Brooke Holmes, Karen Marta (dir.), Liquid Antiquity
Brooke Holmes, Karen Marta (dir.), Liquid Antiquity, Athènes, Deste, 2017, 304 p. 40 euros / isbn 978-2-8399-2067-4.
Texte intégral
1Liquid Antiquity est le nom donné à un ouvrage collectif, édité en anglais et composé de 304 pages. Il est, à n’en pas douter, original tant sur le fond que sur la forme. En effet, comme le soulignent B. Holmes et K. Marta (p. 9), il ne s’agit ni d’un manuel universitaire ni d’un catalogue d’art contemporain. Pour paraphraser leur propos, l’ouvrage est envisagé comme une plateforme peu orthodoxe qui défie les conventions en réinterprétant les méthodes à travers lesquelles le classicisme et l’art contemporain sont traditionnellement présentés.
2Comme son titre le suggère, l’ouvrage vise à explorer la notion d’Antiquité liquide. Cette expression, développée dans une longue introduction par B. Holmes (p. 19-59), se doit ici d’être analysée comme métaphore : celle d’un liquide dont les propriétés seraient d’effacer et d’éroder l’original antique en diffusant, de facto à travers le temps, des représentations erronées de ce que fut l’Antiquité. Il va sans dire que l’imaginaire gréco-romain circule, voyage, persiste, survit et se façonne, à travers les siècles. Ce sont ces mutations qui sont ici étudiées. Par ailleurs, le terme classic, couramment employé dans les pays anglo-saxons, revêt une importance ici puisqu’il ne renvoie pas exclusivement à des sculptures de l’Antiquité. En effet, peu de réalisations contemporaines font explicitement référence à des œuvres gréco-romaines. Le lecteur retiendra davantage le « classique » au sens de productions actuelles « académiques » (C. Ray, Shoe Tie, 2012) ou dont le sujet peut renvoyer aux mythes (M. Barney, Envelopa : Drawing Restraint 7 [manuel] C, 1993, par exemple).
3Pour ce faire, l’ouvrage, qui est le fruit d’une collaboration avec deste (fondation d’art contemporain athénienne), a favorisé le dialogue entre antiquisants et contemporanéistes. Il rassemble, en outre, près de quarante spécialistes (universitaires, critiques, mais aussi artistes). Si les chercheurs et critiques mènent des réflexions sur des termes spécifiques comme le nu, l’archaïque, l’effacement ou le sublime, les artistes, quant à eux, évoquent leur pratique dans des entretiens menés puis retranscrits par B. Holmes. Ainsi l’ensemble du contenu participe-t-il à la richesse du document. Par ailleurs, l’alternance de textes (courts), d’entretiens et d’illustrations couleurs pleine page (voire double page) en fait un bel objet visuel, agréable à consulter.
4Trois orientations ont été choisies et développées : celle du corps (Body, p. 60-131), du temps (Time, p. 132-201) et des institutions (Institution, p. 202-277).
5La première interroge le canon comme idéal de beauté et les transformations auxquelles il peut être confronté dans les mythes. Elle se compose des entretiens des artistes U. Fischer (p. 62), C. Ray (p. 70) et K. Upson (p. 84), suivis de neuf notices portant sur les sujets suivants : The Nude (M. Squire, p. 96), The Archaic (P. Kosmadaki, p. 100), Animism (S. Papapetros, p. 104), Immortality (C.S. Wood, p. 108), Pneuma (H. Foster, p. 112), Waste (D. Padilla Peralta, p. 116), Centaur (E. Rentzou, p. 124) et Erōs (G. Sissa, p. 128).
6La deuxième met en exergue l’idée de la transmission de l’héritage classique, des formes, du contour et de la ligne, et de sa reprise à travers le temps. Elle présente, elle aussi, trois entretiens des artistes M. Barney (p. 134), C. Panayiotou (p. 144) et A. Villar Rojas (p. 152), suivie de neuf notices : Genos (E. Bianchi, p. 166), Neutrality (C. Güthenke, p. 170), Fossil (M. Stravinaki, p. 174), Debt (Y. Hamilakis, p. 178), Transmission (J. Elsner, p. 182), Mētis (Y. Tzirtzilakis, p. 186), Revolution (M. Leonard, p. 190), Crossing (P. Vasunia, p. 194) et Vzryv (D. Fore, p. 198).
7Enfin, la troisième partie vise à rappeler le rôle majeur des institutions (bibliothèques, universités et musées) dans la diffusion de l’Antiquité auprès du public. Ce sont quatre entretiens des artistes J. Koons (p. 204), A. Raza (p. 216), P. Chan (p. 224) et H. Epaminonda (p. 234) et neuf notices qui viennent la constituer : Effacement (G.W. Most, p. 242), Capital (P. DuBois, p. 246), Marmoreal (S. Goldhill, p. 250), Dialogue (J. Connolly, p. 254), Film (R. Rutkoff, p. 262), Mythmaking (R. Fletcher, p. 266), Constellation (J. Billings, p. 270) et The Sublime (J.I. Porter).
8Bien que le choix ait été fait dans cet ouvrage de ne proposer que des pistes de réflexions sur les notions précédemment citées, il aurait pu être bienvenu d’expliciter avec plus de « fluidité » les propos. En effet, les digressions sont nombreuses et éloignent parfois le lecteur de l’enjeu premier : observer comment les représentations classiques inspirent encore les artistes aujourd’hui.
9Par ailleurs, les notes de bas de page, brèves et regroupées en fin d’ouvrage, mériteraient quelques éclaircissements. Elles permettraient de guider davantage le lecteur, notamment lorsque des auteurs tels que J. Rancière (p. 27), F. Nietzche (p. 43) et M. Foucault (p. 43) sont convoqués. Toujours dans un souci d’approfondissement, des renvois opérés vers d’autres ouvrages, en bibliographie par exemple, auraient été bienvenus. Cette suggestion concerne en particulier les productions des artistes. À titre d’exemple, les séries Antiquity et Gazing Ball de Jeff Koons ont aussi été développées dans un autre entretien mené par N. Rosenthal en 2014 (Jeff Koons. Entretiens avec Norman Rosenthal, Paris, Flammarion). Des extraits auraient pu venir en complément.
10Pour conclure, retenons l’aspect novateur de la présente publication qui reconnecte l’Antiquité au monde contemporain et plus spécifiquement à la création artistique actuelle. Il faut bien reconnaître que les ouvrages associant ces deux thématiques sont rares. Liquid Antiquity participe donc pleinement au renouvellement des recherches contemporaines sur la réception de l’Antiquité.
Pour citer cet article
Référence papier
Tiphaine Annabelle Besnard, « Brooke Holmes, Karen Marta (dir.), Liquid Antiquity », Anabases, 28 | 2018, 378-380.
Référence électronique
Tiphaine Annabelle Besnard, « Brooke Holmes, Karen Marta (dir.), Liquid Antiquity », Anabases [En ligne], 28 | 2018, mis en ligne le 09 novembre 2018, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/8215 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.8215
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