Cet article est la première partie d’une recherche plus vaste sur les artisans qui englobe également l’organisation du travail dans les ateliers et les liens de sociabilité en Afrique à partir des données épigraphiques, textuelles et archéologiques, à paraître prochainement.
- 1 L’artisanat dans les cités antiques de l’Algérie, sous la direction de J.- (...)
- 2 Je remercie très sincèrement S. Drici, N. Tran, N. Géroudet, D. Fellague, J.-Cl. Béal et F (...)
- 3 Waltzing 1895-1896.
- 4 Haywood 1959, p. 71-72.
- 5 Les signatures d’officines seront présentées et étudiées dans la deuxième partie de (...)
1Qui étaient les artisans africains ? L’étude menée en Algérie sur les lieux de travail, les ateliers, les outils et les productions conduit tout naturellement à s’interroger sur les artifices 1. Si l’archéologie ne donne pas suffisamment d’informations, en revanche, l’épigraphie apporte quelques lueurs 2, c’est pourquoi un inventaire a été constitué dans cet article. Il présente les inscriptions découvertes en Algérie et mentionnant explicitement un ou plusieurs artisans, en rassemblant tout à la fois les épitaphes, les mentions sur supports architecturaux et les dédicaces de monuments. Jusqu’ici seules quelques inscriptions avaient été réunies dans le cadre de recherches thématiques portant sur les corporations, les collèges 3 ou les synthèses économiques 4. Les inscriptions proviennent en majorité de stèles funéraires et de stèles votives, et plus rarement, d’objets en pierre fabriqués localement portant la signature des artisans qui les ont façonnés (n° 1) 5 ou leur mention sur des ostraca (n° 2). Toutefois, l’identification d’un artisan n’est pas toujours chose facile, en raison de difficultés liées à la lecture du métier qui peut parfois être mal orthographié ou constituer un hapax.
2Ce premier inventaire se concentre sur l’Algérie, terrain d’étude de mes recherches doctorales ; il devra être poursuivi afin d’englober les découvertes réalisées au Maroc, en Tunisie et en Libye. Pour appuyer la démonstration, des attestations provenant du reste du Maghreb seront citées ponctuellement dans cet article.
3Les sources utilisées ne se limitent pas aux témoignages épigraphiques : l’analyse est également enrichie par les constats faits sur les vestiges d’ateliers algériens et, plus généralement, par la littérature ancienne.
4Les inscriptions viennent en majorité des villes, même si pour quelques-unes la question reste ouverte car elles ont été découvertes lors de prospections ou sur des sites non fouillés. Elles témoignent tout du moins de l’occupation du territoire et de noyaux plus ou moins développés d’habitat où des artisans travaillaient et vivaient.
- 6 Tran 2007, p. 121 et plus récemment Tran 2013 ; sur le monde du travail, cf. (...)
5Cette étude s’inspire des recherches de ces dernières décennies qui ont montré à quel point les épitaphes peuvent offrir « une précieuse documentation à l’historien de la vie sociale ». Dans le cas des artisans, « la manière d’évoquer les professions, et les contextes épigraphiques dans lesquels ces évocations s’intègrent, apportent un éclairage direct sur la vie et les structures économiques »6.
6L’objectif de cette étude est de déterminer dans quelle mesure la documentation provenant des sites algériens renseigne sur l’identité des artisans, leur statut juridique et le rôle de ces hommes de métier dans les ateliers et dans la production en Numidie, en Maurétanie césarienne et en Afrique proconsulaire.
- 7 Les inscriptions nos 20 et 26 signalent chacune deux artisans, ce qui donne en (...)
7Au total, seulement quarante-deux inscriptions 7 indiquent la catégorie professionnelle ou la spécialisation des hommes de métier ainsi que leur statut juridique et contribuent à préciser si l’artisan était un homme libre, un affranchi ou un esclave. Le contexte épigraphique est majoritairement funéraire avec trente-deux textes, mais on dénombre aussi sept stèles votives, quatre dédicaces officielles et une signature sur une base de monument.
- 8 Morel 1992, p. 291 ; Tran 2007, p. 121.
- 9 Lassère 1973, p. 17 ; Février 1989, p. 75.
- 10 Lassère 2011, p. 430.
- 11 Tran 2007, p. 119.
8Pour mieux comprendre les particularités et définir les normes africaines, signalons à titre comparatif les constats menés en Gaule et en Italie dont les contextes sont mieux étudiés. En règle générale, les spécialistes qui se sont intéressés aux artisans romains à travers les témoignages épigraphiques – notamment en Italie – reconnaissent qu’ils sont peu représentés 8. Ce constat est valable pour l’ensemble des provinces et très précisément pour l’Afrique qui, si elle compte parmi les régions qui ont donné le plus grand nombre d’inscriptions 9, ne comporte que rarement des allusions au domaine du travail et de ses acteurs. De même, pour la mention du métier du défunt ou du dédicant, les indications sont laconiques dans les épitaphes 10, le texte se limitant le plus souvent à mentionner la profession du défunt juste après son nom, sans plus de détails. Ces caractéristiques, valables pour l’ensemble du monde romain de langue latine, apparaissent comme la norme en Afrique. Mis à part « le choix de mettre en avant une qualité individuelle, distinctive », voire même la présence d’une certaine fierté de l’artisan 11, on ne trouve pas cependant d’éloge de la profession.
9Pour ce qui est de la datation, la majeure partie des inscriptions collectées en Algérie remonte au Haut-Empire, entre la période julio-claudienne et le iii e s. (fig. 1). La quantité importante d’attestations datant d’entre la fin du i er s. avant notre ère et du i er s. de notre ère s’explique par les découvertes effectuées dans la capitale de Maurétanie Césarienne, Caesarea, qui représentent l’essentiel des inscriptions dont nous disposons pour cette période.
Fig. 1 : Attestations par période chronologique à partir des épitaphes et des stèles votives d’artisans.
- 12 Béal 2000 ; pour les images des artisans de la pierre dans le mond (...)
- 13 Béal 2000, p. 168 ; Morel 1992, p. 274-275.
- 14 Béal 2000, p. 157-158 ; contra Tran 2011, p. 130, n° 76.
- 15 Morel 1992, p. 277.
10En Italie et en Gaule, des stèles ou des bas-reliefs représentent des activités artisanales selon des modes différents qui ont été classés par J.-Cl. Béal pour la Gaule 12. Ainsi, peut-on observer le défunt au travail, utilisant ses outils, ou plus simplement représenté avec un outil à la main, ou la stèle peut encore ne figurer que les outils seuls. Ces types de représentations, excepté semble-t-il pour le deuxième type, se trouvent attestés en Italie où l’on rencontre, en outre, des monuments sur lesquels le défunt est figuré en position de superviseur au sein de l’atelier, comme le pistor et redemptor Eurysaces 13. L’interprétation de ces reliefs a posé quelques problèmes, principalement celui de déterminer si le défunt était bien artisan et si telle était sa profession principale ou si, au contraire, il s’agit plutôt de la mise en valeur de la dignitas du personnage possédant des intérêts dans une activité artisanale sans avoir lui-même travaillé de ses mains, surtout lorsque son inscription ne mentionne pas de métier 14. Une personne de rang élevé pouvait effectivement retirer une part non négligeable de ses revenus d’activités artisanales sans pour autant y travailler elle-même 15.
- 16 Béal 2000, p. 152 et 165.
- 17 L’olearius de Cherchel (AE 1925, 45) n’était pas un artisan. Un travail sur l’ensemble (...)
- 18 Leveau 1984, p. 182. C’est le cas de l’inscription n° 5 de l’inven (...)
- 19 A. Ben Younès-Krandel (1986, p. 7) signale la découverte de quatre stèles seulement su (...)
- 20 Notamment deux menuisiers et un fabricant d’arcs (Berthier, Charlier 1955, (...)
11D’un point de vue quantitatif, la Gaule a livré cent soixante-trois monuments figurés ; l’Italie, cent vingt-deux 16. En Algérie, il est impossible de tenir la comparaison avec ces deux régions : les représentations d’artisans sur des stèles semblent rares 17. À Cherchel, quelques épitaphes et quelques stèles votives présentent des personnages de face, mais comme le souligne Ph. Leveau, pour les artisans comme pour le reste des individus mentionnés, les images restent formelles, répétitives et ne s’attachent pas à mettre en évidence un signe distinctif chez le défunt ou le dédicant 18. Pour les territoires voisins – Maroc, Tunisie et Libye – la situation paraît similaire. Force est de constater que pour les périodes plus anciennes, la documentation nous fait grandement défaut ; les quelques études d’épitaphes d’artisans ou de professionnels du commerce concernent surtout la Carthage punique, où « le rapport entre l’image et le texte relève de l’exception » 19. Pour l’Algérie, quelques artisans comptent parmi les dédicants de stèles votives du sanctuaire d’El Hofra à Constantine 20, mais elles ne sont pas figurées.
- 21 Même si elle se trouve aujourd’hui exposée dans la salle des « potiers de (...)
- 22 Leveau 1984, p. 400, fig. 213.
12Pour la période romaine, je n’ai recensé que deux exemples en Algérie qui ne figurent pas des personnages mais des outils : un bloc exposé au Musée de Cirta dont la provenance reste inconnue 21 (fig. 2), et un autre en remploi trouvé sur le site des Trois-Îlots, à proximité de Cherchel (fig. 3) 22. Le premier est un bloc de calcaire d’une dizaine de centimètres d’épaisseur et d’une longueur de quarante centimètres environ.
Fig. 2 : Fragment d’un monument représentant les attributs d’un charpentier (?)
conservé au Musée de Cirta.
Fig. 3 : Trois Îlots. Stèle (?) présentant une équerre-niveau et un fil à plomb
(Leveau 1984, p. 400, fig. 213)
- 23 Béal 2000, p. 155-156, pl. V. Pour l’auteur, les stèles ne figuran (...)
- 24 Lassère 2011, p. 263-264.
13La face principale présente plusieurs instruments de travail représentés presque grandeur nature : au centre le plus grand et sans doute le plus important des outils est une ascia. Autour, à chaque angle de la pierre un outil différent est représenté : une truelle, un fil à plomb, une équerre-niveau et peut-être un pied pliant, représenté en trois sections. Ce bloc rappelle une stèle mise au jour en Gaule 23. De quel type de monument s’agit-il ? L’épaisseur modeste du bloc ne permet pas de préciser s’il s’agit d’une stèle, auquel cas elle aurait été très grande car elle devait aussi figurer l’identité du défunt. En tout cas il est clair qu’il ne s’agit pas d’une épitaphe dédiée sub ascia car l’outil y est représenté généralement seul, allongé, le côté tranchant vers le sol. La nature du monument auquel le bloc était rattaché ne peut être identifiée mais la présence de l’ascia semblerait indiquer que le métier représenté est en lien avec le travail du bois et le reste des outils est en rapport avec la maçonnerie ; cet ensemble d’objets laisse penser qu’il s’agissait peut-être d’un constructeur associant les compétences de maçon et de charpentier 24.
14Le second bloc, qui devait relever d’un monument funéraire, ne conserve pas non plus l’inscription identifiant le défunt mais présente figurés sur la face principale une équerre à niveau et un fil à plomb. Néanmoins, ces éléments peuvent participer d’un symbolisme d’égalité devant la mort et non pas forcément d’une activité artisanale.
15Les artisans ont-ils eu recours à d’autres moyens pour se faire connaître de leur vivant mais également après leur mort ?
- 25 Morel 1992, p. 298.
- 26 Cf. Monteix 2010, par exemple p. 188, fig. 92.
16Dans le domaine urbain, les artifices avaient la possibilité de se faire connaître de différentes manières. En Afrique, les fouilles n’ont pas livré de documentation pariétale peinte similaire à celle de Pompéi où l’état de conservation des façades et des trottoirs des bâtiments montre que les acteurs commerciaux s’en sont servis pour faire la publicité de leur savoir-faire ou de leurs produits 25. En groupes ou de manière individuelle, les artisans s’affichent à travers des inscriptions peintes comme des professionnels offrant un service de proximité aux passants. Des peintures placées sur les devantures des ateliers les représentent au travail, entourés de divinités tutélaires 26. Ce type de démonstration témoigne de la fierté des artisans envers leur position sociale mais aussi de celle d’appartenir à un groupe bien déterminé par sa profession, ses croyances et parfois par un secteur de la ville qu’ils occupent.
- 27 Bonifay 2004, p. 58, fig. 27, a.
- 28 Adam 2011, p. 79, fig. 164.
17Pour l’Afrique, mentionnons quelques autres modes de représentation à travers deux exemples pris en Tunisie qui montrent des artisans au travail. Il s’agit d’une part du vase en sigillée C1 provenant d’El Mahrine décoré d’un motif d’applique figurant un potier au travail avec son tour 27 : l’artisan se représente sur le support qu’il a l’habitude de produire. Comme ce type d’auto-représentation est rare, on doit en déduire que l’auteur du motif d’applique a souhaité mettre en valeur sa propre activité et celle de ses collègues. Dans un autre registre, la mosaïque d’Oued R’mel, datée du vi e s., constitue le second exemple : le pavement figure un chantier de construction 28. Cette œuvre donne une idée de sa conduite, ainsi que des différents acteurs tous représentés avec leurs outils respectifs et travaillant à la bonne conduite des différentes opérations.
- 29 Gsell 1952, p. 24 ; Bussière 1992, p. 193-195 : LVCERNAS COLATAS / (...)
18En Algérie, des exemples équivalents peuvent compléter ce dossier. En Maurétanie césarienne dans la région de Cherchel-Tipasa, une production de lampes – de type Bussière E IV 2 ou lampe à canal courbe – se développe entre le iv e et le v e s. Elles ont la particularité de présenter sur le bandeau des inscriptions en relief faites au moule : on peut lire par exemple « Vive Donatus, le maître coroplaste ! ». Un autre potier, Assenes, signait également ses lampes. D’autres lampes portent aussi des inscriptions adressées à l’acheteur : « (Achetez) des lampes épurées de l’officine de Donatus ! » ; « Achetez des lampes aux images épurées ! » ou encore « (Achetez) des lampes d’Assenes ! », etc. 29 (fig. 4).
Fig. 4 : Lampes à canal courbe de la région de Tipasa-Cherchel présentant une inscription à vocation commerciale sur le bandeau
(Bussière 1992, fig. 2 et 24)
- 30 Selon les concepts étudiés par Tran 2011.
- 31 Cf. Tran 2011, p. 128-130.
- 32 Comme le souligne J. Bussière, ces lampes ne présentent pas de décor ou de (...)
- 33 Il faut également se demander si ce type de signature n’était pas destiné également à (...)
19Ces « réclames de potiers » pour reprendre l’expression de St. Gsell avaient une vocation publicitaire : leur présence sur le bandeau, là où il pouvait habituellement y avoir un décor sur d’autres lampes du même type, montrent que celles-ci avaient un but commercial. Les potiers, fiers de leur produit, n’hésitaient pas à faire valoir la qualité de leur travail par rapport à d’autres produits concurrents qu’ils considéraient forcément comme de moins bonne facture. Donatus a pris soin de signer les lampes de son atelier en précisant son titre de coro magister, maître coroplaste : implicitement, le potier se désigne comme détenteur d’une doctrina – un savoir – et d’une peritia – un savoir-faire – obtenu par l’expérience 30. Ce personnage fait partie d’une série de magistri, connus par des textes divers qui, par l’emploi de ce mot, appuient leur supériorité dans la hiérarchie du travail 31. C’est cette idée qui transparaît aussi à travers l’inscription relative à la qualité des images représentées sur les lampes. Ces quelques mots semblent faire allusion à la mauvaise qualité des lampes habituellement proposées sur le marché local. Je suppose qu’il faut voir ici une référence aux lampes réalisées à partir de surmoulage donnant des décors très effacés selon une technique courante employée durant toute l’Antiquité et plus particulièrement avec les lampes en sigillées de type Atlante X ou XI. Or, Donatus et Assenes se présentaient comme des artisans maîtrisant leur art et en mesure de réaliser des moules sans avoir recours au surmoulage et fabriquant leurs lampes avec une pâte suffisamment préparée et épurée 32. À partir de son expérience dans la production de figurines, le coroplaste Donatus avait su produire des objets qu’il jugeait de qualité. De même, la mention des noms de Donatus et d’Assenes était, elle aussi, un gage de qualité, sans quoi, les potiers n’auraient pas pris la peine de placer leur nom sur la partie supérieure de la lampe alors que la signature de l’atelier se plaçait traditionnellement au-dessous 33.
- 34 Cf. le détail dans le tableau 1 (n° 1).
20À travers l’épigraphie apparaissent divers métiers et spécialités – artes – ; le graphique (fig. 5 et 6) rend compte de la variété et de la part de chacun de ces domaines d’activités 34.
Fig. 5 : Diversité des spécialités professionnelles à partir des épitaphes et des stèles votives (le nombre des inscriptions est indiqué entre parenthèses).
- 35 Il en va d’ailleurs de même pour la Carthage punique où c’est le domaine du travail du (...)
21Le domaine le plus représenté est le travail du métal qui compte près d’une quinzaine d’artisans 35. Plusieurs spécialités sont attestées, certaines relèvent du travail ordinaire du métal comme la serrurerie ou la forge (nos 9, 10 et 38) ; d’autres se rapportent au domaine militaire représenté par les sept poliones de Lambèse (nos 33 à 36). Le dernier groupe rassemble des artisans spécialisés dans le décor du métal (nos 2, 8 et 13) ; ils travaillaient tous à Caesarea et devaient avoir pour principaux clients la cour, puis les notables locaux. Un fabricant de flèches – travaillant le métal et le bois – est également connu à Cherchel (n° 19). Viennent ensuite les métiers de bouche représentés surtout par des meuniers-boulangers (nos 12, 28, 29 et 46 : pistor), par deux bouchers (nos 3 et 4 : lanius), un charcutier (n° 1 : fartor) et un fabricant de « pastilles » (n° 37 : pastilarius) ; puis, les domaines de la construction (nos 5, 23, 39, 40 et 42), du textile (nos 11, 26, 27 et 30 : sarcinatrix, sartor, offector, fullo) et enfin les artisans ne mentionnant pas leurs spécialités et se présentant sous des appellations générales (nos 20, 21 et 22 : artifex, faber). Dans ces cas aussi, divers métiers sont présents : pour la construction, des fonctions générales sont attestées comme la maçonnerie (structor) mais aussi plus spécifiques comme la peinture (pictor) ou la réalisation de sols en opus signinum (signinarius ?). La filière textile compte un foulon (fullo), deux teinturiers (offector), une couturière (sarcinatrix), un ravaudeur (sartor) et peut-être un lainier (lanarius, n° 47). Le travail du cuir est quant à lui attesté par deux cordonniers et un fabricant de sandales, alors que le verre et la céramique ne sont représentés chacun que par un seul exemple. Enfin, la production de parfums serait attestée par l’inscription d’un myrrepsicus (n° 15 ?).
22Parmi les métiers urbains identifiés, si certains peuvent représenter une activité complète et autonome comme, entre autres, les bouchers, les meuniers-boulangers ou les foulons, d’autres, en revanche, peuvent faire partie d’une chaîne opératoire plus large comme les ciseleurs de métaux ou les poliones.
23La revue des mentions épigraphiques des artisans montre que les témoignages sont peu nombreux, surtout si on les compare à la masse documentaire provenant de Gaule et d’Italie. En l’attente de nouvelles découvertes, il faut convenir du fait qu’en majorité, les artisans africains n’avaient pas pour habitude de mentionner leur profession sur leurs épitaphes, plutôt que de supposer qu’ils n’étaient pas capables de s’offrir de tels monuments en raison de leur condition économique même si les plus modestes relevaient certainement de ce dernier cas de figure. Au contraire, une étude plus approfondie des noms des défunts et des dédicants tend à démontrer que l’indication du métier ne concerne pas seulement les tenanciers et propriétaires d’ateliers mais aussi des catégories sociales plus modestes.
24Dans la plupart des cas, les inscriptions indiquent le statut juridique de l’artisan ou de ses proches : homme libre, affranchi ou esclave ; elles témoignent d’une diversité dans la condition sociale des hommes de métier. Ces textes peuvent aussi, dans une moindre mesure, nous renseigner sur la place des femmes dans le domaine artisanal notamment à partir de la fréquence de leur apparition dans l’épigraphie. Enfin, le rôle de ces hommes et de ces femmes dans l’atelier peut parfois être précisé.
Fig. 6 : Diversité et total des professions identifiées d’après les inscriptions
Profession |
Nombre d’attestations |
Statut |
Textile |
5 |
|
Teinturier de petit teint |
2 |
citoyens |
Couturière |
1 |
esclave |
Raccomodeur/ravaudeur |
1 |
esclave |
Foulon |
1 |
esclave |
Travail du cuir |
3 |
|
Cordonnier |
2 |
esclaves |
Fabricant de sandales |
1 |
citoyen |
Travail du métal |
14 |
|
Fourbisseur/polisseur |
7 |
citoyens |
Forgeron |
1 |
citoyen ? |
Ciseleur d’argent |
2 |
1 esclave, 1 affranchi |
Graveur sur metal |
1 |
esclave |
Serrurier |
2 |
esclaves |
Fabricant de flèches |
1 |
esclave |
Travail du verre |
1 |
|
Verrier |
1 |
esclave |
Céramique |
1 |
|
Potier ou fabricant de tuiles |
1 |
citoyen |
Alimentaire et dérivés |
10 |
|
Fournier/boulanger |
1 |
citoyen |
Meunier/boulanger |
4 |
1 affranchi, 3 citoyens |
Charcutier |
1 |
affranchi |
Boucher |
2 |
1 esclave, 1 affranchi |
Fabricant de pastilles (?) |
1 |
indéterminé |
Fabricant de parfums (?) |
1 |
affranchi |
Métiers de la construction |
6 |
|
Constructeur/maçon |
4 |
3 esclaves, 1 citoyen |
Peintre |
1 |
citoyen |
Fabricant de sols en opus signinum (?) |
1 ? |
indéterminé |
Mentions générales |
4 |
|
Artisan (faber) |
1 |
citoyen |
Artisan (artifex) |
3 |
2 citoyens, 1 indéterminé |
Total |
44 |
|
25Dans sa contribution à L’homme romain consacrée à l’artisan, J.-P. Morel écrit que ce dernier « peut être libre de naissance (et en ce cas patron ou salarié, mercennarius), affranchi, ou esclave, et aucune règle simple ne saurait rendre compte de l’infinie diversité des situations selon les époques et selon les régions ». L’auteur ajoute qu’« il n’est que très partiellement exact que les artisans sont majoritairement des esclaves, ou des affranchis » 36. De fait, il est important de se demander avant tout quelle était la part des hommes libres parmi les artisans mentionnés, et dans un second temps, leur fonction.
- 37 Notons que les soldats artisans sont généralement des immunes : ils sont exemptés de (...)
26En prenant en compte seulement les épitaphes, les dédicaces votives et les signatures d’artisan réunies dans la première partie de l’inventaire épigraphique (n° 1), on recense en tout vingt et un artisans qui possédaient le statut de citoyen romain. Toutefois, sept d’entre eux sont des militaires : les poliones de la III e Légion Auguste (nos 33 à 36) 37 ; ce qui donne un total de quatorze artisans civils pour lesquels la spécialité professionnelle est connue (fig. 7). Deux artisans enfin sont sans doute des hommes libres, mais en raison de lacunes dans le texte, on ne saurait préciser leur statut juridique : pérégrin, citoyen romain ou affranchi. Les pérégrins restent les grands absents : les nombreux noms africains sont portés par des esclaves, aucune filiation n’est indiquée pour les noms uniques.
Fig. 7 : Répartition des artisans selon leur statut juridique
- 38 Lassère 2011, p. 81-99.
- 39 Cf. par exemple le n° 44.
- 40 Gascou 1969, p. 599 ; Lassère 2011, p. 102. (...)
27Les dénominations de ces ingenui sont aussi marquées par les évolutions qu’elles connaissent à travers les siècles dans le reste de la partie occidentale du monde romain 38. Aux i er et ii e s. la citoyenneté est marquée par les tria nomina, suivis de la mention du métier 39, puis, à partir de la fin du ii e s. au plus tôt et jusqu’au iii e s. au moins, le prénom disparaît. Enfin, plus tardivement, un nom unique est conservé, le nom « diacritique » 40, suivi du nom de métier.
- 41 Gascou 1969.
- 42 À Sétif, AE 1909, 155 ; Leglay 1966b, p 270-273, pl. XXX (...)
- 43 À Lambèse, CIL VIII, 18487 : ex of(f)[i]c(ina) C(aii) Ia (...)
- 44 À Khenchela, Lassus 1960-1962, p. 42 = AE 1972, 695 = AE 2006, 1792 : Ex of( (...)
28L’origine de ces artisans apparaît africaine dans la plupart des cas ; certains avaient des noms souvent portés par des autochtones tels que Gaetulicus, Felix, Crescens, Primosus, etc. 41 Les chefs d’officinae pouvaient être citoyens romains eux aussi : pour les ii e et iii e s., ils sont porteurs de tria nomina ; pour les périodes tardives, ils ne se présentent qu’avec un seul nom. C’est ce que nous indiquent les nombreuses signatures d’officines présentes sur des supports de diverses natures : stèle 42, colonne 43 ou mosaïque 44.
- 45 Morel 1992, p. 270-271.
29La mention de ces officines amène à nous interroger sur le rôle de ces professionnels de statut libre dans l’activité artisanale : étaient-ils majoritairement des responsables d’atelier comme semble le penser J.-P. Morel, avec – potentiellement – des esclaves ou des affranchis à leur service 45 ? Répondre à cette épineuse question à partir des seules sources épigraphiques reste difficile du fait de leur laconisme. On peut tenter de relever toute mention dans les épitaphes qui conduirait à préciser la place de l’artisan dans la hiérarchie de la production et recourir aussi à d’autres types de textes.
30Une inscription unique souligne la place importante d’un artisan en contexte militaire. À Lambèse, Maximius Commodianus était magister fabrorum (n° 31) ; ce titre implique que ce personnage supervisait des artisans militaires – sans plus de précision –, il est possible qu’il dirigeait la fabrica du camp.
- 46 On en connaît une autre à Carthage où le mari et la femme, affranchis, (...)
31Quelques propriétaires d’ateliers pourraient figurer parmi les inscriptions recensées dans l’inventaire. C’est le cas pour le teinturier de petit teint, T. Flavius Fortunatus et de sa femme Iulia Victorina (n° 27), elle aussi teinturière : il pourrait s’agir d’une entreprise familiale, gérée par le mari et son épouse à Cuicul ; toutefois, le dédicant, leur fils, ne précise pas son métier. Le fils est fier de mentionner la profession de ses parents, ce qui sous-entend qu’ils pouvaient posséder leur propre affaire. Ce genre d’épitaphes reste très rare 46.
32C. Iulius Victorinus de Madaure devait lui aussi posséder sa propre officine même s’il est impossible de déterminer s’il était lui-même potier ou s’il possédait une entreprise spécialisée dans la production de tuiles et de briques (n° 44). Cette hypothèse s’appuie sur le fait que, d’une part, il dédie une stèle de 2 m de haut aux membres de sa famille et, d’autre part, il mentionne le nom de son métier alors que l’on ignore la profession des défunts. Le testarius tenait à montrer qu’il était en mesure de payer un tel monument grâce à sa situation financière.
- 47 Thébert 1992, p. 217 ; Tran 2010, p. 195.
- 48 Andreau 1992, p. 233.
- 49 Magalhães de Oliveira 2012.
- 50 Aug., S. Denis, 17, 4 ( = 301A) : « Non plebeii solum, non quicumque o (...)
- 51 Magalhães de Oliveira 2012, p. 81-82.
33Pour le reste des artisans, force est de constater que l’on ne peut préciser s’ils possédaient leur propre atelier ou s’ils étaient employés par un tiers. Toutefois l’idée selon laquelle tout citoyen romain artisan avait forcément une fonction élevée dans la hiérarchie d’une officine doit être relativisée 47. Les artisans de condition modeste, nombreux dans les villes, faisaient partie de la plebs urbana composée essentiellement d’hommes de métier 48, des hommes libres sans dignitas. Récemment, dans le cadre de ses études sur la plèbe de l’Afrique romaine entre le iv e et le v e s. de notre ère, J. C. Magalhães de Oliveira s’est penché sur les écrits de saint Augustin évoquant la vie urbaine et les liens entre les différentes composantes de la société africaine 49. L’auteur signale des allusions au monde du travail et notamment à celui de l’artisanat dans les écrits du Père de l’Église. Le métier d’artisan est défini par Augustin comme un « plebeius labor » 50. Pour J. C. Magalhães de Oliveira, une bonne partie de la main d’œuvre des ateliers était composée d’hommes libres – affranchis ou ingénus –, qu’ils fussent des employés qualifiés ou des ouvriers au sens général 51.
- 52 Acta Purgationis Felicis episcopi Autumnitani, Corpus Optati, (...)
34Cette situation devait prévaloir au sein des nombreuses officinae tardives dont l’équipe devait être composée dans une proportion indéterminée d’une main d’œuvre servile mais surtout d’hommes libres. Un aperçu est offert par le procès de l’évêque d’Abthugni durant lequel Alfius Caecilianus, ex-duumvir, est interrogé, onze ans après les faits, sur le rôle de l’homme d’Église lors de la persécution de Dioclétien 52. Caecilianus possédait un atelier de tissage à Abthugni qu’il gérait lui-même. Lorsque le scribe Ingentius était venu le voir chez lui, l’artisan déjeunait en compagnie de ses ouvriers, des operarii, terme qui peut s’appliquer aussi bien à des esclaves qu’à des hommes libres.
35Ces derniers exemples sont tardifs mais cette situation a existé tout au long de l’Antiquité. En Égypte romaine par exemple, des enfants de naissance libre suivaient un apprentissage auprès d’un maître tisserand pour ensuite travailler pour le compte de leur famille en gérant leur propre atelier, ou bien simplement pour devenir des employés qualifiés 53.
36Les hommes libres n’étaient pas les seuls artisans travaillant dans la ville : des affranchis et des esclaves pouvaient aussi exercer un métier de ce type et revêtir différentes fonctions.
- 54 Un quatrième affranchi royal pourrait entrer dans cette catégorie, il s’agit d’un ce (...)
- 55 Cf. n° 1.
- 56 de L’Hôtellerie, Berbrugger 1856-1857, p. 445-44 (...)
- 57 Andreau 1992, p. 226.
- 58 Ibid., p. 241.
37Les artisans affranchis sont très peu représentés dans l’épigraphie ; seuls quatre ou cinq personnages auraient possédé ce statut. Quatre inscriptions appartiennent à un contexte particulier, celui de la Caesarea royale 54, qui a livré de loin le plus grand nombre d’inscriptions d’artisans 55. Trois d’entre eux sont d’ailleurs des affranchis de Juba II (nos 1, 2 et 15) mais ces épitaphes présentent des lacunes : on ne connaît pas le nom des défunts – sauf pour le premier – et s’il est probable que le second était ciseleur en métal, le troisième pourrait avoir été fabricant de parfums. Toutefois, cette dernière interprétation est très incertaine. Ils ont gardé des liens forts avec la cour : les deux premiers ont été inhumés dans un columbarium réservé aux affranchis royaux 56. Cette particularité ne doit pas surprendre, car l’affranchi, une fois libre, entretenait encore des relations étroites avec son ancien maître, auquel il était lié par un contrat ; d’ailleurs, l’ancien esclave était tenu de réaliser pour lui des jours d’operae 57. Ainsi, ces liberti ont pu continuer à travailler à la cour de façon exclusive, ou encore œuvrer dans des ateliers leur appartenant ou qu’ils dirigeaient pour le roi. Il est en revanche peu probable qu’ils aient été, une fois libres, de simples ouvriers dans des ateliers royaux ou privés comme c’était le cas pour de modestes affranchis privés 58.
- 59 Ibid., p. 229 et 233 ; Béal 2000, p. 165-166, qui remarque que (...)
38Le quatrième affranchi, Caius Iulius Zethus (n° 12), porte le prénom et le gentilice impérial et un cognomen grec : il était peut-être un affranchi impérial, mais la libertinatio n’est pas mentionnée. Au demeurant, il est assez surprenant de ne pas trouver ailleurs en Algérie d’autres mentions d’affranchis artisans – si ce n’est peut-être pour le probable signinarius de Cirta, Caius Iulius. Les affranchis pouvaient tirer leur revenu d’activités économiques. Beaucoup d’entre eux faisaient partie de la plebs urbana : cette situation est bien connue en Italie et en Gaule, régions pour lesquelles on dispose de nombreuses attestations 59.
39La fonction de ces artisans affranchis demeure mal connue, mais chacun devait maîtriser un savoir-faire élaboré, que ce soit le ciseleur, le meunier-boulanger ou le signinarius.
- 60 Lassère 2011, p. 137.
- 61 Leveau 1982, p. 1041-1042 ; Leveau 1984, p. 144.
40Les esclaves sont bien mieux représentés par l’épigraphie que les affranchis. Quinze esclaves artisans sont connus en tout, dont dix relèvent de la Caesarea d’époque julio-claudienne. Si les esclaves sont généralement peu présents dans les inscriptions du domaine urbain 60, le cas de Cherchel relativise cette vision 61. D’ailleurs, dans cette ville, les inscriptions mentionnant des artisans sont celles d’affranchis et d’esclaves. Toutefois, à l’inverse, pour d’autres capitales comme Cirta ou Lambèse, on ne dispose que d’une seule attestation. À partir de la documentation réunie, il apparaît que les esclaves de Cherchel – dont une partie indéterminée appartenait probablement à la famille royale – avaient les moyens de payer des dédicaces ou des épitaphes. Le nombre total d’attestations est bien plus important que celui des affranchis, mais, surtout, il s’approche de celui des hommes libres (fig. 7).
41La majorité des esclaves est d’origine africaine. Même si à Cherchel, quelques-uns portent des noms grecs ou hellénisants (nos 5, 6 et 18) cela ne signifie pas forcément qu’ils venaient du bassin oriental de la Méditerranée. Ces inscriptions permettent de reconstituer des liens familiaux : des stèles sont dédiées aux enfants (nos 6 et 10), à un frère (n° 45), à un époux (n° 5), à un père (n° 30). En revanche, les dédicaces d’un maître à son esclave sont absentes. Le second type de lien est celui qui unit un artisan à ses pairs qui prennent en charge les funérailles (nos 8 et 13). Les inscriptions confirment que les esclaves travaillaient dans tous les domaines de l’artisanat et présentent une grande diversité dans les métiers comme dans les spécialités.
- 62 Il ne maîtrisait pas forcément un instrumentum : à ce sujet, cf. Tran 2013, (...)
42Quelle était la fonction de ces artisans serviles dans les ateliers : étaient-ils de simples ouvriers ou avaient-ils des responsabilités ? Un exemple épigraphique retient l’attention, celui de Mario (n° 17) qui se dit officinator, autrement dit chef d’atelier. L’absence de précisions sur la spécialité exacte de l’atelier qu’il dirigeait peut laisser supposer qu’il était « préposé » à la gestion de l’atelier pour son maître et pas forcément lui-même artisan 62.
- 63 Thébert 1992, p. 178, 196.
- 64 Amraoui 2013 ; Berthier 2000, p. 130, fig. 33.
- 65 Wipszycka 1965, p. 71-73 ; Freu 2011, p. 35-36.
- 66 Tran 2011, p. 129.
- 67 Morel 1992, p. 281.
- 68 Wipszycka 1965, p. 74.
43En raison de lacunes, il est difficile de préciser la lecture de la stèle de Faustus (n° 16) proposée par Ph. Leveau selon laquelle il était le chef d’un atelier de bijoutiers. Dans l’Antiquité, il n’est pas rare en effet que les esclaves prennent la direction des officines de leur maître 63 ; certains possédaient une formation dans l’activité artisanale et pouvaient produire de leurs mains tout en supervisant l’atelier et son personnel. C’est le cas du potier tidditain qui a signé les anneaux-supports de cuisson destinés à identifier ses vases dans un four utilisé par plusieurs potiers et sur lesquels on lit la mention seruus Maximi 64. Le potier n’est pas individualisé, son principal titre est directement lié à son maître Maximus qui possédait l’affaire. E. Wipszycka et Chr. Freu rappellent qu’en Égypte, les propriétaires d’esclaves dont le revenu était modeste avaient tout intérêt à apprendre un métier à leur seruus de manière à garantir une rentrée d’argent régulière 65. Cette pratique est aussi connue en Italie 66 car « un spécialiste vaut de l’or » 67. De fait, si une bonne partie – non quantifiable – de la main d’œuvre était servile, cela n’empêche pas que des artisans esclaves qualifiés travaillaient au côté d’ingénus ou d’affranchis. E. Wipszycka suppose que le plus important pour le chef de l’atelier – en l’occurrence un maître-tisserand – était que le travail soit accompli, peu importait le statut juridique de son employé 68.
44Qu’en est-il pour le reste des épitaphes d’esclaves signalant leur profession : quelle était leur position dans l’atelier ? On peut arguer d’emblée qu’ils étaient fiers de se distinguer par leur métier ; s’ils se désignaient ainsi c’est parce qu’ils possédaient un savoir-faire. Un savoir-faire reconnu par leurs pairs artisans comme l’indiquent les deux inscriptions de Cherchel dédiées par les collègues/compagnons du défunt. Les autres inscriptions montrent également que les dédicants de statut servile et leurs familles étaient en mesure de payer une stèle avec leur propre salaire. Ces artisans se différencient des autres esclaves artisans comme le seruus Maximi, identifié par sa condition servile et non individualisé et de beaucoup d’autres anonymes pour lesquels nous n’avons aucune information, et qui ont très probablement eu droit seulement à une sépulture sommaire.
- 69 Tran 2007, p. 124. Même constat pour la Carthage punique (Ferjaoui(...)
- 70 À ce sujet, cf. Tran 2013, p. 77-82.
- 71 Morel 1992, p. 278.
- 72 Apul., met., IX, V, 5 (Les Belles Lettres).
- 73 Wipszycka 1965, p. 71, 84-85 ; il peut s’agir d’esclaves et de fem (...)
- 74 Cf. supra, n° 76. Pour l’inscription de Cuicul, ILAlg II, 3, 8102, la coronaria fabriquait peut-êt (...)
- 75 Tran 2007, p. 125.
45Un dernier point sur l’identité des artisans doit être abordé : celui du genre et de l’âge. Indubitablement, à travers l’épigraphie, l’artisanat est un monde d’hommes où les « femmes de métier » sont rares 69. Sur les quarante-quatre attestations, seules deux femmes sont nommées : d’une part une esclave privée, Rogata, couturière à Caesarea (n° 11) et d’autre part, la citoyenne romaine, Iulia Victorina, teinturière de petit teint à Djemila (n° 27). Des ateliers comptaient donc quelques femmes, esclaves ou libres 70. Soulignons que les deux femmes travaillaient dans le domaine du textile, activité traditionnellement liée à la sphère féminine et surtout domestique 71. Les femmes jouaient un rôle important dans cette filière ; elles intervenaient avant tout dans l’étape du filage qu’elles pratiquaient majoritairement chez elles mais pour lequel elles étaient payées comme nous le rappelle l’exemple de l’épouse volage du forgeron des Métamorphoses d’Apulée s’abîmant les doigts pour quelques sous 72. Pour le tissage, outre les ouvrages destinés à la maisonnée, on sait que des femmes travaillaient dans des ateliers professionnels ; c’est ce qu’attestent quelques papyri égyptiens d’époque romaine 73. Mais le travail des femmes ne se limitait pas seulement aux vêtements, on connaît dans d’autres régions des boulangères, notamment à Carthage 74 et en Italie 75.
- 76 de Larminat 2011, p. 25.
- 77 Tran 2011, p. 121 et 125. Il s’agit en l’occurrence d’un esclave e (...)
- 78 Freu 2011, p. 35.
46Qu’en est-il de l’âge des artisans ? Les épitaphes découvertes en Algérie sur lesquelles l’âge du défunt à son décès est mentionné concernent exclusivement des adultes : l’âge de ces artisans s’inscrit entre 20 et 70 ans. Le plus âgé est Marcus, le foulon esclave de Lambèse, suivi de l’offector de Djemila âgé de 67 ans et de sa femme de 53 ans. Mais la grande majorité d’entre eux est décédée entre 30 et 36 ans. Aucune inscription ne mentionne d’enfant artisan, bien que dans la réalité, les enfants esclaves pussent commencer à travailler une fois atteint l’âge de 5 ans, qui correspond notamment à l’âge où l’enfant acquiert son système immunitaire 76. Quelques inscriptions découvertes à Rome mentionnent cette main d’œuvre infantile ; il s’agit d’enfants âgés de 12 et 13 ans 77. Toutefois, dans le domaine du textile, les papyri égyptiens signalent que l’apprentissage du métier de tisserand débutait plutôt vers l’adolescence, vers l’âge de 10-12 ans 78 pour les ingenui comme pour les esclaves.
***
47L’exploitation des données épigraphiques et archéologiques relatives aux artisans découvertes en Algérie ne conduit pas à un portrait type mais à plusieurs portraits possibles de l’artisan romain de cette région. Par leur statut juridique, les acteurs se différenciaient les uns des autres : hommes libres, affranchis, ou esclaves, mais tous pouvaient pratiquer un métier spécialisé et le revendiquer à travers l’épigraphie.
- 79 Pour la ville de Rome, cf. la liste publiée récemment dans Courrier 2014, tabl. 17 ras (...)
- 80 Contra Haywood 1959, p. 73.
48Cependant, nous n’avons là qu’un échantillon très restreint de la population urbaine qui pratiquait un métier manuel. La situation africaine se différencie nettement de celle connue en Italie ou en Gaule où les attestations épigraphiques sont beaucoup plus nombreuses 79 et où l’on trouve aussi des représentations figurées sur les monuments funéraires. Aussi, plutôt que d’en conclure trop rapidement que les artisans étaient pour la plupart des esclaves 80, il faut plutôt supposer que ces hommes de métier n’avaient pas pour habitude de se représenter ainsi. De la même façon que G. Zimmer et J.-Cl. Béal ont cherché à reconnaître des différences dans ce domaine entre la Gaule et l’Italie, je serais d’avis de voir ici le résultat d’habitudes culturelles différentes. Dans la Carthage punique, les défunts artisans, s’ils se définissaient comme tels, ne se représentaient que très peu avec leurs outils sur leur monument funéraire. À l’époque romaine, la situation reste la même.
49Toutefois, les artifices ont aussi employé d’autres supports témoignant de la fierté portée à leur travail et à leur savoir-faire, en signant par exemple leurs œuvres.
- 81 Par exemple en Égypte (Freu 2011, p. 31).
- 82 Morel 1992, p. 281.
50Enfin, comme ailleurs 81, les artisanats attestés sont souvent des métiers spécialisés mais tous exercés dans le domaine urbain. Ce constat rappelle que « l’artisan est fondamentalement un homme de la ville » 82, car c’est là qu’il trouvait sa clientèle.
- 83 Le CIL VIII et les Inscriptions latines d’Algérie, ainsi que l’Année Épigraphi (...)
- 84 Principalement Petrikovits 1981 ; Lassère 2011 ; Haywood 1959 ; dans le domaine des insc (...)
- 85 Leveau 1984.
- 86 Lassère 1973, p. 108 : les datations que je propose pour les stèles fu (...)
- 87 Leveau 1984, p. 82.
- 88 Lassère 2011, p. 71.
51Le présent inventaire est une compilation des inscriptions mises au jour sur le territoire algérien qui mentionnent un artisan. L’ensemble des informations a été réuni à partir du dépouillement des corpus d’inscriptions 83, d’études plus ou moins spécialisées dans le domaine de l’artisanat ou plus généralement des métiers 84, mais aussi à travers des publications plus générales comme les rapports de fouilles ou les rapports de prospections. Les inscriptions sont présentées par province ; elles sont transcrites, développées et commentées ; dans la plupart des cas, une datation est aussi proposée. Ce type de travail n’avait jusque-là pas été réalisé hormis pour les inscriptions de Cherchel 85 et pour une partie de celles de Lambèse. À travers les commentaires, je me suis concentrée sur l’analyse des interrogations suscitées par les inscriptions sur diverses questions : celle du métier, du statut juridique, des liens de parenté ou de collaboration, etc. L’interprétation proposée pour chacun de ces points s’appuie sur différents critères établis par les études d’épigraphie romaine, plus spécifiquement africaine. En premier lieu, les propositions de datation sont fondées sur les formulaires et les dénominations relevés sur les stèles 86. On date l’apparition de la formule DMS dès la fin du i er s. de notre ère, voire du ii e s. pour certaines régions. C’est pourquoi, à Cherchel, les épitaphes présentant directement le nom du défunt – au nominatif surtout – sont datées par Ph. Leveau de la période comprise entre le règne d’Auguste et celui de Trajan ; les plus anciennes ne mentionnent pas l’âge du défunt 87. Toutefois, dans la plupart des cas, cette fourchette chronologique peut être réduite pour proposer la période julio-claudienne. En outre, le s(acrum) de la formule DMS a tendance à disparaître dès la deuxième moitié du ii e s. de notre ère, ce qui permet de resserrer la datation pour ce type de stèles païennes 88. D’autres facteurs permettent d’établir de manière plus précise la date comme en témoigne la stèle de Ras el Oued (n° 20) sur laquelle l’année comptée à partir de la création de la province de Maurétanie césarienne est indiquée.
- 89 Lassère 2011, p. 99.
- 90 Il arrive en effet que des cognomina se rapportent à un métier ; ils étaient transmis de (...)
- 91 Dondin-Payre 2011, p. 179.
52Le statut juridique du défunt ou des dédicants peut être identifié à partir de sa dénomination et de sa filiation. Au Haut-Empire, un citoyen romain porte les tria nomina, avec ou sans l’indication de la filiation et de la tribu. Toutefois, avec le temps, dès le ii e s., le praenomen disparaît peu à peu, l’individu se présente avec le gentilice et le cognomen ; le prénom est presque toujours absent au iii e s. 89 Ce détail a son importance puisque dans l’inventaire, on dénombre plusieurs individus présentés par deux noms suivis de la mention de la profession. Plutôt que de voir là un cognomen 90, j’aurais tendance à considérer qu’il s’agit de titulatures sans praenomen et que c’est bien le métier qui est mentionné en troisième position. Pour les affranchis, la principale indication reste la libertinatio car elle mentionne explicitement leur condition sociale. Durant le Haut-Empire, un grand nombre d’individus ne porte qu’un seul nom : il peut s’agir soit d’esclaves, soit de pérégrins. Or, ce ne peut être des pérégrins car ils ne mentionnent pas de filiation 91 ; de fait, les noms uniques sans indication du nom du père concerneraient plutôt des hommes et des femmes de condition servile.
- 92 Les noms des sites sont classés par province et par ordre alphabétique
Cherchel
531. CIL VIII, 9432 ; de L’Hôtellerie, Berbrugger 1856-1857, p. 445-446, n° 6 ; Leveau 1984, p. 150, 183.
Ossuarium / Vit(u)li, fart/oris.
- 93 Remarque : ce métier n’est pas présent dans l’inventaire des professions artisanales (...)
Métier : charcutier 93 (fartor).
Monument : ossuaire.
- 94 « Coffret carré en marbre de 29 cm sur 22 cm, avec couvercle en plomb. Cet ossuaire (...)
Commentaire : Vitulus est un nom unique d’origine africaine, il s’agit manifestement d’un esclave. Cette inscription a été trouvée dans un columbarium qui aurait été réservé aux affranchis de Juba II 94. Les épitaphes de la familia regis présentent souvent une écriture proche de la cursive.
Datation : règne de Juba II ou Ptolémée, fin du i er s. avant notre ère, début du i er s. de notre ère.
Fig. 8 : L’ossuaire avec l’inscription du fartor Vitulus, CIL VIII, 9432
(Ravoisié 1846, pl. 44, X)
542. CIL VIII, 9349 ; de L’Hôtellerie, Berbrugger 1856‑1857, p. 445-446, n° 3 ; Leveau 1984, p. 21, 83, 148.
[---]S / regis [Iu]bae l(ibertus) caela{e}to<r>, / hic situs est.
Métier : ciseleur (caelator).
Monument : ossuaire.
Commentaire : le défunt est un affranchi royal de Juba II. L’ossuaire est publié avec le lot qui provient du même hypogée, là où a été trouvée l’inscription n° 1. Toutefois, l’inscription n° 2 n’a pas été retrouvée dans l’hypogée mais dans la mosquée comme le précise A. Berbrugger. Les deux auteurs
considèrent que Caelatus est le cognomen du défunt et donc qu’il ne s’agit pas du métier. Toutefois, la traduction proposée ne prend pas en compte la lacune de la première ligne qui se termine par un S. De fait, il est probable que le mot caelaetor désigne bien la profession de cet affranchi : on devrait donc lire caela{e}to<r>. Un métier tel que celui de ciseleur est
particulièrement adapté à la cour d’un roi.
Datation : règne de Juba II ou Ptolémée, fin du i er s. avant notre ère, début du i er s. de notre ère.
553. CIL VIII, 9332 ; Leveau 1984, p. 150, 167.
Africanus, / lanio, uotum / soluit libens / animis.
Métier : boucher (lanius).
Monument : stèle votive dédiée soit à Saturne, soit à Caelestis 95.
Commentaire : Africanus est un nom unique d’origine africaine. Il pourrait s’agir d’un esclave royal ou impérial.
Datation : période julio-claudienne.
564. CIL VIII, 9429 = CIL VIII, 20954 ; Leveau 1984, p. 153, 167, 177.
Namphamoni, / Annobalis l(iberto), lanio / Faustus l(ibertus), patrono / o(ptimo) m(erito).
Métier : boucher (lanius).
Monument : stèle funéraire.
- 96 Pour le nom Nampamo, cf. Pflaum 1978, p. 183-187 et Dondin-Payre 2011, p. 191.
Commentaire : Pour Namphamo, qui était un affranchi, la filiation est remplacée par le nom de son ancien maître Annobal. Il s’agit d’Africains pérégrins dont les noms sont puniques 96. Le dédicant Faustus, lui aussi affranchi, travaillait pour Namphamo : le terme de patronus sous-entend que le premier était l’affranchi du second.
Datation : période julio-claudienne.
575. CIL VIII, 9426 ; Leveau 1984, p. 150, 156.
Corentus, s(t)ructor ad / r[e]posit(o)riu(m), uixit a(nnos) XXXXV, / h(ic) s(itus) e(st), Rosa uxor fecit, ob / meritis eius.
Métier : constructeur/maçon qui travaillait dans un local ( ?) (structor).
Monument : stèle funéraire, un buste d’homme – selon une représentation formelle – est figuré sous l’inscription.
- 97 Leveau 1984, p. 152 et 165, d’après qui il faut voir ici un no (...)
Commentaire : le défunt porte un seul nom grec 97, il est mort à 45 ans ; le couple était de condition servile.
Datation : période julio-claudienne.
586. CIL VIII, 9430 ; Leveau 1984, p. 150, 170.
Saburrio, Antae ui/triari et Paulas ( = Paulae) f(ilius), uix/it menses sex dulcis, h(ic) s(itus) e(st).
Métier : fabricant d’objets en verre (uitriarius).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : noms uniques, celui du père et de la mère sont grecs, celui du fils serait d’origine africaine. Il s’agit sans doute d’esclaves privés.
Datation : période julio-claudienne.
597. CIL VIII, 9329 ; Leglay 1966b, n° 10, p. 319 ; Leveau 1984, p. 150, 178, 205.
[---]ngenuis ( !), sutor, / Dom(i)no Saturno u(otum).
Métier : cordonnier (sutor).
Monument : stèle votive dédiée à Saturne présentant un croissant de lune.
Commentaire : un seul nom latin, il s’agit d’un esclave privé. Le nom n’est pas sûr, il pourrait être Ingenuus ou Ingenius.
Datation : période julio-claudienne ( ?).
Fig. 9 : L’inscription du sutor, CIL VIII, 9329
(Leglay 1966b, pl. XL, no 3)
608. CIL VIII, 21106 ; Waltzing 1895-1896, p. 389-390 ; Leveau 1984, p. 150, 178, 205.
Vitulus, argentarius / caelator, ann(orum) XXIIII, / hic situs est. / Cura conlegi(i) fabri argentar(ii) / et conlegi(i) Caesariensium crescent(ium) / terra ti<b =S>i leuis sit.
Métier : graveur/ciseleur d’argent (argentarius caelator).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : Vitulus porte un nom unique latin, il est mort à 24 ans. La dédicace a été faite par le collège des artisans qui travaillent l’argent ; il était esclave.
Datation : période julio-claudienne.
619. CIL VIII, 21103 ; Leveau 1984, p. 150, 180.
Primigenius, / clostrarius ( !), / hic situs est, / uix(it) an(nos) XL, m(enses) III, d(ies) IX.
Métier : serrurier (claustrarius).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : le défunt, mort à 40 ans, présente un nom unique latin 98. Il s’agit sans doute d’un esclave privé.
Datation : période julio-claudienne.
6210. CIL VIII, 21104 ; Leveau 1984, p. 150, 153, 167.
Spero, Migginis, / clostrari(i) ( !) filius, / annorum duum ( !), / hic s[it]us est.
Métier : serrurier (claustrarius).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : Spero, l’enfant, porte un nom unique ; le père Miggin, le serrurier, porte lui aussi un nom unique et est le dédicant. Il s’agit d’esclaves privés plutôt que de pérégrins.
Datation : période julio-claudienne.
6311. CIL VIII, 10938 ; Leglay 1966b, n° 14, p. 320 ; Leveau 1984, p. 150 et 181.
Rogata, sarcinatrix, / Saturno u(otum) l(ibens) a(nimo) s(oluit).
Métier : couturière (sarcinatrix).
Monument : stèle votive dédiée à Saturne.
Commentaire : Rogata porte un nom unique, il s’agit probablement d’une esclave privée.
Datation : période julio-claudienne.
6412. Leveau 1984, p. 125, 129, 150 ; Leveau 1977-1979, n° 118 = AE 1985, 906.
Primogenia ( !) Fausta, / Valeriaes ( !), C(ai) Iuli Zet(h)i / pistoris uxsoris ( !), l(iberta), / ob meritis suis, u(ixit) a(nnos) XX.
Métier : l’époux était un meunier-boulanger (pistor).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : l’épouse Primogenia Fausta porte des noms latins traduits du punique 99, elle est l’affranchie de Valeria. L’époux, C. Iulius Zethus porte les tria nomina et un cognomen grec. Il est meunier-boulanger et citoyen romain, il est sans doute aussi un affranchi.
Datation : période julio-claudienne.
6513. CIL VIII, 9427 = CIL VIII, 20953 = D 7690 ; Leveau 1984, p. 150, 177.
Sodales fecerunt de suo / mon<u =I>mentu(m) Felici, impaestatori,/ uixsit ( !) an(n)os XXX, h(ic) s(itus) e(st).
- 100 von Petrikovits 1981, p. 100 ; Hanoune 2015, n° (...)
Métier : H. von Petrikovits et R. Hanoune ont interprété le terme impaestator comme graveur en relief sur métal, il s’agirait donc ici d’un hapax 100.
Monument : stèle funéraire.
- 101 Lassère 1977, p. 453, traduirait le nom punique Namphamo.
Commentaire : Felix, le défunt, porte un nom unique latin traduit du punique 101 ; il est décédé à l’âge de 30 ans. Le monument est offert par ses compagnons. Comme la filiation n’est pas indiquée, il s’agirait d’un esclave privé.
Datation : période julio-claudienne.
6614. Albertini 1930-1931, p. 231.
[---]to argentar(io ?) / [---] h(ic) s(itus) est, a(nnorum) XX. / [mo]numentum sodales / [f]ecerunt.
Métier : bijoutier ? ou banquier ? (argentarius).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : le nom du défunt reste inconnu, il est décédé à l’âge de 20 ans. Le monument a été payé par ses compagnons. Comme le précise E. Albertini, le haut de la stèle complète ne devait suffire qu’à un seul nom ; par conséquent, le défunt devait être un esclave. L’interprétation selon laquelle il s’agirait d’un artisan reste très incertaine.
Datation : i er-ii e s.
6715. CIL VIII, 21097 ; Leveau 1984, p. 21, 150, 177.
a) Fausta [-- – //
b) – --]rix / [Iubae ? ] regis myrrepsi(cus ?) l(ibertus) / [---] librari uxor // ]
c) – --] est [---
- 102 von Petrikovits 1981, p. 106.
Métier : un fabricant de parfums ? ou un surnom ? Le terme qui désigne un fabricant de parfums est habituellement myrrepsicus. Cette inscription reste difficile à interpréter. Ph. Leveau et H. von Petrikovits considèrent qu’il s’agit bien de l’artisan 102. S’agit-il d’un hapax ?
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : le nom de l’« artisan » est inconnu. D’après Ph. Leveau, Fausta, dont le nom est gravé sur le fragment a), serait une affranchie royale de Juba II ; or, le rapprochement entre les trois fragments n’est pas sûr. La lecture proposant d’y voir un artisan reste très incertaine.
Datation : règne de Juba II ou Ptolémée, deuxième moitié du i er s. avant notre ère.
6816. AE 1976, 737b ; Leveau 1971-1974, p. 174-175 ; Leveau 1984, p. 69 (n° 256), 104, 150, 177.
Deorum / A ( ) C ( ) L ( ) A ( ) ST ( ), / Faustus, of(ficinae ou – ficinator) ar(gentariorum).
Métier : si la restitution est correcte, s’agit-il d’un chef d’atelier spécialisé dans le travail de l’argent, d’une bijouterie ?
Monument : stèle votive.
Commentaire : l’inscription est gravée sur une plaque de marbre, les divinités ne sont pas identifiées. Faustus, le dédicant porte un nom unique latin, c’est donc un esclave.
Datation : période julio-claudienne ?
6917. Doisy 1952, p. 103-104 ; Leveau 1984, p. 150, 152, 156, 179.
Eleutheris, / hic sita est, / Mario, offic/inator, d(e) s(uo) f(ecit).
Métier : chef d’atelier (officinator).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : Eleutheris porte un nom grec comme Mario ; ils étaient tous deux esclaves.
Datation : période julio-claudienne.
7018. AE 1981, 970 ; Leveau 1975-1976, p. 135, n° 118 ; Leveau 1984, p. 150, 158.
Filoxenus, lan(arius ?), / uixit an(nis) XXV.
Métier : artisan en laine (lanarius) ? commerçant en laine ? Toutefois, la lecture n’est pas sûre : on pourrait soit restituer le nom de métier lanius, soit comme le proposait Ph. Leveau en 1975-1976, Ian(uarii filius ?). De fait, l’interprétation de lanarius reste extrêmement incertaine.
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : Filoxenus (pour Piloxenus) est un nom unique d’origine grecque. Si c’est le nom de métier qui est indiqué il s’agirait d’un esclave privé, sinon d’un pérégrin.
Datation : période julio-claudienne.
7119. AE 1945, 25a ; Albertini 1925, p. CLXXVIII ; Leveau 1984, p. 150, n° 47 et p. 163.
Quadrati Suri / sagittari.
Métier : un fabricant de flèches (sagittarius).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : interprété comme un archer syrien par E. Albertini, cet esclave d’origine syrienne portant un cognomen latin était, d’après Ph. Leveau, un fabricant de flèches.
Datation : période julio-claudienne.
Ras el Oued
7220. Maguelonne 1909, p. 294.
D(is) M(anibus) s(acrum). / Iul(ius) Felix, fab/er, Iuli(i) Fel/icis filius, / uixsit ( !) an(n)i/s XXX. A(nno) P(rouinciae) CCLVII. / Ac(ilia) Vrb(ana) / uxo(r) ei(us), f(ecit).
Métier : artisan (faber).
Monument : stèle funéraire.
- 103 Cf. supra les critères exposés dans l’introduction de cet inventaire.
Commentaire : le défunt est un citoyen romain, la filiation est indiquée, il porte le même gentilice et le même cognomen que son père qui était déjà un citoyen romain. Il est décédé à l’âge de 30 ans. Sa femme, elle aussi citoyenne romaine, porte normalement le gentilice et le prénom. Comme l’inscription est datée du iii e s., je suppose que le mot faber est ici le nom de métier et non le cognomen 103.
Datation : an 297 ou 298 de notre ère d’après le calendrier de la province de Maurétanie Césarienne qui débute à l’année de la création de celle-ci, en 40 de notre ère.
Fig. 10 : L’inscription de Siour, photo et fac simile
(Massiéra 1956, p. 320)
Siour
7321. AE 1957, 256 ; Massiéra 1956, p. 320-321
Me(mo)ria honori / et matron(a)e fabri/cauit Masestam( ?) fili/us artifices Martia/lis et Innocentius. De/o gratiasqu(e) complet{i}a es(t).
Métier : artisans (artifices).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : les formules sont chrétiennes et si le nom des artisans, Martialis et Innocentius, ainsi que ceux des parents sont latins, le nom du fils est d’origine maure. Il s’agit d’hommes libres. L’aspect très sommaire de la stèle et de la graphie, notamment celle des dernières lignes, suggère qu’il ne s’agit pas d’artisans spécialisés dans le domaine de la sculpture sur pierre.
- 104 Lassère 2011, p. 102.
Datation : v e-vi e s. Outre les formules religieuses, les différents personnages ne portent qu’un seul nom ou « nom diacritique » 104.
Tipasa
7422. CIL VIII, 9314.
Ego artifex [---]
Métier : artisan (artifex).
Monument : chapiteau.
Commentaire : il s’agit d’une inscription sur l’imposte d’un pilier. Le chapiteau devait, selon A. Héron de Villefosse, appartenir à un édifice chrétien. Le statut juridique est indéterminé, il peut s’agir d’un homme libre.
Datation : iv e-v e s. ?
Bou Foua
7523. ILAlg, 2, 2, 6307.
D(is) M(anibus) s(acrum). / M(arcus) Valerianus Pictor, / Rutimacc[i] fil(ius), p(ius), uix(it) / an(nos) XXXVIIII.
Métier : peintre (pictor).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : citoyen romain ; le père du défunt porte un nom africain. Si le père était un pérégrin, le fils qui a acquis la citoyenneté romaine n’a pas conservé le nom de son père en cognomen. Il est mort à 39 ans.
Datation : fin ii e-iii e s.
Cirta
7624. CIL VIII, 7462 = ILAlg, 2, 1, 1302 ; Pflaum 1978, p. 181.
Cai(us) Iuli(us) / Signinari(us) [---]
- 105 Il n’est pas présent dans la liste de métiers publiée dans von Petrikovits 1981. Le (...)
Métier : profession dont le nom serait dérivé d’opus signinum selon H.-G. Pflaum qui le traduit par « fabricant de pavements en mortier de brique ». Le mot serait un hapax 105.
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : H.-G. Pflaum propose de voir le cognomen comme le nom de métier. L’interprétation demande à être vérifiée. Il s’agit soit d’un affranchi, soit d’un pérégrin romanisé : le praenomen et le nomen du défunt sont inspirés de ceux de l’empereur.
Datation : i er s. de notre ère.
7725. ILAlg, 2, 1, 1656 ; Pflaum 1978, p. 181.
D(is) M(anibus) s(acrum). Sam(i)ari(us) [---]
Métier : fourbisseur ? (samiarius).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : H.-G. Pflaum propose de voir le premier nom comme le nom de métier, or, l’apposition de celui-ci est chose inhabituelle ; l’interprétation est donc très incertaine. On ne peut préciser le statut juridique du défunt.
Datation : ii e s. de notre ère.
Djemila
7826. ILAlg, 2, 3, 8024.
[Dis Ma/ni]bus (sacrum). / Primus, / sartor, / uixit an(n)/os XXXVI.
Métier : raccommodeur/ravaudeur (sartor).
Monument : stèle funéraire.
- 106 Lassère 1977, p. 453.
Commentaire : un seul nom latin, Primus peut-être traduit du punique 106 ; il s’agit d’un esclave privé.
Datation : iii e s. Le terme sacrum est sous-entendu à partir de ce siècle 107.
7927. ILAlg, 2, 3, 8023a.
D(is) M(anibus) s(acrum). / T(itus) Flauius Fortunatus, offector, / uixit annis LXVII, item coniugi eius, / Iuliae Victorinae, offectrici, qui uixit / annis LIII. Iouinus filius eorum posuit.
Métier : teinturier et teinturière de petit teint (offectores).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : il s’agit de citoyens romains, l’homme porte les tria nomina suivis de sa profession, la femme porte le gentilice et le prénom suivis de sa profession. Le couple pratique la même profession, l’homme est mort à 67 ans, la femme à 53 ans. On remarque que le nom du mari est au nominatif, contrairement à celui de l’épouse qui est au datif.
Datation : ii e s. de notre ère.
Ksar Mahdjibia
8028. ILAlg, 2, 2, 4268.
D(is) M(anibus) (sacrum). / L(ucius) Iulius Pis/tor, uixit – --
Métier : meunier-boulanger (pistor).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : le document est fragmentaire. Le défunt était citoyen romain. Le nom de métier est vraisemblablement utilisé comme un cognomen.
Datation : fin ii e-iii e s.
8129. ILAlg, 2, 2, 4309.
Q(uintus) Tongiu[s] / Pistor, uixit / a(nnos) XXXIII d(ies), / V h(ic) s(itus) e(st).
Métier : meunier-boulanger (pistor).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : Q. Tongius était citoyen romain, il est mort à 33 ans. Le nom de métier est là encore vraisemblablement utilisé comme un cognomen.
Datation : i e-ii e s. ( ?).
Lambèse
8230. CIL VIII, 3889.
D(is) M(anibus) s(acrum). / Marcus, / fullo, uix(it) / an(nis) LXX, fili(i) / eo ( !) fec(erunt).
Métier : foulon (fullo).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : Marcus est un nom unique latinisé, il peut s’agir d’un pérégrin, mais, comme la filiation n’est pas indiquée, il doit s’agir d’un esclave privé. Il est décédé à l’âge de soixante-dix ans. Les funérailles et l’érection du monument ont été prises en charge par ses enfants.
Datation : ii e-iii e s.
8331. CIL VIII, 2690 ; Waltzing 1895-1896, p. 372 et p. 384, n° 1458.
---]mu/ [ – - – ]nei [---]s dec(urio) / [ alae ] I Pann(oniorum) / [ – --] R[ :---] S et // Maximi/us Com/modia/nus, mag(ister) [c(ollegii) ?] / fabr(um), uo//tum s(oluerunt).
Métier : « maître des artisans » ? ? (magister fabrorum ?)
Monument : stèle votive gravée sur un fragment de piédestal.
Commentaire : la restitution de [c(ollegii) ?] proposée par les auteurs du CIL n’est pas certaine. Plus simplement, on pourrait proposer mag(ister) fabr(orum) ? La dédicace mentionne l’aile I des Pannoniens.
Datation : iii e s.
8432. CIL VIII, 3545 ; Waltzing 1895-1896, p. 372 et p. 384, n° 1463.
[D(is)] M(anibus) s(acrum). / [Col]legio Fa/bricio, Cl/audia Roga/tina marit/o p(io) fecit / uixit annis LV.
Métier : artisan ?
Monument : stèle votive.
Commentaire : pour J.-P. Waltzing, il s’agit de l’affranchi des fabri. En effet, il semble porter le nom du collège auquel il appartenait et qui l’a affranchi, il n’appartenait pas à une personne privée mais à cette institution. Comme le souligne Th. Mommsen, cité par J.-P. Waltzing, rien n’indique que le collège en question était à Lambèse. De plus, rien ne permet non plus de confirmer que l’affranchi a eu une carrière d’artisan, ni l’activité qu’il pratiquait.
Datation : ii e-iii e s.
8533. CIL VIII, 18086 ; Cagnat 1892, p. 192 ; Le Bohec 1989, p. 314 ; Lassère 2011, p. 761-762, n° 32.
M(arcus) Antonius Pietas Art(---) dis(cens) pol(io) / M(arcus) Clodius Maximus Ar(sacale ?) polio /
- 108 D’après J.-M. Lassère (2011, p. 762, n° 32), il peut s’agir d’un artisan (...)
Métier : fourbisseurs/polisseurs (polio). 108
Monument : plaque trouvée aux abords du temple de Jupiter présentant la liste des principales nommés à la candidature de centurion.
Commentaire : le premier est un élève (discens), les deux sont citoyens romains.
Datation : début du iii e s.
8634. CIL VIII, 2564 = CIL VIII, 18052 = AE 1947, 201 = AE 1978, 889 ; Cagnat 1892, p. 174.
/ Iulius Hebenus, pol(io) /
/ P(ublius) I[ ] // ], cas(tris) pol(io) /
/ [ Alex]ander, cas(tris) pol(io) //
Métier : fourbisseurs/polisseurs (poliones).
Monument : plaque trouvée parmi les ruines du fort byzantin présentant la liste des noms des soldats ayant pris part à la campagne d’Orient sous Caracalla.
- 109 Lassère 2011, p. 760-761.
Commentaire : les deux premiers au moins sont des citoyens romains, tout comme probablement le troisième, Alexander : il porte un nom grec, toutefois comme Publius, il est (ex) castris : autrement dit originaire de la région et plus particulièrement fils d’un homme de garnison 109.
Datation : sous Caracalla ou Elagabal.
8735. CIL VIII, 2618 = CIL VIII, 18096 ; Cagnat 1892, p. 419.
P(ublius) Pompeius Capr/arius, ex pol(lione) Cir(ta) /
Métier : « ancien » fourbisseur/polisseur ( ?) (polio).
Monument : dédicace d’un autel consacré à Jupiter par un collège de vétérans sortis du service entre 195 et 200.
Commentaire : citoyen romain, originaire de Cirta ; l’indication ex rappelle son statut de vétéran.
Datation : 220-221.
8836. AE 1987, 1063 = AE 1989, 882 = AE 1992, 1867a = AE 2003, 1890 ; Le Bohec 1989, p. 206.
/ Celsius Victor po(lio) /
Métier : fourbisseur/polisseur (polio).
Monument : plaque présentant une liste de soldats.
Commentaire : c’est un citoyen romain.
Datation : sous Marc Aurèle – Commode.
Tiddis
8937. CIL VIII, 6842 = ILAlg, 2, 2, 4112.
[---M ?]arius / [pa ?]stilarius / u(ixit) a(nnos) XXXV / h(ic) s(itus) e(st).
- 110 Ce métier est présent dans l’inventaire de von Petrikovits 198 (...)
Métier : fabricant de pastilles ( ?) (pastilarius) 110.
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : l’étendue de la lacune n’est pas déterminée, il est difficile de préciser le statut du défunt, il est mort à 35 ans. La mention DMS n’est pas non plus conservée.
Datation : ii e-iii e s.
Tobna
9038. CIL VIII, 4487 ; Féraud 1860, p. 198, n° 12.
[---] faber / ferrarius, sibi fecit, / dedicauit et titula/uit, ita fecimus quot / fili(i) nostri non fac/iunt.
Métier : forgeron (faber ferrarius).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : la lacune au début de l’inscription ne permet d’identifier ni le nom ni le statut du défunt. Toutefois, dans le formulaire, le défunt précise qu’il a pris soin de préparer ses funérailles car il ne pouvait compter sur l’aide de ses fils ; ce détail laisse supposer qu’il s’agissait d’un homme libre.
Datation : ii e-iii e s.
Annaba
9139. ILAlg, 1, 127 = AE 1900, 54.
Saluis / Siluis / fel(iciter), Suc(c)es/sus, structo(r), / ser(uus), f(ecit).
Métier : maçon ? (structor).
Monument : stèle votive dédiée à Salus.
Commentaire : un nom unique latin et la mention de la servitude indiquent que c’était bien un esclave.
Datation : i er-iii e s.
Bel Amar
9240. CIL VIII, 5267 = CIL VIII, 17448 = ILAlg, 1, 101.
Felix s[t]ruc/tor ser(uus) uix(it) / annis XX fec(it) / ei[u]s uxor [ ] / H[ic situs est].
Métier : maçon (structor).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : un nom unique latin, la servitude est mentionnée, il s’agit bien d’un esclave privé mort à 20 ans. La dédicace a été faite par son épouse.
Datation : ii e s. de notre ère.
9341. AE 1982, n° 945 ; Corbier 1981, p. 92, n° 3.
[Saturno – --D]omitius / [Satu]rninus, soliari/us, palm(is) arg(enteis) ex lib(ris) IIII / uotum soluit.
Métier : fabricant de sandales (soliarius).
Monument : ex voto dédié à Saturne probablement.
Commentaire : il s’agit d’un ex uoto : le dédicant artisan aurait offert à la divinité des palmes d’argent d’un poids de quatre livres. Porteur des tria nomina, il était un citoyen romain.
Datation : ii e-iii e s. ( ?)
Sid Amar
Fig. 11 : L’inscription n° 42
(T. Amraoui d’après un croquis provenant d’un rapport de fouilles manuscrit d’E. Marec)
9442. AE 1975, 886 = AE 1987, 1056 ; Corbier 1974 ; Hanoune 1986, p. 163-164, n° 44.
Hercules, Ge/nium Sabu/rianensium, / Dhamak, sace/rdos fecit / [et d]edicauit s(umptu) s(uo). // Primosus, / structori. / Vita, qui / (a)edific(au)it !
Métier : maçon (structor).
Monument : dédicace d’un monument à Hercule.
- 111 Je signalerai ici que dans son rapport manuscrit, E. Marec se demande s’il ne faut p (...)
- 112 Clavel-Lévêque 1974, p. 105.
- 113 Les hedereae n’avaient pas été reportées dans les publications précédentes. Leurs (...)
Commentaire : les noms sont africains 111 ; celui de l’artisan, Primosus 112, est latinisé. Selon R. Hanoune, il faut lire la fin de l’inscription comme une acclamation : uita qui edifecit ! Cette lecture est confirmée par une hedera placée entre uita et qui 113.
Cette inscription présente deux problèmes. D’une part, le mot structor est au datif, et non pas au nominatif comme Primosus : il s’agit soit d’une erreur, soit d’une auto-proclamation de la part de ce dernier. D’ailleurs, la grammaire est en général très maladroite. D’autre part, contrairement à ce que P. Corbier proposait, rien n’indique que le monument était une sculpture. En effet, il s’agissait plutôt d’un autel ou d’un édicule, ce que confirme la conjugaison factitive fecit edificauit : le monument commandé par le prêtre a été construit par le structor. Ce dernier ne pouvait du reste, en toute logique, réaliser une sculpture.
- 114 Mes remerciements à R. Hanoune pour ses conseils.
La pierre sur laquelle la première partie était inscrite au recto, et la deuxième au verso, ne devait donc pas être encastrée, mais lisible des deux côtés. Ce détail reste peu commun 114.
Primosus était soit un esclave privé, soit un homme libre ; la filiation n’est pas indiquée sur ce type de support. Or, si l’auteur a été autorisé à signer son œuvre, il est fort probable qu’il s’agisse d’un homme libre et, au vu de la date, d’un citoyen romain.
- 115 Lassère 2011, p. 102.
Datation : indéterminée, mais probablement tardive. L’absence des tria nomina tant pour le dédicant que pour l’artisan confirmerait une date tardive : le seul nom correspondrait au « nom diacritique » 115. Cette inscription serait donc datable du iv e, voire du v e s.
Henchir Bou Aftan
9543. CIL VIII, 16921 = ILAlg, 1, 579.
D(is) M(anibus) s(acrum). / Fortuna/ta, Roga/ti fil(ia), Cres/centis u/xor pia, / uix(it) ann(os) / LIII, / h(ic) s(ita) e(st), // Iulius Cres/cens, Firmi / fil(ius), furna/rius, pius.
Métier : fournier ou boulanger (furnarius).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : il s’agit de citoyens romains. La dédicace est faite par l’artisan à son épouse, le dédicant ne porte pas de prénom, mais seulement le gentilice et le cognomen qui sont suivis du nom de la profession. On remarque d’ailleurs que le nom du père est différent de celui du dédicant ; il peut s’agir d’un pérégrin latinisé.
Datation : fin ii e-iii e s.
Madaure
9644. CIL VIII 16877 = ILAlg, 1, 2235 ; Lassère 2011, p. 430-431
D(is) M(anibus s(acrum). / C. Iulius Baric p(ius) u(ixit) a(nnis) LXXXVI. C. Iulius Castus p(ius) u(xit) a(nnos) XLII. Iulia Victoria / p(ia) u(ixit) a(nnos) CX. / C. Iulius Don(a)tius / p(ius) u(ixit) a(nnos) XLV. H(ic) e(st) ( !). / C. Iulius Victorinus, testarius, / parentibus suis fecit.
Métier : potier (testarius).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : il s’agit de citoyens romains d’origine africaine. Iulius Victorinus était soit potier, soit il possédait et gérait un atelier de briques et de tuiles ; il a dédié une stèle de 2 m de haut aux membres de sa famille. Il porte les tria nomina ; son cognomen, Victorinus, est bien distinct de sa profession qui est précisée juste après.
Datation : ii e s. de notre ère.
Morsot-Tébessa
9745. CIL VIII, 16710 = ILAlg, 1, 2876.
D(is) M(anibus) s(acrum). / Vitalis, / sutor, / u(ixit) a(nnos) XXXV. / Iucundus, / frat(ri) car(issimo), fe(cit).
Métier : cordonnier (sutor).
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : la présence d’un seul nom indique qu’il s’agit peut-être de deux frères esclaves. Vitalis est mort à l’âge de 35 ans.
- 116 Lassère 1973, p. 120-121.
Datation : 100-150, à partir des critères recensés par J.-M. Lassère 116.
Tébessa
9846. CIL VIII, 27867 = ILAlg, 1, 3195.
[D(is)] M(anibus) s(acrum). / [Caec]ilius Gae/tu[li]cus, qui et pistor, / u(ixit) a(nnos) XXIIII m(enses) VIIII. L(ucius) Caeci/lius Gaetulus pater et / Caecilia Spesina mater, / filio piissimo, fecer(unt), / h(ic) s(itus) e(st).
Métier : la formule qui et prouve que Pistor est le « sobriquet » du défunt. Vraisemblablement, celui-ci était en relation avec sa profession ; il aurait donc été boulanger-meunier.
Monument : stèle funéraire.
Commentaire : Gaetulus et Gaetulicus sont des noms d’origine africaine, c’étaient des citoyens romains. Gaetulicus est mort à 24 ans. Ses parents se sont chargés des funérailles et de l’érection du monument.
- 117 Lassère 1973, p. 120-121.
Datation : 100-150, à partir des critères recensés par J.-M. Lassère 117.
Ianuarianus lanarius (dedit) ((sestertios)) CCCL / Brumasius ded(it) ((sestertios)) C / [---]na[---]inus d(e)d(it) ((sestertios)) CCL / [---]delile d(e)d(it) ((sestertios)) CCL 7 [---]nus d(e)d(it ((sestertios)) C / [---] ded IS LX
Métier : artisan qui travaille la laine ou qui en fait le commerce (lanarius).
- 119 Guénin 1908. Deux pièces s’apparenteraient à des « monuments à (...)
Support : quelques ostraca en céramique ont été trouvés dans une « maison byzantine » fouillée par le Commandant Guénin en 1907 119.
Commentaire : dans ce cas, les ostraca découverts sont des listes incomplètes de comptes dont les sommes sont indiquées en sesterces. L’écriture cursive a été tracée à l’encre noire. Il s’agit soit de l’argent payé par le lanarius soit de l’argent qu’il a perçu du responsable. Le nom Ianuarianus ou « nom diacritique » est suivi du nom de métier.
Datation : v e-vi e s.
Index onomastique par nomen
Africanus |
3 |
Alexander |
34 |
Annobalis |
4 |
Anta |
6 |
Antonius |
33 |
Brumasius |
47 |
Caecilius |
46 |
Caecilia |
46 |
Celsius |
36 |
Claudia |
32 |
Clodius |
33 |
Corentus |
5 |
Dhamak |
42 |
[---D]omitius |
41 |
Eleutheris |
17 |
Fabricius |
32 |
Fausta |
15 |
Faustus |
4, 16 |
Felix |
13, 40 |
Filoxenus |
18 |
Firmus |
43 |
Flauius |
27 |
Fortunata |
43 |
Ingenuus ou Ingenius |
7 |
Innocentius |
21 |
Iuba |
2, 15 (?) |
Iucundus |
45 |
Iulia |
27, 44 |
Iulius |
12, 20, 24, 28, 34, 43, 44 |
I[---] |
34 |
Januarianus |
47 |
Marcus |
30 |
Mario |
17 |
(M)arius |
37 |
Martialis |
21 |
Masestam |
21 |
Maximius |
31 |
Miggin |
10 |
Namphamo |
4 |
Paula |
6 |
Pompeius |
35 |
Primigenius |
9 |
Primogenia |
12 |
Primosus |
42 |
Primus |
26 |
Quadratus |
19 |
Tongius |
29 |
Saburrio ou Saburrius |
6 |
Spero |
10 |
Rogata |
11 |
Rogatus |
43 |
Rosa |
5 |
Rutimaccus |
23 |
Samiarius (?) |
25 |
Successus |
39 |
Valeria |
12 |
Valerianus |
23 |
Vitalis |
45 |
Vitulus |
1, 8 |
Index onomastique par cognomen
Baric |
44 |
Castus |
44 |
Caprarius |
35 |
Commodianus |
31 |
Crescens |
43 |
Donatius |
44 |
Fausta |
12 |
Felix |
20 |
Fortunatus |
27 |
Gaetulicus |
46 |
Gaetulus |
46 |
Hebenus |
34 |
Iouinus |
27 |
Maximus |
33 |
Pietas |
33 |
Rogatina |
32 |
Spesina |
46 |
Surus |
19 |
Victor |
36 |
Victoria |
44 |
Victorina |
27 |
Victorinus |
44 |
Zethus |
12 |
Index des noms de métier
argentarius |
14 |
argentarius caelator |
8 |
artifices |
21 |
artifex |
22 |
caelator |
2 |
clostrarius |
9, 10 |
faber |
20 |
fartor |
1 |
faber ferrarius |
38 |
fullo |
30 |
furnarius |
43 |
impaestator |
13 |
lanarius |
18 (?), 47 |
lanius |
3, 4 |
mag(ister) fabr(orum) |
31 |
myrrepsicus |
15 |
offectores |
27 |
officinator |
17 |
officinator ar(gentariorum) |
16 |
pastilarius |
37 |
pictor |
23 |
pistor |
12, 28, 29, 46 |
polio |
33, 34, 35, 36 |
sagittarius |
19 |
sarcinatrix |
11 |
sartor |
26 |
signinarius (?) |
24 |
soliarius |
41 |
structor |
5, 39, 40, 42 |
sutor |
7, 45 |
testarius |
44 |
uitriarius |
6 |