Le pindarisme et l’archéologie musicale : style, valeur et authenticité de la première Pythique à l’époque moderne
Résumés
Le fragment de la première Pythique de Pindare avec notation musicale a été publié par Athanasius Kircher dans la Musurgia Universalis en 1650. Ce fragment, aujourd’hui rejeté comme faux ou pastiche, a été considéré néanmoins comme un document important concernant la musique grecque antique jusqu’au xxe siècle. Bien que quelques érudits aient fait preuve de scepticisme depuis la fin du xviiie siècle, la première Pythique a été étudiée régulièrement par de nombreux historiens, notamment August Böckh. Dans son traité De Metris Pindari (1811), Böckh considérait ces quelques vers comme un specimen véritable de « musique dorienne ». D’autres historiens de la musique grecque antique (Jean-Jacques Rousseau, Fétis, Gevaert, Maurice Emmanuel) se sont servis de ce fragment pour souligner la différence entre les Grecs et les Modernes. Dans notre article, nous montrerons donc comment ces savants ont construit une théorie de la « musique grecque » à partir de documents philologiques qui ont été tenus pour « authentiques » pendant trois siècles, ce qui leur a permis d’évaluer les pratiques musicales des Grecs et des Modernes dans une perspective critique.
Entrées d’index
Mots clés :
Rousseau, Pindare, dorisme, archéologie musicale, philologie, représentations de la Grèce antiqueKeywords:
Rousseau, Pindare, dorism, musical archeology, philology, representations of Ancient GreecePlan
Haut de pageTexte intégral
- 1 C. Steinegger, La musique à la Comédie Française de 1921 à 1964, Liège, Mardaga, 2005, p. 198.
- 2 Après avoir subi l’influence de Varèse, Jolivet s’intéresse à la modalité, comme en témoignent le (...)
- 3 M. Yourcenar, Pindare, Paris, Grasset, 1932, p. 287.
- 4 M. Emmanuel, « Grèce », in A. Lavignac et L. de La Laurencie (dir.), Encyclopédie de la musique e (...)
1En 1943, André Jolivet compose une musique de scène pour Iphigénie à Delphes de Gerhard Hauptmann, traduite en français et représentée le 27 mai de cette même année à la Comédie-Française, aux heures sombres de l’Occupation1. Afin de donner à sa partition un air antiquisant, Jolivet utilise un certain nombre de « modes » grecs2 et cite les deux hymnes delphiques dans le Prélude (« Aurore magique »), ainsi que le fragment musical de la première Pythique de Pindare dans la séquence finale « Joie dionysiaque ». Comme Camille Saint-Saëns (Antigone, 1893), Camille Erlanger (Le fils de l’étoile, 1904), Maurice Emmanuel (Salamine, 1929), Jacques Chailley (Les Perses, 1936), Jolivet se sert des informations livrées par l’archéologie musicale afin d’écrire une partition évoquant l’Antiquité grecque dans sa dimension sonore et musicale. Ce qui est étonnant, c’est qu’il utilise la Pythique de Pindare, un morceau douteux presque unanimement considéré à cette époque comme un faux, comme le notait Marguerite Yourcenar dans Pindare en 19323. Comment l’expliquer ? Pour la simple raison que Jolivet s’est servi de l’article de Maurice Emmanuel sur la musique grecque, publié en 1913 dans l’Encyclopédie de la Musique et Dictionnaire du Conservatoire. Emmanuel y reproduit par deux fois la Pythique, dans la partie « harmonique » et dans la partie rythmique de son traité, bien qu’il hésite à la considérer comme authentique en raison de l’absence de sources manuscrites4.
- 5 La première Pythique célèbre la cité ordonnée que Hiéron et son fils Dinomène doivent chercher à (...)
2Une telle oscillation fait écho à une longue controverse née à la suite de l’apparition de ce fragment musical en 1650 dans la Musurgia Universalis du savant jésuite Athanasius Kircher. Après les quatre hymnes de Mésomède de Crète révélés par Vincenzo Galilei en 1581, Kircher aurait « découvert », dans les collections de la bibliothèque du monastère Saint-Sauveur de Messine, une « partition » accompagnant les huit premiers vers de l’une des plus célèbres épinicies de Pindare, dédiée à Hiéron de Syracuse, vainqueur à la course de chars lors des concours pythiques de 4705. Tous les historiens de la musique grecque antique et tous les philologues connaissent l’existence de ce fragment depuis le dix-huitième siècle. Il convient de rappeler d’emblée que la découverte, réelle ou supposée, de Kircher était exceptionnelle puisqu’aucun manuscrit de Pindare avec notations musicales n’était connu et qu’avant les fouilles réalisées par les archéologues au cours du dix-neuvième et du vingtième siècles, les vestiges musicaux datant du cinquième siècle avant notre ère étaient inexistants. Mais ce fragment est-il authentique ?
- 6 Cf. M. L. West, Ancient Greek Music, Oxford University Press, 1992, p. 7.
3Si la réponse négative semble aller de soi aujourd’hui parmi les hellénistes6, on ne saurait oublier que ce fragment a engendré de nombreuses constructions discursives liées aux représentations de la musique grecque antique au dix-huitième et au dix-neuvième siècles. Loin d’être réduite à l’état de lambeau insignifiant, la musique de la première Pythique a été mise à contribution dès lors que l’Antiquité grecque alimentait le désir d’un renouveau « classique » dans les arts ou qu’il s’agissait de discuter la thèse de la supériorité des Anciens sur les Modernes : la question de l’authenticité du texte de Kircher s’est doublée d’une axiologie de la musique.
- 7 G. Highet, The Classical Tradition. Greek and Roman influences on Western Literature, Oxford Univ (...)
4Quelques aspects de ces controverses, depuis la querelle entre Rousseau et Rameau jusqu’à l’hellénomanie de la fin du dix-neuvième siècle, seront évoqués dans les pages qui suivent. C’est en effet un autre usage de Pindare et une autre appréciation du pindarisme que produit la musique découverte par Kircher, laquelle ajoute à la tradition littéraire et philologique une histoire spécifique : la reconstruction de la musique antique. L’étude des avatars d’une pièce douteuse, apparue au moment où le pindarisme suscitait d’innombrables discussions esthétiques et érudites7, permettra d’observer la manière dont les Modernes se sont peu à peu éloignés de la poésie « lyrique » antique sous l’effet de l’analyse musicale et de la critique textuelle.
Impressions morales et authenticité : dialogue de Jean-Jacques Rousseau avec Charles Burney
- 8 Cf. A. Bélis, « La redécouverte de la musique antique du xvie siècle au xixe siècle », in C. Lalo (...)
- 9 J.-J. Rousseau, Lettre à M. le Docteur Charles Burney, dans Œuvres Complètes, V, Paris, La Pléiad (...)
- 10 Cf. P. Vendrix, Aux origines d’une discipline historique, Genève, Droz, 1993, p. 149-196, 261-277
- 11 M. L. West & E. Pöhlmann (ed.), Documents of Ancient Greek Music, Oxford University Press, 2001, (...)
5Pour tenter de comprendre les enjeux liés à l’interprétation de la première Pythique dans sa dimension musicale, il convient d’abord de soulever le problème épistémologique majeur qu’ont affronté les érudits et les hellénistes : que signifie connaître la musique de l’Antiquité ? On estime parfois que la musique grecque antique est quasiment inconnue avant les découvertes archéologiques de la fin du dix-neuvième siècle8. C’est oublier la masse considérable de discours produits sur cet art « tant jugé et si peu connu », comme l’écrivait Jean-Jacques Rousseau en 17769. Malgré l’absence de documents archéologiques, des discours scientifiques, étayés sur les écrits des théoriciens et des philosophes de l’Antiquité, n’ont cessé d’être élaborés au cours de l’époque moderne. Depuis Zarlino jusqu’à Johann Nikolaus Forkel, la musique grecque a fait l’objet d’innombrables études, et parmi tous les savants qui s’y sont intéressés à des titres divers, on peut citer les noms de Mersenne, Meibom, Claude Perrault, Isaac Vossius, Harris, Bontempi, Dubos, Burette, Rameau, Rousseau, Marpurg, Martini, Burney, Blainville, Barthélémy10. Ces études ont nourri l’imagination des musiciens qui ont créé à leur tour des pastiches de musique grecque, parmi lesquels Martin L. West et Egert Pöhlmann ont précisément rangé la Pythique de Pindare-Kircher11.
- 12 Cf. K. S. Grant, Dr Burney as critic and historian of music, Ann Harbor, UMI Research Press, 1983 (...)
6Si cette pièce est désormais rejetée par les spécialistes de la musique grecque antique, il n’en reste pas moins vrai que la « découverte » de Kircher a suscité des commentaires pendant près de trois siècles. Ils s’insèrent généralement dans un contexte marqué par la querelle des Anciens et des Modernes, par le développement de l’histoire de la musique en lien avec la quête des origines du langage, et par le comparatisme entre les musiques non européennes, les musiques antiques et la musique européenne moderne. Ainsi, dans les années 1770, la Pythique de Pindare a été au cœur d’une controverse entre Jean-Jacques Rousseau qui, s’il est considéré souvent comme l’un des précurseurs de l’ethnomusicologie, a été aussi l’un des grands historiens de la musique grecque antique au dix-huitième siècle, et Charles Burney, considéré parfois comme l’un des premiers « musicologues »12.
- 13 Cf. A. Cernuschi, Penser la musique dans l’Encyclopédie, Paris, Champion, 2000, p. 579-608.
- 14 « Liste des sources du Dictionnaire de musique », J.-J. Rousseau, Œuvres complètes, V, p. 1755-17 (...)
7Rousseau s’est intéressé à la musique grecque dès 1749 pour la rédaction des articles sur la musique destinés à l’Encyclopédie13. À cet égard, il ne peut être soupçonné d’avoir négligé l’étude des sources antiques, ni des sources secondaires : les articles de l’Encyclopédie et le Dictionnaire de musique attestent sa connaissance des principales sources disponibles à son époque14. Or, quand il s’agit de l’ode de Pindare, Rousseau ne fait jamais allusion à une possible supercherie de la part de Kircher. Au contraire, la première Pythique est tenue pour un document aussi authentique que les hymnes de Mésomède ou que les airs chinois du père Du Halde qui avaient été publiés dans la Description de la Chine en 1735. Elle figure donc dans les planches du Dictionnaire de musique avec l’Hymne à Némésis de Mésomède et la Marche des Mousquetaires du Roy de France (planche C, fig. 1-3). Rousseau y expose également un « Air chinois », une « Chanson des Sauvages du Canada », une « Danse Canadienne », une « Chanson persane » et le « Ranz des Vaches ». La diversité de ces airs ne résulte pas d’un choix éclectique. Tous dénotent une pratique musicale différente de celle qui a cours dans l’Europe moderne. Aucun air harmonisé, aucune pièce polyphonique ne sont insérés ; seule la marche des mousquetaires est présentée sur un système à deux portées, la seconde matérialisant le rythme des tambours.
- 15 P. J. Burette, « Addition à la dissertation sur la mélopée », Histoire de l’Académie Royale des I (...)
8Lorsqu’il cite l’« Ode de Pindare », Rousseau ne se place pas dans la perspective d’une critique des sources, qui était celle qu’avait adoptée par exemple Pierre Jean Burette (1665-1747), auteur d’une série de dissertations sur la musique grecque antique publiées dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres entre 1718 et 1729. Burette, malgré quelques soupçons sur la fiabilité de Kircher, ne tranchait pas en faveur de l’inauthenticité et il avait reproduit la Pythique de Pindare, qui lui évoquait une sorte de récitatif aux inflexions orientales15. Pour Rousseau, chercher la source manuscrite est moins important que déterminer la valeur de la musique grecque antique. Le fragment de Pindare lui offre ici une arme contre ses adversaires, Rameau et ses partisans qui prétendent à l’universalité de la génération harmonique. Rousseau s’appuie, entre autres, sur ce vestige pour prouver que Rameau a tort et que les Européens ne peuvent pas comprendre correctement la musique extra-européenne s’ils lui appliquent les principes de la polyphonie harmonique.
- 16 Rousseau, Essai sur l’origine des langues, dans Œuvres complètes, V, p. 411-412.
9C’est pourquoi, dans l’Essai sur l’origine des langues, Rousseau rappelle que Burette ne pouvait susciter l’adhésion de ses contemporains : Burette avait fait exécuter la Pythique de Pindare devant l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, mais il n’avait recueilli que des manifestations d’incompréhension16. En raison de la différence des langues, de l’historicité des arts musicaux et de la relativité de l’écoute, les savants modernes ne peuvent entendre convenablement la musique grecque antique et cet art particulier ne peut faire l’objet d’un jugement esthétique universellement valable :
- 17 Ibid., p. 412.
Donnez un monologue d’opéra français à exécuter par tels Musiciens étrangers qu’il vous plaira, je vous défie d’y rien reconnaître. Ce sont pourtant ces mêmes Français qui prétendaient juger la mélodie d’une Ode de Pindare mise en musique il y a deux mille ans !17
- 18 Rousseau, Lettre sur la musique française, dans Œuvres complètes, V, p. 292-294.
- 19 J. Starobinski, Jean-Jacques Rousseau. La transparence et l’obstacle, Paris, TEL-Gallimard, p. 32 (...)
10Chez Rousseau, la différence des musiques « nationales » devient un problème central dès la Lettre sur la musique française (1753)18. Selon le philosophe, il n’y a pas une seule musique, mais une pluralité de musiques due à la diversité des langues, puisque la musique est nécessairement liée à la langue d’une nation par l’accent. La thèse de Rousseau est bien connue19 : l’harmonie, dont l’usage se limite aux pays européens, est une habitude et une convention. Son essor, qui a relégué au second plan la mélodie vocale, résulte d’une évolution linguistique particulière, causée par l’accent tonique et par la prédominance des consonnes dans les langues du Nord. En revanche, les langues du « Midi » à prédominance vocalique, proches de la langue originelle expressive qui réunissait émotion et signification dans un chant, sont dotées d’un accent mélodique que Rousseau analyse dans le chapitre VII, consacré à la prosodie, de l’Essai sur l’origine des langues. La langue grecque était proche de la langue primitive de l’humanité, dans laquelle les inflexions vocales prenaient naturellement la forme d’une mélodie expressive. Sur le plan de la théorie musicale, la différence du système grec par rapport au système moderne est établie positivement au chapitre XVIII de l’Essai sur l’origine des langues : le caractère particulier de la musique grecque antique apparaît dans la structure même de ses échelles, dont le module de base est le tétracorde et non l’octave.
11Pindare appartient de ce fait à une époque qui correspond, selon Rousseau, à un âge d’or de la mélodie vocale. Cependant, son art est devenu incompréhensible pour les Modernes à cause de la dégénérescence de la musique et de la langue à la fin de l’Antiquité. Aussi la musique grecque, telle qu’elle est exécutée et interprétée par les savants modernes, ne produit-elle plus les mêmes effets que ceux qu’elle provoquait chez des auditeurs grecs :
- 20 Rousseau, Essai sur l’origine des langues, dans Œuvres complètes, V, p. 412.
J’ai lu qu’autrefois en Amérique les Indiens voyant l’effet étonnant des armes à feu ramassaient à terre des balles de mousquet ; puis les jettant avec la main en faisant un grand bruit de la bouche, ils étaient tout surpris de n’avoir tué personne. Nos orateurs, nos musiciens, nos Savans ressemblent à ces Indiens. Le prodige n’est pas qu’avec la nôtre nous ne fassions plus ce que faisaient les Grecs avec la leur, il serait, au contraire, qu’avec des instruments si différents on produisit les mêmes effets.20
- 21 Hummel, Pindare et les pindarismes, p. 11-87, 221-251.
- 22 F. Escal, « Un contradicteur de Rousseau. A l’horizon de l’opéra : voix, chant, musique selon Cha (...)
12La question des effets de cette mélodie vocale ancienne, tel qu’ils peuvent être perçus et imaginés à travers la première Pythique, est d’autant plus importante que Pindare incarne depuis l’Antiquité le poète de l’enthousiasme et du sublime. Les odes de Pindare ont donné naissance à un style pindarique illustré par de très nombreux poètes depuis Ronsard jusqu’à Lebrun-Pindare et Hölderlin, et, au-delà, par Claudel et Saint-John Perse21. Au cours de cette longue tradition philologique et littéraire, le rapport entre musique, vers et signification a été parfois évoqué, ce dont témoigne un partisan de Jean-Philippe Rameau, Michel-Guy de Chabanon, qui défend la musique instrumentale et le perfectionnement de l’harmonie22. En 1772, dans sa traduction des Pythiques, Chabanon brosse le portrait de Pindare sous les traits familiers du poète inspiré dont l’enthousiasme s’épanche dans la musique, art expressif par excellence. Mais la relation entre langue, versification et musique paraît problématique à Chabanon :
- 23 Les Odes Pythiques de Pindare, avec des remarques de Chabanon, Paris, Lacombe, 1772, p. 24.
Malheureusement notre ignorance est extrême sur tout ce qui concerne la musique des Anciens. Qu’était-ce en effet que le chant des Odes ? Un air dont la première partie convenait à la strophe, et les deux reprises à l’antistrophe et à l’épode ? Mais comment concilier avec cette idée l’enjambement assez fréquent de la strophe sur l’antistrophe et de celle-ci sur l’épode ? Comment le sens ne se terminait-il pas dans les vers, quand le couplet de chant finissait ?23
- 24 B. Didier, La musique des Lumières, Paris, P. U. F., 1985, p. 19-40.
13Nulle mention n’est faite par Chabanon de la partie musicale de Kircher, quoiqu’il eût pu s’y référer par l’entremise du Dictionnaire de Rousseau. Outre les problèmes de versification et de mise en musique, il est certain que cette courte « partition » ne correspond pas à l’image du poète enthousiaste que Chabanon partage avec ses contemporains, ni avec la théorie de l’expressivité musicale qui se développe dans la seconde moitié du siècle24.
14Le contraste immédiatement perceptible entre le style poétique sublime, vanté depuis Horace, et les quelques lignes de musique accompagnant le début de la Pythique explique aussi que Rousseau cherche à comprendre autrement la question des effets, car la puissance de la musique grecque antique n’est pas comparable avec celle de la polyphonie harmonique. Dans l’Essai sur l’origine des langues, comme dans les articles « Dithyrambe », « Mœurs », « Musique », « Opéra », « Plain-Chant » du Dictionnaire de musique, Rousseau insiste sur la relativité des impressions morales et sur leurs différences d’intensité au cours des siècles. La perte d’énergie de la musique européenne et la diminution de l’intensité des impressions morales sont le signe d’une déchéance de la musique vocale en Europe. Les Modernes ont oublié ce qui constituait un champ très important de la pratique et de la théorie grecques : les « mœurs », qui traitaient des impressions morales causées par la mélodie.
- 25 Cf. M. Fumaroli, « Les abeilles et les araignées », in A.-M. Lecocq (éd.), La Querelle des Ancien (...)
15La première Pythique de Pindare soulève de ce fait le problème de la perception de la musique grecque antique et de son historicité, et elle suscite une réflexion critique sur la supériorité des Anciens. Dans le système d’interprétation de Rousseau, il n’est pas douteux que l’ode de Pindare soit authentique puisque le régime musical de l’Antiquité était essentiellement mélodique. Rousseau se sert de ce fragment de musique grecque antique pour l’intégrer à un système dans lequel l’art grec constitue non seulement un comparant, mais une norme esthétique. Ce faisant, il s’affirme comme l’un des partisans les plus fervents et les plus radicaux des Anciens contre les Modernes, y compris dans le champ musical25.
- 26 C. Burney, Voyage musical dans l’Europe des Lumières, traduction de M. Noiray, Paris, Flammarion, (...)
- 27 Grant, Dr Burney as critic and historian of music, p. 96-99.
16Ce n’est guère le cas de Charles Burney, qui avait eu l’occasion de rencontrer Rousseau à Paris en 1770 lors de son voyage à travers l’Europe. Les relations entre les deux hommes avaient débuté dès 1766 lorsque Burney avait traduit en anglais Le Devin du Village. Quatre ans plus tard, Burney rend visite à l’illustre philosophe et s’entretient de la musique grecque antique avec lui. Il reçoit alors les encouragements de Rousseau à rédiger une histoire de la musique grecque antique26. En 1776, Burney fait paraître le premier volume de la General History of Music, où l’auteur compare les musiques antiques avec, au centre de l’exposé, la musique grecque dont l’historien entreprend de faire une lecture critique27.
- 28 Rousseau, Lettre à M. le Docteur Charles Burney, p. 437.
- 29 C. Burney, A General History of Music, I, with critical and historical notes by F. Mercer, New Yo (...)
17Rousseau a eu connaissance de ce volume dès 1776 et il a adressé une longue lettre à Burney dans laquelle il réagit notamment à l’analyse de la Pythique de Pindare. Adoptant le principe de la théorie ramiste, Burney a tenté de réaliser la basse de l’air de Pindare en le soumettant au régime harmonique. Or pour Rousseau, il s’agit d’un véritable contresens puisqu’il existe une différence de nature entre la musique grecque antique et la musique moderne. Dans la lettre qu’il envoie à Burney en 1776, Rousseau affirme qu’une telle basse aurait « écorché » l’oreille des Grecs28. à l’inverse, le geste de l’historien anglais s’explique par des principes épistémologiques et esthétiques. Selon lui, la musique antique, connue par les textes théoriques, est un art obscur, incompréhensible, présentant de très nombreuses difficultés d’interprétation. Tandis que le savant est confronté à des problèmes insolubles, l’amateur de musique et le musicien, qui sont les lecteurs explicitement visés par Burney, ne gagnent rien à se plonger dans l’étude d’un art aussi complexe et aussi conjectural29.
- 30 Ibid., p. 101-103.
- 31 Ibid., p. 99-101.
18Ces déclarations n’empêchent pas Burney de publier une longue « Dissertation sur la musique des Anciens » qui précède le récit historique proprement dit et qui doit exposer les principes de la théorie grecque. C’est dans la section VII, « On the practice of the Melopoeia », que Burney présente deux versions de la première Pythique de Pindare : une version monodique et une version harmonisée30. Avant de proposer ces deux versions, Burney a toutefois soulevé le problème de l’authenticité de cette pièce, qui lui semble quelque peu douteuse. Mais, si Burney explique que le manuscrit n’a jamais été retrouvé malgré ses recherches en Italie, la simplicité de la mélodie, qui ne comporte que six notes, pourrait confirmer l’authenticité de cette pièce, Pindare ayant utilisé, selon le témoignage de la tradition, une lyre à sept cordes31.
- 32 Ibid., p. 99. Cf. F. Hartog, Anciens, modernes, sauvages, Paris, Points-Seuil, 2008, p. 27- 54.
19Le traitement réservé à la première Pythique est différent de celui des hymnes de Mésomède, qui sont présentés dans leur version originale monodique et accompagnés de leurs notations musicales anciennes. Il faut peut-être attribuer cette différence à la stratégie argumentative de Burney dans ce chapitre : son intention est de montrer la pauvreté de la musique grecque par rapport à la musique moderne. L’excellence de la musique grecque antique ne peut être invoquée lorsqu’on lit les hymnes de Mésomède, seulement comparables aux airs de Sauvages comme les Hottentots ou les Cherokees ; contrairement à Rousseau, Burney ne concède pas qu’ils puissent être excellents d’une quelconque manière32. Cependant, entre Mésomède et Pindare, on ne peut négliger une différence de valeur puisque Pindare fait l’objet d’une admiration sans commune mesure avec la notoriété toute relative de Mésomède. La question de la valeur de la musique reste donc centrale dans l’analyse de Burney et gît intacte sous le discours érudit et critique du théoricien. Deux questions se posent : l’ode pindarique possède-t-elle une excellence que n’auraient pas les hymnes de Mésomède ? Comment écouter cette pièce grecque dans les années 1770 ?
- 33 Ibid., p. 102.
- 34 Ibid., p. 103.
20Pour Burney, la valeur d’une pièce musicale se mesure à son adéquation avec le système harmonique et rythmique occidental. Si l’ode de Pindare possède une quelconque valeur esthétique, elle doit donc pouvoir être « traduite » dans la langue musicale moderne afin qu’un auditeur du dix-huitième siècle en éprouve encore les effets. Dans ce but, Burney choisit deux voies : l’acclimatation de l’ode grâce à une transcription en « mi mineur », avec insertion des mètres grecs dans des mesures binaires et ternaires ; la comparaison avec des musiques extra-européennes ou « primitives », tels ces airs persans et orientaux qui, d’après Burney, font entendre très souvent des arrêts sur des accords de septième de dominante comme dans la Pythique33. C’est ainsi que l’ode de Pindare perd son caractère de document historique pour devenir une pièce d’une « simplicité naturelle » analogue à un hymne religieux, suivant la thèse de la parenté entre musique antique et plain-chant qu’on trouvait formulée à l’article « Plain-chant » du Dictionnaire de musique de Rousseau34.
21Comme chez Rousseau, la question philologique de l’authenticité de la Pythique est subordonnée au problème de la qualité esthétique de la musique grecque et de son effet sur un public contemporain. Bien qu’il ait commencé par soulever le problème de la fiabilité de Kircher, Burney en vient à évoquer la supériorité ou l’infériorité des Grecs dans la tradition de la Querelle des Anciens et des Modernes : pour l’historien anglais, il ne fait pas de doute que la musique harmonique moderne l’emporte par son énergie sur la musique antique.
Du « style pindarique » au « style dorien »
- 35 Cf. B. Bravo, Philologie, histoire, philosophie de l’histoire. Etude sur J.G. Droysen historien d (...)
22On pourrait penser qu’après Charles Burney, l’authenticité du fragment de Kircher a été radicalement mise en cause au dix-neuvième siècle avec l’essor de la critique textuelle. Le fait est que Gottfried Hermann et Christian Gottllob Heyne, deux des figures tutélaires de la philologie allemande, ne le citent pas dans leur édition des Carmina de Pindare en 1798-1799. Cependant, une autre tradition perdure dans l’histoire du pindarisme et elle inclut la musique ; on la trouve notamment du côté des philologue qui adoptent les méthodes de la Sachphilologie d’August Böckh35.
23L’étude de la Pythique a été longtemps influencée par les analyses de Böckh, un des protagonistes du néo-humanisme à l’Université de Berlin dans la première moitié du dix-neuvième siècle. Promoteur d’une philologie qui a pour tâche de reconstituer la totalité de la culture grecque, Böckh a non seulement reconstruit les institutions politiques et économiques athéniennes à partir de tous les realia disponibles dans l’Economie politique des Athéniens (1817), mais il a procédé d’une manière similaire pour les épinicies de Pindare. Le résultat de ces travaux a été exposé dans son édition des odes de Pindare, qui paraît entre 1811 et 1821.
- 36 G. Liberman, « Hermann et la colométrie pindarique de Boeckh. Révolution et contre-révolution en (...)
24Dans cet ouvrage, un des monuments de la philologie du dix-neuvième siècle, Böckh a reconstruit les strophes selon une méthode d’interprétation qui lui permet de réviser entièrement la colométrie36. Le vaste traité intitulé De Metris Pindari montre comment les épinicies sont bâties suivant des règles métriques que le philologue veut restaurer dans leur état originel. L’étude de ce commentaire et de sa réception dépasse le cadre de cet article. Contentons-nous d’indiquer ici que, pour Böckh, l’idée du poète enthousiaste, artisan d’un « beau désordre », est tempérée par l’image d’un poète créateur de formes rigoureusement structurées, tant sur le plan de la versification que sur le plan musical.
- 37 A. Böckh, De Metris Pindari, in Pindari quae supersunt, Leipzig, Weigel, 1811, Tome I, partie 2, (...)
25Pour traiter de la musique à l’époque de Pindare et du fragment musical de la première Pythique, Böckh entreprend, dans six chapitres (7-13) du livre III du De Metris Pindari, d’étudier la théorie de la musique grecque antique, son évolution, les instruments en usage, les gestes et les mouvements orchestiques37. L’intention du philologue est de comprendre, jusque dans sa matérialité sonore et corporelle, le seul monument musical hérité des poètes de l’époque classique. Il mobilise pour cela une érudition considérable et se sert de tout un appareil théorique et philosophique par lequel il veut conduire son lecteur à percevoir correctement une épinicie au-delà de la seule analyse textuelle, telle qu’elle était pratiquée par Gottfried Hermann.
- 38 Hummel, Pindare et les pindarismes, p. 71-73.
- 39 Cf. C. Corbier, « La musique grecque antique selon Karl Otfried Müller. Questions d’esthétique et (...)
- 40 A. Böckh, Enzyklopädie und Methodologie der philologischen Wissenschaften, Leipzig, Teubner, 1877 (...)
26Böckh déplace par ailleurs la question du style. Si Diderot, par exemple, avait évoqué le « style pindarique » dans un article de l’Encyclopédie38, Böckh veut prouver que Pindare est un artiste de style « dorien » et que le « dorisme » (que son élève Karl Ottfried Müller étudiera dans ses moindres manifestations en 1824 dans Die Dorier, y compris dans la musique39) règne dans les trois arts « musicaux », danse, musique, poésie, unis dans le genre « lyrique ». Comme l’explique Böckh dans l’Encyclopédie et méthodologie des sciences philologiques, la comparaison des styles est le fondement de l’histoire de la littérature. Un style est défini par l’époque et par la nationalité du poète autant que par des traits psychologiques que le philologue résume sous le nom de « caractère ». Le style littéraire entre ainsi dans un rapport dialectique avec le contexte historique, les particularités nationales et la langue dans laquelle un écrivain produit ses œuvres. L’herméneutique historique de Böckh a pour tâche d’interpréter les textes en associant dans l’analyse les structures objectives préexistantes et la subjectivité de l’artiste. Une telle méthode permet de définir les styles en vigueur dans l’Antiquité. Pour ce qui est de la Grèce, on ne trouve pas de style national unique, mais une pluralité de styles selon les Stämme (tribus ou nations) qui composaient l’espace hellénique (Doriens, Ioniens, éoliens). Ces « nations » ont donné naissance à des écoles poétiques caractérisées par des individus remarquables. Böckh souligne à cet égard la singularité de la culture des Grecs, différents des Romains et des Français, qui ont eu chacune un représentant majeur de leur style (Cicéron, Montesquieu)40.
- 41 Böckh, De Metris Pindari, p. 272.
27Ce qui est valable pour le style littéraire l’est tout autant pour la musique, de sorte que les odes de Pindare doivent être caractérisées dans leur dimension linguistique aussi bien que dans leur dimension « harmonique » et rythmique. Il faut donc les situer dans l’évolution de la musique grecque antique et tenter d’y percevoir les caractères doriens. C’est à cette tâche que s’emploie Böckh dans le livre III du De Metris Pindari, où il expose une théorie du rythme grec avant d’aborder les questions « harmoniques » et la danse des épinicies. Une telle étude doit permettre de déterminer les caractéristiques du style de Pindare. Ainsi, pour Böckh, la danse des épinicies devait être une danse « moyenne », mesurée, à l’image de la mélopée de genre hésychastique et mésoïde (c’est-à-dire dans un caractère tranquille et dans une tessiture moyenne) privilégiée par le poète qui avait fait l’éloge de la déesse Hésychia dans la huitième Pythique41. L’esprit dorien imprègne les mouvements du corps dansant, tout comme il se manifeste dans la musique.
- 42 Ibid., p. 235.
28Délaissant la visée anthropologique de Rousseau, Böckh opère alors une archéologie des « modes » grecs. Son intention est de retrouver les modes les plus anciens dans leur forme originelle, celle qu’elle pouvait revêtir au sixième et au cinquième siècles avant notre ère. Pour Böckh, qui s’appuie notamment sur le traité Sur la musique attribué à Plutarque et sur Athénée, ces « modes » primitifs étaient le dorien, l’éolien et le lydien, autrement dit deux modes « barbares » et un mode « grec » très « austère »42.
- 43 Aristide Quintilien, De Musica, I, 9, in A. Barker, Greek Musical Writings : II Harmonic and Acou (...)
- 44 Böckh, De Metris Pindari, p. 250.
29La reconstitution musicale de la première Pythique est dès lors une affaire d’interprétation et de perspective sur la culture grecque. Pour Böckh, il s’agit de « retrouver » l’esprit dorien à l’œuvre dans la musique comme dans les autres aspects des odes. Ce but guide la reconstruction du « mode » dorien qui aurait été employé par Pindare. Pour cela, le passage du Péri Mousikès d’Aristide Quintilien à propos des harmoniai qui auraient été évoquées par Platon au livre III de la République joue un rôle essentiel43. Le long exposé de Böckh sur les « modes » grecs doit permettre d’identifier les six échelles présentées par Aristide Quintilien (ionien, phrygien, syntonolydien, lydien, mixolydien, dorien). Böckh s’intéresse plus particulièrement au « mode » dorien, qui est censé correspondre à l’harmonia vantée par Platon. Chez Aristide Quintilien, cette échelle « dorienne » prend la forme d’un « ennéacorde » que Böckh tente de transformer en gamme diatonique. La démonstration du philologue, en dépit de sa technicité, peut se présenter de la manière suivante. D’après lui, cette échelle est écrite en genre enharmonique en raison de la présence des quarts de ton, et elle comporte un ton ajouté au grave. Ignorant les cinq autres échelles mentionnées par Aristide Quintilien (échelles de six ou sept notes difficiles à interpréter de la même façon), Böckh veut transposer, au prix de modifications importantes, cette échelle « enharmonique » dans une gamme en genre chromatique et en genre diatonique. Le problème est de réduire les neuf notes à huit, afin de créer une correspondance entre « nos » gammes et l’échelle « dorienne » d’Aristide Quintilien. Böckh le résout en introduisant une distinction entre l’hypate « plus grave » et l’hypate « plus aiguë » : puisqu’il y a deux sortes d’hypates (note la plus grave) dans l’échelle d’Aristide Quintilien, nous sommes bien en présence d’une gamme de huit notes avec deux tétracordes44.
- 45 Ibid., p. 268-269.
30L’essentiel, dans cette manipulation, est de transformer une échelle étrange en une gamme conforme au système diatonique moderne, fondement de la théorie harmonique conceptualisée quelques décennies auparavant par Rameau. C’est au prix d’une telle modification que Böckh peut ensuite « découvrir » le « mode » dorien dans la première Pythique. Pour justifier sa théorie, il renvoie le lecteur à l’analyse du fragment musical présentée au chapitre 12 de son commentaire45. Pour Böckh, il n’est pas douteux que cette « partition » a été composée par Pindare : parmi les arguments qu’il avance, il note que l’emploi des deux notations, vocale puis instrumentale, s’explique par le passage de la voix soliste au chant choral accompagné de cithares.
- 46 Burette, « Addition à la dissertation sur la mélopée », p. 204.
- 47 Böckh, De Metris Pindari, p. 269.
- 48 Ibid., p. 269.
- 49 Ibid., p. 269.
31Böckh reprend et déploie ici tout son système d’interprétation afin d’analyser la musique de la Pythique. D’après les tables d’Alypius, la partition est écrite dans le genre diatonique et dans le « ton lydien », que Böckh interprète comme le « ton de mi » (la gamme est donc construite comme suit : mi fa sol la si do ré mi). Aussi ne peut-on pas interpréter cette pièce comme une mélodie en mode « lydien » ou « phrygien », comme l’ont fait ses prédécesseurs46. S’il en était ainsi, alors cette ode « ne serait pas pindarique »47. Il n’est plus question d’entendre, comme le faisait Burney, une pièce en mi mineur, mais, grâce à la reconstitution philologique, on doit écouter cette ode comme un vestige de la musique dorienne. Dès lors, le gain est double (« duplex lucrum »48) : authenticité de la mélodie et validité du système (re)construit par l’archéologie musicale. Böckh a découvert le mode véritable de cette mélodie, c’est-à-dire le « mode » dorien. Mais surtout, cette mélodie lui apparaît comme une pièce tellement conforme à la théorie modale restaurée par la philologie qu’elle peut être tenue pour authentique (« ut Pindarica non esse non possit », affirme Böckh49).
32Le raisonnement du philologue permet de conjuguer valeur et authenticité. Malgré un travail d’édition critique très minutieux, Böckh ne remet pas en cause l’authenticité de la pièce alors même que ce fragment musical devrait être logiquement condamné en vertu des principes mêmes de la critique des sources. Bien plus, la théorie modale de Böckh permet de dessiner une image de la musique dorienne qui estompe ce qu’elle aurait de potentiellement inhabituel, voire de dérangeant pour les Modernes. En dépit de ses différences, la musique de Pindare reste compréhensible et elle relève pleinement du « style dorien ». La poésie lyrique exprime désormais l’appartenance à un groupe ethnique dont les caractères apparaissent dans la musique autant que dans les vers et dans les gestes.
Philologie et musicologie : une histoire plurielle de la Pythique
33Si l’autorité du professeur de l’Université de Berlin est assurée par ses travaux, des voix discordantes se sont élevées à partir des années 1840 pour contester l’authenticité de la première Pythique, de sorte que deux courants s’opposent : les savants qui rejettent le texte de Kircher font face à ceux qui le tiennent pour un document fiable, voire authentique. Cette opposition en recouvre parfois une seconde, entre des philologues maîtrisant un savoir musicologique nécessaire pour interpréter les poèmes « lyriques » comme des pièces musicales et ceux qui s’avèrent incompétents pour exécuter une telle tâche.
- 50 F. Bellermann, Anonymi scriptio de musica, Berlin, Förstner, 1841, p. IV.
- 51 S. Hagel, « “Musics”, Bellermann’s Anonymi, and the art of the aulos », Studies in Greek and Roma (...)
- 52 F. Bellerman, Die Hymnen des Dionysius und Mesomedes, Berlin, Förstner, 1840, p. 1-2.
34Parmi les historiens qui rejettent le fragment de Pindare, il faut d’abord mentionner Friedrich Bellermann. Élève de Böckh, cet érudit a été l’un des spécialistes de la musique grecque dans les années 1840, ce dont témoigne une étude importante sur la notation et les modes (Die Tonleitern und Musiknoten der Griechen, 1847). Son principal titre de gloire est d’avoir édité en 1841 des textes anonymes sur la musique, parallèlement à l’helléniste français Alexandre-Joseph-Hidulphe Vincent et après que François Perne eut signalé en 1830, dans la Revue et gazette musicale, l’existence du manuscrit conservé à la Bibliothèque royale de Paris50. Ces écrits contiennent quelques courts morceaux connus sous le nom d’« Anonymes de Bellermann », dont on pensait alors qu’il s’agissait de morceaux pour cithare (aujourd’hui, Stefan Hagel y voit en revanche des exercices pour aulètes51). Par ailleurs, le philologue berlinois a associé son nom à la « convention de Bellermann », c’est-à-dire à la transposition des hauteurs, toujours relatives dans la pratique des musiciens de l’Antiquité, dans une tessiture fixe dans laquelle la mèse (notée C en notation vocale) correspond au la 3 (la mèse de l’hypolydien). Enfin, en 1840, Bellermann a publié une édition critique des hymnes de Mésomède, analysés sur le plan de l’harmonie, du texte et du rythme. C’est dans l’introduction de cette édition qu’il explique pourquoi il a décidé de ne pas retenir le fragment de la Pythique parmi les pièces de musique grecque antique authentiques : l’absence de sources manuscrites et la personnalité de Kircher justifient selon lui cette exclusion. Mais Bellermann prend soin de rappeler que le lecteur pourra trouver la pièce de Kircher dans l’édition de Böckh, ce qui est une manière de se soumettre encore à l’autorité de son professeur52.
- 53 T. Bergk, « Zu den Hymnen des Dionysius und Mesomedes », Rheinisches Museum für Philologie, 1854, (...)
- 54 U. von Wilamowitz-Moellendorff, Pindaros, Berlin, Weidmann, 1922, p. 92-93.
- 55 J. Irigoin, Histoire du texte de Pindare, Paris, Klincksieck, 1952, p. 7.
35Ce n’est pas le cas de Theodor Bergk, le grand éditeur des poètes lyriques grecs, qui n’accorde aucune attention à la pièce de Kircher, sans doute en raison de son incompétence dans le domaine musical ; il prétend même être un « idiot » en matière de musique lorsqu’il s’agit d’étudier la notation des hymnes de Mésomède53. Bien plus tard, Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff ne reprend pas non plus le fragment de Kircher dans Pindaros (1922). Pour Wilamowitz, la musique de Pindare a irrémédiablement disparu à cause des grammairiens hellénistiques qui ont omis de noter les signes musicaux à côté des vers, alors même que la notation musicale était en usage à leur époque ; quant au fragment de Kircher, il faudrait d’abord en trouver la source manuscrite pour attester son authenticité54. Trente ans plus tard, en 1952, Jean Irigoin, dans Histoire du texte de Pindare, consacre de même une courte note à Kircher, pour confirmer le caractère « apocryphe » de son fragment musical55. À partir des années 1970, le fragment a finalement disparu des ouvrages des spécialistes de la musique grecque antique, tels Egert Pöhlmann, Martin L. West, Jacques Chailley, Giovanni Comotti, Annie Bélis.
36Pourtant, bien que l’authenticité de l’ode ait été contestée tout au long du dix-neuvième siècle, un certain nombre d’historiens ont défendu la thèse inverse jusqu’au début du vingtième siècle ou bien ont continué de mentionner la Pythique parmi les vestiges de la musique grecque antique. Citons, sans que la liste soit exhaustive, François-Joseph Fétis, François-Auguste Gevaert, August Wilhelm Ambros, Henri Lavoix fils, Félix Clément, Emil Naumann, Maurice Emmanuel, Hugo Riemann, Curt Sachs. On pourrait négliger ces savants, auteurs de textes qu’on ne lit plus guère, et les balayer d’un revers de main au nom de la vérité établie par la critique textuelle. Mais chez certains d’entre eux, la Pythique n’est pas seulement un document philologique. Elle est intégrée à une vision globale de la Grèce et convoquée tantôt pour abaisser la culture hellénique, tantôt pour la valoriser. Nous nous bornerons ici à étudier la manière dont elle est utilisée dans les livres de deux prestigieux directeurs du Conservatoire de Bruxelles, François-Joseph Fétis et François-Auguste Gevaert.
- 56 F.-J. Fétis, Histoire générale de la musique depuis les temps les plus anciens jusqu’à nos jours, (...)
- 57 Ibid., p. 248.
37Dans l’Histoire générale de la musique (1869-1876), Fétis considère que la Pythique est un document absolument authentique, car on y retrouve « un des types mélodiques les plus anciens de l’Orient, et dont la tradition a été universelle »56. Son évaluation de la Pythique peut être rapportée aux principes de la philosophie de l’histoire qu’il a définis dans les années 1830. L’histoire de la musique selon Fétis est marquée par un perfectionnement continu du langage musical depuis les temps les plus primitifs de l’humanité. Le développement de la musique mène des rudiments mélodiques et rythmiques de l’Antiquité, des civilisations orientales et des cultures « sauvages », jusqu’au plein épanouissement de la polyphonie harmonique européenne à l’époque moderne, incomparablement supérieure aux époques précédentes. Un tel épanouissement a été rendu possible par l’adoption d’un système de notation diastématique à partir de l’an mil. Contestant l’existence de toute forme de polyphonie harmonique dans l’Antiquité, Fétis a l’intention de faire de la Grèce un moment particulier dans l’évolution de l’humanité sans sacrifier à la thèse du miracle. Selon lui, les Grecs, originaires d’Orient, disposaient d’une musique monodique « peu avancée »57. Le comparatisme a pour effet de diminuer la valeur de cette musique, proche de la musique « primitive », comme le déclare Fétis en conclusion de son analyse des hymnes de Mésomède et de la Pythique :
- 58 Ibid., p. 247-248.
Si l’on compare l’immense quantité d’œuvres littéraires que nous ont léguées les Grecs, leur importance et leurs beautés, avec la rareté excessive et la médiocrité des produits de leur musique pratique, on est conduit à croire que la plupart des chants grecs étaient traditionnels comme ceux des peuples orientaux, et qu’on ne les écrivait pas […]58.
- 59 F.-A. Gevaert, Histoire et théorie de la musique de l’antiquité, I, Gand, Annoot-Braekmann, 1875, (...)
- 60 F.-A. Gevaert, Histoire et théorie de la musique de l’antiquité, II, Gand, Annoot-Braekmann, 1881 (...)
- 61 Ibid., I, p. 29-39.
38Dans Histoire et théorie de la musique de l’antiquité (1875-1881), Gevaert adopte une position radicalement opposée à celle de Fétis. Comme Fétis, il se déclare convaincu de l’authenticité de la Pythique, qu’il range dans la catégorie du mode « hypodorien » d’après sa nomenclature59. Mais en 1881, il soutient que la Pythique est authentique au nom de « l’impression que nous laisse ce fragment noté »60. L’observateur ne peut mieux s’inclure dans le champ de sa recherche, quoiqu’il adopte tous les principes d’une histoire positiviste fondée sur la compilation des sources primaires et secondaires en une somme de plusieurs centaines de pages. De plus, contrairement à Fétis, Gevaert accorde une valeur très élevée à la musique grecque : celle-ci est non seulement la source de la musique européenne, mais elle représente un art parfait dont les Modernes doivent s’inspirer pour renouveler la langue musicale dans le respect de la tradition occidentale. Dès les premières pages de son livre, Gevaert, s’appuyant notamment sur La Naissance de la tragédie à partir de l’esprit de la musique de Nietzsche (1872), en a défini les caractères (sévère, sobre, simple, objective, collective, en un mot « apollinique »), qui correspondent en réalité aux qualités attribuées à l’esprit dorien61.
- 62 Ibid., II, 1881, p. 471.
- 63 Ibid.
39Ce qui justifie donc le critère d’authenticité choisi par Gevaert, ce n’est pas la source manuscrite, mais « l’impression » de la mélodie et son caractère. Pour Gevaert comme pour Böckh, Pindare est le poète dorien par excellence, incarnation d’une Grèce classique, sereine et ordonnée : « il est certain que dans ses plus gracieuses odes lydiennes, comme dans ses dithyrambes les plus enthousiastes et même dans ses chants d’amour, le grand lyrique ne se sera jamais départi de cette sereine chasteté qui constitue l’essence de son art aristocratique »62. La simplicité de la mélodie hexatonique, qui rappelle tant d’hymnes chrétiennes primitives, s’explique par « le style sévère et châtié de Pindare » qui possédait « quelque chose d’archaïque pour les contemporains »63. Par conséquent, Kircher ne peut pas être l’auteur de ce fragment musical. On voit ainsi apparaître l’échelle de valeurs propre à Gevaert : une musique grecque excellente, « dorienne », qui se traduit dans des œuvres « lyriques » simples et austères, et que les compositeurs contemporains peuvent et doivent même imiter dans ses principes (variété modale, richesse rythmique, modération dans l’expressivité).
- 64 Ibid., p. 651-652.
40Dans l’appendice § 9 de son livre, Gevaert revient sur la question de l’authenticité de la Pythique. Il propose de renverser l’argument contradictoire concernant les deux notations. Le passage de la notation vocale dans les deux premiers vers à la notation instrumentale au vers 3 a été interprété comme l’indice d’une incohérence, puisque l’accompagnement à la cithare ne commencerait qu’après le début de la Pythique, contrairement à l’usage. Pour Gevaert, il ne s’agit là que d’un manque dans le manuscrit : la musique instrumentale commençait dès le début, mais elle n’a pas été notée. Le deuxième argument de Gevaert concerne l’utilisation de la cithare au sein des groupes strophiques : c’est dans la seconde moitié de la strophe et des antistrophes que les cithares intervenaient, ce qui explique le passage à la notation instrumentale64.
- 65 Emmanuel, « Grèce », p. 447.
41Après Gevaert, peu d’hellénistes ont maintenu l’idée d’une « partition » authentique. En 1913, Emmanuel accueille la Pythique dans son traité de la musique grecque antique parce qu’il estime que Kircher peut être digne de foi et qu’il n’avait aucun motif de tromper son lecteur : la question de la fiabilité de la source est associée à la personnalité de l’éditeur, ici crédité d’une honnêteté que de nombreux prédécesseurs d’Emmanuel ont mise en doute65. Mais Emmanuel est l’un des derniers défenseurs de Kircher : dans La musique grecque antique (1926), son collègue Théodore Reinach n’admet plus le fragment musical du Jésuite dans le corpus des vestiges de musique grecque.
42La critique textuelle l’a finalement emporté par sa méthodologie. La question de la valeur esthétique de la musique grecque est peu à peu passée au second plan par rapport au critère d’authenticité, lié au problème fondamental de l’écriture. La quête de l’authenticité aboutit à mettre à distance les Grecs, à projeter au premier plan le problème de la notation musicale et à faire en définitive de la musique grecque un objet d’étude pleinement historique. D’autre part, la création de nouveaux mondes sonores après 1945 entraîne le renouvellement des musiques de scène accompagnant la tragédie grecque, comme le montrent les musiques pour l’Orestie d’Eschyle de Boulez en 1955 et de Xenakis en 1966-1967, loin de la simplicité diatonique de la Pythique et des accents un peu surannés de la Suite delphique de Jolivet. Un autre imaginaire hellénique, marqué par l’ethnomusicologie, se fait jour.
43Tout cela n’empêche pas cependant que la pièce de Pindare-Kircher soit encore diffusée par des enregistrements discographiques. À l’inverse d’Annie Bélis dans son disque du label K617 (De la pierre au son, 1996), Gregorio Paniagua et l’ensemble Atrium Musicae de Madrid (Musique de la Grèce antique, Harmonia Mundi, 1979), Christodoulos Halaris (Music of Ancient Greece, Cultural Action – EMSE, 2008), Petros Tabouris (Music of Greek Antiquity, FM Records, 2011) ont fait figurer la première Pythique parmi les restes de musique grecque antique dans leurs disques. On peut s’interroger sur ces façons d’utiliser, voire de revendiquer un héritage musical antique aujourd’hui : pour les amateurs de musiques grecques autant que pour les hellénistes, la valeur de la Pythique et son authenticité constituent une question actuelle. Observer les stratégies d’appropriation de l’Antiquité musicale, telles qu’elles ont été élaborées par des savants et des philosophes dont la plupart sont désormais loin de nous, permet de porter un regard réflexif sur les pratiques contemporaines. La musique grecque antique a toujours engagé un choix de la part de ses interprètes : liée à des contextes socio-historiques particuliers, prise dans les mailles des idéologies, elle induit un rapport complexe avec une identité européenne qui a longtemps trouvé dans le « lyrisme », au sens large du terme, un de ses marqueurs fondamentaux.
Notes
1 C. Steinegger, La musique à la Comédie Française de 1921 à 1964, Liège, Mardaga, 2005, p. 198.
2 Après avoir subi l’influence de Varèse, Jolivet s’intéresse à la modalité, comme en témoignent les Etudes sur des modes grecs pour piano datant de 1944 (L. Kayas, André Jolivet, Paris, Fayard, 2005, p. 323-335).
3 M. Yourcenar, Pindare, Paris, Grasset, 1932, p. 287.
4 M. Emmanuel, « Grèce », in A. Lavignac et L. de La Laurencie (dir.), Encyclopédie de la musique et Dictionnaire du Conservatoire, I, 1, Paris, Delagrave, 1913, p. 447-448 et 500.
5 La première Pythique célèbre la cité ordonnée que Hiéron et son fils Dinomène doivent chercher à réaliser à Etna, sur le lieu même où Typhon est enfermé (il s’agirait probablement de Catane). Elle s’ouvre par un éloge de la citharodie et de son pouvoir magique. à l’inverse de l’aulétique d’origine monstrueuse (Athéna cherchant à imiter la plainte des Gorgones, selon le mythe exposé dans la douzième Pythique), la citharodie permet au poète de présenter l’image d’un monde gouverné selon l’idéal de Tranquillité, objet d’un éloge dans la huitième Pythique. La « musique » d’Apollon et du chœur des Muses règle l’univers dirigé par Zeus ; Arès lui-même abandonne son ardeur guerrière, vaincu par la cithare. Comme souvent chez Pindare, les premiers vers du poème sont sans aucun doute performatifs : dans les vers 2 à 4, la parole poétique évoque le pas des danseurs s’organisant harmonieusement au son de la phorminx.
6 Cf. M. L. West, Ancient Greek Music, Oxford University Press, 1992, p. 7.
7 G. Highet, The Classical Tradition. Greek and Roman influences on Western Literature, Oxford University Press, 1964, p. 221-260 ; P. Brunel, Mythopoétique des genres, Paris, P. U. F., 2002, p. 67-86 ; P. Hummel, Pindare et les pindarismes, Paris, Philologicum, 2011.
8 Cf. A. Bélis, « La redécouverte de la musique antique du xvie siècle au xixe siècle », in C. Laloue (dir.), Archéologie et musique, Paris, Cité de la musique, 2002, p. 8-17.
9 J.-J. Rousseau, Lettre à M. le Docteur Charles Burney, dans Œuvres Complètes, V, Paris, La Pléiade, 1995, p. 437.
10 Cf. P. Vendrix, Aux origines d’une discipline historique, Genève, Droz, 1993, p. 149-196, 261-277.
11 M. L. West & E. Pöhlmann (ed.), Documents of Ancient Greek Music, Oxford University Press, 2001, p. 5.
12 Cf. K. S. Grant, Dr Burney as critic and historian of music, Ann Harbor, UMI Research Press, 1983. Nous nous permettons de renvoyer à notre article « Écrire l’histoire de la musique grecque antique de Rousseau à Böckh », in E. Décultot et D. Fulda (dir.), Sattelzeit. Poétique et épistémologie du récit historique en France et en Allemagne à la fin du xviiie siècle et au début du xixe siècle, Berlin, De Gruyter, 2016, p. 252-271.
13 Cf. A. Cernuschi, Penser la musique dans l’Encyclopédie, Paris, Champion, 2000, p. 579-608.
14 « Liste des sources du Dictionnaire de musique », J.-J. Rousseau, Œuvres complètes, V, p. 1755-1797.
15 P. J. Burette, « Addition à la dissertation sur la mélopée », Histoire de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles-Lettres, tome V, 1729, p. 202-207.
16 Rousseau, Essai sur l’origine des langues, dans Œuvres complètes, V, p. 411-412.
17 Ibid., p. 412.
18 Rousseau, Lettre sur la musique française, dans Œuvres complètes, V, p. 292-294.
19 J. Starobinski, Jean-Jacques Rousseau. La transparence et l’obstacle, Paris, TEL-Gallimard, p. 324-325, 346-349, 356-375 ; J. Derrida, De la grammatologie, Paris,
Minuit, 1967, p. 261-378 ; M. Duchet, Anthropologie et histoire, Paris, Maspero, 1971, p. 322-376 ; V. Goldschmidt, Anthropologie et Politique. Les principes du système de Rousseau, Paris, Vrin, 1983, p. 146-167, 231-240 ; J. Starobinski, « Socialité de la musique », Le remède dans le mal, Paris, Gallimard, 1989, p. 208-232 ; M.-E. Duchez, « Rousseau historien de la musique », in H. Dufourt et J.-M. Fauquet, La musique : du théorique au politique, Paris, Klincksieck, 1991, p. 39-111 ; C. Kintzler, Jean-Philippe Rameau. Splendeur et naufrage de l’esthétique du plaisir à l’âge classique, Paris, Minerve, 2011 [3e édition], p. 17-39, 113-150.
20 Rousseau, Essai sur l’origine des langues, dans Œuvres complètes, V, p. 412.
21 Hummel, Pindare et les pindarismes, p. 11-87, 221-251.
22 F. Escal, « Un contradicteur de Rousseau. A l’horizon de l’opéra : voix, chant, musique selon Chabanon », L’Opéra au xviiie siècle, Université d’Aix-en-Provence, 1982,
p. 463-475.
23 Les Odes Pythiques de Pindare, avec des remarques de Chabanon, Paris, Lacombe, 1772, p. 24.
24 B. Didier, La musique des Lumières, Paris, P. U. F., 1985, p. 19-40.
25 Cf. M. Fumaroli, « Les abeilles et les araignées », in A.-M. Lecocq (éd.), La Querelle des Anciens et des Modernes, Paris, Folio-Gallimard, 2001, p. 214.
26 C. Burney, Voyage musical dans l’Europe des Lumières, traduction de M. Noiray, Paris, Flammarion, 1992, p. 226.
27 Grant, Dr Burney as critic and historian of music, p. 96-99.
28 Rousseau, Lettre à M. le Docteur Charles Burney, p. 437.
29 C. Burney, A General History of Music, I, with critical and historical notes by F. Mercer, New York-London, Harcourt, Brace and Company, 1935, p. 14-16. Cf. R. Lonsdale,
Dr Charles Burney. A literary biography, Oxford, Clarendon Press, 1965, p. 165-166, 181-182.
30 Ibid., p. 101-103.
31 Ibid., p. 99-101.
32 Ibid., p. 99. Cf. F. Hartog, Anciens, modernes, sauvages, Paris, Points-Seuil, 2008, p. 27- 54.
33 Ibid., p. 102.
34 Ibid., p. 103.
35 Cf. B. Bravo, Philologie, histoire, philosophie de l’histoire. Etude sur J.G. Droysen historien de l’antiquité, Wroclaw-Varsovie, Nauk, 1968, p. 77-105 ; E. Vogt, « Die Methodenstreit zwischen Hermann und Böckh », in H. Flashar, K. Gründer, A. Horstmann (Hrsg.), Philologie und Hermeneutik im 19. Jahrhundert, Göttingen, Vandenhoek & Ruprecht, 1979, p. 101-121 ; B. Rupp-Eisenreich, « La leçon des mots et des choses. Philologie, linguistique et ethnologie de August Boeckh à Heymann Steinthal », in M. Espagne et M. Werner (dir.), Philologiques I, Paris, Maison des sciences de l’homme, 1990, p. 365-369.
36 G. Liberman, « Hermann et la colométrie pindarique de Boeckh. Révolution et contre-révolution en métrique », in K. Sier und E. Wöckener-Gade (Hrsg.), Gottfried Hermann (1772-1848), Tübingen, Narr Verlag, 2010, p. 197-219.
37 A. Böckh, De Metris Pindari, in Pindari quae supersunt, Leipzig, Weigel, 1811, Tome I, partie 2, p. 203-272.
38 Hummel, Pindare et les pindarismes, p. 71-73.
39 Cf. C. Corbier, « La musique grecque antique selon Karl Otfried Müller. Questions d’esthétique et d’histoire culturelle », Revue de musicologie, Tome 100 (2014), n° 1,
p. 37-66.
40 A. Böckh, Enzyklopädie und Methodologie der philologischen Wissenschaften, Leipzig, Teubner, 1877, p. 127-130.
41 Böckh, De Metris Pindari, p. 272.
42 Ibid., p. 235.
43 Aristide Quintilien, De Musica, I, 9, in A. Barker, Greek Musical Writings : II Harmonic and Acoustic Theory, Cambridge University Press, 1989, p. 419-421. Cf. West, Ancient Greek Music, p. 174-176.
44 Böckh, De Metris Pindari, p. 250.
45 Ibid., p. 268-269.
46 Burette, « Addition à la dissertation sur la mélopée », p. 204.
47 Böckh, De Metris Pindari, p. 269.
48 Ibid., p. 269.
49 Ibid., p. 269.
50 F. Bellermann, Anonymi scriptio de musica, Berlin, Förstner, 1841, p. IV.
51 S. Hagel, « “Musics”, Bellermann’s Anonymi, and the art of the aulos », Studies in Greek and Roman Music, 6, 2018, p. 128-176.
52 F. Bellerman, Die Hymnen des Dionysius und Mesomedes, Berlin, Förstner, 1840, p. 1-2.
53 T. Bergk, « Zu den Hymnen des Dionysius und Mesomedes », Rheinisches Museum für Philologie, 1854, p. 311.
54 U. von Wilamowitz-Moellendorff, Pindaros, Berlin, Weidmann, 1922, p. 92-93.
55 J. Irigoin, Histoire du texte de Pindare, Paris, Klincksieck, 1952, p. 7.
56 F.-J. Fétis, Histoire générale de la musique depuis les temps les plus anciens jusqu’à nos jours, III, Paris, Firmin-Didot, 1872, p. 242.
57 Ibid., p. 248.
58 Ibid., p. 247-248.
59 F.-A. Gevaert, Histoire et théorie de la musique de l’antiquité, I, Gand, Annoot-Braekmann, 1875, p. 141-142.
60 F.-A. Gevaert, Histoire et théorie de la musique de l’antiquité, II, Gand, Annoot-Braekmann, 1881, p. 471.
61 Ibid., I, p. 29-39.
62 Ibid., II, 1881, p. 471.
63 Ibid.
64 Ibid., p. 651-652.
65 Emmanuel, « Grèce », p. 447.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Christophe Corbier, « Le pindarisme et l’archéologie musicale : style, valeur et authenticité de la première Pythique à l’époque moderne », Anabases, 30 | 2019, 33-51.
Référence électronique
Christophe Corbier, « Le pindarisme et l’archéologie musicale : style, valeur et authenticité de la première Pythique à l’époque moderne », Anabases [En ligne], 30 | 2019, mis en ligne le 21 octobre 2021, consulté le 09 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/9728 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.9728
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page