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Actualités et débats

Curiosa (3) Monstruosa

Claude Aziza
p. 307-308

Texte intégral

1Le 11 mars 2018 a eu lieu le bicentenaire du roman de Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne. Belle occasion pour nous livrer à une petite enquête sur les monstres de l’Antiquité.

2Qu’est-ce qu’un Monstre ? Le mot vient du latin monstrum, dont le premier sens, attesté chez Cicéron et chez Virgile, est « un fait prodigieux », une sorte d’avertissement des dieux, puis « tout ce qui sort de la Nature ». En français, au xiie siècle, un Monstre est d’abord un animal fantastique, chimère ou dragon, puis un être vivant qui présente certaines anomalies, physiques ou morales. Un sens adouci en fait une personne d’une laideur repoussante ou d’une cruauté effrayante.

3Mais, au xvie siècle, le mot peut aussi signifier une chose incohérente formée de parties disparates. Comme le sera le « monstre » créé par Victor Frankenstein. Est monstrueux tout écart par rapport à la norme, toute irruption du surnaturel dans le quotidien (« Je ne me souviens pas, dans toute l’Iliade, d’un seul exemple où un guerrier ait perdu un bras ou une jambe : le mythe réservait ses mutilations aux Monstres », déclare Ernst Jünger).

4Retour aux mythes. Au commencement – ne l’oublions pas – était la femme – vampire. Séductrice, car de vampire à vamp, il n’y a que le poème de Kipling, The Vampire, inspiré par le fameux tableau de Philip Burne-Jones représentant une méphitique créature vampiresque à la troublante et maléfique beauté. Donc la vamp a quelque chose du vampire : c’est Lilith, la première femme, qui terrorisa tant ce pauvre Adam qu’il demanda à Dieu de la remplacer par la fade Ève. Ce sont ces Lamies qui suçaient, dans l’Antiquité, le sang des jeunes gens auxquels elles s’attachaient. La mythologie les voit sous la forme de serpents ailés avec une tête et un buste de femme. Des Lamies on passe aux Empuses, spectres infernaux de l’entourage de la déesse Hécate. Multiformes, elles prennent l’aspect de séduisantes jeunes personnes qui pompent le sang et la substance vitale des malheureux qui croisent leur chemin. Tel l’étudiant dont Philostrate nous raconte l’histoire dans La Vie d’Apollonios de Tyane. Les Stryges, elles, sont des démons- femelles qui s’attaquent plutôt aux enfants des deux sexes, pour leur sucer sang et entrailles. Du moins s’il faut en croire Ovide (Les Fastes, v.139-140). Quant aux Onoscelles, ce sont des monstres marins à la femelle apparence, que seul Lucien a rencontrées dans son Histoire véritable.

5Le mythe du loup-garou est très ancien et commun à de nombreux peuples européens. La première mention de ce mythe est attribuée à Hérodote, qui signale une tribu de lycanthropes, les « Neures » qui habitent au nord de la mer Noire (Histoires, IV, 105).

6Ovide, dans Les Métamorphoses (livre I, vers 232 – 239), raconte l’histoire du roi d’Arcadie, Lycaon qui, s’étant moqué de Jupiter, est transformé en loup : « Ses vêtements se changent en poils, ses bras, en jambes ; devenu un loup, il conserve encore des restes de son ancienne forme. Il a toujours le même poil gris, le même air farouche, les mêmes yeux ardents. » .

7Pline l’Ancien, aussi, évoque les loups-garous dans son Histoire naturelle (VIII, 34) : » Les Arcadiens disent, dans leur légende, qu’un membre de la famille d’un certain Anthus est tiré au sort parmi les siens et conduit aux bords d’un étang (…) qu’il traverse, une fois nu, à la nage pour gagner un lieu solitaire, où il se transforme en loup, ». Dans le Satyricon (LXII), Pétrone raconte la mésaventure arrivée, alors qu’il était encore esclave, à l’affranchi Niceros. Amoureux d’une femme nommée Melissa, il avait décidé de la rejoindre, en compagnie d’un soldat rencontré par hasard. C’était un soir de pleine lune. Soudain le soldat se déshabille et « pisse autour de ses vêtements, puis, d’un coup, se change en loup. (…) . Il se met à hurler et s’enfuit dans les bois. » Terrifié, Niceros s’enfuit. De retour chez son maître, un aubergiste, il retrouve le soldatqui « gisait sur son lit, comme un bœuf, et un médecin soignait sa gorge. » Il comprend alors que c’était un loup-garou !

8Après de telles descriptions, on peut regarder le cœur léger tous les monstres des années 1930, qui naquirent dans les studios hollywoodiens de la Universal. Y compris celui de Victor Frankenstein, qui – faut-il le rappeler ? – ne se nomme pas Frankenstein, mais tout simplement la Créature, le Monstre ou le Démon !

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Pour citer cet article

Référence papier

Claude Aziza, « Curiosa (3) Monstruosa »Anabases, 28 | 2018, 307-308.

Référence électronique

Claude Aziza, « Curiosa (3) Monstruosa »Anabases [En ligne], 28 | 2018, mis en ligne le 09 novembre 2020, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/8061 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.8061

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Auteur

Claude Aziza

Université de la Sorbonne Nouvelle
Paris III
claude.aziza@laposte.net

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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