- 1 Identification erronément proposée par R. Gnoli (1971, p. 225, n. 1), corrigée par des analyses a (...)
- 2 Antonelli, Lazzarini, Cancelliere 2009 ; Yavuz, Bruno, Attanasio 2011 ; Attanasio et alii 2012 ; (...)
1Les chapiteaux de la Mosquée de Bou Merouane sont sculptés dans du marbre blanc éclatant du Cap de Garde dont les veines sont peu visibles. Les colonnes, au contraire, sont souvent sculptées dans un marbre intensément coloré et strié avec des alternances de veines grises, bleuâtres et noirâtres (fig. 6, 54b-c). Malgré les traits similaires à ceux du marbre d’Éphèse en Asie Mineure, des analyses récentes ont établi qu’il ne s’agit pas du marbre dénommé « greco scritto »1, même s’il y a des zones dans la carrière dont le marbre ressemble à celui-ci2 (fig. 1).
Fig. 1 : Cap de Garde, carrière, échantillons de la roche vierge
(cliché PP)
2La carrière du marbre du Cap de Garde, baignée par la mer sur trois flancs, était déjà exploitée au iie siècle av. n. è., et ce, conformément à la chronologie confirmée par l’acanthe sculpté d’un pilier remployé dans le théâtre d’Hippo Regius (fig. 2), qui est similaire aux chapiteaux hellénistiques de l’Olympieion à Athènes, construit par Antiochos IV de Syrie. La position géographique de la carrière du Cap de Garde convenait plus à un acheminement des grands blocs de marbre par bateau vers tous les ports de la Méditerranée, évitant les coûts excessifs du transport terrestre.
Fig. 2 : Hippo Regius, théâtre, pilier en marbre du Cap de Garde, iie s. av. n. è.
(cliché MdVR)
- 3 CIL VIII, 10838 = 17407, à 12 km des mines de cuivre d’Aïn Barbar, AAAlg, f. 2, no 10. Le CIL dév (...)
- 4 AE 1898, 49, AAAlg, f. 10, no 1, 24 km au nord de Thullium, qui avait le statut de ciuitas aux ie (...)
- 5 C’est-à-dire sans installation de colons, contrairement aux régions de Cirta et Carthage.
- 6 La côte septentrionale de l’Afrique Proconsulaire est très inhospitalière (« inportuosum » : Sall(...)
3La carrière, située à 12 km au Nord de la cité, appartenait au territoire d’Hippo Regius, délimité par deux termini opisthographes (bornes écrites également au dos) (fig. 3, 4). En effet, le terminus occidental, qui délimite les terrains publics de la ville, les p(ublica) Hipp(onensium), vers ceux des Cirtensium, découvert en 1864 dans les massifs de l’Edough, le long de l’Oued Ouider, permet de mesurer la largeur exceptionnelle de 62 km du territoire de la cité3. Le terminus oriental, découvert en 1897 à Mechta el-Agereb, à 14 km au Nord-Ouest d’El Tarf, sépare le territoire du municipium Augusti Hipponiensium Regiorum de celui de la colonia Iulia Thabracenorum (Thabraca, aujourd’hui Tabarka). Il nous révèle la décision d’Auguste de promouvoir Hippo Regius au statut de municipium4. Sous l’un des deux successeurs Flaviens de Vespasien, Hippo Regius a connu un nouvel essor économique passant au rang de colonie honoraire5, ayant un des meilleurs ports équipés6 de l’Afrique Proconsulaire et des routes restaurées d’importance militaire et commerciale favorisant ainsi l’écoulement des richesses produites dans l’arrière-pays de la riche plaine de l’Ubus et des monts de l’Edough, fournissant du blé, d’huile, du vin et du marbre du Cap de Garde.
Fig. 3 : Terminus opisthographe trouvé à Mechta el-Agereb
ṂṾNIC · / AVG · HIPP ·/ REG, Ṃụnic(ipii) Aug(usti) Hipp(onis) Reg(ii) : du ṃunicipium Augustum d’Hippo Regius
(cliché MdVR)
Fig. 4 : Le même terminus de l’autre face
COL · V · P / IVL · THABR/ACENOR/VM, Col(oniae) V·P /
Iul(iae) Thab/raceno/rum : de la colonie V. P. des Thabracens
(cliché MdVR)
- 7 Pensabene 1976, p. 181-186 ; Antonelli, Lazzarini, Cancelliere 2009, p. 352, n. 1; Ardeleanu 2021 (...)
- 8 La carrière du marmor numidicum fut annexée au patrimoine impérial par César en 46 av. n. è. avec (...)
4D’autre part, l’absence de personnel impérial à Hippo Regius renforce l’idée que la carrière de marbre était administrée par le municipium ou par des particuliers et non pas par le patrimonium Caesaris. En outre, l’emploi du marbre du Cap de Garde est important dans les domus, non seulement pour les revêtements et les éléments architectoniques, mais aussi pour la construction ordinaire telle que : opus quadratum, dallages, seuils, margelles, pétrins, revêtements en opus sectile de pavements et parois (fig. 25a). En revanche, on note des applications modestes dans les monuments impériaux7. De ce fait, la ville avait une totale autonomie dans l’exploitation de la carrière, à la différence de Simitthus8.
- 9 de Jong, Versluys 2023.
- 10 Léon l’Africain, éd. Épaulard 1956, p. 369. Derdour 1982, p. 189 ; Chergui, Haoui 2019, p. 1623, (...)
- 11 Saadaoui 2008, p. 295 ; Harrazi 1982 ; Finke 2009, p. 388 ; Thomine 1970, p. 99.
5Les chapiteaux et les colonnes présentés dans cet article, tous en marbre du Cap de Garde, ont été extraits des édifices d’Hippo Regius vers l’an 425 de l’Hégire – 1033 de n. è. – et remployés pour l’édification d’une cité nouvelle, Bûna El-Haditha, sur le promontoire à 2 km au Nord de la cité romaine. Selon une habitude plurimillénaire en vigueur dans le monde ancien9, on utilisait « la cité ancienne comme carrière », entre autres pour la Mosquée de Bou Marouane qui était en cours de construction par Abû Layth, sur la base d’un ribat10. Depuis le viie s. de n. è., on a construit des mosquées à l’aide de spolia (colonnes et chapiteaux) : la Mosquée d’Al-Koufa (Irak) en l’an 638, la Grande Mosquée de Kairouan en l’an 670 et la Mosquée de Damas bâtie en l’an 70511.
- 12 Terrasse, Charpentier, Darghouth 2007, p. 215.
- 13 Chergui, Haoui 2019, p. 1622, fig. 2.
6L’aspect actuel de la Mosquée de Bou Merouane résulte d’un remaniement en 1832, transformant le lieu de culte en hôpital militaire12. Les travaux engagés en 1963, en vue de la reconstruction du sous-sol de la mosquée, qui s’était effondré suite à des déflagrations dans le port en contrebas, ont grandement transformé les structures anciennes du ribat. La forme générale de la mosquée est d’abord définie par une cour quadrangulaire bâtie sur une plateforme, bordée d’arcades qui forment une galerie, précédée d’un porche qui recouvre en partie une citerne antique13. Dans le prolongement de la cour, on trouve la salle de prières hypostyle, abritant 32 colonnes surmontées de chapiteaux de réemploi en marbre (fig. 5, 7).
Fig. 5 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, plan de la salle de prières avec numérotation des chapiteaux
(cliché SIB)
7Le chantier de restauration de la mosquée en 2015 a révélé que l’ensemble des colonnes remployées dans la salle de prières se trouve à une côte de -80 cm par rapport au pavement actuel, laissant apparaitre presque la moitié des fûts de colonnes (fig. 6). La salle de prières semble avoir conservé ses dimensions d’origine, mesurant 19,21 m (de la Qibla à la cour) et 19,64 m en largeur (fig. 7). Elle comporte deux groupes de trois vaisseaux perpendiculaires à la Qibla espacés de 2,50 m, sept nefs, et sept travées perpendiculaires – parallèles au mur du Mihrab (sanctuaire) – surmontées de voûtes d’arêtes. Les sept nefs sont interrompues par une nef transept, mesurant 3,14 m et menant directement au Mihrab, qui est bordé de part et d’autre par deux colonnes bien conservées. À l’intersection de la nef axiale et du vaisseau s’étendant sur la Qibla, on trouve une travée couverte d’une coupole devant le Mihrab.
Fig. 6 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, colonne en marbre du Cap de Garde remployée dans la salle de prières
(cliché RA)
Fig. 7 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane
L’espace intérieur de la salle de prières.
(cliché SIB)
- 14 Hippone 2005.
- 15 Lavergne 2005, p. 127 ; Ardeleanu 2021, p. 333-335, pl. 11.
8Après ces notions introductives, nous signalons que l’objectif de cette étude est d’identifier la provenance et la datation des chapiteaux à partir des éléments architectoniques épars sur le site de la ville antique. Après avoir passé en revue certains travaux de recherche, on remarque que le volume de 2005 sur la ville14 indique que les autorités coloniales françaises installées dans la région de Bûna après 1830 avaient découvert un site antique présentant des mosaïques et des inscriptions chrétiennes15. En outre, les résultats de sondages, entrepris entre 1925 et 1938 par Marec, Choupaut et Leschi, avaient pu dégager des secteurs importants de la ville antique, tels que le quartier « chrétien », le quartier des uillae du front de mer, le théâtre et le forum.
9Entre 1947 et 1963, Marec avait réussi à exhumer les thermes du Nord et du Sud, la Maison du Procurateur et le macellum16. Ces fouilles avaient fait l’objet d’une étude dont les résultats n’étaient pas concluants. Cela explique que le contexte relatif à la découverte des chapiteaux et des colonnes n’était pas bien connu, et aggravé par les actions d’anastylose arbitraires engagées à l’époque.
10Le corpus est organisé selon un classement typologique : on verra que les chapiteaux relèvent de trois ordres : corinthien, composite et corinthisant, déclinés en plusieurs variantes17. Pour faciliter le repérage, nous avons attribué à chaque chapiteau un identifiant univoque composé du sigle Ch suivi d’un numéro.
11De chaque chapiteau sont fournis les dimensions en centimètres, l’état de conservation, une description et une étude comparative.
12Les abréviations utilisées pour les dimensions : hauteur totale (Ht) ; hauteur de la 1re rangée des feuilles d’acanthes (H1) ; hauteur de la 2e rangée des feuilles d’acanthes (H2) ; hauteur de l’abaque (Hab) ; diamètre inférieur (Di) ; diamètre supérieur (Ds). Pour les chapiteaux composites, nous donnons deux autres mesures : distance entre les volutes (Dv) et hauteur de l’échine (He).
- 18 Pour la définition du type, voir Heilmeyer 1970, p. 25-27.
13Le premier groupe compte huit chapiteaux de colonne d’ordre corinthien normal18, dont chacun est constitué de deux registres superposés qui recouvrent le kalathos, couronné d’un abaque. Le registre inférieur porte deux rangs de huit feuilles d’acanthe aux lobes axiaux qui se recourbent vers l’avant ; elles comportent, autour d’une côte axiale plate, cinq lobes découpés en plusieurs digitations lancéolées. La côte axiale est longée par deux sillons obliques creusés au foret, s’élargissant vers le haut. Chaque lobe chevauche le lobe placé au-dessus, de manière à former des zones d’ombre allongées en forme de goutte suivie d’un triangle. Entre les feuilles de la seconde couronne s’élèvent les caulicoles, légèrement obliques et assez puissants ; leurs corps sont parcourus par deux rainures profondes et verticales qui continuent obliquement sur l’ourlet, à l’exception du chapiteau Ch20, dont le caulicole lisse est couronné d’un ourlet lisse. Au registre supérieur, s’élèvent les calices composés de trois folioles, similaires à celles qui décorent les deux couronnes inférieures. Des calices partent les crosses internes et externes, formées de larges rubans légèrement incurvés : les premières sont cantonnées par la lèvre du kalathos, tandis que les crosses externes empiètent légèrement sur l’abaque, qui associe un cavet lisse, un listel et un quart-de-rond.
Fig. 8 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch1
(cliché SIB)
Fig. 9 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch8
(cliché SIB)
Fig. 10 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch9
(cliché SIB)
Fig. 11 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch17
(cliché SIB)
Fig. 12 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch20
(cliché SIB)
Fig. 13 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch22
(cliché SIB)
Fig. 14 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch23
(cliché SIB)
Fig. 15 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch27
(cliché MdVR)
Fig. 16 : Annaba, Hippo Regius, un chapiteau monté sur une des quatre colonnes angulaires du pourtour du macellum
(cliché MdVR)
- 19 Pensabene 1986, p. 367-368.
- 20 Février 1968, p. 59.
- 21 Herrmann et alii 2012, p 105, fig. 11.
14Certains de ces chapiteaux présentent par ailleurs quelques particularités qui les distinguent. Sur les chapiteaux Ch17 et Ch22, l’accent est mis sur la côte axiale plate des feuilles, qui s’évase vers le haut et est animée par deux sillons parallèles. Les zones d’ombre, aux contacts de deux lobes adjacents, ont la forme de petites gouttes. Les chapiteaux Ch1, Ch8, Ch17, Ch20, Ch22 et Ch23 portent des caulicoles peu élaborés, aplatis et pas très distincts ; ils ne disposent que de peu d’espace pour se développer. La simplification qui affecte les feuilles d’acanthe est probablement la conséquence d’une accélération du processus de production19. Ces caractéristiques trouvent des parallèles dans des chapiteaux de l’arc de Caracalla de Djemila (Cuicul)20, du Musée de Carthage21, et du temple de Minerve à Tébessa (Theueste), datés au iiie s. de n. è.
- 22 Pensabene 1986, p. 367-368, fig. 31b.
- 23 Pensabene 1973, p. 60, nos 226-227.
- 24 Datation confirmée par M. Milella, que nous remercions.
15Les chapiteaux Ch9 et Ch27 souffrent d’un état de conservation moins satisfaisant. Chaque feuille est structurée par une côte axiale plate sommairement travaillée et comporte des lobes allongés très étroits. Cette côte est marquée de part et d’autre de rainures obliques qui n’ont d’autre but que de l’animer et qui sont ponctuées par une succession rythmique de petits trous circulaires percés au foret, se poursuivant dans l’espace lisse entre les feuilles de la première et de la deuxième rangée de feuilles d’acanthe. Les zones d’ombre, formées par le contact des digitations des lobes adjacents, sont longues, étroites et verticales. Les comparaisons les plus directes sont à rechercher dans des chapiteaux de Proconsulaire, et dans ceux du Forum nouum de Makhtar22, pour les sillons verticaux et parallèles. En outre, des modèles de chapiteaux d’aspect comparable trouvés à Ostie23 sont datables de la fin du ier – début iie s. de n. è.24.
- 25 Pensabene 1976, p. 182, pl. 49, 3.
- 26 Delestre 2005b, p. 114-115.
- 27 Delestre 2005b, p. 115.
- 28 Lassus 1958, p. 246-247; 1959, p. 316 ; Delestre 2005b, p. 115.
16Sur la base des analogies stylistiques, les chapiteaux Ch9 et Ch27 auraient appartenu à la série des chapiteaux du macellum d’Hippo Regius25, datés de la première moitié du iie s. de n. è., sous le règne de Trajan ou Hadrien, comme l’indiquent les fragments d’inscriptions exhumés et les trouvailles monétaires26. Par ailleurs, les chapiteaux Ch1, Ch8 et Ch23 présentent un tenon horizontal entre les crosses internes des caulicoles, qui apparait également sur un chapiteau (fig. 16) monté sur une des quatre colonnes angulaires du pourtour du macellum. Ce chapiteau est en outre pourvu du sommet d’une feuille d’eau adhérant au kalathos derrière la feuille d’acanthe centrale du rang supérieur. La feuille d’eau est également présente sur les chapiteaux Ch9 et Ch17. Malgré l’anastylose plus ou moins arbitraire des éléments fouillés sans documentation, on peut supposer avec quelques réserves que ce groupe de chapiteaux (Ch1, Ch8, Ch9, Ch17, Ch20, Ch22, Ch23, et Ch27) de la Mosquée de Bou Marouane provient de la rotonde aux douze colonnes du macellum. Aucun élément de la colonnade de la rotonde n'a été retrouvé pendant les travaux de dégagement27. Le macellum d’Hippo Regius a été restauré entre 364 et 367 et détruit pendant l’invasion vandale au ve s. de n. è. Ses murs furent démolis afin de récupérer des matériaux de construction et sa surface devint un cimetière28.
17Les valeurs mesurées des chapiteaux corinthiens à feuilles sculptées Ch1, Ch8, Ch9, Ch17, Ch20, Ch22, Ch23 et Ch27 sont présentées dans le tabl. 1.
Tabl. 1 : Dimensions des chapiteaux type A. C-M : colonnade du macellum (fig. 16)
Ch
|
Ht
|
H1
|
H2
|
Hab
|
Di
|
Ds
|
1
|
41,00
|
12,00
|
12,00
|
5,00
|
34,00
|
50,00
|
8
|
41,00
|
14,50
|
10,50
|
6,00
|
27,00
|
54,00
|
9
|
39,50
|
14,00
|
10,00
|
1,50
|
29,00
|
55,50
|
17
|
32,00
|
11,00
|
9,00
|
5,00
|
27,00
|
35,50
|
20
|
49,00
|
16,00
|
14,00
|
6,50
|
33,00
|
61,00
|
22
|
47,00
|
12,00
|
10,00
|
5,00
|
30,00
|
50,00
|
23
|
41,00
|
13,00
|
11,00
|
5,50
|
31,00
|
49,00
|
27
|
44,50
|
16,00
|
12,00
|
6,00
|
28,00
|
53,00
|
C-M
|
53,00-52,00
|
13,00-19,00
|
13,00-17,00
|
4,00-6,00
|
45,00-38,00
|
48,00-53,00
|
- 29 Pensabene 1986, p. 387-388, nos 406-409.
18La partie inférieure du kalathos de ces huit chapiteaux de colonne porte deux rangs de huit feuilles d’acanthe lisses adhérant au kalathos, à l’exception des retombées sommitales très marquées. Dans les intervalles des feuilles supérieures naissent les caulicoles, légèrement inclinés vers l’extérieur, enserrés par les feuilles contiguës, qui ont une section plate et sont coiffés d’un ourlet lisse qui prend la forme d’un listel. De ces derniers, naissent des calices lisses dont jaillissent des crosses épaisses et plates. Les calices sont courts et ont une section anguleuse29. Les crosses externes soutiennent les cornes de l’abaque. Les abaques schématiques de ces chapiteaux sont composés d’un cavet lisse, d’un listel et d’un ovolo ; les fleurons d’abaque sont remplacés par un lobe circulaire avec une surface saillante reposant sur l’ourlet du kalathos. Le fleuron de l’abaque est dépourvu de tige, à l’exception du Ch2. Les quatre chapiteaux Ch13, Ch14, Ch30 et Ch31 ont une couronne unique de feuilles d’acanthe lisses ; la couronne inférieure avait été probablement éliminée dans l'Antiquité. Les chapiteaux Ch13 et Ch14 sont couronnés d’un abaque simplifié de plan carré ; le fleuron d’abaque est aplati. Une datation à l’époque sévérienne n’est pas à écarter.
Fig. 17 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch2
(cliché SIB)
Fig. 18 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch4
(cliché SIB)
Fig. 19 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch13
(cliché SIB)
Fig. 20 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch14
(cliché SIB)
Fig. 21 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch18
(cliché SIB)
Fig. 22 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch28
(cliché SIB)
Fig. 23 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch30
(cliché SIB)
Fig. 24 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch31
(cliché SIB)
- 30 De Pachtère 1911 ; Pensabene 1976, p. 182, pl. 49, 4 ; Blanchard-Lemée 2005.
19Des chapiteaux corinthiens à feuilles lisses, trouvés avec des colonnes lors des fouilles dans le quartier des uillae du front de mer, ont permis la reconstruction du péristyle dans sa configuration actuelle (fig. 25a), daté entre le iiie et le ve s. de n. è.30. Ces chapiteaux (fig. 25a), de dimensions variables (tabl. 2), présentent des analogies stylistiques et fonctionnelles avec ceux de la Mosquée de Bou Merouane. Ils partagent des détails comme deux incisions horizontales profondes dans les caulicoles et des pendentifs aux crossettes internes (fig. 25b).
Fig. 25a : Annaba, Hippo Regius
Un chapiteau monté dans le péristyle, quartier des uillae du front de mer, et le bassin d’une fontaine revêtu de plaques de marbre du Cap de Garde et d’albâtre de Tekbalet.
(cliché MdVR)
Fig. 25b : Annaba, Hippo Regius
Un chapiteau monté dans le péristyle, quartier des uillae du front de mer.
(cliché MdVR)
- 31 De Pachtère 1909, p. 40, fig. 4, pl. VIII.
- 32 Blanchard-Lemée 1975, p. 156-215, fig. 44-66.
- 33 Lancel, Bouchenaki 1971, p. 40.
- 34 Beschaouch, Hanoune, Thébert 1977, p. 54-63.
- 35 Harrazi 1982, nos 128, 130, 135.
20Les parallèles les plus proches, en dehors d’Hippo Regius sont constitués par des chapiteaux trouvés dans le théâtre de Guelma (Calama)31, le péristyle de la Maison d’Amphitrite et la Maison de Castorius à Djemila32, la grande Basilique de Tipasa33, dans la Maison de la Chasse à Bulla Regia34 et dans la Grande Mosquée de Kairouan35, et sont datables du iiie s. de n. è.
Tabl. 2 : Dimensions des chapiteaux type B. P-V : Péristyle, quartier des uillae du front de mer (fig. 25a)
Ch
|
Ht
|
H1
|
H2
|
Hab
|
Di
|
Ds
|
2
|
46,00
|
13,00
|
10,00
|
6,50
|
30,00
|
45,50
|
4
|
41,50
|
13,00
|
12,00
|
5,00
|
30,00
|
48,00
|
13
|
24,50
|
–
|
12,00
|
2,50
|
20,00
|
40,50
|
14
|
29,50
|
–
|
11,00
|
3,00
|
19,00
|
36,00
|
18
|
32,00
|
10,00
|
8,00
|
3,00
|
26,00
|
43,00
|
28
|
40,00
|
14,00
|
12,00
|
3,00
|
29,00
|
50,50
|
30
|
27,50
|
–
|
14,00
|
4,50
|
26,00
|
42,00
|
31
|
39,00
|
–
|
19,50
|
4,00
|
36,00
|
49,50
|
P-V
|
50,00-40,00
|
16,50-14,00
|
16,10-12,00
|
8,40-4,00
|
37,00-30,40
|
55,70-46,40
|
Fig. 26 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch32
(cliché SIB)
21La partie inférieure du kalathos présente un rang de huit feuilles d’acanthe. Au deuxième plan, dans les intervalles des feuilles du premier rang, apparaissent les sommets de huit feuilles d’eau plates adhérant au kalathos. Les feuilles angulaires, qui sont réunies aux volutes par deux tenons, sont formées de cinq lobes divisés à leur tour en digitations lancéolées. En outre, les feuilles sont disposées autour d’une côte axiale plate, marquée par deux rainures parallèles et verticales creusées au foret, et légèrement élargies vers le haut. Les zones d’ombre entre les lobes sont en forme de goutte verticale. Les volutes sont séparées par une incision dans leur dos, largement recouverte par une feuille végétale pennée. Le kalathos est couronné par un astragale de perles et pirouettes. Les perles allongées ont des extrémités coniques, les pirouettes ont une forme de losange. L’échine est composée d’oves et de pointes de flèches. Toutefois, les oves sont de forme ovoïde, détachés des coques larges et plates. Quant aux oves latéraux, ils sont recouverts en partie de demi-palmettes qui s’étendent sur des volutes. Ces dernières sont reliées par un canal lisse. La mouluration de l’abaque consiste en un cavet et une baguette. Signalons que l’abaque est orné d’un fleuron central qui a la forme d’une feuille aplatie, très mal conservée.
- 36 Pensabene 1973, p. 226-227.
- 37 Pensabene 1986, p. 382-388, fig. 39b.
- 38 Pensabene 1976, p. 182, pl. 49, 2; 1986, p. 381, fig. 38c ; Herrmann 2017, p. 352, 354, fig. 6.
22L’exécution du chapiteau Ch32 se caractérise par la planéité des feuilles ; les effets d’ombre renvoient à des modèles flaviens et postérieurs36 et le manque des tiges végétales, uni à l’aspect peu naturaliste de l’acanthe, fournit des éléments supplémentaires pour proposer une datation. Le chapiteau Ch32 rencontre des parallèles à Makhtar, dans la Schola Iuuenum datée du iiie s. de n. è.37. Par ailleurs, on retrouve un chapiteau similaire en bordure de l’area du forum d’Hippo Regius (fig. 27), probablement produit pendant la phase de restauration de 170 à 210 de n. è.38. Il est plus volumineux que les chapiteaux de la phase de construction d’époque flavienne, de 78 à 79 de n. è., classés par Herrmann (2017) comme type Numidien I.
Fig. 27 : Annaba, Hippo Regius, forum, chapiteau composite
(cliché MdVR)
- 39 Bruno, Bianchi 2015, p. 94-95.
- 40 Herrmann 2017, p. 351, fig. 2.
23Rappelons que le portique de l’area est réalisé à la phase flavienne vers 78-79 de n. è., datation fournie par la dédicace monumentale de C. Paccius Africanus, insérée en lettres de bronze dans le pavement. Le portique conserve les restes de 24 bases de colonnes cannelées et six chapiteaux composites en marbre du Cap de Garde, remontés sur les fûts de colonnes39. Les chapiteaux de la colonnade ont une saveur classique et une certaine délicatesse d’exécution ; une logique stylistique qui était apparue pour la première fois sur le portique du forum d’Hippo Regius40.
Tabl. 3 : Dimensions du Ch32 type C. F-R : forum, restauration (fig. 27)
Ch
|
Ht
|
H1
|
H2
|
Hab
|
He
|
Dv
|
Di
|
Ds
|
3
|
46,00
|
19,00
|
–
|
04,00
|
08,00
|
34,00
|
36,00
|
40,00
|
F-R
|
50,00
|
21,90
|
–
|
04,00
|
10,00
|
36,00
|
39,30
|
50,00
|
Fig. 28 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch11
(cliché SIB)
24Ce chapiteau composite présente tous les éléments canoniques : il est articulé en un double rang de huit feuilles d'acanthe à la surface assez plane, alternant avec des feuilles d’eau à relief plat. Les feuilles d’acanthe présentent cinq lobes, divisés en plusieurs digitations autour d’une côte axiale s’élargissant vers le haut. Dans la partie supérieure de la feuille, deux sillons verticaux obtenus au foret se prolongent jusqu’au lobe central. Les zones d’ombre entre les lobes prennent la forme de gouttes verticales. Au-dessus, prend place un astragale de perles et pirouettes. L’échine est constituée d’oves et de pointes de flèches. L’ove central est pointu et incomplètement enveloppé par des coques épaisses. Les spirales des volutes diagonales renferment un fleuron à quatre pétales ; elles sont liées avec deux tenons aux feuilles d’acanthe angulaires de rang supérieur. L'abaque comporte un cavet et une baguette séparés par un listel. Le fleuron très schématique s’ouvre autour d’un long pistil.
25Le chapiteau composite Ch11 est datable du iiie s. de n. è., eu égard aux caractéristiques de l’acanthe, qui présente un traitement sommaire, une nervure centrale qui s'évase dans la partie supérieure où elle est traversée par deux autres rainures parallèles et rectilignes creusées au trépan, et au processus de dissolution de la forme de l’acanthe qui commence à partir du iiie s. de n. è.
26Le chapiteau présente une tendance à mettre dans le même plan l’échine et l’astragale, le traitement perd ainsi un peu de sa signification originale et suit une logique décorative.
- 41 Le test isotopique de Herrmann et alii. 2012, p. 305, Herrmann 2017, p. 354, note 13 : à propos d (...)
27Un chapiteau composite d’Ostie en marbre du Cap de Garde (fig. 29), qui présente des feuilles d’eau au niveau du kalathos, nous apprend qu’il a été importé déjà sculpté par un atelier d’Hippo Regius41. Le chapiteau de pilastre tardif d’exécution simplifiée au Musée d’Hippone (fig. 30) montre combien de temps les feuilles d’eau restent en vigueur dans la « grammaire » de l’ordre composite de Cap de Garde.
Fig. 29 : Ostie, chapiteau composite
(d’après Herrmann 2017, fig. 7)
Fig. 30 : Musée d’Hippone, chapiteau composite de pilastre tardif
(cliché MdVR)
Tabl. 4 : Dimensions du Ch11 type D. M-H : Musée d’Hippone (fig. 30)
Ch
|
Ht
|
H1
|
H2
|
Hab
|
He
|
Dv
|
Di
|
Ds
|
11
|
38,00
|
11,00
|
12,00
|
4,00
|
10,50
|
21,00
|
25,00
|
40,00
|
M-H
|
29,00
|
12,00
|
–
|
3,50
|
6,00
|
13,00
|
23,00
|
35,00
|
- 42 Pensabene 1986, p. 386, fig. 40b.
28Le chapiteau Ch11 trouve un parallèle dans un exemplaire réutilisé à la Grande Mosquée du Kairouan42.
Fig. 31 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch21
(cliché SIB)
29Ce chapiteau composite présente une structure simplifiée. Il est orné de deux rangs de huit feuilles d’acanthe lisses réunies à la base, aux sommets incurvés, non ravalées ; les incisions sur les deux feuilles de rang inférieur indiquent qu’elles étaient intégrées avec des sommets incurvés, maintenant disparus.
- 43 Cf. parallèles à Ostie : Pensabene 1973, p. 122-127, nos 471 (pl. XLVI), 481, 485 (pl. XLVII), 49 (...)
- 44 Kalpaxis 1986 ; Milella 2019 ; Borghini, D’Alessio 2020.
30Le kalathos est couronné par un listel. Le registre ionique présente un traitement plat et schématisé : il est constitué d’une baguette qui prend la place de l’échine, et qui est coiffée par le canal des volutes atrophiées. De petits volumes (ou tenons massifs au lieu de deux tenons cylindriques) relient les volutes aux feuilles angulaires de la seconde couronne. Le dos des disques des volutes est cannelé pour indiquer la séparation des deux volutes contiguës des deux côtés divers du chapiteau43. Les cannelures se poursuivent sur la pointe recourbée des feuilles angulaires du kalathos. L’abaque, très réduit, se présente comme un cavet. Il est orné d’un volume parallélépipédique, qui tient lieu de fleuron. La simplification et le non-achèvement intentionnels des chapiteaux, sans la sculpture des détails, sont dorénavant appréciés pendant l’époque tardive comme des critères esthétiques ; ces tendances existaient déjà au vie s. av. n. è. en Grèce44.
- 45 Domingo 2011, p. 168-169, nos 299-306. Un exemple de chapiteau réutilisé à la Grande Mosquée de K (...)
- 46 Voir Pensabene 1973, p. 123-124, nos 473-477, des exemples à Rome dans Novara 1989-1990, p. 84 ; (...)
31En outre, on trouve des chapiteaux similaires remployés dans la mosquée de Cordoue datés au vie-viie s. de n. è., mais sans exclure une datation antérieure, aux ve-vie s. de n. è.45. Cette typologie de chapiteaux est utilisée généralement dans les basiliques et dans les maisons tardives46.
Fig. 32 : Annaba, Musée d’Hippone, chapiteau composite à feuilles lisses
(cliché MdVR)
- 47 Herrmann 2017, p. 354, fig. 14.
- 48 Herrmann 2017, p. 354, fig. 8.
- 49 Pensabene 1973, p. 122-131, nos 468-519, pl. XLVI-XLIX, sur les exemplaires de la deuxième moitié (...)
32Un chapiteau en marbre du Cap de Garde au Musée d’Hippone (fig. 32), plus volumineux que l’exemplaire de la Mosquée de Bou Merouane, est classé par Herrmann comme une version schématique du type Numide IV, et daté du iiie s. de n. è.47. Le kalathos présente deux rangs de feuilles d’acanthe lisses et les sommets de huit feuilles d’eau plates adhérant au kalathos entre les feuilles lisses. Les feuilles angulaires du second rang soutiennent les volutes. Le dos de ces volutes est cannelé pour indiquer la séparation de deux volutes contiguës, comme dans le chapiteau Ch21 (v. supra). Deux baguettes surmontent le kalathos, les extrémités de l’échine se terminent par des semi-palmettes lisses au début de la spirale de la volute, comme dans un chapiteau plus élaboré daté entre 100 et 150 de n. è., conservé à côté de l’église de Saint-Augustin construite sur le temple de Saturne d’Hippone48 (fig. 33). Les semi-palmettes lisses apparaissent sur les chapiteaux composites d’Ostie49 et d’Hippo Regius du iie au ive s. de n. è., et manquent au chapiteau en marbre de Filfila, exposé au Musée du Théâtre de Skikda (fig. 34). L’abaque à pans concaves du chapiteau du Musée d’Hippone est mouluré d’un mince ovolo supérieur et d’un cavet ; au centre, il est pourvu d’un volume parallélépipédique destiné au fleuron habituel, non réalisé, selon l’esthétique de l’époque tardive.
Fig. 33 : Annaba, église S. Augustin, chapiteau composite à feuilles lisses
(cliché SIB)
Fig. 34 : Skikda, Musée du Théâtre, chapiteau composite à feuilles lisses en marbre blanc de Filfila
(cliché MdVR)
Tabl. 5 : Dimensions du Ch21 type E
Ch
|
Ht
|
H1
|
H2
|
Hab
|
He
|
Dv
|
Di
|
Ds
|
21
|
40,00
|
11,00
|
12,00
|
4,00
|
5,2
|
23,00
|
28,00
|
49,00
|
Musée d’Hippone fig. 32
|
36,00
|
13,00
|
13,00
|
3,00
|
10,00
|
20,00
|
30,00
|
48,00
|
Église S. Augustin fig. 33
|
51,00
|
20,00
|
–
|
7,00
|
17,00
|
21,50
|
40,00
|
60,00
|
Fig. 35 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch10
(cliché SIB)
- 50 Marec 1958, p. 164, p. 178 fig. d.
33Ce chapiteau composite est constitué d’une couronne de feuilles lisses, à pointe recourbée. Le registre ionique est limité à une baguette surmontée par un quart-de-rond, assimilable au canal des volutes. Les volutes de deux faces adjacentes sont séparées par un volume épannelé qui descend de la corne de l’abaque jusqu’aux feuilles diagonales. L’abaque est très réduit ; au centre de ses côtés concaves, la fleur sans ornement est à moitié sculptée (fig. 35, tabl. 6). Le traitement de la volute présente des ressemblances frappantes avec le chapiteau de type E. À l’origine, le chapiteau avait peut-être deux couronnes de feuilles lisses comme le Ch21 : c’est ce que donne à hypothiser la probable retaille de la partie inférieure du kalathos. Un chapiteau similaire à un seul rang de feuilles est présent dans la Maison du Procurateur (fig. 36a), et un autre était remployé dans la salle tréflée auprès de la Basilique50 et se conserve au Musée d’Hippone (fig. 36b).
Fig. 36a : Annaba, la Maison du Procurateur, chapiteau composite à feuilles lisses en marbre du Cap de Garde
(cliché MdVR)
Fig. 36b : Annaba, Musée d’Hippone, chapiteau composite à feuilles lisses en marbre du Cap de Garde
(cliché MdVR)
34Le chapiteau en marbre du Cap de Garde au Musée d’Hippone (fig. 36b) et l’autre à côté de l’Église de Saint-Augustin au-dessus du temple de Saturne d’Hippo Regius (fig. 33), aux caractéristiques moins schématiques, rendent probable la provenance du chapiteau Ch10 de la cité antique.
- 51 Herrmann 2017, p. 354, fig. 8.
35Le chapiteau au Musée d’Hippone est moins schématique que l’exemplaire Ch10 dans la Mosquée de Bou Merouane. L’abaque est mouluré d’un cavet et d’un ovolo ; au centre il est pourvu d’un volume parallélépipédique destiné au fleuron non réalisé. Quant au deuxième chapiteau, il est mieux articulé, et daté avant le milieu du iie s. de n. è.51.
36Le chapiteau au Musée du Théâtre de Skikda, en marbre blanc de Filfila, est classé par Herrmann comme type Numidien IIb, et daté au iie-iiie s. de n. è. Il ne présente ni de feuilles d’eau sur le kalathos, ni de semi-palmettes à la hauteur de l’échine ; celle-ci est robuste et saillante, et pourvue d’un côté supérieur gonflé, sur lequel repose le début des volutes. En outre, les volutes sont liées aux feuilles angulaires du kalathos par un large tenon.
Tabl. 6 : Dimensions du chapiteau Ch10 type F
Ch
|
Ht
|
H1
|
H2
|
Hab
|
He
|
Dv
|
Di
|
Ds
|
10
|
26,00
|
12,00
|
–
|
3,00
|
10,00
|
23,00
|
26,00
|
37,00
|
Maison Procurateur fig. 36a
|
39,00
|
–
|
20,00
|
4,00
|
6,00
|
32,00
|
46,00
|
59,70
|
Musée Hippo Regius fig. 36b
|
36,50
|
17,00
|
–
|
4,50
|
10,00
|
24,00
|
28,00
|
44,00
|
Fig. 37 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch25
(cliché SIB)
Fig. 38 : Annaba, Hippo Regius, Maison à Péristyle, chapiteau inachevé
(cliché MdVR)
Fig. 39 : Tiddis, chapiteaux de la cuve carrée, à l’ouest de la Chapelle Chrétienne
(d’après Gui, Duval, Caillet 1992, pl. C, 4-5)
- 52 Cherchell : Pensabene 1982, p. 62-63, no 179a-b, pl. XLVI ; Kôm Ombo en Égypte, Laroche-Traunecke (...)
- 53 Pensabene 1986, p. 392-393, fig. 44d-e ; Berthier 1972, p. 71, fig. 38; Gui, Duval, Caillet 1992, (...)
37Le chapiteau inachevé Ch25, sculpté dans un bloc de forme pyramidale tronquée, se développe sur un kalathos presque cylindrique, revêtu de huit feuilles lisses dotées d’une retombée marquée. La partie supérieure garde encore la forme carrée du bloc originel, qui occupe le tiers de la hauteur totale, et est ornée d’un motif de volutes géométriques gravé à la surface. Les huit feuilles lisses, larges à la base et recourbées au sommet, ne dépassent pas la moitié de la hauteur du kalathos. Le chapiteau témoigne de l’intéressante pratique de la technique de gravure et de ciselage des anciens artisans. Un autre exemplaire de chapiteau similaire, dans la Maison à Péristyle à Hippo Regius (fig. 38), est un témoin du goût des périodes tardives pour les chapiteaux volontairement inachevés52. Des exemplaires à Tiddis (fig. 39) ont été attribués au ive ou au ve s. de n. è.53.
- 54 Ces dessins d’exécution sont désignés par le terme d’« épure », voir Capelle 2020, p. 90, fig. 3.
- 55 Pour les différentes phases de construction des chapiteaux, voir Asgari 1988, p. 122, fig. 1 ; Pe (...)
38L’utilisation de chapiteaux dans des édifices d’une certaine importance architecturale supposait l’implantation de chapiteaux identiques qui nécessitait l’adoption de systèmes de traitement standardisés et séquentiels. Vitruve (IV, 1, 11) prescrit des règles précises qui relient les différents composants d’un chapiteau de manière proportionnelle. Les anciens tailleurs de pierre pouvaient les fabriquer à l’aide de gravures et de points fixes qui étaient rapportés sur le bloc pour en faciliter le traitement54. À partir de l’étude de ces signes, il est possible de reconstituer les différentes phases nécessaires à la construction d’un chapiteau55. Dans le cas du chapiteau Ch25, on voit qu’il a été obtenu à partir d’un bloc à l’origine de forme parallélépipédique, divisé en deux sections : la première depuis le haut est constituée d’un élément parallélépipédique dans lequel sont incisées des volutes schématiques ; la seconde section cylindrique au-dessous accueille les zones végétales du kalathos, mais toujours avec des feuilles lisses.
39Le chapiteau Ch25 présente des caractéristiques manifestement locales. On retrouve un autre cas de chapiteau inachevé dans la Maison à Péristyle d’Hippo Regius, montrant une technique de création similaire (fig. 38). La documentation relative aux fouilles – partielles – de la Maison, demeure inédite. Malgré les différences légères de dimensions, on peut prudemment proposer que le chapiteau Ch25 a été enlevé de la Maison à Péristyle au xie s. de n. è. Les chapiteaux du péristyle des uillae du front mer présentent également des variations de mesure (voir supra p. 109, tabl. 2).
Tabl. 7 : Dimensions du chapiteau Ch25 type G
Ch
|
Ht
|
H1
|
H2
|
Hab
|
He
|
Dv
|
Di
|
Ds
|
25
|
26,00
|
12,00
|
–
|
10,00
|
–
|
–
|
26,00
|
37,00
|
Maison à Péristyle fig. 38
|
29,00
|
17,00
|
–
|
13,00
|
–
|
–
|
23,00
|
35,30
|
Fig. 40 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch3
(cliché SIB)
Fig. 41 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch7
(cliché SIB)
Fig. 42 : Hippo Regius, grande Basilique, chapiteau corinthisant
(cliché MdVR)
- 56 Ginouvès, Martin 1992, p. 99, n. 339, fig. 51, 3-8.
- 57 Pensabene 1986, p. 393.
- 58 Teatini 1997, p. 382-384.
- 59 Pensabene 1986, p. 393, fig. 43d.
40Les chapiteaux corinthisants sont parfois qualifiés de pseudo-corinthiens56. La moitié inférieure du kalathos de ces deux exemplaires (Ch3 et Ch7) présente un rang de feuilles d’acanthe surmonté par quatre feuilles angulaires, adhérant au kalathos et s’élevant jusqu’au sommet qui s’enroule de manière à former les volutes. Ces dernières jouent le rôle de soutien de l’abaque. Le chapiteau Ch3 se distingue par les retombées peu incurvées des deux feuilles supérieures dans lesquelles les spirales ne sont pas aussi marquées. Une base horizontale constitue le trait d’union entre les quatre feuilles supérieures des chapiteaux Ch3 et Ch7. Une simplification dans le rendu du ruban des volutes est visible. Le kalathos est surmonté par un mince abaque qui, réduit à une bande lisse, ne présente aucune particularité remarquable. Le fleuron de l’abaque a un rendu schématique qui peut être assimilé à un lobe saillant. Ces deux chapiteaux présentent de nombreuses caractéristiques des chapiteaux tardifs à feuilles lisses57, à Vchi Maius, s’inscrivant dans un horizon stylistique africain des ve-vie s. de n. è.58. Ils rappellent également des exemplaires italiens d’Ostie du ive – début ve s. de n. è. En considérant les analogies stylistiques, les chapiteaux Ch3 et Ch7 sont de même type que le chapiteau de la grande Basilique d’Hippo Regius59 (fig. 42), qui est datable de la seconde moitié du ive s. de n. è.
- 60 Marec 1958, p. 237-238.
- 61 Bizot 2005.
41En effet, plusieurs chapiteaux ont été exhumés lors des fouilles du quartier « chrétien »60, proche de celui des uillae du front de mer. Le style des premières mosaïques découvertes présente l’intérêt d’avoir livré la chronologie de la construction de la Basilique et du Baptistère, c’est-à-dire la seconde moitié du ive s. de n. è.61.
Tabl. 8 : Dimensions des Ch3 et Ch7 type H
Ch
|
Ht
|
H1
|
H2
|
Hab
|
Di
|
Ds
|
3
|
33,00
|
18,00
|
–
|
3,00
|
20,00
|
44,00
|
7
|
30,00
|
14,00
|
–
|
3,00
|
27,00
|
36,00
|
Grande Basilique fig. 42
|
28,20
|
18,50
|
–
|
2,50
|
22,60
|
32,00
|
Fig. 43 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch15
(cliché SIB)
42Ce chapiteau corinthisant présente une première couronne de huit feuilles lisses adhérant au kalathos, et une seconde réduite à quatre feuilles lisses posées sur la diagonale, mais fortement projetées vers l’avant de manière à supporter les volutes. Au centre de la face, on observe un motif végétal qui semble non terminé et que l’on peut décrire comme une rosette à six pétales autour d’un cœur percé de petits trous. Ce motif occupe l’emplacement traditionnellement dévolu aux crosses internes. L’extrémité supérieure de la rosace touche la lèvre du kalathos. L’abaque avec des côtés concaves se compose d’un cavet et d’un listel. Au centre se détache un lobe biparti. Par sa conception, le chapiteau Ch15 est proche des exemplaires Ch3 et Ch7 (fig. 40, 41), qu’il enrichit de crosses externes et d’une rosette.
Tabl. 9 : Dimensions du Ch15 type I
Ch
|
Ht
|
H1
|
H2
|
Hab
|
Di
|
Ds
|
15
|
29,00
|
12,00
|
–
|
2,50
|
20,00
|
36,00
|
Fig. 44 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch24
(cliché SIB)
- 62 Marec 1958, p. 237, fig. 114a.
43Ce chapiteau corinthisant présente une couronne inférieure de huit feuilles lisses et une supérieure de quatre feuilles avec un sommet recourbé comme support de l’abaque. Des quatre feuilles angulaires, se détache une petite crosse interne atrophiée, exécutée de manière schématique. L’abaque aux côtés concaves est réduit à un bandeau, frappé en son centre d’un lobe schématique, qui déborde sur la lèvre du kalathos. Le chapiteau Ch24 est datable de la seconde moitié du ive s. de n. è., grâce à une comparaison avec un chapiteau retrouvé en fouilles et conservé dans l’annexe de la grande Basilique62 (fig. 45).
Fig. 45 : Annaba, Hippo Regius, Musée, chapiteau corinthisant
(cliché SIB)
Tabl. 10 : Dimensions du Ch24 type J
Ch
|
Ht
|
H1
|
H2
|
Hab
|
Di
|
Ds
|
24
|
29,00
|
12,00
|
–
|
2,50
|
20,00
|
36,00
|
Grande Basilique fig. 45
|
30,00
|
10,00
|
–
|
2,00
|
32,00
|
40,00
|
Fig. 46 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch12
(cliché SIB)
- 63 Marçais 1950, p. 234, fig. 6.
- 64 Golvin 1966, p. 69, pl. 19.
- 65 Marçais 1950, p. 233.
44Ce chapiteau corinthisant63 ne comporte qu’un rang de feuilles lisses fortement recourbées sous les angles, remplaçant les volutes qui soutiennent les cornes de l’abaque. Une languette lisse descend de l’abaque dans l’axe du chapiteau. Les feuilles sont réunies à la base de manière à former une concavité en forme de V ouvert. Des exemplaires de chapiteaux du même type se trouvent aux palais de Ziri à Achir64 et à Sabra al-Mansûryya, Kairouan65, et sont datables des xe-xie s. de n. è.
Tabl. 11 : Dimensions du Ch12 type K
Ch
|
Ht
|
H1
|
H2
|
Hab
|
Di
|
Ds
|
12
|
24,50
|
21,00
|
–
|
2,50
|
23,00
|
27,00
|
Fig. 47 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch5
(cliché SIB)
Fig. 48 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch16
(cliché SIB)
- 66 Marçais 1950, p. 234, fig. 6.
- 67 Golvin 1966, p. 71, pl. 19.
- 68 Pensabene 1986, p. 405-409.
45Ces deux chapiteaux corinthisants66 présentent presque les mêmes caractéristiques typologiques que le chapiteau Ch12, mais se distinguent par la présence de décor au niveau du kalathos. En effet, le kalathos est orné de deux feuilles d’acanthe travaillées au foret, de forme assez plate, qui semblent se plaquer contre les feuilles lisses, dont l’épaisseur est bien visible. Les deux feuilles occupent toute la hauteur du kalathos et se recourbent au contact des angles de l’abaque. Les digitations des lobes sont courtes, triangulaires et parcourues par des nervures ; leur contact dégage des zones d’ombre en forme de goutte. Le motif axial ressemble à une espèce de caulicole lisse dressée. Les chapiteaux Ch5 et Ch16 trouvent une comparaison en un chapiteau similaire, réutilisé à la Grande Mosquée de Kairouan, et daté par Golvin au xie s. de n. è.67. Cependant, le type de la feuille d’acanthe épineuse était largement répandu au vie s. de n. è.68.
Tabl. 12 : Dimensions des Ch5 et Ch16 type L
Ch
|
Ht
|
H1
|
H2
|
Hab
|
Di
|
Ds
|
5
|
30,00
|
24,00
|
–
|
4,00
|
30,00
|
36,00
|
16
|
32,00
|
22,00
|
–
|
4,00
|
32,00
|
38,00
|
Fig. 49 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch6
(cliché SIB)
Fig. 50 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch19
(cliché SIB)
Fig. 51 : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch26
(cliché SIB)
- 69 Bourouiba 1981, p. 32.
- 70 Pensabene 1976, p. 182, pl. 50, 4.
46Ces chapiteaux corinthisants à feuilles lisses69 comportent deux rangs de feuilles d’acanthe. La rangée inférieure présente quatre larges feuilles angulaires, alternant avec les feuilles supérieures. La bordure de ces dernières prend la forme d’une tige en relief, plus ou moins large, dont le sommet étroit s’enroule en guise de volute pour soutenir l’abaque. Chaque chapiteau expose une petite variation au niveau du point de contact des feuilles : sur le chapiteau Ch6, il est occupé par un cercle ; sur le chapiteau Ch19, s'y trouvent trois godrons concaves se rétrécissant vers le bas ; et sur le chapiteau Ch26, s'y dessine un triangle incurvé. Entre leur bord et l’abaque, il y a un élément saillant schématique. Ces chapiteaux Ch6, Ch19 et Ch26 ressemblent à un chapiteau actuellement conservé dans le Baptistère de la grande Basilique dont il n’est peut-être pas originaire, et qui est datable du ve s. de n. è. (fig. 52). Ils ressemblent également à un autre chapiteau de facture plus médiocre, exposé dans le jardin au Musée d’Hippone70 (fig. 53). La présence de deux chapiteaux similaires au chapiteau Ch19 du site d’Hippo Regius rend probable une chronologie à l’époque romaine tardive et non au Moyen Âge.
Fig. 52 : Annaba, Hippo Regius, Baptistère, chapiteau monté arbitrairement sur une des quatre colonnes
(cliché MdVR)
Fig. 53 : Annaba, Musée d’Hippone, jardin, chapiteau corinthisant
(cliché MdVR)
Tabl. 13 : Dimensions des Ch6, Ch19, Ch26 type M
Ch
|
Ht
|
H1
|
H2
|
Hab
|
Di
|
Ds
|
6
|
38,50
|
27,00
|
–
|
–
|
32,00
|
38,00
|
19
|
34,00
|
23,50
|
–
|
2,00
|
38,00
|
44,00
|
26
|
30,00
|
16,00
|
–
|
–
|
34,00
|
40,00
|
Baptistère, fig. 52
|
31,00
|
17,00
|
–
|
2,50
|
30,00
|
48,00
|
Musée Hippo Regius, jardin
fig. 53
|
41,00
|
21,00
|
–
|
3,00
|
24,00
|
42,00
|
Fig. 54a : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch29
(cliché SIB)
Fig. 54b : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch29
(cliché MdVR)
Fig. 54c : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch29
(cliché MdVR)
Fig. 54d : Annaba, Mosquée de Bou Merouane, chapiteau Ch29
(d’après Delamare 1850, pl. 173.7)
- 71 Restitution du chapiteau par A. Delamare (1850, p. 182, pl. 193), ici fig. 54d.
- 72 Delamare 1850, p. 183, pl. 193, ici fig. 54d.
- 73 Kitzinger 1946, p. 69-70, nos 77-90, fig. 107-121 ; Guidobaldi 1989 ; Sodini, Kolokotsas 1984, p. (...)
47Ce chapiteau est de type bizonal à corbeille (à double registre) ; son état de conservation n’est pas bon71, et le registre inférieur a été grossièrement restauré au ciment. La partie supérieure du registre est animée par six colombes, qui se détachent en relief. Ainsi, les quatre colombes, dont se conservent les parties antérieures, lèvent la tête devant les quatre angles de l’abaque, et les deux autres occupent le centre de deux côtés opposés de l’abaque. Les quatre colombes angulaires sont en position frontale avec la tête tournée vers la colombe du milieu, qui a la tête tournée à droite. Au milieu des deux autres côtés opposés figure un motif à cloche renversée et ornée de quatre feuilles dressées pointues à nervure centrale, dont les intervalles sont meublés par de petits boutons. Une des deux colombes centrales tient son aile gauche tendue et montre deux évidements dans les cuisses, destinés aux agrafes pour fixer les pattes saillantes en marbre. Cette face a été documentée par A. Delamare72. Le chapiteau Ch29 a été sculpté en marbre du Cap de Garde suivant un modèle byzantin des ve-vie s. de n. è. Il est attesté, outre Constantinople, dans de nombreuses églises autour de la Mer Égée et de la Mer Adriatique, à Rome, Cagliari, Carthage (Damous el-Karita, rotonde souterraine, et à la Mosquée de Tunis), à Oea (Tripoli), et à Fustat (Le Caire)73.
Fig. 55 : Annaba, Musée d’Hippone, chapiteau figuré aux colombes en calcaire locale
(cliché SIB)
48Un autre chapiteau figuré aux colombes est conservé au Musée d’Hippone (fig. 55). Il est bizonal, et se base sur une bande tressée. La corbeille de la zone inférieure a été piquetée. Les têtes des quatre colombes de la zone supérieure ont été coupées. Elles soutenaient l’abaque orné d’un rinceau, interrompu du fleuron au centre. Le chapiteau sculpté en calcaire local sur modèle byzantin est de bonne qualité, et témoigne le savoir-faire des artisans hipponiens.
Tabl. 14 : Dimensions du Ch29 et du chapiteau aux colombes au Musée d’Hippone (fig. 55)
Ch
|
Ht
|
H1
|
H2
|
Hab
|
Di
|
Ds
|
29
|
37,00
|
–
|
–
|
–
|
39,00
|
44,00
|
Musée d’Hippone,
fig. 55
|
33,00
|
–
|
–
|
5,00
|
28,00
|
37,00
|
49Les études du remploi des chapiteaux, durant l’Antiquité et lors des travaux de restauration de la plupart des édifices pendant les dix derniers siècles, n’ont pas fourni de résultats concluants, eu égards au manque de fouilles systématiques et stratigraphiques de grandes parties de la cité d’Hippo Regius. De ce fait, une recontextualisation précise des chapiteaux de la mosquée de Bou Merouane est difficile à établir. En outre, nous relevons une forte hétérogénéité des chapiteaux dans un seul édifice. À titre d’exemple, la seule Maison à Péristyle, partiellement fouillée, comporte onze chapiteaux sculptés en six classes différentes : ionique, corinthien, corinthien à feuilles lisses, corinthiens à doubles caulicoles, composites à caulicoles renversées, composite « inachevé ».
50Malgré les similitudes apparentes des chapiteaux d’Hippo Regius des deux types A et B, leurs dimensions et quelques détails stylistiques ne permettent pas de les recontextualiser avec certitude dans la cité.
- 74 Toma 2015, p. 812, fig. 1 : chapiteau composite à Lepcis Magna montrant un stade précoce de sculp (...)
51Le chapiteau inachevé Ch25, les autres exemplaires de chapiteaux inachevés, et retrouvés dans la cité antique, l’ébauche au Musée d’Hippone74 (fig. 56 a-c), et le chapiteau composite en marbre du Cap de Garde terminé avec les feuilles d’eau typiques des chapiteaux d’Hippo Regius (exporté à Ostie) indiquent la présence d’artisans et d’ateliers locaux à Hippo Regius, favorisés par la proximité de la carrière du marbre du Cap de Garde. Un autre aspect intéressant est relatif à l’élaboration locale autonome de chapiteaux à partir de modèles importés de l’Italie ou de Byzance.
Fig. 56a : Annaba, Hippo Regius, Musée, chapiteau inachevé, l’épure de l’abaque et fleurons
(cliché MdVR)
Fig. 56b : Annaba, Hippo Regius, Musée, chapiteau inachevé, vue zénithale, épure de l’abaque et fleurons
(cliché MdVR)
Fig. 56c : L’épure sur la face supérieure du chapiteau inachevé donne la mesure exacte d’un pied romain
(relevé SIB)
- 75 Herrmann et alii. 2012, p. 305, Herrmann 2018, p. 351.
52Les chapiteaux composites aux feuilles sculptées (Ch11 et Ch32) ont été créés presque à la même période de leur diffusion en Italie75. Les chapiteaux composites à deux ou à un seul rang de feuilles lisses (Ch10 et Ch21) sont très fréquents en nombreuses variantes dans l’Afrique du Nord tardive.
53Par ailleurs, seuls trois chapiteaux, les corinthisants Ch5, Ch12 et Ch16, peuvent être datés de la période de construction de la Mosquée de Bou Merouane.
54De nombreux points restent à développer. Ainsi, le croisement des études métrologiques des fûts de la salle de prières de la mosquée de Bou Merouane et des données fournies par de futures fouilles archéologiques sur le site de Hippo Regius permettrait de proposer avec plus de précision leurs provenances et chronologies.