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Historiographie et identités culturelles

Du Weathering Project aux autoportraits en Venus : les sculptures onctueuses et savonneuses de Meekyoung Shin

Tiphaine Annabelle Besnard
p. 71-86

Résumés

L’article se concentre sur le processus artistique pour le moins singulier de l’artiste Meekyoung Shin qui use d’un matériau peu employé en sculpture : le savon. Les changements de supports, de temps, de lieu et de contexte se retrouveront ainsi au cœur de cette réflexion, réflexion qui se concentrera sur trois séries d’œuvres antiquisantes : Weathering Project (2009), Toilet Project (2012), ainsi que ses autoportraits en Vénus (2002). Nous verrons en outre comment la référence gréco-romaine migre et se métamorphose dans l’art actuel, au prisme des transferts culturels.

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Texte intégral

  • 1 Citons brièvement quelques artistes et œuvres : Jeff Koons (York, 1955-), dans la série Gazing Ba (...)
  • 2 Meekyoung Shin est née en 1967 en Corée du Sud. Elle est diplômée d’un Master of Art en sculpture (...)
  • 3 C’est à partir des années 1960 que ces questions se sont posées puisque c’est dès cette période q (...)
  • 4 La technique de sculpture est appelée « taille directe ». Elle consiste à tailler directement dan (...)

1La sculpture se fait encore aujourd’hui l’écho lointain de la statuaire grecque classique, singulièrement lorsqu’elle est figurative et réalisée avec des matériaux dits nobles (bronze ou marbre). Ainsi un certain nombre d’artistes actuels1, issus majoritairement des aires culturelles occidentale et extrême-orientale persistent à reprendre et réintroduire les œuvres canoniques de l’Antiquité à l’instar de la Vénus de Milo, de l’Aphrodite accroupie, de la Victoire de Samothrace, de la korè au péplos, du Laocoon, de l’Hercule Farnèse ou encore du Discobole. Toutefois, ces sculptures ne cessent d’être réactualisées et contemporanéisées dans des matériaux divers et parfois étonnants. De la sorte, l’artiste coréenne Meekyoung Shin2 sculpte à l’échelle 1 de véritables répliques de korai et kouroi, des types de rondes bosses caractéristiques de la période archaïque en Grèce figurant de jeunes femmes et de jeunes hommes, associés à un contexte sacré (funéraire ou votif). Citons à ce propos, par exemple, le kouros d’Aristodikos ou bien la korè 678 (fig. 1) réalisés respectivement en 2009 et 2011. L’originalité de sa recréation tient essentiellement au matériau qu’elle utilise. En effet, l’artiste ne sculpte ni marbre, ni bronze, mais un élément friable et poreux : le savon. Par cette substitution, elle change le statut de ses productions. Le marbre, roche éminemment précieuse, n’est plus que copié par ce matériau bon marché servant à l’hygiène corporelle. Si l’utilisation de ce médium est d’abord un choix esthétique de son créateur, elle rend parfois difficile sa conservation et c’est ici tout l’intérêt de la démarche artistique de Meekyoung Shin : son caractère éphémère. L’œuvre sculptée est amenée à disparaître, contrairement à son original. Si les œuvres antiques, ou du moins, leurs copies romaines ont survécu depuis plus de deux millénaires, qu’en sera-t-il des productions plastiques produites aujourd’hui? Rappelons tout de même que le questionnement autour de la pérennité des œuvres ne concerne pas uniquement le travail de cette artiste puisqu’il se pose pour une grande part de l’art contemporain3. Si nous avons évoqué succinctement la production de korai et de kouroi, il n’en demeure pas moins que l’artiste explore également d’autres périodes de l’histoire de l’art. Elle reproduit en effet avec brio, et toujours avec du savon4, le verre et la porcelaine des vases chinois commercialisés en Europe entre le xvie et le xviiie siècle, dans un travail plus global s’inscrivant au cœur de sa réflexion. L’ensemble de son œuvre s’insère effectivement de manière plus générale dans la notion de Translation, qui est aussi, soulignons-le dès à présent, le titre donné à ses séries. L’artiste entend, par cette appellation, les migrations, les transferts culturels et les réceptions entre l’Asie et l’Europe. Toutefois, nous nous intéresserons plus spécifiquement, dans le cadre de la présente réflexion, à quelques productions dont le fil conducteur est l’Antiquité. En effet, à partir de trois exemples singuliers, nous aborderons la question de la métamorphose et in fine de la mort de ses sculptures de savon causées à la fois par la dégradation du temps (Weathering Project), mais aussi provoquées par les spectateurs à l’incitation de l’artiste elle-même (Toilet Project). En outre, nous nous intéressons à la figure canonique de Vénus revêtant les traits de l’artiste dans deux autoportraits singuliers (Aphrodite de Cnide et Vénus accroupie). Enfin, nous replacerons ces créations dans un contexte plus général en menant des comparaisons avec d’autres artistes asiatiques.

Fig. 1. Meekyoung Shin, Core (série : Translation), 2009, savon, métal, bois, vernis, pigment, 96 x 35 x 16 cm, collection de l’artiste

Fig. 1. Meekyoung Shin, Core (série : Translation), 2009, savon, métal, bois, vernis, pigment, 96 x 35 x 16 cm, collection de l’artiste

Fig. 2. Meekyoung Shin, Weathering Project, 2009, installation (présentant de gauche à droite des copies du kouros du sanctuaire d’Apollon Ptoios, du kouros d’Artistodikos et du kouros de Volomandra), savon, acier, dimensions variables, Gyeonggi, Museum of Modern Art, Ansan, Corée

Des aléas météorologiques à l’action des visiteurs : les processus d’altération des Weathering et Toilet Projects

  • 5 Kouros d’Aristodikos, 510-500 av. J.-C., marbre, H : 195 cm, Musée national archéo­logique, Athèn (...)
  • 6 Kouros de Volomandra, 570-560 av. J.-C., marbre, H : 170 cm, Musée national archéologique, Athène (...)
  • 7 Kouros du sanctuaire d’Apollon Ptoios (Béotie), marbre de Naxos, 130 cm, Musée national archéolog (...)
  • 8 Gyeonggi, Museum of Modern Art, Ansan, Corée.
  • 9 M. Shin, « The Concept of Translation », dans Meekyoung Shin. Translation, Séoul, Kykje Gallery, (...)

2Weathering Project (fig. 2), à l’instar de l’ensemble des productions de Meekyoung Shin, est une œuvre évolutive. Effectivement, comme le suggère le titre, Weathering Project est un projet d’érosion, d’altération. L’œuvre, en permanente mutation, subit intempéries et aléas météorologiques. L’installation consiste en des sculptures de savon exposées en extérieur. C’est avec ce dispositif particulier que des répliques des kouroi d’Aristodikos5, de Volomandra6 ainsi que du sanctuaire d’Apollon Ptoios7, sont présentées au Gyeonggy d’Ansan8 en 2009. Les trois œuvres investissent le miroir d’eau du musée. Dressées côte à côte et à égale distance, elles reposent chacune sur un piédestal en métal. Les reflets troublés des rondes bosses dans l’eau ne font que présager leur disparition future puisque les productions de l’artiste se dégradent au fur et à mesure du temps passé. Si le savon fond sous la pluie, à contrario il se fissure sous les rayons du soleil. Dès lors, les statues masculines de l’époque archaïque s’effritent laissant apparaître leur structure interne composée d’acier inoxydable. Meekyoung Shin joue sur les contradictions et les oppositions. Nous pensons dans un premier temps à la transmigration, du savon substitué au marbre. Elle engendre un processus d’avilissement rapide qui va de pair avec une vie des formes de la sculpture. Dans un deuxième temps, nous pouvons observer la volonté de l’artiste d’exposer son travail hors des murs, contrairement aux sculptures originales qui sont protégées des intempéries grâce à leur écrin muséal. Cette volonté clairement exprimée (et présentée) de faire « souffrir » ses sculptures en ne les protégeant pas des dégradations extérieures va indéniablement à contrecourant des institutions qui cherchent, quant à elles, à les sauvegarder. Les rondes bosses de savon ont in fine un cycle de vie contrairement à leurs originaux grecs : de leur naissance dans l’atelier de l’artiste jusqu’à leur mort, exposée à la vue de tous. Enfin, un troisième temps doit être envisagé. Il s’agit du lieu géographique d’exposition puisque ces kouroi sont parfois exposés, comme c’est le cas ici, en Corée, le pays d’origine de l’artiste. En transposant ces figures canoniques de l’Antiquité à Séoul, Meekyoung Shin fait se rencontrer deux cultures, dont elle-même se présente comme l’intermédiaire : « Je m’identifie souvent comme quelqu’un à la frontière entre les cultures. Ce sont des frontières de genre, de nationalité, de culture et de temps, dont je suis constamment l’intermédiaire »9.

  • 10 Le YSP Center (Yorkshire Sculpture Park) de Wakefield et l’Oriental Museum de Durham pour ne cite (...)
  • 11 Aphrodite n’a pas été la seule effigie convoquée par l’artiste puisqu’elle a aussi réalisé des bu (...)
  • 12 Ce projet artistique, pour qu’il soit réalisable, suppose que les sculptures soient réalisées dan (...)
  • 13 Certaines créations ont en effet été dérobées lors de leur « exposition ».
  • 14 L’exposition s’est tenue du 12 novembre 2013 au 18 janvier 2014. Un catalogue, édité pour l’occas (...)
  • 15 J. Keunhye Lim, « Conceptual Footnotes on the ‘Translation’ series by Meekyoung Shin », dans Unfi (...)

3Si l’érosion des sculptures de savon est naturelle lorsque ces dernières se retrouvent en plein air, elle peut aussi être accentuée par la main de l’homme. C’est ainsi que des visiteurs sont incités à participer au processus d’altération du projet de l’artiste, sobrement intitulé Toilet Project (fig. 3). Grâce notamment à la collaboration de seize galeries et musées10 de quinze villes du Royaume-Uni, Meekyoung Shin expose, depuis 2004, des bustes à l’effigie de la déesse Aphrodite11. Toutefois, les modèles réduits12 sont installés dans un espace singulier : les toilettes. Il s’agit d’un lieu peu conventionnel pour y exposer des œuvres. Le spectateur s’attend davantage à découvrir les créations artistiques dans les salles d’exposition à proprement parler avec les normes qui lui incombent : cimaises blanches, socles, vitrines et cartels. Le savon, qui sert en premier lieu à l’hygiène corporelle, retrouve ainsi sa fonction originale. Les passages répétés des utilisateurs sur la sculpture de savon accélèrent grandement le processus de dégradation. Le visage de la divinité s’efface alors au fil du temps, se métamorphose. Les détails disparaissent et se polissent pour ne laisser qu’une forme peu discernable. L’ensemble des sculptures, dans leur état transitoire, si elles n’ont pas été totalement détruites ou volées13, se voient ensuite rassemblées et exposées. L’exposition temporaire intitulée Unfixed : A solo exhibition by Meekyoung Shin au centre culturel coréen de Londres les a notamment présentées14. L’artiste se joue des institutions muséales et des règles de conservation qui encadrent la protection des œuvres, œuvres qui sont d’ailleurs élevées au rang de reliques, dans un processus que Jade Keunhye Lim appelle relic-ification15. Soulignons à ce propos que Meekyoung Shin se passionne pour la sculpture antique et plus particulièrement pour les Frises du Parthénon qu’elle découvre au British Museum dans le cadre de ses études à Londres à la Slade School of Art en 1990. Toutefois, la présentation des marbres grecs au sein de l’écrin muséal britannique l’interroge et la mène aux réflexions qui sont au cœur de sa démarche plastique : la migration des productions de l’Antiquité classique de la Grèce et de Rome à Londres d’une part, et leur décontextualisation d’autre part, qui trouve une résonance dans La vie des images grecques. Sociétés de statues, rôles des artistes et notions esthé­tiques dans l’art grec ancien de Tonio Hölscher :

  • 16 T. Hölscher, La vie des images grecques. Sociétés de statues, rôles des artistes et notions esthé (...)

« Cette situation “muséale“ de l’art à l’époque moderne est diamétralement opposée au rapport que l’Antiquité entretenait avec les images. Il n’existait dans l’Antiquité aucune institution comparable à ce que sont aujourd’hui les musées. Les images, comme tous les autres éléments culturels, faisaient partie intégrante de la vie sociale et faisaient l’objet de pratiques culturelles très élaborées. »16

4Les sculptures de Meekyoung Shin se développent et sont pensées dans un processus de transformation, de désintégration, puis de disparition. Cependant, si les œuvres n’ont de sens et ne « vivent » que pour leur finalité de fragmentation et de destruction, elles peuvent aussi, temporairement, être incarnées.

Fig. 3. Meekyoung Shin, Toilet Venus (série : Translation/Toilet Project), 2012, savon, vernis, pigment, 31.5 x 30 x 55 cm, collection de l’artiste

De l’Antiquité classique à l’Asie contemporaine : des autoportraits singuliers

  • 17 Aphrodite de Cnide, copie romaine d’après un original grec de Praxitèle (330 av. J.-C.), marbre, (...)
  • 18 Vénus accroupie, 150 ap. J.-C., marbre, H : 107 cm, Museo Nazionale Romano, Rome (inv. 108597).
  • 19 Cette formulation est empruntée à F. Haskell et N. Penny dans Pour l’amour de l’antique. La statu (...)

5L’artiste insuffle une nouvelle vie à ses sculptures de savon, grâce à la reproduction fidèle de deux figures canoniques : l’Aphrodite de Cnide conservée au Vatican17, et la Vénus accroupie amputée de ses deux bras du Museo Nazionale Romano18. Ces copies romaines font partie des canons classiques, l’Aphrodite de Cnide étant, qui plus est, considérée comme « la plus célèbre statue du monde antique »19. Toutefois, l’originalité de son travail se distingue dans le traitement des visages : les traits asiatiques de l’artiste remplacent, telles des greffes, les figures caucasiennes, toujours dans une volonté de transmigration des formes. Bien que la sculpture fonde avec le temps, Meekyoung Shin, quant à elle, s’y fond et la personnifie. L’échange (voire l’imprégnation) qu’elle envisage avec la statuaire classique repose sur son histoire personnelle puisqu’elle atteste que :

« Ayant vécu à l’étranger et connu la vie dans différentes parties du monde, il est difficile de classer mon identité comme strictement coréenne. À bien des égards, ma vie et mon identité sont un produit de la traduction culturelle. Dans la vie quotidienne et en tant qu’artiste, je traduis constamment. »20

  • 21 Pour ce qui à trait à la polychromie en sculpture, nous vous renvoyons par exemple aux études men (...)
  • 22 L’histoire de l’art retiendra notamment les très célèbres Le Déjeuner sur l’herbe et l’Olympia d’ (...)
  • 23 Utiliser la notion d’aires culturelles en histoire de l’art contemporain n’est pas courant dans l (...)

6En définitive, la ronde bosse devient chair, « sa » chair puisqu’elle a réalisé un moulage de son propre corps dans le savon, dans une esthétique hyperréaliste. L’adjonction de couleur, pour rendre hommage aux sculptures polychromes21, vient par ailleurs renforcer l’effet. Si le marbre peut renvoyer au spectateur une image blanche et froide de l’Antiquité, le savon peint, ainsi que le visage identifiable de l’artiste permettent de l’humaniser. Le rapport à la nudité change également. Si la représentation du nu féminin divinisé est admise dans la culture occidentale, le nu féminin détaché de toute référence mythologique revêt des significations autres puisqu’il peut susciter rejet et indignation22. S’autoportraiturer dénudée grâce aux sculptures antiques n’est ainsi pas anodin et s’inscrit totalement dans la démarche de Translation de l’artiste. Les deux autoportraits en Aphrodite de Cnide (fig. 4) et en Vénus accroupie (fig. 5) soulèvent la question des échanges culturels et de leurs réceptions. En effet, substituer le visage antique pour l’incarner permet d’interroger les liens qui unissent ou différencient deux aires culturelles distinctes : occidentale et extrême-orientale23. La nudité des corps dans la sculpture coréenne n’est pas représentée. Le corps nu féminin, comme masculin, ne s’expose pas à la vue de tous. Meekyoung Shin joue donc sur ce contraste fort en dévoilant son corps, ou du moins, « ce corps » de divinité qu’elle habite. Elle va, qui plus est, à contrecourant des canons coréens. Si dans le passé, le corps féminin coréen se devait de présenter des hanches développées, il doit aujourd’hui répondre au culte de la maigreur, les jambes longues et fines et posséder une pigmentation de peau claire. Par ses autoportraits et grâce à son utilisation de la référence antique grecque et romaine, l’artiste apporte un autre regard. Pourtant ces deux figures canoniques, présentant la divinité antique sortant du bain, peuvent trouver un écho dans la culture du Mogyoktang, ces fameux spas coréens où le port de vêtement n’est pas toléré. Le rapport au nu y est donc totalement bouleversé : les Coréennes pourront tout à fait s’identifier, s’imaginant elles aussi, quittant le bassin. Si la vue est le premier sens utilisé par le spectateur, un autre ne peut être oublié : l’odorat. Les sculptures de savon que Meekyoung Shin réalise sont en effet parfumées. Cet ajout olfactif n’a rien d’anodin comme le souligne l’artiste elle-même :

  • 24 Meekyoung Shin, « The Concept of Translation ». Traduction libre de Scent, although invisible, is (...)

« Le parfum, bien qu’invisible, est une autre qualité importante du savon. Je crois qu’une interprétation réussie d’un objet devrait engager autant que possible les cinq sens. Grâce à l’expérience sensorielle, nous avons le sentiment d’être transporté dans le temps [...]. Le souvenir d’un moment, d’un lieu ou d’une émotion spécifique peut être facilement déclenché par notre sens de l’odorat. Souvent, ces associations d’odeurs peuvent être plus fortes et plus puissantes que les associations visuelles et verbales. »24

Fig. 4. Meekyoung Shin, Aphrodite of Knidos by Praxiteles, 330 BC (série : Translation), 2002, savon, acier, vernis, pigments, 165 x 76 x 82 cm, collection de l’artiste

Fig. 4. Meekyoung Shin, Aphrodite of Knidos by Praxiteles, 330 BC (série : Translation), 2002, savon, acier, vernis, pigments, 165 x 76 x 82 cm, collection de l’artiste

Fig. 5. Meekyoung Shin, Crouching Aphrodite (série : Translation), 2002, savon, vernis, parfum, 112 x 38 x 60 cm, collection de l’artiste

7Ainsi, les émanations volatiles qui se dégagent en particulier des deux divi­nités féminines (Aphrodite pour les Grecs, Vénus pour les Romains) en plus de transporter dans le temps, renforcent leur caractère « vivant ». Nous noterons que l’imprégnation du parfum sur elles n’est pas sans rappeler l’action faite par les Anciens sur leurs sculptures de culte. Dans l’ouvrage collectif Odeurs et parfums de l’Antiquité paru en 2008, l’historien et archéologue Francis Prost évoque, dans un article intitulé « L’odeur des dieux en Grèce ancienne. Encens, parfums et statues de culte » les effluves qui entourent la représentation de la divinité de l’amour et de la sexualité :

  • 25 F. Prost, « L’odeur des dieux en Grèce ancienne. Encens, parfums et statues de culte », dans L. B (...)

« Les passages littéraires qui font état du parfum d’Aphrodite sont très importants et témoignent de la complexité de la relation qui s’instaure entre l’odeur divine et les senteurs du monde. Lorsque la déesse revient à Érix, son retour s’accompagne de toute une série de signes avant-coureurs, parmi lesquels on trouve l’odeur de bouturos, espèce de plante parfumée qui se répand dans le sanctuaire (Athénée, IX, 294 sqq.). Cette plante et ses effluves propagées sont à la fois extérieures à la divinité, appartiennent au monde, et pourtant elles lui sont attachées comme à son corps, puisqu’elles sont l’indice de la présence imminente d’Aphrodite en son domaine sacré. Le parfum qui se diffuse loin de la divinité semble lui échapper en partie et en quelque sorte la répandre parmi les hommes, pour qu’ils l’identifient sans erreur lorsqu’ils se trouvent devant elle »25.

  • 26 D. Fabre, « La pérennité », dans N. Heinich, J.-M. Schaeffer, C. Talon-Hugon (sous la direction d (...)

8Il est évident qu’aujourd’hui, les parfums des sculptures de savon se répandent dans des « sanctuaires » singuliers : les salles d’exposition. Comme l’ensemble de son Œuvre, les autoportraits de Meekyoung Shin ont pour finalité de disparaître. Toutefois, contrairement aux autres productions, la Vénus accroupie et l’Aphrodite de Cnide ne sont pas présentées en extérieur et le public ne peut les toucher. Le processus de dégradation s’avère donc plus long et retardé dans la mesure où l’Aphrodite de Cnide a subi une restauration en 2013, preuve qu’ici, la sculpture a vocation à perdurer un peu plus dans le temps. « La valeur de pérennité nous est apparue toujours active mais d’autant plus changeante dans ses dispositifs qu’elle engage, bien au-delà de la sauvegarde de l’œuvre d’art et du patrimoine, le rapport de nos sociétés au temps »26, nous informe l’anthropologue Daniel Fabre. La référence aux sociétés, ici contemporaines, est majeure et ne peut être délaissée. Peut-être est-il possible d’envisager dans son travail la contemplation limitée dans le temps de ses sculptures et, plus globalement, des deux sociétés dans lesquelles elle vit, entre Asie et Europe.

L’Odyssée extrême-orientale des références antiques

  • 27 Yang Maoyuan est né en 1966 en Chine. Il est diplômé du Central Institute of Fine Arts de Pékin ( (...)
  • 28 Yang Maoyuan, Venus, 2005, marbre, 70x32x32 cm, collection particulière.
  • 29 Yang Maoyuan, Romano, 2005, marbre, 54x36x25 cm, collection particulière.
  • 30 Yang Maoyuan, Parthenon, 2005, marbre, 55x30x35 cm, collection particulière.
  • 31 Yang Maoyuan, Caracalla, 2005, marbre, 70x40x33 cm, collection particulière.
  • 32 Yang Maoyuan, Homer, 2005, marbre, 70x40x33 cm, collection particulière.
  • 33 Aphrodite, dite Vénus de Milo, vers 100 av. J.-C., marbre, H : 202 cm, Musée du Louvre, Paris (in (...)
  • 34 Jeune cavalier, Ier siècle ap. J.-C., marbre, H : 205 cm, The British Museum, Londres (inv. 1864, (...)
  • 35 Tête d’Iris, dite Tête Laborde, fragment de figure féminine du fronton ouest du Parthénon, entre (...)
  • 36 Caracalla, 212-217 ap. J.-C., marbre, H : 55 cm, Musée national archéologique, Naples (inv. 6033)
  • 37 Portrait imaginaire d’Homère, iie siècle ap. J.-C., marbre, H : 53 cm, Musée du Louvre, Paris (in (...)
  • 38 B. Joyeux-Prunel, Les transferts culturels. Un discours de la méthode, Hypothèses 2003/1 (6), p. (...)
  • 39 Xu Zhen, artiste émergent chinois, et cité en introduction de ce texte, est représenté par la gal (...)
  • 40 Yayoi Kusama, Statue of a Venus obliterated with Infinity Nets, 1998, fibre de verre, peinture ac (...)
  • 41 Xu Zhen, New (Marathon Boy), 2016, fibre de verre, acier, ciment, poudre de marbre, colle, peintu (...)
  • 42 B. Joyeux-Prunel, « Les transferts culturels », p. 154.

9Les procédés plastiques consistant à effacer les détails, dans une esthétique de la disparition, se retrouvent également dans les productions d’un autre artiste, Yang Maoyuan27. Ce dernier, à l’instar de Meekyoung Shin, recourt aux références grecques et romaines dans une série de bustes en marbre, réalisée en 2005. Le rendu final est visuellement assez proche de la série Toilet Project. Ainsi, les traits des visages deviennent lisses par endroit, rendant difficile l’identification des Venus28, Romano29, Parthenon30, et autres Caracalla31 et Homer32 (respectivement, Vénus de Milo33, Jeune cavalier34, Iris35, Caracalla36 et Homère37). De prime abord, nous pourrions penser que l’intérêt pour l’Antiquité classique venant d’artistes asiatiques n’est que marginal. Ils sont pourtant nombreux sur la scène artistique contemporaine à y avoir recours. Effectivement, si la présente étude se focalise sur l’Œuvre de Meekyoung Shin, elle nécessite tout de même une remise en contexte. L’auteur des sculptures de savon explicite sa démarche, rappelons-le, par l’utilisation du terme de « traduction ». Cette « traduction » induit, in fine, un transfert, qui plus est culturel. Comme le souligne Béatrice Joyeux-Prunel dans Les transferts culturels. Un discours de la méthode, « la notion de transfert culturel implique un mouvement d’objets, personnes, populations, mots, idées, concepts... entre deux espaces culturels (États, nations, groupes ethniques, espaces linguistiques, aires culturelles et religieuses) »38. Deux « mouvements » sont particulièrement équivoques ici : celui des artistes en tant que personnes d’une part et les sculptures antiques actualisées en tant qu’objets d’autre part. La mondialisation participe à rendre universelle l’Antiquité grecque et romaine puisque le modèle de l’enseignement classique continue à être largement diffusé dans les écoles des Beaux-Arts extrême-orientale. En outre, le marché de l’art s’est récemment ouvert, faisant la part belle aux artistes asiatiques émergents qui exposent et vendent en Occident par l’intermédiaire de galeries réputées ou d’expositions temporaires à succès39. Cela va sans dire, les emprunts à l’Antiquité, par l’intermédiaire de la statuaire, sont multiples (copies en marbre pour Yang Maoyuan, en fibre de verre pour les Vénus tachetées de Yayoi Kusama40 et les créations de Xu Zhen41, ou bien encore, comme nous avons pu le découvrir en savon pour Meekyoung Shin). Ainsi, ces artistes, deviennent-ils des « passeurs »42. Tous transfèrent, dans un va-et-vient d’Occident en Orient, puis d’Orient en Occident, leurs créations antiquisantes.

Conclusion

  • 43 Pygmalion est ce sculpteur de la mythologie qui, grâce à l’aide de Vénus voit sa création de marb (...)

10Dans le cadre de la présente réflexion, il nous a été possible de mettre en exergue les diverses « vies » des sculptures de savon de Meekyoung Shin. Les formes évoluent, s’assèchent, se polissent, se fragmentent. Le visiteur change de statut jusqu’à devenir acteur et créateur, participant à la dégradation des œuvres. Si les productions de l’artiste sont éphémères, la réflexion plus générale sur les transferts culturels, les migrations et les questions de réception persistent et s’avèrent fondamentales dans ce monde de mutations et d’échanges. S’intégrer, s’affilier, se fondre, s’exporter sont autant de termes qui caractérisent ce travail. Il est rendu possible par une démarche artistique singulière de sculpter le savon, à l’instar d’un Pygmalion insufflant la vie à ses créations43.

  • 44 M. Espagne, « La notion de transfert culturel », dans Revue Sciences/Lettres [En ligne : http://j (...)
  • 45 Si aujourd’hui les sculptures de l’Antiquité sont élevées au rang d’œuvre d’art dans les musées q (...)

11Nous avons pu observer, non sans étonnement, que le modèle grec survit en dehors de l’aire culturelle dont il était originellement issu. Le monde contem­porain dans lequel l’artiste vit et s’inscrit lui permet, non sans bienveillance, de contempler les legs d’un passé grec et romain qui s'universalise, de s’en imprégner et de l’interroger. Michel Espagne, dans un article intitulé « La notion de transfert culturel », atteste que « transférer, ce n’est pas transporter, mais plutôt métamorphoser, et le terme ne se réduit en aucun cas à la question mal circonscrite et très banale des échanges culturels. C’est moins la circulation des biens culturels que leur réinterprétation qui est en jeu »44. La corrélation entre cet extrait et le travail de Meekyoung Shin apparaît évidente : les modalités plastiques et contextuelles des œuvres antiques subissent des modifications. La métamorphose s’opère grâce au changement de matériaux (du marbre au savon), tandis que la réinterprétation soulève la question de la pérennité de l’œuvre au détriment, notamment, de la fonction initiale de la statuaire45.

  • 46 S. Gruzinski, La pensée métisse, Paris, Fayard, 1999.
  • 47 P. Burke, « Du métissage à la traduction culturelle : un itinéraire individuel », dans S. Capanem (...)

12Enfin, les productions des autres artistes mis en exergue ici, par leurs transformations puis par leur diffusion à travers les diverses aires culturelles, se « métissent ». Ce terme, emprunté à Serge Gruzinski46, semble le plus approprié pour qualifier toutes ces transformations opérées à l’heure de la mondialisation. Il vient également corroborer la thèse de Peter Burke : « grâce à la globalisation et à l’immigration, le thème du métissage, comme celui des transferts culturels, occupe aujourd’hui une place dans le monde académique qui se trouve plus centrale que jamais »47.

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Bibliographie

Orientation bibliographique

Abélès Marc, Anthropologie de la globalisation, Paris, Éditions Payot & Rivages, 2012.

Burke Peter, « Du métissage à la traduction culturelle : un itinéraire individuel », dans Sylvia Capanema, Quentin Deluermoz, Michel Molin, Marie Redon (sous la direction de), Du transfert culturel au métissage. Concepts, acteurs, pratiques, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2015, p. 621-631.

Capanema Sylvia, Deluermoz Quentin, Molin Michel, Redon Marie (sous la direction de), Du transfert culturel au métissage. Concepts, acteurs, pratiques, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2015.

Collectif, Unfixed: A solo exhibition by Meekyoung Shin, cat. exp., Londres, Korean Cultural Centre UK, 12 novembre 2013-18 janvier 2014, Londres, Anomie Publishing, 2013.

Espagne Michel, « La notion de transfert culturel », dans Revue Sciences/Lettres [En ligne], 1, 2013, consulté le 13 avril 2017.

Fabre Daniel, « La pérennité », dans Nathalie Heinich, Jean-Marie Schaeffer, Carole Talon-Hugon (sous la direction de), Par-delà le beau et le laid. Enquêtes sur les valeurs de l’art, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014, p. 83-103.

Grand-Clément Adeline, « Les marbres antiques retrouvent des couleurs : apports des recherches récentes et débats en cours », Anabases, 10/ 2009, p. 243-250.

Haskell Francis et Penny Nicholas, Pour l’amour de l’antique. La statuaire gréco-romaine et le goût européen 1500-1900, Paris, Hachette, 1988.

Heinich Nathalie, Shapiro Roberta, « Postface. Quand y a-t-il artification ? » dans De l’artification. Enquête sur le passage à l’art, Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2012, p. 267-299.

Hölscher Tonio, La vie des images grecques. Sociétés de statues, rôles des artistes et notions esthétiques dans l’art grec ancien, Paris, Hazan, 2015.

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Notes

1 Citons brièvement quelques artistes et œuvres : Jeff Koons (York, 1955-), dans la série Gazing Ball (2012-2015) présente des copies grecque et romaine pourvues d’une boule réfléchissante bleue en verre, symbole de générosité en Pennsylvanie. Yayoi Kusama (Matsumoto, 1929-) tachète de diverses couleurs la Vénus de Milo dans une série intitulée Statue of Venus Obliterated by Infinity Nets (1998). Quant à Xu Zhen (Shanghai, 1977-), artiste émergent chinois, il use des procédés plastiques que sont les greffes et les renversements. Il fait se rencontrer, dans ce que nous pouvons appeler des « greffes de civilisation », des vestiges antiques de la Grèce et de la Chine (Eternity, 2013-2015).

2 Meekyoung Shin est née en 1967 en Corée du Sud. Elle est diplômée d’un Master of Art en sculpture de l’université nationale de Séoul et d’un Master of Fine Art, également en sculpture, de la Slade School of Fine Art du University College London, obtenus respectivement en 1993 et 1998. Elle vit et travaille entre Séoul et Londres et est représentée par les galeries Kikje (Séoul) et Lefebvre & Fils (Paris).

3 C’est à partir des années 1960 que ces questions se sont posées puisque c’est dès cette période que les artistes ont cherché à défier et mettre à l’épreuve les institutions artistiques en usant de matériaux allant à contrecourant des normes imposées. En outre, des productions artistiques sont parfois faites de matériaux périssables et organiques dans une finalité de désacraliser de l’objet. Pensons particulièrement aux productions de Michel Blazy ainsi que de Daniel Spoerri.

4 La technique de sculpture est appelée « taille directe ». Elle consiste à tailler directement dans le bloc de savon.

5 Kouros d’Aristodikos, 510-500 av. J.-C., marbre, H : 195 cm, Musée national archéo­logique, Athènes (inv. 3938).

6 Kouros de Volomandra, 570-560 av. J.-C., marbre, H : 170 cm, Musée national archéologique, Athènes (inv. 1906).

7 Kouros du sanctuaire d’Apollon Ptoios (Béotie), marbre de Naxos, 130 cm, Musée national archéologique, Athènes (inv. 10).

8 Gyeonggi, Museum of Modern Art, Ansan, Corée.

9 M. Shin, « The Concept of Translation », dans Meekyoung Shin. Translation, Séoul, Kykje Gallery, 2009, p. 10. Traduction libre de l’extrait suivant : I often identify myself as someone on the border between cultures. These are borders of gender, nationality, culture and time, all of which I am continually mediating. 

10 Le YSP Center (Yorkshire Sculpture Park) de Wakefield et l’Oriental Museum de Durham pour ne citer qu’eux, ont accueilli le travail de Meekyoung Shin respective­ment du 01.08.2013 au 01.10.2013 et du 26.07.2013 au 31.10.2013. D’autres lieux ont aussi été investis par l’artiste, en particulier en Corée, son pays d’origine.

11 Aphrodite n’a pas été la seule effigie convoquée par l’artiste puisqu’elle a aussi réalisé des bustes de jeunes hommes, de jeunes femmes revêtant un bonnet phrygien, ou encore de Bouddha.

12 Ce projet artistique, pour qu’il soit réalisable, suppose que les sculptures soient réalisées dans des dimensions réduites, en adéquation avec le lieu choisi.

13 Certaines créations ont en effet été dérobées lors de leur « exposition ».

14 L’exposition s’est tenue du 12 novembre 2013 au 18 janvier 2014. Un catalogue, édité pour l’occasion présente, en outre, l’ensemble de son travail : Unfixed : A solo exhibition by Meekyoung Shin, cat. exp., Londres, Korean Cultural Centre UK, 12 novembre 2013-18 janvier 2014, Londres, Anomie Publishing, 2013.

15 J. Keunhye Lim, « Conceptual Footnotes on the ‘Translation’ series by Meekyoung Shin », dans Unfixed: A solo exhibition by Meekyoung Shin, cat. exp., Londres, Korean Cultural Centre UK, 12 novembre 2013-18 janvier 2014, Londres, Anomie Publishing, 2013, p. 63. Par ailleurs, le terme « relification » est comparable au processus d’« artification » mis en exergue et explicité par N. Heinich et R. Schapiro dans « Postface. Quand y a-t-il artification ? », dans De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2012.

16 T. Hölscher, La vie des images grecques. Sociétés de statues, rôles des artistes et notions esthétiques dans l’art grec ancien, Paris, Hazan, 2015, p. 20.

17 Aphrodite de Cnide, copie romaine d’après un original grec de Praxitèle (330 av. J.-C.), marbre, H : 204 cm, Vatican (inv. 812).

18 Vénus accroupie, 150 ap. J.-C., marbre, H : 107 cm, Museo Nazionale Romano, Rome (inv. 108597).

19 Cette formulation est empruntée à F. Haskell et N. Penny dans Pour l’amour de l’antique. La statuaire gréco-romaine et le goût européen 1500-1900, Paris, Hachette, 1988, elle-même reprise de Jonathan Richardson dans le Traité de la Peinture et de la Sculpture par Mrs. Richardson, Père et Fils, 3 vol., Amsterdam, 1728.

20 M. Shin, « The Concept of Translation », 2009 [en ligne : http://www.meekyoungshin.com], consulté le 6 novembre 2017. Traduction libre de l’extrait suivant : Having lived abroad and experienced life in different parts of the world, it is hard to categorise my identity as strictly Korean. In many ways, my life and identity is a product of cultural translation. In everyday life and as an artist, I am constantly translating.

21 Pour ce qui à trait à la polychromie en sculpture, nous vous renvoyons par exemple aux études menées par Adeline Grand-Clément et Philippe Jockey, ainsi qu’aux riches catalogues d’exposition The Color of Life : Polychromy in Sculpture from Antiquity to the Present, cat. exp., Los Angeles, Getty Villa, 6 mars-28 juin 2008, J. Paul Getty Museum and Getty Research Institute Editions, 2008 ; Transformation. Classical Sculpture in Colour, cat. exp., Copenhague, NY Carlsberg Glyptotek, 13 septembre-7 décembre 2014, Copenhague, Ny Carlsberg Glyptotek, 2014.

22 L’histoire de l’art retiendra notamment les très célèbres Le Déjeuner sur l’herbe et l’Olympia d’Édouard Manet, réalisés en 1863.

23 Utiliser la notion d’aires culturelles en histoire de l’art contemporain n’est pas courant dans la mesure où elle est davantage utilisée en géographie ainsi qu’en sciences politiques. À partir des propositions du géographe Yves Lacoste et du professeur de sciences politiques Samuel P. Huntington, nous pouvons définir les aires culturelles suivantes : occidentale, slave, extrême-orientale, latino-américaine, musulmane, africaine et indienne. Jean-François Sabouret, Svetlana Gorshenina et Alexandra Lompet-Galitzine, dans le pré-rapport « Place de la recherche sur les « aires culturelles » au CNRS : enjeux, bilan et prospectives » daté de mars 2010 justifient l’intérêt d’user des aires. Elles permettent de « repenser l’articulation des espaces culturels, politiques, économiques ou religieux mondiaux dans une perspective associant aussi bien les relations centre-périphérie que les marges, les points de clivages et de tensions, et de grandes thématiques transversales. Sa capacité à combiner homogénéité et hétérogénéité constitue de fait un axe majeur de réflexion contemporaine ».

24 Meekyoung Shin, « The Concept of Translation ». Traduction libre de Scent, although invisible, is another important quality of soap. I believe that a successful interpretation of an object should engage as far as possible all five senses. [...] A memory of a specific time, place, or emotion can be easily triggered by our sens of smell. Often these smell associations can be stronger and more powerful than even visual or verbal ones. 

25 F. Prost, « L’odeur des dieux en Grèce ancienne. Encens, parfums et statues de culte », dans L. Boudiou, D. Frère, V. Mehl (sous la direction de), Parfums et odeurs dans l’Antiquité, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 100.

26 D. Fabre, « La pérennité », dans N. Heinich, J.-M. Schaeffer, C. Talon-Hugon (sous la direction de), Par-delà le beau et le laid. Enquêtes sur les valeurs de l’art, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014, p. 102.

27 Yang Maoyuan est né en 1966 en Chine. Il est diplômé du Central Institute of Fine Arts de Pékin (1989). Il est le lauréat du Prize for Contemporary Chinese Art CCAA Award. Il vit et travaille à Pékin et est représenté par la galerie Paris-Beijing (Paris).

28 Yang Maoyuan, Venus, 2005, marbre, 70x32x32 cm, collection particulière.

29 Yang Maoyuan, Romano, 2005, marbre, 54x36x25 cm, collection particulière.

30 Yang Maoyuan, Parthenon, 2005, marbre, 55x30x35 cm, collection particulière.

31 Yang Maoyuan, Caracalla, 2005, marbre, 70x40x33 cm, collection particulière.

32 Yang Maoyuan, Homer, 2005, marbre, 70x40x33 cm, collection particulière.

33 Aphrodite, dite Vénus de Milo, vers 100 av. J.-C., marbre, H : 202 cm, Musée du Louvre, Paris (inv. Ma 399).

34 Jeune cavalier, Ier siècle ap. J.-C., marbre, H : 205 cm, The British Museum, Londres (inv. 1864,1021.2).

35 Tête d’Iris, dite Tête Laborde, fragment de figure féminine du fronton ouest du Parthénon, entre 448 et 432 av. J.-C., marbre, H : 40 cm, Musée du Louvre, Paris, (inv. Ma 740).

36 Caracalla, 212-217 ap. J.-C., marbre, H : 55 cm, Musée national archéologique, Naples (inv. 6033).

37 Portrait imaginaire d’Homère, iie siècle ap. J.-C., marbre, H : 53 cm, Musée du Louvre, Paris (inv. Ma 440).

38 B. Joyeux-Prunel, Les transferts culturels. Un discours de la méthode, Hypothèses 2003/1 (6), p. 151.

39 Xu Zhen, artiste émergent chinois, et cité en introduction de ce texte, est représenté par la galerie Perrotin. A été présentée en ses murs en 2017 une rétrospective de son travail, dans une exposition intitulée Civilization Iteration. En outre, certaines productions issues de sa série Eternity à été mise à l’honneur à la Fondation Louis Vuitton en 2016 (Bentu. Des artistes chinois dans la turbulence des mutations).

40 Yayoi Kusama, Statue of a Venus obliterated with Infinity Nets, 1998, fibre de verre, peinture acrylique, toile, 214.6x68.5x78.7 cm, collection particulière.

41 Xu Zhen, New (Marathon Boy), 2016, fibre de verre, acier, ciment, poudre de marbre, colle, peinture à l’huile sur toile, H : 130 cm, Shanghart Gallery, Shanghai, Chine.

42 B. Joyeux-Prunel, « Les transferts culturels », p. 154.

43 Pygmalion est ce sculpteur de la mythologie qui, grâce à l’aide de Vénus voit sa création de marbre prendre vie (Galatée). Ovide, Les Métamorphoses, livre X, Paris, Les Belles Lettres, 2009.

44 M. Espagne, « La notion de transfert culturel », dans Revue Sciences/Lettres [En ligne : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rsl/219], 1, 2013, consulté le 13 avril 2017.

45 Si aujourd’hui les sculptures de l’Antiquité sont élevées au rang d’œuvre d’art dans les musées qui les exposent, elles n’avaient pas, dans le passé, la finalité esthétique que nous leur attribuons. Elles avaient, en revanche, des fonctions qui pouvaient être sacrées, politiques, ou architectoniques.

46 S. Gruzinski, La pensée métisse, Paris, Fayard, 1999.

47 P. Burke, « Du métissage à la traduction culturelle : un itinéraire individuel », dans S. Capanema, Q. Deluermoz, M. Molin, M. Redon (sous la direction de), Du transfert culturel au métissage. Concepts, acteurs, pratiques, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2015, p. 622.

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Titre Fig. 1. Meekyoung Shin, Core (série : Translation), 2009, savon, métal, bois, vernis, pigment, 96 x 35 x 16 cm, collection de l’artiste
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Titre Fig. 4. Meekyoung Shin, Aphrodite of Knidos by Praxiteles, 330 BC (série : Translation), 2002, savon, acier, vernis, pigments, 165 x 76 x 82 cm, collection de l’artiste
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Pour citer cet article

Référence papier

Tiphaine Annabelle Besnard, « Du Weathering Project aux autoportraits en Venus : les sculptures onctueuses et savonneuses de Meekyoung Shin »Anabases, 29 | 2019, 71-86.

Référence électronique

Tiphaine Annabelle Besnard, « Du Weathering Project aux autoportraits en Venus : les sculptures onctueuses et savonneuses de Meekyoung Shin »Anabases [En ligne], 29 | 2019, mis en ligne le 14 avril 2021, consulté le 21 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/8593 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.8593

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