J. Pigon (éd.), The Children of Herodotus : Greek and Roman Historiography and Related Genres
J. Pigon (éd.), The Children of Herodotus : Greek and Roman Historiography and Related Genres, Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, 2008, 404 p.
39,99 livres / isbn 978-1-4438-0015-0.
Texte intégral
1Actes d’un Colloque qui s’est tenu à Wroclaw en 2007, ce volume rassemble vingt-deux contributions, rédigées à une exception près en anglais, émanant de chercheurs d’origines diverses – Pologne (11 contributeurs), Angleterre (3), Finlande (2), Allemagne, Autriche, États-Unis, France, Israël, Pays-Bas – ; quatorze de ces contributions portent sur la littérature grecque, huit sur la littérature latine. En l’absence d’une préface, le lecteur est invité à découvrir par lui-même les objectifs et les thématiques communes qui président à l’ouvrage. Le titre, The Children of Herodotus, se prête à vrai dire à une double interprétation : il s’agit soit d’illustrer la réception et l’utilisation d’Hérodote par les auteurs ultérieurs, soit de présenter plus largement un survol diachronique sur l’écriture de l’histoire dans l’Antiquité prenant comme point de départ les Histoires hérodotéennes. En fait, les deux démarches se trouvent dans le volume. Pour ce qui est de la première, St. Evans (« The Recitation of Herodotus ») envisage le premier stade de la réception d’Hérodote, le moment où il récite ses Histoires, étape qui ne fut pas sans conséquence sur la conception et la composition de l’œuvre ; Kl. Karttunen (« Phoebo uicinus Padaeus : Reflections on the Impact of Herodotean Ethnography ») passe en revue un certain nombre d’informations issues des excursus ethnographiques d’Hérodote qui sont reprises par des auteurs ultérieurs (Ammien Marcelin aurait pu être mentionné) ; A. Wojciechowska (« The Black Legend of Cambyses in Herodotus ») confronte le portrait qui est dressé de Cambyse dans les Histoires avec celui que laissent les sources égyptiennes ; M. Wecowski (« Friends or Foes ? Herodotus in Thucydides’ Preface ») aborde la question débattue du rapport du « père de l’histoire » avec Thucydide, considérant surtout les premiers chapitres de la Guerre du Péloponnèse ; B. Burliga (« Aeneas Tacticus between History and Sophistry : The Emergence of the Military Handbook ») s’attache à l’intégration d’anecdotes, notamment d’origine hérodotéenne, dans le manuel d’art militaire d’Énée le Tacticien ; J. Engels (« Universal History and Cultural Geography of the Oikoumene in Herodotus’ Historiai and Strabo’s Geographica) montre comment Strabon tout en prenant ses distances par rapport à Hérodote sur le plan de la méthode reste redevable à ce dernier, de façon indirecte, mais peut-être aussi directe ; Prz. Szczurek (« Source or Sources of Diodorus’ Account of Indian Sati/Suttee (Diod. Sic. 19.33-34.6) ? ») relève une influence d’Hérodote (V, 5, sur les Crestonéens) sur le récit que fait Diodore du sacrifice d’une Indienne montant sur le bûcher de son défunt époux et brûlant vive avec la dépouille de celui-ci, une étude qui embrasse bon nombre de témoignages antiques (et même sanskrits) sur ce type de sacrifice ; c’est aussi dans cet esprit, bien qu’il ne cite guère Hérodote, que Br.D. McQueen (« The Stepchildren of Herodotus : The Transformation of History into Fiction in the Late Antiquity »), dans un article de théorie littéraire, livre diverses réflexions sur le lien entre histoire et romans grecs.
2D’autres articles, sans aborder Hérodote, envisagent des aspects généraux de l’écriture de l’histoire : l’influence de l’épopée à propos du portrait de Nicias chez Thucydide (L. Kozak, « ‘Hope is not a Strategy’ : Homer’s Hector and Thucydides’ Nicias »), l’utilisation de l’histoire mythique au service d’une réflexion sur le monde contemporain, en l’occurrence sur la condition des Grecs comme sujets de Rome (L. Langerwerf, « The Messenians and their Foolish Courage in Pausanias’ Book 4 »), l’exploitation littéraire récurrente d’un thème, en l’occurrence celui de la vision dans la Cyropédie (R. Harman, « Viewing, Power and Interpretation in Xenophon’s Cyropaedia »), voire l’examen de la pensée des auteurs, ainsi à propos de la conception qu’ont Philon d’Alexandrie et Flavius Josèphe de l’empire romain (A. Avidov, « A Marginal Vision of Empire : Philo and Josephus on the Jews’ Integration into Imperial Society »). On mettra à part l’étude de Sl. Sprawski sur Archemachus (fgh 424), des neuf fragments desquels est proposée une nouvelle interprétation, conduisant à voir en lui l’auteur uniquement d’Euboika (et non aussi de Metonymiai) ; la démonstration (« Writing Local History : Archemachus and His Euboika ») offre simultanément un éclairage précieux sur la pratique historiographique – volontiers digressive et laissant une grande part aux mythes – des auteurs hellénistiques spécialisés dans l’histoire locale. Enfin, N.V. Sekunda (« Philistus and Alexander’s Empire [Plutarch, Vita Alexandri 8.3] »), à partir d’un passage de Plutarque, range Denys de Syracuse parmi ceux qui ont pu inspirer l’action d’Alexandre le Grand.
3Pour ce qui est de l’historiographie latine, la référence à Hérodote est pour l’essentiel absente. Trois contributions éclairent néanmoins ce que les Romains doivent à l’histoire grecque : naissance de l’historiographie romaine en réaction à une historiographie pro-carthaginoise en grec (M. Chassignet, « L’image des Barcides chez les historiographes latins de la République : naissance d’une tradition »), témoignage des Histoires Philippiques de Justin sur l’existence d’une histoire d’inspiration étolienne (J. Rzepka, « Principes semper Graeciae : Pompeius Trogus/Justinus and the Aetolian Politics of History »), témoignage de Quinte-Curce sur la mutinerie des troupes macédoniennes contre Alexandre à Opis (M. J. Olbrycht, « Curtius Rufus, the Macedonian Mutiny at Opis and Alexander’s Iranian Policy in 324 BC »). Quatre articles, sur Tacite, sujet de prédilection de l’éditeur du volume, constituent une sorte d’ensemble : K. A. Raaflaub et Fr. Römer proposent deux approches globales, le premier sur les conceptions historiographiques de l’historien (« The Truth about Tyranny : Tacitus and the Historian’s Responsibility in Early Imperial Rome »), le second sur son attitude face au Principat (« Reconsiderations on the Intention and Structure of Tacitus’ Annals ») ; J. Pigon et A. T. Fear soulève deux aspects particuliers, le premier la représentation faite de Germanicus dans le récit de la mutinerie des légions en Germanie (« The Passive Voice of the Hero : Some Peculiarities of Tacitus’ Portrayal of Germanicus in Annals 1.31-49 »), le second les échos entre César et Agricola dans l’Agricola (« A Greater than Caesar ? Rivalry with Caesar in Tacitus’ Agricola »), une enquête à laquelle on pourrait reprocher son caractère systématique (l’auteur aurait pu aussi citer M. Lausberg, « Caesar und Cato im Agricola des Tacitus », Gymnasium, 87, 1980, p. 411-430). Enfin, le survol de A. Dziuba sur la breuitas (« Breuitas as a Stylistic Feature in Roman Historiography ») est nourri essentiellement d’exemples tirés de Salluste, Velleius Paterculus et Florus.
4Au total, l’ouvrage comporte trop de contributions desquelles Hérodote est absent pour s’apparenter à une réflexion sur sa réception stricto sensu, il opère aussi trop d’impasses (rien sur Polybe ou Tite-Live par exemple) pour s’apparenter à un panorama de l’ensemble de l’historiographie antique lato sensu. On note parallèlement une grande diversité dans les contributions, certaines fort générales (St. Evans, K.A. Raaflaub, Br.D. McQueen), d’autres au contraire assez pointues (Prz. Szcurek, Sl. Sprawski), certaines se fondant sur une critique interne (L. Langerwerf, Fr. Römer), d’autres convoquant de nombreuses sources parallèles (Kl. Karttunen, J. Engels), certaines s’en tenant à établir la valeur informative des témoignages (A. Wojciechowska, N.V. Sekunda, M.J. Olbrycht), d’autres les étudiant en tant que représentations (R. Harman, J. Pigon)… Néanmoins, tel qu’il se présente, ce volume présente un intérêt dans la mesure où il illustre la légitimité de l’historiographie gréco-romaine en tant qu’objet de recherche. Peu de coquilles (p. 12, l. 3, lire « progressive », p. 225, l. 30 « semper »). Une bibliographie unique en fin de volume, pas d’index.
Pour citer cet article
Référence papier
Olivier Devillers, « J. Pigon (éd.), The Children of Herodotus : Greek and Roman Historiography and Related Genres », Anabases, 11 | 2010, 276-279.
Référence électronique
Olivier Devillers, « J. Pigon (éd.), The Children of Herodotus : Greek and Roman Historiography and Related Genres », Anabases [En ligne], 11 | 2010, mis en ligne le 01 septembre 2011, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/911 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.911
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