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Comptes rendus

Olga Polychronopoulou, René Treuil (dir.), Nous avons rêvé la Grèce. Représentations et idéalisations de l’héritage hellénique

Tiphaine Annabelle Besnard
p. 384-386
Référence(s) :

Olga Polychronopoulou, René Treuil (dir.), Nous avons rêvé la Grèce. Représentations et idéalisations de l’héritage hellénique, Paris, De Boccard, 2016, 262 p., 35 euros / isbn 978-2-7018-0481-1.

Texte intégral

1L’ouvrage, de 262 pages et regroupant une quinzaine de contributions, porte sur les modalités de réception, d’appropriation et de transformation de l’héritage hellénique du xixe siècle à nos jours, tant en Grèce qu’en Europe et aux États-Unis. Cet héritage, réapproprié « clef en mains » par les Grecs (pour reprendre l’expression utilisée par les deux coordinateurs dans l’avant-propos, p.14), est envisagé tant dans une perspective artistique, que littéraire, historique et archéologique. Cette approche pluridisciplinaire participe, semble-t-il, à la richesse du recueil. Les diverses modalités se retrouvent ainsi au sein de six sections thématiques, qui sont les suivantes : 1. » L’Antiquité travestie » ; 2. » La Grèce des artistes » ; 3. » Chassés-croisés littéraires » ; 4. » Images et sons » ; 5. » Contrepoint » ; 6. » Avenir ».

2« L’Antiquité travestie » s’intéresse, comme le titre le suppose, à une Antiquité grecque qui aurait été falsifiée, transformée dans le but de diffuser un idéal ou de répondre à des idéologies occidentales. Pour ce faire, R.Treuil évoque le cas de la Crète minoenne devenue européenne dès 1900 (p.21-38), tandis qu’O.Polychronopoulou analyse la reconstitution du trésor d’Atrée et de sa mise en scène lors de l’exposition universelle de 1900 à Paris (p.39-52). La contribution de P.Carlier (décédé en 2011), relue et corrigée par M.-J.Werlings, examine la biographie de Démosthène réalisée par G.Clémenceau (p.53-63). Enfin, P.Jockey démystifie « le mythe de la Grèce blanche », pour reprendre le titre de son autre ouvrage éponyme (2e éd., Paris, Belin, 2015), à partir d’exemples précis que sont les korai polychromes découvertes sur l’acropole (p.65-83).

3« La Grèce des artistes » comprend deux analyses en histoire de l’art. La première, de C.Peltre, vise à rappeler l’approche orientalisante de la Grèce dans les productions de peintres français tels que J.L.Gérôme et T.Chassériau (p.87-95). La deuxième, de M.-E.Christofoglou (p.97-113), porte sur les productions artistiques grecques du xixe et xxe siècle qualifiées de « néohellénique », dont les sujets, les formes et les couleurs auraient été « dictées » et « encouragées » (p.97) par les « Européens, Français, Russes, Anglais ou Bavarois » (p.99). Retiennent l’attention particulière de l’auteur, les artistes T.Chatzimichalis et C.Botsoglou.

4« Chassés-croisés littéraires » présente deux contributions ayant pour thème la tragédie grecque et la poésie, dans l’entre-deux-guerres principalement. P.Michelakis (p.117-129) analyse les festivals et démontre l’usage de ces « œuvres d’art totales » comme outils de propagande. Tel fut le cas du festival de Syracuse au service du Duce B.Mussolini. T.Alexiadou, quant à lui, consacre son étude aux poètes grecs « nobelisés » que sont G.Séféris et O.Élytis (Alepoudhéllis) dans une perspective non comparatiste visant à démontrer la recherche d’une Grèce « authentique » et « pure » dans leurs écrits (p.131-148). En outre, un intérêt est porté aux relations professionnelles entretenues entre ces deux poètes et des peintres : Théophilos pour le premier, P.Picasso pour le second. Par ailleurs, des photographies d’E.Sougioultzoglou-Seraidari, plus connue sous le nom de Nelly’s, agrémentent le discours de l’auteur. Nous retiendrons la plus célèbre d’entre-elles : Nikolska dansant dans le Parthénon en 1929.

5« Image et sons » contient quatre articles. A.Papageorgiou-Venetas dédie son étude à l’architecte danois naturalisé autrichien T.-E.von Hansen (p.151-163). Le format adopté, très descriptif et avant tout biographique, vise à observer la réintroduction des formes architecturales antiques à la fois en Grèce, mais aussi en Europe, dans ses créations : de l’Académie à Athènes, au parlement viennois. La musique grecque est abordée par G.Zervos (p.175-177). Bien que le titre suppose une étude des musiques « très contemporaines », le contenu n’évoque que peu la deuxième moitié du xxe et le xxie siècle n’est pas du tout abordé. H.Dumont (p.179-194) s’intéresse, quant à lui, aux références antiques dans les péplums, réalisant ainsi, en notre sens, une synthèse de son ouvrage L’Antiquité au cinéma. Vérités, légendes et manipulations paru en 2009. M.Savignon livre une analyse anthropologique de la Grèce contemporaine associant, non sans brio, diaspora, patrie, crise et tourisme de masse (p.195-216).

6Si tous les articles ont eu pour champ d’études la Grèce, E.Copeaux, en « contre­point » (p.219-242), s’interroge sur le « miracle turc », entre marginalisation et turcophobie. Enfin, deux réflexions d’O.Polychronopolou et R.Treuil sur les « avenirs ? » de la Grèce dans notre monde contemporain viennent refermer l’ouvrage (p.245-258 ; 259-262). La question de la « dilution » de l’identité grecque dans une perspective européenne s’avère particulièrement intéressante.

7Toutefois, il paraît important de souligner que l’ouvrage renferme des articles de qualités très diverses. En effet, si certains s’avèrent très précis et riches d’informations, il est en d’autres, en revanche, qui mériteraient d’être approfondis. Le manque – voire parfois l’absence – de références bibliographiques, peut laisser le lecteur sur sa faim. Par ailleurs, les thématiques choisies ne semblent pas toujours en accord avec les articles présentés. Enfin, il aurait pu être intéressant d’élargir la réflexion générale de l’idéalisation et de la représentation du « mirage grec » en convoquant des créations propres à la culture populaire contemporaine. L’univers singulier de la bande dessinée a certes été maintes fois abordé (retenons, à titre d’exemple, les actes du colloque « La bande-dessinée historique. Premier cycle : l’Antiquité », rassemblés par J.Gallego et publiés au Presses universitaires de Pau et des Pays de l’Adour en 2015), mais ce n’est pas le cas des mangas, de la publicité ou bien encore des jeux vidéos qui font pourtant eux aussi la part belle à une Grèce antique fantasmée, mais dont les études sont, à ce jour, très limitées en nombre.

8Au delà de ces remarques, retenons tout de même l’intérêt de cet ouvrage permettant au lecteur (non exclusivement philhellène) de découvrir ou de redécouvrir, dans une approche pluridisciplinaire, la Grèce et son riche héritage parfois fantasmé.

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Pour citer cet article

Référence papier

Tiphaine Annabelle Besnard, « Olga Polychronopoulou, René Treuil (dir.), Nous avons rêvé la Grèce. Représentations et idéalisations de l’héritage hellénique »Anabases, 28 | 2018, 384-386.

Référence électronique

Tiphaine Annabelle Besnard, « Olga Polychronopoulou, René Treuil (dir.), Nous avons rêvé la Grèce. Représentations et idéalisations de l’héritage hellénique »Anabases [En ligne], 28 | 2018, mis en ligne le 09 novembre 2018, consulté le 21 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/8245 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.8245

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