Bibliographie
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P. Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Paris, Seuil, 1983.
K. H. Waters, Herodotus the Historian: His Problems, Methods and Originality, Londres – Sydney, Routledge, 1985.
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Notes
Ainsi en est-il de H. Verdin, « Les remarques critiques d’Hérodote et Thucydide sur la poésie en tant que source historique », Historiographia antiqua : commentationes Lovanienses in honorem W. Peremans septuagenarii editae, Leuven, Leuven University Press, coll. « Symbolae Facultatis Litterarum et Philosophiae Lovaniensis », 1977, p. 60-61 ; C. Brillante, « Myth and History: History and the Historical Interpretation of Myth », in L. Edmunds (éd.), Approaches to Greek Myth, Baltimore, JHU Press, 1990, p. 91-140 ; D. Boedecker, « Herodotus’ Genre(s) », in M. Depew – D. Obbink (éds), Matrices of Genre. Authors, Canons, and Society, Cambridge (MA), Harvard University Press, 2000, p. 103-105 ; D. Boedecker, « Epic Heritage and Mythical Patterns in Herodotus », in E. J. Bakker – I. J. F. de Jong – H. van Wees (éds), Brill’s Companion to Herodotus, Leyde – Boston – Cologne, Brill, 2002, p. 108.
Il existait en effet différentes versions de cette histoire dans plusieurs genres littéraires. Outre Homère (Od., IV, 227-228), on sait que Stésichore d’Himère (Page, PMG, F 15), Hécatée de Milet (FGrH 1 F 307-308) et Hellanicos de Lesbos (FGrH 4 F 153) ont mentionné le passage d’Hélène sur la terre égyptienne, même si le caractère fragmentaire des sources rend difficile de savoir ce que chacun avait exactement raconté à ce propos. Pour une liste complète des testimonia portant sur ce récit, voir la notice de Ph.-E. Legrand dans son édition du livre II d’Hérodote (Hérodote. Histoires, II, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1932, p. 32-33) et le commentaire de A. B. Lloyd (Herodotus. Book II, Commentary 99-182, Leyde – New York – Copenhague – Cologne, Brill, 1988, p. 46-47). D. Fehling (Herodotus and his « Sources »: Citation, Invention, and Narrative Art, Leeds, Cairns, 1989, p. 59-60), lui, aborde ces témoignages avec un regard critique dans l’optique d’évaluer leur influence sur le « père de l’histoire ».
Eἰρομένου δέ μευ τοὺς ἱρέας εἰ μάταιον λόγον λέγουσι οἱ Ἕλληνες τὰ περὶ Ἴλιον γενέσθαι ἢ οὔ (« Tandis que j’interrogeais les prêtres pour savoir si les Grecs tenaient ou non un discours insensé à propos de ce qui s’est passé à Troie »).
Il n’est nul besoin, selon nous, de revenir ici sur la question homérique qui n’a aucun lien avec notre propos. Si nous voulons étudier la manière dont Hérodote « dialogue » avec l’épopée, il faut garder à l’esprit que l’historien grec considérait les deux épopées homériques comme des pièces dues à un seul et même poète, ignorant la théorie moderne selon laquelle elles se seraient toutes deux constituées par strates successives. Pour un état détaillé de la question homérique, nous renverrons le lecteur à A. Ballabriga, « La question homérique : pour une réouverture du débat », REG 103 (1990), p. 16-29 ; G. Nagy, Homeric Questions, Austin, University of Texas Press, 1996 ; S. Saïd – M. Trédé – A. Le Boulluec, Histoire de la littérature grecque, Paris, PUF, coll. « Quadrige manuels », 1997, p. 13-24 ; R. Fowler, « The Homeric Question », in R. Fowler (éd.), The Cambridge Companion to Homer, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 220-232 ; L. Ferreri, La questione omerica dal Cinquecento al Settecento, Roma, Edizioni di storia e letteratura, 2007.
Cette expression reprend sciemment le titre d’un ouvrage de M. Detienne (Les maîtres de vérité dans la Grèce archaïque, Paris, Maspero, 1967), dont une importante partie est consacrée au statut du rhapsode dans la société mycénienne.
Cette position a été adoptée par M. I. Finley, « Myth, Memory, and History », in M. I. Finley (éd.), The Use and Abuse of History, New York, The Viking Press, 1975, p. 14 ; K. H. Waters, Herodotus the Historian: His Problems, Methods and Originality, Londres – Sydney, Routledge, 1985, p. 76 ; D. Lateiner, The Historical Method of Herodotus, Toronto, University of Toronto Press, 1989, p. 63 ; R. Thomas, « Performance and Written Publication in Herodotus and the Sophistic Generation », in W. Kullmann – J. Althoff (éds), Vermittlung und Tradierung von Wissen in der griechischen Kultur, Script-Oralia 61, Tübingen, 1993, p. 241 ; J. Marincola, Authority and Tradition in Ancient Historiography, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 100 ; P. Cartledge – E. Greenwood, « Herodotus as a Critic: Truth, Fiction, Polarity », in E. J. Bakker – I. J. F. de Jong – H. van Wees (éds), Brill’s Companion to Herodotus, Leyde – Boston – Cologne, Brill, 2002, p. 355.
W. Nestle, Vom Mythos zum Logos, Stuttgart, Kröner, 1940.
Nous ne reviendrons pas ici sur cette question, déjà traitée par L. Couloubaritsis, Aux origines de la pensée européenne, de la pensée archaïque au néoplatonisme, Bruxelles, De Boeck-Wesmael, 20034, p. 57-70. Selon ce philosophe, il y aurait dans le mythe une autre forme de logique, qualifiée de « logique de l’ambivalence », ce qui interdit de penser que la pensée rationnelle est apparue ex nihilo.
L’excellente synthèse de Boedecker, « Epic Heritage », portant sur l’héritage mythique dans l’Enquête, pousse à croire le contraire.
Dans l’introduction de son livre Mythologies of Transhumanism, intitulée « From Logos to Mythos », M. Hauskeller (Bâle, Springer International Publishing AG, 2016, p. 1-10) répond à l’ouvrage de Nestle, Vom Mythos, affirmant que le passage du mythe à la pensée rationnelle, de la subjectivité à l’objectivité, n’est pas et ne peut jamais être total.
Dans un ouvrage intitulé Les Origines de la pensée grecque, J.-P. Vernant (Paris, PUF, coll. « Mythes et Religions », 1962) essaie de décrire le passage de la pensée mythique aux savoir rationnels, en se demandant quelles conditions sociales et historiques ont pu provoquer cette évolution. Cet avènement de la « rationalité » a été par la suite relativisé, puisque celle-ci ne naît pas toute formée de nulle part : les Grecs ont développé leur « science » au contact des savoirs des sociétés égyptienne et babylonienne, même si la pensée hellénique se distingue par une focalisation sur la recherche des causes qui ne semble pas avoir d’équivalent dans le monde oriental (J.-F. Dortier, « Y a-t-il eu un miracle grec ? », in T. Lepeltier (éd.), Histoire et philosophie des sciences, Auxerre, Sciences Humaines Éditions, 2013, p. 11-20).
Platon, Rép., II, 383a : Πολλὰ ἄρα ῾Ομήρου ἐπαινοῦντες ἀλλὰ τοῦτο οὐκ ἐπαινεσόμεθα, τὴν τοῦ ἐνυπνίου πομπὴν ὑπὸ Διὸς τῷ ᾿Αγαμέμνονι (« Donc, tout en louant bien des choses chez Homère, nous n’approuverons pas cela, je veux dire le fait que Zeus ait envoyé le songe à Agamemnon »).
Platon, Ion, 530b : ἐν Ὁμήρῳ, τῷ ἀρίστῳ καὶ θειοτάτῳ τῶν ποιητῶν (« chez Homère, le meilleur et le plus divin des poètes »).
Δοκέει δέμοι καὶ τὸ γένος τῶν βοῶν τὸ κόλον διὰ ταῦτα οὐ φύειν κέρεα αὐτόθι· μαρτυρέει δέ μοι τῇ γνώμῃ καὶ Ὁμήρου ἔπος ἐν Ὀδυσσείῃ ἔχον ὧδε, « καὶ Λιβύην, ὅθι τ᾽ ἄρνες ἄφαρ κεραοὶ τελέθουσι » (Od., IV, 85), ὀρθῶς εἰρημένον, ἐν τοῖσι θερμοῖσι ταχὺ παραγίνεσθαι τὰ κέρεα, ἐν δὲ τοῖσι ἰσχυροῖσι ψύχεσι ἢ οὐ φύειν κέρεα τὰ κτήνεα ἀρχὴν ἢ φύοντα φύειν μόγις (« Il me semble que, pour la race des bœufs aux cornes écourtées elle aussi, c’est pour cette même raison que les cornes ne poussent pas. Pour moi, cette opinion est également confirmée par le vers homérique tiré de l’Odyssée que voici : ‘et la Libye, où les agneaux sont immédiatement pourvus de cornes’. Il est bien dit que, dans les lieux chauds, les cornes apparaissent rapidement tandis que, dans les zones rigoureusement froides, soit elles ne poussent pas du tout au bétail soit, si elles poussent, ce n’est qu’à peine »).
Théog., 26-28 : ποιμένες ἄγραυλοι, κάκ’ ἐλέγχεα, γαστέρες οἶον, / ἴδμεν ψεύδεα πολλὰ λέγειν ἐτύμοισιν ὁμοῖα, / ἴδμεν δ’, εὖτ’ ἐθέλωμεν, ἀληθέα γηρύσασθαι (« bergers qui passez vos vies dans les champs, vils objets de honte, qui êtes tels des ventres, nous savons dire de nombreux mensonges qui semblent véridiques et nous savons, à chaque fois que nous le voulons, faire entendre des vérités »).
Sur la vérité dissimulée en dessous du mythe, voir P. Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Paris, Seuil, 1983, p. 59.
L’évaluation positive qu’Hérodote donne des prêtres apparaît à différents endroits : II, 5, 1 : καὶ εὖμοιἐδόκεονλέγειν περὶ τῆς χώρης (« et ils me semblaient dire la vérité en ce qui concerne le pays »), II, 13, 1 : ἔλεγον δὲ καὶ τόδε μοι μέγα τεκμήριον περὶ τῆς χώρης ταύτης οἱ ἱρέες (« les prêtres me révélaient également, à propos de ce pays, ceci, qui constitue pour moi une preuve de grande importance ») et II, 14, 1 : καὶ ταῦτα μὲν ἐς Ἕλληνας Αἰγυπτίοισι ὀρθῶς ἔχοντα εἴρηται (« et ces paroles, qui sont correctes, sont délivrées par les Égyptiens aux Grecs »).
Ajoutons que le père de l’histoire insiste sur cette idée, puisque ces deux lemmes se retrouvent quelques lignes plus loin, dans le même contexte : II, 116, 6 : ἐν τούτοισι τοῖσι ἔπεσι δηλοῖ ὅτι ἠπίστατο τὴν ἐς Αἴγυπτον Ἀλεξάνδρου πλάνην (« dans ces vers, il montre qu’il connaissait la course errante d’Alexandre [sc. Pâris] en Égypte »).
II, 112, 2 : Συμβάλλομαι δὲ τοῦτο τὸ ἱρὸν εἶναι Ἑλένης τῆς Τυνδάρεω, καὶ τὸν λόγον ἀκηκοὼς ὡς διαιτήθη Ἑλένη παρὰ Πρωτέϊ, καὶ δὴ καὶ ὅτι ξείνης Ἀφροδίτης ἐπώνυμόν ἐστιν· ὅσα γὰρ ἄλλα Ἀφροδίτης ἱρά ἐστι, οὐδαμῶς ξείνης ἐπικαλέεται (« Je conjecture que ce sanctuaire est celui d’Hélène, fille de Tydare, après avoir également entendu le discours selon lequel Hélène aurait séjourné chez Protée, surtout parce qu’il est voué à Aphrodite Étrangère. En effet, pour ce qui est de toutes les autres choses qui sont consacrées à Aphrodite, elle n’est jamais appelée ‘Étrangère’ »).
Pour cette identification, voir Legrand, Hérodote, p. 139, n. 5 ; Lloyd, Commentary, p. 45 ; D. Asheri– A. B. Lloyd – A. Corcella, A Commentary on Herodotus: Books I-IV, Oxford, Oxford University Press, 2007, p. 322. Le commentaire de Lloyd esquisse un panorama complet de la question en renvoyant à toute la bibliographie qui s’y rapporte. Selon lui, « Astarté de Syrie » – ‘str(t) ḪƷrw – était une divinité sémitique honorée en Égypte à partir de la XVIIIe dynastie, où elle était la plupart du temps identifiée à Sekhmet, épouse de Ptah, mais aussi à Hator et Isis (p. 45). À laquelle de ces trois divinités les prêtres avaient-ils assimilé l’Astarté vénérée dans le sanctuaire dont parle Hérodote ? Sekhmet apparaît d’emblée comme une excellente candidate, puisqu’Hérodote évoque la présence d’un « téménos de Protée » à proximité du sanctuaire d’Hélène (II, 112, 1), une expression qui aurait pu désigner le temple de Ptah selon plusieurs chercheurs (pour une liste complète, voir Lloyd, Commentary, p. 44). Qui plus est, elle est à la fois une déesse guerrière, comme l’Astarté phénicienne, et une personnification de l’œil du soleil, ce qui a pu concourir à la rapprocher d’Hélène. En effet, l’historien a pu associer le nom de l’héroïne à l’idée de lumière, d’éclat, de brillance, puisque Ἑλένη ressemble au substantif ἑλάνη, « le flambeau » (qui peut d’ailleurs parfois s’écrire ἑλένη) ainsi qu’à εἵλη, « la chaleur du soleil » (un terme qui est peut-être effectivement formé sur la même racine que le prénom « Hélène », en l’occurrence une racine *swel qui correspondrait au sanskrit svar-a-ti, « il allume »). Si de tels rapprochements sont aujourd’hui considérés comme douteux, ils ont pu être établis par un Ancien comme Hérodote qui ne disposait pas des mêmes acquis que les Modernes en termes d’étymologie (pour une synthèse du débat concernant la signification du prénom « Hélène », voir R. Beekes, Etymological Dictionary of Greek, Leyde – Boston, Brill, coll. « Leiden Indo-European Etymological Dictionary Series », 2010, p. 406-407). Considérer que ce chapitre de l’Enquête fait référence à Sekhmet est donc tentant, mais il pourrait tout aussi bien s’agir d’Hator, déesse de l’amour et de la beauté, ce qui expliquerait que l’on ait présenté à l’historien le lieu comme consacré à « Aphrodite ». Lui-même aurait assimilé la divinité à la plus belle des héroïnes du monde grec. Ce deuxième schéma semble lui aussi satisfaisant. On voit mal, en revanche, comment une déesse funéraire telle qu’Isis pouvait être associée à une déesse de l’amour et de la guerre comme Astarté. Le phénomène viendrait, selon nous, d’une confusion des Égyptiens eux-mêmes entre Isis et Hator, qui portaient toutes les deux sur la tête un disque solaire inséré entre deux cornes de vache.
Tοῖα Διὸς θυγάτηρ ἔχε φάρμακα μητιόεντα, / ἐσθλά, τά οἱ Πολύδαμνα πόρεν, Θῶνος παράκοιτις (« Tels étaient les remèdes habilement préparés que tenait la fille de Zeus, ces bons remèdes que lui procura Polydamna, l’épouse de Thon »).
Kατηγόρεον δὲ ταῦτα πρός τε τοὺς ἱρέας καὶ τὸν στόματος τούτου φύλακον, τῷ οὔνομα ἦν Θῶνις (« Ils dénonçaient ces actes aux prêtres et au gardien de cette bouche [du fleuve], dont le nom était Thonis »). Sur la question de savoir à quelle fonction officielle de la société égyptienne Hérodote fait allusion en parlant de ce « gardien », voir Lloyd, Commentary, p. 49 ; Asheri et al., Commentary, p. 323.
Legrand, Hérodote, p. 139, n. 2. Certains chercheurs ont également pensé que l’amalgame serait dû à un titre royal, pȝrwty, qu’Hérodote aurait rapproché de « Protée » en raison des ressemblances phonétiques (pour une liste des partisans de cette hypothèse, voir Lloyd, Commentary, p. 43). Lloyd signale toutefois que rien ne prouve que ce terme pouvait être employé dans ce sens, signifiant originellement « les deux portes ». Il est tentant de croire qu’un tel mot aurait d’abord pu désigner le palais royal pour ensuite s’appliquer au monarque qui y habitait, de même que pour « pharaon » qui signifiait à l’origine « grande maison ». Ce n’est pourtant qu’une théorie incertaine.
Respectivement Πρωτέος ἰφθίμου θυγάτηρ ἁλίοιο γέροντος (« la fille du puissant Protée, vieillard de la mer ») et πωλεῖταί τις δεῦρο γέρων ἅλιος νημερτὴς (« l’infaillible vieillard de la mer va et vient en ce lieu »).
Selon G. Schepens, L’« autopsie » dans la méthode des historiens grecs du ve siècle avant J.-C., Bruxelles, Palais des Académies, 1980), Hérodote aurait été le premier à percevoir « l’importance historico-méthodologique de l’autopsie » (p. 196). J. Boëldieu-Trévet et D. Gondicas, Lire Hérodote, Rosny-sous-Bois, Éditions Bréal, 2005 résument, quant à elles, cette pratique comme suit : « La vue prime sur l’écoute et l’auteur s’efforce de n’accorder foi à l’information recueillie directement auprès d’informateurs […] que dans la mesure où il peut en contrôler l’exactitude par la vue. » (p. 24).
Plutarque, De Herodoti malignitate, 857b. Personne ne contestera que cette position semble extrême. Cependant, elle pourrait fournir un début d’explication au phénomène qui nous occupe : la présentation favorable du pharaon pourrait être en partie due à l’admiration qu’Hérodote vouait aux Égyptiens. Il faut en effet rappeler que l’émerveillement face aux peuples habitant les extrémités de la terre est reconnu comme général dans le monde grec, cf. J. S. Romm, The Edges of the Earth in Ancient Thought, Princeton, Princeton University Press, 1992 ; D. Fehling, « The Art of Herodotus and the Margins of the World », in Z. R. W. M. von Martels (éd.), Travel Fact and Travel Fiction: Studies on Fiction, Literary Tradition, Scholarly Discovery, and Observation in Travel Writing, Leyde, Brill, 1994, p. 1-15 ; H.-G. Nesselrath, « Herodot und die Enden der Erde », MH 52 (1995), p. 20-44. Cette attitude aurait pu pousser l’historien à reprendre le récit des prêtres, voire à en intensifier la composante manichéenne.
R. V. Munson, Telling Wonders: Ethnographic and Political Discourses in the Work of Herodotus, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2001.
Legrand, Hérodote, p. 145, n. 2.
Eἰ ἦν Ἑλένη ἐν Ἰλίῳ, ἀποδοθῆναι ἂν αὐτὴν τοῖσι Ἕλλησι ἤτοι ἑκόντος γε ἢ ἀέκοντος Ἀλεξάνδρου (« Si Hélène était à Troie, ils l’auraient rendue aux Grecs, qu’Alexandre [sc. Pâris] l’ait voulu ou non »).
Ἀλλὰ καὶ ὧς τοίη περ ἐοῦσ᾽ ἐν νηυσὶ νεέσθω, / μηδ᾽ ἡμῖν τεκέεσσί τ᾽ ὀπίσσω πῆμα λίποιτο (« Eh bien, même si elle est telle, qu’elle parte sur les vaisseaux et qu’elle ne nous laisse pas de souffrance à nous et à nos enfants par la suite »).
Ὥστε τοῖσι σφετέροισι σώμασι καὶ τοῖσι τέκνοισι καὶ τῇ πόλι κινδυνεύειν ἐβούλοντο (« De façon à ce qu’ils aient voulu faire courir un danger à leur propre personne, à leurs enfants et à leur ville »).
Tὸν οὐ προσῆκε ἀδικέοντι τῷ ἀδελφεῷ ἐπιτρέπειν, καὶ ταῦτα μεγάλων κακῶν δι’ αὐτὸν συμβαινόντων ἰδίῃ τε αὐτῷ καὶ τοῖσι ἄλλοισι πᾶσι Τρωσί (« Il ne convenait pas qu’il s’en remette à son frère qui s’était montré injuste, et ce alors qu’à cause de ce dernier, de grands maux arrivaient à Hector lui-même et à tous les autres Troyens »).
Πατρί τε σῷ μέγα πῆμα πόληΐ τε παντί τε δήμῳ, / δυσμενέσιν μὲν χάρμα, κατηφείην δὲ σοὶ αὐτῷ (« Grande souffrance pour ton père, la ville et tout le peuple, joie pour nos ennemis, honte pour toi-même »).
ὡς μὲν ἐγὼ γνώμην ἀποφαίνομαι, τοῦ δαιμονίου παρασκευάζοντος (« pour donner ma propre opinion, cela a été causé par une divinité »).
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