Navigation – Plan du site

AccueilNuméros28Comptes rendusSophia Xenophontos, Ethical educa...

Comptes rendus

Sophia Xenophontos, Ethical education in Plutarch: moralising agents and contexts

Mathilde Cambron-Goulet
p. 400-402
Référence(s) :

Sophia Xenophontos, Ethical education in Plutarch: moralising agents and contexts, Berlin et Boston, De Gruyter, 2016, 266 p., 99, 95 euros / isbn 9783110350364.

Texte intégral

1Xenophontos propose dans cet ouvrage une étude systématique de l’éducation morale chez Plutarque, afin d’explorer l’enseignement éthique qu’il propose dans l’ensemble du corpus qui nous est parvenu, en comparant le traitement qui en est fait dans les Vies et dans les Moralia. Son travail montre que tant dans les Vies que dans les Moralia, l’éducation morale peut s’exercer dans une grande variété de contextes, et que Plutarque déploie à cette fin une grande diversité de stratégies pédagogiques.

2Xenophontos étudie d’abord les con­ditions de possibilité de l’entreprise d’éducation morale de Plutarque, qui repose sur un certain optimisme à l’égard de l’humanité puisque certaines inclinaisons naturelles sont susceptibles d’être corrigées. L’analyse proposée dégage, de manière assez originale, une conception de l’excellence du caractère davantage aristotélicienne que platonicienne. Comme le note Xenophontos, l’environnement jouerait aux yeux de Plutarque un rôle de premier plan, car même si la nature d’une personne n’est pas susceptible de changer radicalement, le caractère quant à lui peut faire l’objet d’une transformation (metabolè) ou d’une correction (epanorthôsis) lorsque la vraie nature se révèle, tandis que l’habitude constitue en quelque sorte une seconde nature qui peut être affectée par des facteurs externes.

3Le chapitre 2 porte sur le rôle que jouent les parents dans l’éducation morale des enfants. Xenophontos souligne que Plutarque s’intéresse véritablement à l’âme de l’enfant, qui n’est pas étrangère à la psyché adulte, mais en continuité avec elle. Il en ressort d’une part que les pères influencent le développement moral, social et politique de leurs fils – rôle qui peut par ailleurs être endossé par les mères lorsqu’elles sont veuves ou financièrement plus à l’aise que leurs époux – et d’autre part que tant dans les Vies que dans les Moralia, le thème de l’enfance sert à l’éducation morale du public adulte auquel Plutarque destine ses ouvrages, puisque les interactions avec les enfants peuvent influencer la conduite des adultes.

4Dans le chapitre 3, Xenophontos montre de manière convaincante que le modèle d’enseignant que préconise Plutarque dans les Moralia trouve son illustration dans les Vies, en particulier celles d’Alcibiade et de Dion, les autres Vies mettant davantage l’accent sur l’éducation pratique. Elle voit là notamment l’illustration de l’éthique platonisante de Plutarque, qu’elle nuance en montrant l’originalité de l’attitude de Plutarque à l’égard de la poésie, dont l’étude permettrait d’acquérir les bases de la sôphrosunè, notamment parce que les poètes expriment eux-mêmes leurs jugements moraux sur la conduite de leurs personnages. Ainsi, tant le poète que le philosophe contribueraient à l’éducation morale, et la poésie et la philosophie seraient intimement liées.

5Consacré à l’éducation morale au sein du mariage, le chapitre 4 montre que si l’époux est le plus souvent responsable de la formation du caractère de sa femme, la dimension éducative de la vie conjugale s’exerce au bénéfice des deux époux. En effet, Xenophontos note, grâce à une analyse de son usage du « nous », que le mariage est pour Plutarque un partenariat dans lequel les femmes, en dépit de leur incapacité à atteindre de le même niveau philosophique que les hommes, peuvent devenir des modèles de vertu, voire enseigner la vertu à leurs époux. C’est particulièrement le cas, souligne-t-elle, lorsqu’un époux fait preuve de fragilité morale, phénomène dont on trouve l’illustration dans les Vies, notamment avec les figures de Porcia, Chilonis et Agiatis.

6La démonstration proposée au chapitre 5 est particulièrement efficace et met en valeur la relation entre l’éducation éthique et l’engagement politique, la première constituant une condition nécessaire, mais non suffisante, du second. En effet, si l’éducation morale dispensée dans la classe de philosophie vise l’excellence politique et permet de s’y préparer par le biais de débats similaires à ceux des politiciens, non seulement l’éducation philosophique se combine à l’exercice de la morale tout au long de la vie pour garantir l’action politique, mais une réaction en chaîne permet à l’homme politique à la fois de former le caractère des plus jeunes politiciens et d’éduquer le corps des citoyens.

7Le chapitre 6 montre de manière surprenante que le progrès militaire est lié dans la pensée de Plutarque au progrès moral. Pour Xenophontos, chez Plutarque, le chef militaire doit guider moralement ses troupes. Aussi l’analyse qu’elle propose souligne-t-elle l’effort de Plutarque en vue d’introduire la philosophie grecque à Rome, puisque dans les Vies, c’est une paideia grecque qui contribue à la bonne conduite éthique des affaires militaires. Les qualités du général se transférant de la sphère privée à la sphère militaire, celui-ci est susceptible d’enseigner à ses troupes à la manière d’un professeur de philosophie, et en outre, d’éduquer ses ennemis.

8L’ouvrage se termine avec l’analyse du rôle éducatif du sumposion chez Plutarque. Le thème est connu, mais l’originalité de l’analyse repose sur le parallèle que Xenophontos établit entre l’enseignement que dispense Plutarque, l’auteur, et le comportement qu’il s’attribue à titre de personnage des Propos de table. En effet, Plutarque s’y représente en position d’autorité, son double étant assigné à l’éducation de ses compagnons, une autorité qui s’exerce de manière plus ou moins agressive en fonction des qualités morales de l’interlocuteur.

9L’ensemble, qui peut sembler par moments manquer d’unité en raison de la diversité des thèmes abordés, permet toutefois à Xenophontos de mettre en lumière la prégnance de l’éducation morale tant dans les Vies que dans les Moralia. La chercheuse parvient donc, conformément à l’objectif qu’elle s’est fixé, à nous inciter à lire l’ensemble du corpus de Plutarque comme un tout.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Mathilde Cambron-Goulet, « Sophia Xenophontos, Ethical education in Plutarch: moralising agents and contexts »Anabases, 28 | 2018, 400-402.

Référence électronique

Mathilde Cambron-Goulet, « Sophia Xenophontos, Ethical education in Plutarch: moralising agents and contexts »Anabases [En ligne], 28 | 2018, mis en ligne le 09 novembre 2018, consulté le 21 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/8315 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.8315

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search