (Henchir Touchine) (fig. 2)36, un autre texte méconnu mentionne également un procurateur impérial37.

23T. Flauius | Respectus, | Extricati | Aug(usti) l(iberti) proc(uratoris) f(ilius), |5 h(ic) s(itus) e(st),
u(ixit) a(nnis) XXIX ; | Secundilla, | Aug(usti) l(iberta), mater | fecit.

  • 38 CIL VIII, 2438 et 17941 ; Leglay 1966, p. 114, n. 1, suivant J. Schmidt et H. Dessau qui proposai (...)
  • 39 AE 1908, 237 ; Thomasson 1996, p. 141-142, no 18.

24Le défunt était donc le fils d’un procurateur impérial affranchi par un empereur flavien. M. Leglay avait rapproché ce document d’une inscription dédiée à Septime Sévère érigée en 197, peut-être par les [coloni saltus La]m[b]afundensium38, restitution qui n’est évidemment pas totalement assurée. Le texte a été dédié par Q. Anicius Faustus, légat légionnaire, ce qui peut paraître étonnant vu le contexte, et ce quelle que soit la restitution retenue pour le nom des dédicants. La proximité de Lambèse constitue assurément un facteur d’explication, mais il faut aussi noter qu’un de ses prédécesseurs en poste vers 108-109, A. Larcius Priscus, était déjà intervenu à Lambafundi où il avait érigé en ex uoto un autel à Jupiter Très Bon Très Grand39. On ne peut que relever le fait sans rien en déduire de précis, et la nature du texte ne permet pas d’être certain qu’Extricatus avait exercé ses fonctions sur place comme le pensait M. Leglay. En revanche il semble assuré que son épouse, également affranchie de l’empereur, et son fils vivaient sur un domaine impérial proche de Lambèse et de Timgad au début du iie  siècle.

  • 40 AAAlg, f. 39, no 114. CIL VIII, 10703 ; Jacques 1992, p. 125-126, et 133, no 2 (AE 1993, 1765).

25À Henchir Goussate dans les Nemencha, la région située entre le massif aurasien et Tébessa (fig. 7), Fr. Jacques a proposé de restituer la mention d’un procurateur affranchi impérial40.

26[Im]perato|[ri] Caes(ari) | [M.] Aure|[lio A]nto|5[nino Pio Fe]l(ici) | [fecer]unt | [---]
d(e)d(icauit) | [---]s Aug | [lib(ertus) pro]c(urator).

  • 41 AE 1982, 960 ; Jacques 1992, p. 133, no 1 : dédicace à Tacite (275-276) érigée par les coloni loc (...)

27Le détail des restitutions peut évidemment être discuté, mais la mention d’un esclave ou d’un affranchi de l’empereur semble assurée. Ajouté à d’autres provenant du site ou des environs, ce texte montre l’existence de propriétés impériales dans le secteur41.

Fig. 7 : Les Nemencha

Fig. 7 : Les Nemencha

AAAlg, f. 39 (les sites mentionnés sont indiqués par une flèche).

  • 42 AAAlg, f. 39, no 120, et Addition et corrections, p. 26 ; le site doit correspondre aux coordonné (...)

28Enfin à Henchir el Abtine42, à 28 kilomètres au nord-est du précédent (fig. 7), J. Marcillet-Jaubert a copié une inscription inédite mentionnant un autre procurateur affranchi impérial.

29Il s’agit d’un autel (110 × 41 × 29 cm), composé d’une base, d’un dé (53 × 41 cm) et d’un couronnement d’un travail assez grossier (fig. 8-9). Il y avait peut-être deux lettres sur le couronnement, puis le dé porte un texte de neuf lignes, gravé en capitales aux trois premières (l. 1-3 : 6-7 cm), et en écriture courante aux six suivantes (l. 4-9 : 3-4 cm).

Fig. 8 : L’inscription d’Hr el Abtine, vue d’ensemble

Fig. 8 : L’inscription d’Hr el Abtine, vue d’ensemble

(cliché J. Marcillet-Jaubert)

Fig. 9 : L’inscription du dé

Fig. 9 : L’inscription du dé

(cliché J. Marcillet-Jaubert)

30Sur le couronnement, les lettres V S ne sont peut-être que des traits parasites. S’il s’agit bien d’un texte, on peut penser à l’initiale du nom d’une divinité suivie de s(acrum), voire à V(otum) s(oluit).

31Sur le dé la gravure est très négligée et les l. 7-9 sont indéchiffrables ; il est possible que sur les bords droit et gauche, un ou deux signes aient parfois disparu. L. 2, il est manifeste que VS avait été omis et a été rajouté entre le G et le T.

32Numini | Augusto | sacrum, | Salutaris Aug|5[ust]orum lib<e>rt|us procurato|r ---
(la suite n’est pas déchiffrable).

33Le texte mentionne donc un autre procurateur affranchi, agissant certainement là aussi es-qualité dans un domaine impérial. Si le site n’a jamais été véritablement étudié, il a livré plusieurs textes tout à fait remarquables :

  • 43 AE 1909, 227, d’après Guénin 1909, p. 154. Il n’existe aucune autre attestation épigraphique de l (...)

34– Sur un « dé brisé » (pas de dimensions, hl : 6 cm) : Diuo | Gali|eno | ------43.

  • 44 AE 1909, 225, d’après Guénin 1909, p. 154, no 2 ; le texte a également été publié par R. Cagnat ( (...)

35– Sur une base (129 × 46 × 33 cm, dé 71 × 33 cm ; Hdl : 4 cm) : Sacratissi|mis atque in|uictissimis | Caess(aribus), Fla(uius) Co|5nstantius | Iunio<r> est He|rculius et | Val(erius) Maximia|nus Iouius, |10 Caess(ares)44.

  • 45 AE 1909, 226, d’après Guénin 1909, p. 154, no 3. Le texte a été corrigé d’après le 2e carnet de F (...)

36– Sur une autre base (120 × 41 × 40 cm ; Hdl : 5,5-6 cm) : Sacratissi|mis atque | inuictissi|mis Caess(aribus), Fl(auius) |5 Val(erius) Consta|ntius Iunio<r> | est Herculius | et C. Val(erius) Maxi|mianus Ioui<u>s, |10 Caess(ares) (fig. 10)45.

Fig. 10 : Hr el Abtine

Fig. 10 : Hr el Abtine

AE 1909, 226 (cliché J. Marcillet-Jaubert).

  • 46 Sur cette rareté voir déjà implicitement Seston 1946, p. 215, nos 6 et 9, qui ne cite que peu d’i (...)
  • 47 Il faut cependant noter qu’il existe d’autres mentions épigraphiques de ces signa en Numidie, par (...)
  • 48 A. Hunnell Chen (2023, p. 91) suggère que le message envoyé par ces signa pouvait être adressé à (...)

37La mention de Gallien divinisé était déjà étonnante, mais les deux autres textes le sont en fait tout autant. Comme Dioclétien et Maximien, Galère et Constance Chlore Césars portaient en effet respectivement les signa Iouius et Herculius. Toutefois, si le fait est avéré, les mentions épigraphiques ou numismatiques en sont en réalité bien moins fréquentes qu’on ne peut le penser46, et surtout la formulation de ces deux textes est sans parallèle véritable47. On note en effet tant la rupture de construction, avec le passage du datif au nominatif, que l’effet d’insistance donné par l’emploi de est dans la phrase. Vu leur formulaire, de tels textes ne peuvent émaner que de l’administration domaniale, voire de la chancellerie impériale. Sur ce site rural, à l’écart de toute cité importante comme des grands axes de circulation, la présence de ces trois inscriptions associées à la mention d’un procurateur affranchi montre qu’on se trouvait là aussi sur un domaine impérial48.

2. Un nouvel hommage à un procurateur domanial à Theveste

  • 49 On la trouve sous le lien suivant : https://edh.ub.uni-heidelberg.de/edh/foto/F002213. Elle figur (...)

38Dans la photothèque de l’Epigraphische Datenbank Heidelberg (EDH) se trouve la photographie d’une inscription de Theueste prise par G. Alföldy en 198849. Il s’agit d’un bloc, probablement retaillé, incomplet en haut et à droite, dont nous ne connaissons pas les dimensions (fig. 11-13). Le champ épigraphique est délimité par une moulure, composée d’une bordure plate suivie d’une doucine. La gravure est relativement soignée et fort régulière ; on distingue aussi nettement des traces de réglure, notamment à la l. 2. En revanche la ponctuation ne semble pas systématique, le seul point assuré se trouve à la fin de la l. 5, et il y en avait peut-être un autre l. 3, après PRAEP. On voit nettement un I long à la l. 2, et tous les T du texte (l. 2, 4 et 5) dépassent en hauteur les autres lettres.

Fig. 11 : L’inscription de Tébessa

Fig. 11 : L’inscription de Tébessa

(cliché G. Alföldy, https://edh.ub.uni-heidelberg.de/​edh/​foto/​F002213)

39On lit sans véritable difficulté le texte suivant :

40 ------
1 DARDA++[---]
DIOECESIS TH[---]
PRAEP⁕RAR[---]
LIBERTIETFA[---]
5 PATRIMONI⁕[---]
EXPVNGV[---]

  • 50 En effet l’absence apparente de boucle inférieure exclut un B, et la forme de celle des P du text (...)

41L. 1, après le A il y avait probablement un N, puis la partie inférieure d’une haste non identifiable. L. 2, le premier E, gravé en tout petit caractère, est très net à l’agrandissement (fig. 12) ; il s’agit manifestement d’un rajout qui corrige son omission lors de la gravure initiale. Vers la fin, après le S et le T, les traces qu’on pourrait prendre pour deux points sont clairement accidentelles ; la dernière lettre, légèrement endommagée en haut à droite, est indiscutablement un H. À la l. 3, la dernière lettre ne peut guère qu'être un R50, dont on voit encore nettement l’amorce de la partie supérieure de la boucle, et la fin de son extrémité inférieure qui rejoint le milieu de la haste ; enfin plus bas, la fracture de l’éclat qui a endommagé la surface de la pierre à cet endroit semble suivre le trait oblique du R. Même s’il y a quelques dommages superficiels, la lecture des l. 4-6 est sûre.

Fig. 12 : L’inscription de Tébessa, détail de la l. 2

Fig. 12 : L’inscription de Tébessa, détail de la l. 2

(cliché G. Alföldy, https://edh.ub.uni-heidelberg.de/​edh/​foto/​F002213)

Fig. 13 : L’inscription de Tébessa, détail des l. 3-4

Fig. 13 : L’inscription de Tébessa, détail des l. 3-4

(cliché G. Alföldy, https://edh.ub.uni-heidelberg.de/​edh/​foto/​F002213)

  • 51 A Cirta, on trouve la mention d’un proc(urator) Aug(usti) dioecesos regionis Hadrumetinae et Theu (...)
  • 52 Pour la seule procuratèle de Theueste, on trouve le plus souvent regio (CIL XIV, 5351 ; IRT 395 e (...)
  • 53 Christol 1999, p. 79 (= 2005, p. 119).
  • 54 On la trouve dans un hommage collectif rendu à Hippo Regius (Annaba) à un procurateur domanial de (...)
  • 55 Sur l’emploi de ce mot, attesté exactement dans le même contexte par un texte des environs de Thy (...)
  • 56 Si ce superlatif est bien plus fréquemment employé dans la sphère privée, notamment dans les épit (...)

42Ce qui subsiste du texte aux l. 2-4 suffit à montrer qu’on a affaire à un hommage adressé à leur chef de service, le procurateur équestre de la région domaniale de Theueste, par des subordonnés, affranchis et esclaves. à la l. 2, le mot dioecesis était en effet déjà utilisé à trois reprises pour désigner des circonscriptions domaniales africaines51, à côté de regio, tractus, voire prouincia52. Comme l’a rappelé M. Christol, ce mot insiste sur les tâches d’« administration financière », et de « gestion » des procurateurs domaniaux53 ; son emploi n’a donc rien d’étonnant et impose la restitution Th[euestinae]. Ensuite à la l. 4, on lit de façon sûre liberti et fa[milia], expression qu’on trouve également dans ce contexte54 et qui désigne l’ensemble du personnel subalterne, affranchis et esclaves. A la l. 3, PRAEP est l’abréviation de praepositus, mot qui convient aussi parfaitement lorsqu’il est utilisé par des subordonnés pour qualifier leur chef de service55 ; on peut donc restituer de façon sûre praep(osito) rar[issimo]. Si ce superlatif se trouvait déjà dans des hommages comparables56, c’est en revanche la première fois semble-t-il qu’il est associé à praepositus.

  • 57 L’EDCS en signale environ 40, dont la moitié à Rome et une douzaine dans le Latium et en Campanie
  • 58 C’est le signum d’un notable de Giufi en Proconsulaire (CIL VIII, 859 = 12376), et celui d’un pré (...)
  • 59 Par exemple Dardania genitus (CIL XIII, 8371 à Cologne), natione Dardana (CIL III, 5283 à Celeia)(...)
  • 60 Si on suit l’EDCS son nom apparaît ou apparaissait sur une quarantaine de diplômes, le dernier pu (...)
  • 61 Logiquement un préfet d’aile n’accédait pas directement à un poste centenaire comme l’était celui (...)

43Bien évidemment le mot procuratori, probablement abrégé, devait se trouver à la première ligne mais l’étendue de la lacune, comparable à celles qui ont affecté les l. 2-4, explique qu’il n’en subsiste aucune trace. Ce qu’on lit encore au début, très probablement Dardan+[---], évoque évidemment soit le nom d’une ville mythique proche de Troie, Dardanie, soit celui de la région illyrienne homonyme devenue province au ive s. Malheureusement on ne peut qu’hésiter entre de multiples solutions. D’abord un nom, dont la valeur peut être mythologique ou plus simplement ethnique, bien attesté au masculin comme au féminin sous les formes Dardanus, -a ou Dardanius, -ia57, et utilisé aussi comme signum58. La mention d’une origine géographique n’est pas non plus exclue59. Enfin, plusieurs unités auxiliaires portaient ce nom, dont une ala I Vespasiana Dardanorum bien attestée par de multiples documents, notamment des diplômes militaires60. Dans l’état actuel du texte aucune de ces hypothèses ne s’impose, et il est donc impossible de déterminer s’il s’agit du cognomen ou du signum du personnage, d’une allusion à son origine ethnique, voire de la mention d’une étape antérieure de sa carrière61.

  • 62 ThLL V, 2, col. 1813, l. 32 - 1814, l. 54, et surtout les remarques de R. Marichal sur pungere et (...)
  • 63 Vlp., dig. 50, 16, 56 : dispungere est conferre accepta et data, définition qui fait écho à un pa (...)

44A la l. 5, le mot patrimoni est intact, et ce qui subsiste de la dernière correspond à la forme verbale expungu[nt], dont le sujet est évidemment liberti et fa[milia]. Le sens d’expungere, dérivé de pungere, soit « rayer », « biffer », est clair62, mais aucun parallèle épigraphique ne vient éclairer notre texte. C’est en fait vers les textes littéraires et juridiques qu’il faut se tourner car ils nous montrent comment ces verbes sont employés pour qualifier des opérations comptables. Dispungere par exemple signifie « comparer », « répartir », les recettes et les dépenses63. Expungere a lui clairement le sens de « clore définitivement », « approuver » les comptes dans deux textes juridiques qui évoquent les conditions dans lesquelles s’applique ou non la prescription vicennale légale, au-delà de laquelle il était en principe impossible de reprendre des comptes approuvés et définitivement clos :

  • 64 Hermog., dig. 44, 3, 13, 1. Hermogénien est un juriste de l’époque de Dioclétien.

45– Rei publicae rationes subscriptae et expunctae aduersus eum quidem, qui administrauit, ultra uiginti, aduersus heredem uero ultra decem annos retractari non possunt64.

  • 65 Mod., dig. 50, 8, 10, 1. Modestin est un élève d’Ulpien, actif vers 220-240 ; l’ajout de rationes(...)

46– Calculi erroris retractatio etiam post decennii aut uicennii tempora admittetur. Sed si gratiose <rationes> expunctae dicentur, non retractabuntur65.

  • 66 Supra, n. 54.

47Suivant l’ordre des deux textes les plus complets, ceux de Sénèque et d’Hermogénien, et en reprenant le même type de formulation qu’on trouve, certes dans un contexte très différent, à Hippo Regius, liberti et familia … qui … consistent66, on peut alors proposer la restitution suivante de l’inscription de Theueste :

48------ | Dardan+[--- proc(uratori)] | dioecesis Th[euestin(ae)], | praep(osito) rar[issimo], |
liberti et fa[milia qui] |
5 patrimoni [rationes] | expungu[nt ---].

49Dans le détail, il faut observer que la mise en page semble soignée, qu’il y a un alinéa l. 6, et que le texte est justifié à gauche. Même si cela n’implique pas nécessairement qu’il l’ait également été à droite, il est donc préférable d’abréger Th[euestin(ae)] pour équilibrer les restitutions. Ensuite, une large partie du R et six lettres auraient disparu l. 3, contre huit aux deux suivantes, mais manifestement sa mise en page est aussi moins serrée. Enfin, après expungu[nt], il avait certainement un verbe abrégé, pos(uerunt) ou fec(erunt) par exemple.

  • 67 Il est vrai qu’on n’en connaissait que six au total (liste actualisée dans Christol 1996, p. 35-3 (...)
  • 68 Christol 2008, p. 2074-2075, qui rappelle que si la mention du patrimonium apparaît à plusieurs r (...)
  • 69 CIL VIII, 10570 = 14464 (ILS 6870). De façon plus indirecte c’est peut-être une affaire de ce gen (...)
  • 70 Dupuis 2000, p. 289-290, sur les fonctions de ces agents en Afrique et en Illyricum.
  • 71 Cette précision apparaît sur deux épitaphes d’affranchis d’Antonin le Pieux, provenant du cimetiè (...)

50Tel qu’on peut le restituer, ce texte apporte nombre d’informations importantes. Il faut d’abord rappeler que c’est le premier des procurateurs qui apparaît sur son lieu d’exercice à Theueste, pourtant siège de la circonscription domaniale67, et surtout qu’il s’agit bien d’un service du patrimonium, précision plus rare qu’on ne le pense68. L’intérêt essentiel du texte réside évidemment dans les trois dernières lignes qui font apparemment allusion à un service important, regroupant un personnel composé d’affranchis et d’esclaves, et chargé spécifiquement de la vérification et de la clôture définitive des comptes du patrimoine. Il est évident que la gestion des domaines impériaux, et peu importe qu’il s’agisse du patrimonium ou de la ratio priuata, brassait énormément d’argent, comme le confirment les affaires de corruption dont le plus célèbre exemple est l’affaire du saltus Burunitanus69. Malheureusement ces services comptables n’apparaissent que fort indirectement par les mentions de leurs personnels, et très rarement en tant que tels. Dans les services fiscaux comme les quattuor publica Africae, on trouvait des contrascriptores qui sont à l’évidence, en tant qu’adjoints directs des uilici responsables des bureaux de perception, chargés de la vérification et de la certification des comptes70. C’est probablement pour une part dans ces services comptables que travaillaient les tabularii affranchis et leurs adiutores, parfois eux aussi affranchis, que nous connaissons dans les circonscriptions domaniales. Enfin il est possible que ce soit aussi à ces bureaux spécifiques que renvoie le mot mensa, très rarement attesté en épigraphie dans cette acception, mais qui en Afrique apparaît à deux reprises, dans les subdivisions domaniales de Thisiduo et de Vaga dans le nord de la Proconsulaire, pour désigner le service dans lequel travaillaient des adiutores tabularii affranchis71. Si la restitution de notre inscription est juste, on voit qu’à Theueste, comme à Thisiduo et à Vaga, des agents impériaux n’ont pas indiqué le nom de la circonscription ou de la subdivision dont ils dépendaient, mais bien celui du service précis dans lequel ils travaillaient.

Conclusions

  • 72 Il faut en revanche renoncer définitivement à l’hypothèse que Timgad aurait été le siège d’une ci (...)

51Un premier bilan se dégage de ces documents. Au terme de cet inventaire, on voit d’abord qu’on retrouve en Numidie une géographie administrative identique à celle du nord de la Proconsulaire. Outre la regio Masculitana, dont l’existence est avérée, diverses mentions de procurateurs affranchis – quatre ou cinq, auxquels s’ajoute maintenant celui d’Aïoun Bedjene publié par G. L. Gregori – , montrent qu’il y en avait en effet une autre à Gibba (Ksar Kalaba) ou aux alentours, une troisième à Timgad72 ou aux environs (fig. 2), et probablement au moins deux dans la région géographiquement très compartimentée qu’étaient les Nemencha (fig. 7). Outre leur répartition, divers indices montrent aussi que la superficie de ces subdivisions domaniales était très comparable à celles de la Proconsulaire. Il ne faut certes pas extrapoler et nécessairement imaginer que les modes de gestion qu’ont révélés les règlements retrouvés en Proconsulaire s’appliquaient en Numidie, mais il semble au moins avéré que l’organisation administrative d’ensemble n’était guère différente.

52Enfin le nouveau texte de Theueste atteste explicitement l’existence, dans le bureau central de la circonscription, d’un service spécifique chargé de contrôler et de certifier les comptes financiers du patrimoine. Cela suppose l’existence d’une administration complexe et très structurée, dont le personnel nombreux et les différents bureaux étaient chargés d’effectuer les multiples tâches, techniques, administratives, financières et comptables, que nécessitait la gestion des domaines impériaux. De façon indirecte mais fort précise, apparaissent alors tant l’importance des revenus qu’ils généraient, qui explique la nécessité de les contrôler, que le caractère très élaboré et structuré de l’administration impériale. Dans le service central comme sur le territoire de la circonscription domaniale, ce sont finalement les documents qui évoquent le personnel subalterne qui nous renseignent le mieux sur la complexité des tâches qui incombaient aux procurateurs équestres.

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Notes

1 Lella Drebblia : AE 2017, 1725 qui remplace AE 2001, 2083 et intègre les remarques de M. Christol (2018). Henchir Hnich : AE 2018, 1935 ; 2020, 1583. Sur ces documents et ce qu’ils nous apprennent de la gestion et de la mise en valeur des terres impériales, González Bordas, France 2017 ; Chérif, González Bordas 2020, p. 217-221 ; Dalla Rosa 2022 ; González Bordas 2022.

2 Naddari 2020 (AE, 2020, 1553).

3 Hadrumetum : Christol 1999 ; Theueste : Christol 1990, 1996, articles repris et enrichis dans un recueil plus récent (Christol 2005) ; Lepti Minus : Christol 2008.

4 Christol 1990, p. 902-903 (= 2005, p. 114) ; 1999, p. 78 (= 2005, p. 119) ; 2005, p. 103. Cette situation s’explique par une histoire et des situations différentes : la Numidie d’Hippone et le territoire de Cirta étaient passés sous le contrôle de Rome à la fin de la République, alors que le sud de la Numidie, où se trouvaient l’essentiel de l’armée d’Afrique et son chef, ne fut pas annexé avant la fin de l’époque julio-claudienne (Christol 1994, p. 302).

5 Christol 1990, qui emporte sur ce point la conviction malgré les réticences répétées de Y. Le Bohec (1992, 2020).

6 On peut citer l’exemple d’un service mal connu, la procuratèle at fusa per Numidiam, qui avait à peu près le même ressort territorial que celle de Theueste et certainement des rapports étroits avec elle. Nous savions déjà qu’un avocat du fisc lui était affecté (CIL VIII, 26582 = DFH, p. 182-186, no 70), et qu’elle avait un tabularium à Cirta (Christol 2005, p. 123-124). Sauf à supposer que plusieurs avocats du fisc étaient affectés à ce service, un autre document méconnu retrouvé dans cette ville, l’épitaphe d’Hilarus, alumnus ˹f˺isci aduocati (CIL VIII, 7078 = ILAlg II, 1, 793), apporte quasiment la preuve que son service central y était installé.

7 Sur ces subdivisions, qui n’étaient jusque-là connues que dans la circonscription domaniale de Carthage (voir infra, n. 12), la référence essentielle demeure l’article de J. Kolendo (1968, notamment aux p. 323-326, complété maintenant dans Christol 2018), qui a démontré que les procurateurs affranchis attestés en Afrique n’étaient pas les responsables de grands domaines mais bien ceux des subdivisions appelées regiones. De façon générale, on a considéré que cette organisation territoriale n’existait pas ailleurs en Afrique. Dans la bibliographie existante, il ne semble y avoir aucune allusion à celles qui auraient pu exister dans la circonscription de Theueste ; en ce qui concerne celle d’Hadrumetum, G. Boulvert (1970, p. 292 et n. 190-191) affirmait à propos d’un procurateur affranchi impérial intervenant dans le saltus Massipianus (CIL VIII, 587) : « … la région domaniale d’Hadrumète … n’est pas subdivisée en régions : il s’agit donc du procurator saltus ».

8 Anonyme 1933, d’après une copie du commandant Céard, médecin-chef du 7e Régiment de tirailleurs algériens.

9 Le site (AAAlg, f. 28, sous le no 138 de la carte) est plus couramment appelé Aïn Chabor ou Chabor ; on trouve une description précise des vestiges dans Birebent 1962, p. 219-230.

10 Cette mention des Dii Mauri est pratiquement le seul point du texte qui a retenu l’attention : Camps 1990, p. 149, no 15, repris par D. M. Beck (2020, p. 270, no 15).

11 Ce nom est bien attesté, notamment pour des esclaves ou des affranchis (Kajanto 1965, p. 82, 314 ; Solin 1996, p. 131) ; il faut ajouter ce texte aux listes données par M. Abid (2020, p. 486-492) dans son étude des uernae africains. En revanche, le choix de ce nom pour un uerna paraît unique en Afrique, sinon dans le monde romain.

12 Nous y connaissons en effet les regiones Assuritana (CIL VIII, 12879 = ILS 1486), [---]tana (CIL VIII, 12880), Thug(gensis) (CIL VIII, 12892 = ILS 1510, et ILAfr 568), Thuburb(itana) Maius et Canopitan(a) (ILAfr 246), et maintenant Vag(ensis) et Vilthensis (Naddari 2020 = AE 2020, 1553).

13 Sur les différents sens du mot, ThLL V, 2, col. 1135, l. 16 ; 1137, l. 65. La mention d’un autre exactor à Mascula (voir la note suivante), exclut ici la lecture ex actor(e).

14 CIL VIII, 2228, une dédicace à Cautopates, un des dadophores de Mithra, érigée par un nommé Eutyces, vicaire de Felicissimus, un autre uerna impérial qui exerçait la même fonction, vraisemblablement dans le même service que Verna. Indépendamment du nouveau texte, plusieurs indices montraient déjà que Mascula pouvait être un centre domanial : Dupuis 2020, p. 236 et n. 48 et Dupuis, à paraître.

15 La seule autre attestation explicite provient d’Éphèse, IK 13, 647 = IK 59, 129, un hommage rendu par un exactor à son supérieur, le procurateur équestre de la ratio priuata des provinces d’Asie, Phrygie et Carie.

16 Dupuis, à paraître. Il est donc possible que le document publié ici par G. L. Gregori (2024) mentionne un procurateur affranchi de cette regio, puisque le lieu de sa découverte, les environs de Bedjene, se trouve à 32 kilomètres à l’est-sud-est de Khenchela. Sur ce site, voir Guénin 1909, p. 167-168 ; AAAlg, f. 28, nos 160-161, et les Additions et corrections, p. 17, où il est évoqué mais curieusement non localisé précisément ; il ne figure donc ni sur la carte, ni dans l’index. Les sources d’Aïoun Bedjene, qui se trouvent un peu au sud, sont indiquées près de la bordure nord de la f. 39, entre les nos 48 et 87 (fig. 7).

17 Comme le montre la carte récemment établie par L. Naddari (2020, p. 511, fig. 1), où on voit que l’emplacement des centres domaniaux de Thisiduo, Thugga et Vaga délimite des subdivisions d’une trentaine de kilomètres de rayon environ.

18 AAAlg, f. 27, no 149.

19 Outre le CIL, il s’agit de Delamare 1852, p. 65-66, nos II et III, de Renier 1855-1858, nos 1789 et 1790 (qui reprend pour l’essentiel les copies de Delamare en utilisant aussi une copie de Coopman pour le no 1789), et de Payen 1860-1861, p. 121-123, nos 12 et 13 (ces références sont abrégées dans le commentaire du texte). Les deux textes sont repris par Fr. Jacques (1992, p. 136-137, nos 13 et 14).

20 Kienast, Eck, Heil 2017, p. 150.

21 Delamare 1852, p. 9 ; Payen 1860-1861, p. 121-122. Il pourrait aussi s’agir d’un « monument à auges » ; sur ces constructions, voir en dernier lieu Leveau 2022. St. Gsell (AAAlg, f. 27, no 149) signale que les ruines avaient déjà pratiquement disparu à la fin du xixe siècle.

22 Renier 1855-1858, nos 1789, 1790 ; Delamare 1852, p. 9.

23 Kienast, Eck, Heil 2017, p. 149-151. Le surnom Pius apparaît dès la fin de 195 à Rome (CIL VI, 954 et 31214 = ILS 418), et à Aizanoi en Phrygie (CIG III, 3837 et p. 1065-1066, avec un texte complété et corrigé repris dans les ILS, 8805).

24 La modicité de la somme, 100 sesterces, montre que l’hommage se limitait à ces deux pierres. Il semble donc exclu qu’il puisse s’agir d’une statue, a fortiori de thermes d’un coût de 100 000 sesterces (suggestion de R. Duncan Jones [1974, p. 91, no 31 et 115] qui les rapprochait d’un texte bien différent des environs de Mastar, AE 1908, 244-245 = ILAlg II, 3, 10323, hypothèse fermement critiquée par Fr. Jacques – 1992, p. 137).

25 AAAlg, f. 27, no 166 (fig. 2) : CIL VIII, 4363 et p. 956 : Pedatura | steratae | ˹G˺ibbensi<u>m (CIBBENSIM d’après la copie). Pedatura désigne l’étendue d’un territoire (ThLL X, 1, 1, col. 963, l. 61 – 964, l. 18) ; sterata, est un hapax, forme de strata ou dérivé du grec στερεός ? (ThLL X, 1, 1, col. 964, l. 8-10).

26 Conc. Carth. a. 411, Lancel 1991, p. 1384.

27 Not. Episc. Num. 40 et 90 ; Lancel 2002, p. 256, 258 (édition du texte), 347, 352 (commentaire). Le texte mentionne à deux reprises un siège Giluensis, soit par erreur, soit plutôt pour désigner deux évêchés distincts, Gilua que plusieurs documents permettent de localiser près de Calama (Lancel 1984, p. 1100-1102), et Gibba. La forme Giluensis évoque le toponyme actuel, Ksar Kalaba ; on peut également la rapprocher de l’hapax gilbula pour gibbula (ThLL VI, 2, col. 1974, l. 35-36, et col. 1993, l. 21).

28 Dans cette nomenclature l’indication de la filiation par un nom, et non par le prénom du père, pourrait évidemment indiquer une acquisition récente de la citoyenneté ; toutefois, vu la fréquence de Pomponius et de Faustus, il est préférable penser qu’on a voulu éviter une confusion avec un homonyme.

29 Solin 1982, p. 207 ; 2003, I, p. 264. Cette forme est rare ; on n’en relève que quatre attestations à Rome, CIL VI, 868 et 1063 (où le même individu apparaît sous la forme Socraten à la l. 8 et Socrates, col. 1, l. 7) et ICVR, n. s. VIII, 22022, 23284, et une cinquième à Bénévent, AE 2013, 365.

30 Attestée à Boulogne en Belgique (CIL XIII, 3550) et à Ampurias en Citérieure, précisément pour un procurateur impérial, Maturus proqura|tor Augusti (AE 2005, 881a). L’ordre pourrait s’expliquer par l’ajout in extremis de reg(ionis), oublié dans la rédaction initiale.

31 AAAlg, f. 27, no 277.

32 Gsell, Graillot 1894, p. 20, no 68 ; Jacques 1992, p. 128 et 135, no 8.

33 ILS, Index, p. 845-846.

34 Outre son nom, l’absence de titre montre qu’il ne peut s’agir d’un chevalier. Sans être rare, le nom grec Sporus n’est pas très fréquent (une vingtaine d’attestations dans l’EDCS), et attesté pour l’essentiel à Rome et en Italie (Solin 2003, 2, p. 1043).

35 Kienast, Eck, Heil 2017, p. 140-142. Il ne faut probablement pas trop descendre la date du texte car Commode porte, parfois dès la fin de 182, les surnoms triomphaux de Sarmaticus et Germanicus maximus qui se généralisent ensuite (Kneissl 1969, p. 113-114, 208-209). On trouve une titulature identique à Suas en Proconsulaire, CIL VIII, 1311 = 14811, l. 1-2 : [--- Imp(eratoris) Caes(aris), diui M(arci) Antonini Pii Germ(anici) Sarmati]ci [[«f(ilii)»]] diui Pii [[« nep(otis) »]] diui Hadria[ni pron(epotis) diui Traiani Parth(ici) abn(epotis) diui Neruae adn(epotis), | M(arci) Aur(elii) Commodi Antonini Pii Aug(usti) Germ(anici) Sarm(atici), pont(ificis) max(imi), trib(unicia)] [[« pot(estate) VII»]]I, [[«imp(eratoris) VI, co(n)s(ulis)»]] [IIII, p(atris) p(atriae)]. Il en est de même dans une inscription de Rhétie, CIL III, 11933, moins détaillée : [Imp(eratori) Caes(ari)] M(arco) Aurel(io) | [[Comm]odo]] Anto|[nino Pio] Aug(usto) Germ(anico) | [Sarma]tic(o), co(n)s(uli) IIII, |5 [coh(ors) I] Breuc(orum), | [Spicio] Ceriale | [leg(ato) Aug(usti)] pr(o) pr(aetore).

36 AAALg, f. 27, no 247.

37 CIL VIII, 2439 d’après Renier 1855-1858, no 1578 ; révisée dans Leglay 1966, p. 114, n. 1 ; 1968, p. 222, n. 6 et 229-230, n. 4 (non reprise dans L’année épigraphique). La l. 4 avait été mal lue et donc mal comprise (Aug(usti) l(iberti) l(ibertus), Rog(ati) f(ilius)), et la suivante omise.

38 CIL VIII, 2438 et 17941 ; Leglay 1966, p. 114, n. 1, suivant J. Schmidt et H. Dessau qui proposaient aussi [seniores pagi], G. Wilmanns avait pensé à [possessores uici]. M. Leglay notait également que la bonne qualité relative des stèles à Saturne suggérait une certaine aisance, qu’expliquerait bien la présence d’un domaine impérial. Le texte, daté précisément par la mention des consuls de 197, a été dédié par Q. Anicius Faustus, légat bien connu de la IIIe Légion en poste de 197 à 201 (Thomasson 1996, p. 170-176, no 50).

39 AE 1908, 237 ; Thomasson 1996, p. 141-142, no 18.

40 AAAlg, f. 39, no 114. CIL VIII, 10703 ; Jacques 1992, p. 125-126, et 133, no 2 (AE 1993, 1765).

41 AE 1982, 960 ; Jacques 1992, p. 133, no 1 : dédicace à Tacite (275-276) érigée par les coloni loci legum Maiorum et {Minorum}). AE 1971, 513 et 1975, 943 ; Jacques 1992, p. 134, no 3 : dédicace à Jupiter Très Bon Très Grand pour le salut de Sévère Alexandre (222-235) par les coloni legum Maioru et Minoru (sic) à Aïn Roumi (AAAlg, f. 39, no 106), à 10 km au nord-ouest.

42 AAAlg, f. 39, no 120, et Addition et corrections, p. 26 ; le site doit correspondre aux coordonnés 35°12’36.82 N - 7°34’40.49 E, où Google Earth signale des « vestiges romains ». J. Marcillet-Jaubert s’était rendu sur le site vers 1970, et avait revu trois des inscriptions copiées par Fr. Guénin en 1908 (AE 1909, 224-226). Le texte publié ici avait déjà été cité et utilisé par Fr. Jacques (1992, p. 126 et 134, no 4) d’après la copie et les photos de J. Marcillet-Jaubert.

43 AE 1909, 227, d’après Guénin 1909, p. 154. Il n’existe aucune autre attestation épigraphique de la divinisation de Gallien, mais elle est mentionnée par Aurelius Victor (Caes 33, 27) : Denique Gallienum subacti a Claudio patres, quod eius arbitrio imperium cepisset, diuum dixere, ainsi que par un papyrus d’Oxyrhynque (XXXIV, 2711, l. 8) daté de 271 : ιδ (ἔτους) τῆς θεοῦ Γαλλιηνοῦ βα[σ]ι̣[λείας].

44 AE 1909, 225, d’après Guénin 1909, p. 154, no 2 ; le texte a également été publié par R. Cagnat (1894, p. 342, no 10) d’après la copie incomplète d’un officier des brigades topographiques, et localisé par erreur à Henchir el Ahzem (AAAlg, f. 39, no 95), puis repris dans le CIL (VIII, 22298), où il est à tort classé parmi les milliaires. La photographie du document suivant montre qu’il s’agit bien de bases. Le texte a été corrigé en tenant compte des différentes copies (l. 1, les lettres SI vues par Fr. Guénin avaient disparu vers 1970 ; l. 4 à la fin TEVII, Cagnat, FVCO, Guénin ; l. 6, ET, Guénin ; l. 9, IDI, Cagnat, IOVIS, Guénin).

45 AE 1909, 226, d’après Guénin 1909, p. 154, no 3. Le texte a été corrigé d’après le 2e carnet de Fr. Guénin (manuscrit conservé par l’association Aouras et communiqué par P. Morizot et J.-P. Faure que je remercie), et la copie et la photographie de J. Marcillet-Jaubert (l. 4 à la fin, ET a été lu par Fr. Guénin comme par J. Marcillet-Jaubert, mais la photographie suggère de lire plutôt FL ; l. 7, au début ET, Guénin 1909, mais EST dans le carnet manuscrit ; l. 7 à la fin et 8 au début, les lettres IVS et ET, vues par Fr. Guénin avaient disparu vers 1970).

46 Sur cette rareté voir déjà implicitement Seston 1946, p. 215, nos 6 et 9, qui ne cite que peu d’inscriptions, et Hunnell Chen 2023, p. 76-77, n. 43-44.

47 Il faut cependant noter qu’il existe d’autres mentions épigraphiques de ces signa en Numidie, par exemple sur deux milliaires de Constance Chlore Herculius à Mascula et aux environs (CIL VIII, 10183, 10187). Ils apparaissent également à Henchir el Ahzem (AAAlg, f. 39, no 95), sur un milliaire du 36e mille depuis Theueste : Sacratissimo at|que inuictissimo | Fl(auio) Val(erio) Constan|tio Herculeo |5 Caes(ari) ; | mil(ia passuum) | XXXVI (Guénin 1909, p. 138, 224 ; Leschi 1931, p. 276-278 = 1957, p. 288-289, non repris dans L’année épigraphique). Une autre borne du 38e mille trouvée à Henchir el Abiod (AAAlg, f. 39, no 94, Additions et corrections p. 26) les indique aussi pour les deux Césars, dans un formulaire proche de celui d’Henchir el Abtine : Sacra|tissim|is atq|ue in|5uictis|simis | Caess(aribus), Fl(auius) | Val(erius) Cons|tantius Iu[ni]|10or (?) Herculius | et C. Val(erius) Ma|ximianus Io|uius, Caess(ares) (Cagnat 1894, p. 342, no 10 = CIL VIII, 22298, d’après une copie défectueuse et mal localisée à Henchir el Ahzem ; Guénin 1909 p. 150 et 227, no 8 ; Leschi 1931, p 283-284, no 4 = 1957, p. 291). Enfin, à 8 kilomètres à l’est d’Henchir el Abtine, à Henchir Ras Feïd el Mehari (AAAlg, f. 39, nos 175-176, Additions et corrections, p. 27), Fr. Guénin a copié une inscription gravée « sur un dé d’autel à tête ornée de moulures », dont le formulaire est là aussi proche de celles d’Henchir el Abtine : Inuictissimis | atque sacra|tissimis Fla(uio) | Val(erio) Constan|5tio Herculio | [[---|---|---]] (le nom de Galère a été martelé) ; sur un autre dé très fragmentaire on lisait : ------ | [---Constan]|tio Hercu[lio |[---]N[---], dont la fin a également été martelée (Guénin 1909, p. 111-112, non repris dans L’année épigraphique).

48 A. Hunnell Chen (2023, p. 91) suggère que le message envoyé par ces signa pouvait être adressé à des populations qu’on savait plus réceptives que d’autres. Cela conviendrait parfaitement à un domaine impérial.

49 On la trouve sous le lien suivant : https://edh.ub.uni-heidelberg.de/edh/foto/F002213. Elle figure également dans la photothèque de Wikimedia Commons (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Roman_Inscription_in_T%C3%A9bessa,_Algeria_(EDH_-_F002213).jpeg). L’EDCS (EDCS-75100004), qui la reprend sans en indiquer l’auteur, en propose une lecture qui ne correspond pas à ce qu’on lit sur la pierre (------ | Dardani[us(?) ---] | dioicesis Ti[---] | praep(ositus) rat[ionis XX (uicesimae)] | lib(ertatis) [---] |5 patrimoni(i) [---] / expungu[nt ---]). Nous n’en connaissons pas la provenance précise, mais si des inscriptions de divers sites des alentours ont été apportés à Tébessa (par exemple AE 1995, 1774, 1775), son texte, comme on le verra, montre que la pierre ne peut guère avoir été découverte qu’à Theueste.

50 En effet l’absence apparente de boucle inférieure exclut un B, et la forme de celle des P du texte ne correspond pas à ce qui est visible sur la pierre (fig. 13). Identifier un E ou un F serait théoriquement possible, mais il n’existe guère de mots commençant par rae--- et aucun par raf---.

51 A Cirta, on trouve la mention d’un proc(urator) Aug(usti) dioecesos regionis Hadrumetinae et Theuestinae (CIL VIII, 7039 (ILS 1437) = ILALg II, 1, 665) ; à Sufetula l’épitaphe d’un procurateur affranchi de la région domaniale de Lepti Minus le qualifie de proc(urator) diocoesis (sic) Leptitanae (ILAfr 135 ; sur ce texte, voir en dernier lieu Christol 2008, p. 2060-2067) ; la même expression est attestée en grec à Pergé, ἐπίτροπος Ἄφρικος διοικήσεως Λειπτειτάνης (AE 2004, 1484).

52 Pour la seule procuratèle de Theueste, on trouve le plus souvent regio (CIL XIV, 5351 ; IRT 395 et 424 ; AE 1956, 123), mot qui désigne aussi les subdivisions des circonscriptions domaniales ; tractus est également employé (CIL VIII, 7053 = ILAlg II, 1, 668), et à deux reprises apparaît l’expression plus complexe de proc(urator) Aug(usti) praediorum | saltum (sic) Hipponiensis et Theuestini, ou a[d pr]aedia saltum Hipponien]s(is) | et Theue[st]ini (ILAlg I, 285 et 3992). Prouincia est attesté pour celles de Carthage et d’Hadrumetum (AE 1969-1970, 704 ; CIL XIII, 1684a). Sur la polyvalence de ces mots et expressions, qui semblent en fait n’avoir aucune signification administrative particulière, Pflaum 1960-1961, 1, p. 547.

53 Christol 1999, p. 79 (= 2005, p. 119).

54 On la trouve dans un hommage collectif rendu à Hippo Regius (Annaba) à un procurateur domanial de Theueste par le collegium Larum Caesaris n(ostri) | et liberti et familia item conduc|tores qui in regione Hipponi[ensi] | consistent (ILAlg I, 3992). Il en est de même près de Thysdrus (El Djem) pour un procurateur responsable de la ratio priuata en Tripolitaine puis du patrimonium de la regio Leptitana, M. Aemilius Clodianus : [o]mnium uirtutum | [et t]otius iustitia[e] | uiro, | [prae]posito incompar[abili, | lib]erti et famil[ia] | Caesar(um) nn(ostrorum)⟧ (CIL VIII, 11105, cf. ILTun 128).

55 Sur l’emploi de ce mot, attesté exactement dans le même contexte par un texte des environs de Thysdrus cité à la note précédente, voir Pflaum, 1960-1961, 2, p. 855 ; Christol, 1990, p. 898-899 ; 2005, p. 113 ; 2008, p. 2042-2043.

56 Si ce superlatif est bien plus fréquemment employé dans la sphère privée, notamment dans les épitaphes, on le trouve aussi dans des hommages à caractère plus officiel, par exemple pour des procurateurs gouverneurs de Sardaigne (CIL X, 7580, 7583), pour un légat du proconsul d’Afrique (IRT 113), pour des légats légionnaires à Lambèse (CIL VIII, 2749 ; AE 1915, 16 ; 1917-1918, 51 ; 1969-1970, 706), pour des gouverneurs d’Arabie (IGLS 13, 2, 9079, 9488 et 9953) ou de Pannonie inférieure (CIL V, 4344).

57 L’EDCS en signale environ 40, dont la moitié à Rome et une douzaine dans le Latium et en Campanie.

58 C’est le signum d’un notable de Giufi en Proconsulaire (CIL VIII, 859 = 12376), et celui d’un préfet de Mésopotamie et d’Osrhoène, donc au iiie siècle, à Pouzzoles (AE 1969-1970, 109).

59 Par exemple Dardania genitus (CIL XIII, 8371 à Cologne), natione Dardana (CIL III, 5283 à Celeia), milites ex Dardania (CIL VI, 2845 = 32605 à Rome), natus in Dardania (CIL V, 898 à Aquilée). Il existait aussi un municipium Dardanorum et une colonia Flauia Felix Dardanorum (AE 2004, 1226 ; 1984, 747).

60 Si on suit l’EDCS son nom apparaît ou apparaissait sur une quarantaine de diplômes, le dernier publié en 2018 (AE 2018, 1993) ; huit autres inscriptions au moins mentionnent des officiers équestres, des gradés ou des soldats de cette unité, qui était cantonnée en Mésie inférieure, à Arrubium (Mӑcin) au sud-est de la Roumanie.

61 Logiquement un préfet d’aile n’accédait pas directement à un poste centenaire comme l’était celui de Theueste, mais il existe un certain nombre d’exceptions, pour l’essentiel entre l’époque flavienne et le début du iiie siècle (Pflaum 1950, p. 216-219, 226-227, 261). A Tingi (Tanger), une inscription donne précisément l’exemple d’un préfet de l’aile des Dardaniens promu directement au poste centenaire de procurateur de la monnaie à Rome pendant le règne de Trajan (CIL VIII, 9990 (ILS 1352) = IAM 2, 5 ; Pflaum 1960-1961, p. 168-169, no 73).

62 ThLL V, 2, col. 1813, l. 32 - 1814, l. 54, et surtout les remarques de R. Marichal sur pungere et ses dérivés, et leur emploi dans les ostraca du camp de Bu Njem (Marichal 1992, p. 88-92, notamment p. 90 et 92 pour expungere). C’est également dans le sens de « rayer des cadres » qu’il apparaît sur une tablette provenant de celui de Vindolanda en Bretagne (Tab. Vindol., 345, 1, l. 3-5 : te rogo fra|ter continuo illọs expun|gas), donc dans un contexte totalement différent de l’inscription présentée ici.

63 Vlp., dig. 50, 16, 56 : dispungere est conferre accepta et data, définition qui fait écho à un passage de Sénèque : apud me istae expensorum acceptorumque rationes dispunguntur (Sen., benef. 4, 32, 4).

64 Hermog., dig. 44, 3, 13, 1. Hermogénien est un juriste de l’époque de Dioclétien.

65 Mod., dig. 50, 8, 10, 1. Modestin est un élève d’Ulpien, actif vers 220-240 ; l’ajout de rationes est une correction de Th. Mommsen.

66 Supra, n. 54.

67 Il est vrai qu’on n’en connaissait que six au total (liste actualisée dans Christol 1996, p. 35-36, reprise dans Christol 2005, p. 109).

68 Christol 2008, p. 2074-2075, qui rappelle que si la mention du patrimonium apparaît à plusieurs reprises dans l’énoncé de la titulature des responsables de la regio Leptitana (CIL VIII, 11105 près de Thysdrus, et 16542, 16543 = ILAlg I, 3063, 3062 à Theueste), ce n’est pas le cas pour celle de Carthage où elle n’est mentionnée que dans certains des « témoignages relatifs à des avocats du fisc ».

69 CIL VIII, 10570 = 14464 (ILS 6870). De façon plus indirecte c’est peut-être une affaire de ce genre qui explique que le nom d’un tabularius ait été martelé à Cirta (CIL VIII, 7039 = ILAlg II, 1, 665). Dans la même ville, trois adiutores tabularii fusae ont rendu hommage à un procurateur par intérim, en précisant qu’ils avaient été amore eius semper et dignatione protecti, ce qui implique qu’ils s’étaient sentis, ou avaient été effectivement, menacés (CIL VIII, 7053 = ILAlg II, 1, 668).)

70 Dupuis 2000, p. 289-290, sur les fonctions de ces agents en Afrique et en Illyricum.

71 Cette précision apparaît sur deux épitaphes d’affranchis d’Antonin le Pieux, provenant du cimetière des officiales à Carthage, CIL VIII, 13188 (ILS 1498) et 12883 ; le premier précise qu’il était affecté ad (sic) men(sa) Thisiduensi, et l’autre a mensa Vagensi. Dans cette acception (Andreau 1987, p. 452-455, 457), mensa n’apparaît que sur trois autres textes épigraphiques. À Rome, un affranchi de Trajan était tabularius a rationibus mese Caliarum (sic pour mensae Galliarum) (CIL VI, 8581). À Ostie, un affranchi d’Hadrien avait été praepositus mensae nummul(ariae) f(isci) f(rumentarii) Ost(iensis) (CIL XIV, 2045 ; ILS 1534). Enfin dans la région de Thysdrus, une inscription récemment publiée mentionne un affranchi impérial, adiutor tabul(arii) a rationibus mensae transmarinarum (AE 2020, 1508 ; sur ce texte et le service concerné, Ghaddhab 2020).

72 Il faut en revanche renoncer définitivement à l’hypothèse que Timgad aurait été le siège d’une circonscription domaniale confiée à un procurateur équestre ; elle ne repose en effet que sur une interprétation, remontant à L. Renier et à notre avis erronée, d’un texte de de Lambèse de lecture difficile, CIL VIII, 2757 (Dupuis 2016).

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 : L’inscription de Khenchela, AE 2020, 1603
Crédits (copie du Cdt Céard)
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Titre Fig. 2 : La région de Timgad
Crédits AAAlg, f. 27 (les sites mentionnés dans le texte sont indiqués par une flèche)
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Fichier image/jpeg, 875k
Titre Fig. 3 : Les inscriptions de Gibba
Légende Les copies de Delamare.
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Fichier image/jpeg, 397k
Titre Fig. 4 : Les inscriptions de Gibba
Légende Les copies de Renier.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/antafr/docannexe/image/8227/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 307k
Titre Fig. 5 : Les inscriptions de Gibba
Légende Les copies de Payen.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/antafr/docannexe/image/8227/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 221k
Titre Fig. 6 : Les inscriptions de Gibba
Légende Les copies du CIL.
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Fichier image/jpeg, 191k
Titre Fig. 7 : Les Nemencha
Légende AAAlg, f. 39 (les sites mentionnés sont indiqués par une flèche).
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Fichier image/jpeg, 1,5M
Titre Fig. 8 : L’inscription d’Hr el Abtine, vue d’ensemble
Crédits (cliché J. Marcillet-Jaubert)
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Fichier image/jpeg, 360k
Titre Fig. 9 : L’inscription du dé
Crédits (cliché J. Marcillet-Jaubert)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/antafr/docannexe/image/8227/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 531k
Titre Fig. 10 : Hr el Abtine
Crédits AE 1909, 226 (cliché J. Marcillet-Jaubert).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/antafr/docannexe/image/8227/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 411k
Titre Fig. 11 : L’inscription de Tébessa
Crédits (cliché G. Alföldy, https://edh.ub.uni-heidelberg.de/​edh/​foto/​F002213)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/antafr/docannexe/image/8227/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 527k
Titre Fig. 12 : L’inscription de Tébessa, détail de la l. 2
Crédits (cliché G. Alföldy, https://edh.ub.uni-heidelberg.de/​edh/​foto/​F002213)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/antafr/docannexe/image/8227/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 186k
Titre Fig. 13 : L’inscription de Tébessa, détail des l. 3-4
Crédits (cliché G. Alföldy, https://edh.ub.uni-heidelberg.de/​edh/​foto/​F002213)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/antafr/docannexe/image/8227/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 306k
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Pour citer cet article

Référence papier

Xavier Dupuis, « Le procurateur domanial et ses subordonnés »Antiquités africaines, 60 | 2024, 165-180.

Référence électronique

Xavier Dupuis, « Le procurateur domanial et ses subordonnés »Antiquités africaines [En ligne], 60 | 2024, mis en ligne le 30 novembre 2024, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/antafr/8227 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12quh

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Auteur

Xavier Dupuis

Université de Paris Nanterre ; THEMAM – UMR 7041 ArScAn, MSH Mondes Nanterre (xavierdupuis[at]hotmail.com).

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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