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Comptes rendus

T. P. Wiseman, The Roman Audience: Classical Literature as Social History

Cyrielle Landrea
p. 249-251
Référence(s) :

T. P. Wiseman, The Roman Audience: Classical Literature as Social History, Oxford, Oxford University Press, 2015, 327 p., 75 livres / isbn 9780198718352

Texte intégral

1L’ouvrage de T. P. Wiseman s’inscrit dans les nombreuses études consacrées à la culture populaire et aux transferts culturels dans l’Antiquité, même s’il ne le dit pas explicitement. Dix chapitres ont ainsi pour but de cerner le rôle et la place du public dans toute la littérature romaine. L’approche est délibérément diachronique pour mesurer toutes les évolutions.

2Le premier chapitre (Times, Books and Preconceptions) est un préambule (p. 1-9) sur la nature de la littérature, en intégrant le support d’écriture, la longue durée et le statut des textes. Il faut tenir compte du contexte social et culturel de production littéraire. Selon l’auteur, la littérature n’était pas réservée à une élite lettrée, comme l’attestent par exemple les pièces de théâtre jouées en public. Cette position invalide les oppositions simplistes entre les élites et le peuple.

3Les chapitres 2 (Rome before literature) et 3 (Dionysus and Drama) cherchent à saisir le climat culturel de la Rome archaïque, de la création du Forum au viie s. av. J.-C. à l’utilisation du papyrus au iiie s. av. J.-C., soit en grande partie avant l’apparition de la littérature latine. L’approche est ici résolument comparatiste, car l’auteur s’attarde sur la littérature grecque, notam­ment sur l’œuvre d’Homère. D’ailleurs les interactions et les transferts culturels du monde grec vers Rome sont anciens : Tarquin le Superbe prétendait descendre d’une lignée d’aristocrates corinthiens.

4Le manque de sources littéraires implique aussi le recours à toutes les sources, comme la statuaire, les vases grecs ou les miroirs gravés. Après l’expulsion des Tarquins, l’introduction à Rome du culte de Cérès, Liber et Libera aurait été influencée par celui de Dionysos Eleuthereus à Athènes. Il aurait par conséquent pu s’accompagner de représentations théâtrales. Une récente découverte archéologique dans la cité étrusque de Caere a mis au jour un proto-théâtre datant du ve s. av. J.-C., prouvant l’existence de ces structures. Le troisième chapitre se focalise sur les Ludi. En 338 av. J.-C., G. Maenius fit aménager une galerie sur le Forum, ce qui pose la question de la nature des spectacles donnés et du public. Concernant les Ludi Romani, l’apport des fragments de Fabius Pictor et Gnaeus Naevius sont déterminants. Les Jeux de 240 av. J.-C. mettent alors en lumière les transferts culturels en vigueur, en intégrant la tradition dionysiaque grecque et l’utilisation du papyrus égyptien.

5Le chapitre 4 (An Enclosure with Benches) s’intéresse plutôt aux ludi scaenici grâce à Plaute et Térence. Toutefois un autre problème émerge car le contexte matériel des représentations reste trop inconnu. C’est pourquoi l’auteur s’intéresse à différentes structures (theatrum, scaena, cauea) pour faciliter la diffusion au public. Ensuite le chapitre 5 (Makers, Singers, Speakers, Writers) traite notamment des uates et des récitations publiques de tradition grecque. T. P. Wiseman en profite pour remettre en cause les recherches récentes focalisées sur les élites. Dans cette perspective, l’apparition de la littérature latine aurait été l’agent de l’acculturation aristocratique et l’épopée « was written for and eventually written by the Roman elite whose education best equipped them to reap literature’s reward ». La place du peuple est ici a contrario prise en compte, notamment lors des funérailles aristocratiques et de l’éloge funèbre. Cependant selon l’auteur, l’équilibre entre les riches et les pauvres a été remis en cause par l’arrogance aristocratique et les violences de la fin de la République. L’aristocratie corrompue fut donc fustigée par Lucilius et Varron dans leurs satires. Dans le chapitre 6 (A Turbulent People), l’auteur soutient également l’idée que le peuple romain a soutenu des politiciens comme Pompée contre l’arrogance aristocratique. Les troubles politiques de la fin de la République mettent alors en exergue l’implication du public romain. Contre l’idéologie aristocratique, Pompée fit construire le premier théâtre permanent à Rome.

6Les chapitres 7, 8 et 9 (Rethinking the Classic) sont conçus comme un triptyque s’intéressant à la période 59-42 puis 42-28 et 28-8 ap. J.-C., une période de foisonnement littéraire, marquée par des guerres civiles et l’instauration du Principat, très bien connue dans l’historiographie. La question de la diffusion de l’œuvre est posée, notamment pour un poète comme Catulle qui eut droit à des funérailles publiques. Le peuple devait par conséquent le connaître. Le Principat change progressivement la donne et le peuple dispose dorénavant de plusieurs structures permanentes de spectacle. Lépoque augustéenne est marquée par l’importance des cercles littéraires et l’apparition de l’élégie. La communication politique est aussi accaparée par le princeps, tandis que les sénateurs, comme Asinius Pollion, sont réduits à inviter des citoyens chez eux pour des lectures publiques.

7Enfin le dernier chapitre (Under the Emperors) s’intéresse logiquement à l’évolution du public dans la longue durée impériale, « the political story of an arrogant oligarchy tamed by the Caesars ». L’auteur passe ici en revue les différents genres, en précisant que les classiques étaient alors récités au théâtre. L’auteur termine par la critique chrétienne des ludi scaenici en quelques pages (p. 180-182). La vision chrétienne aurait gagné à être plus développée pour tenir compte de l’ensemble de l’histoire romaine.

8Afin de s’adresser à un large public, T. P. Wiseman défend le parti-pris d’avoir rejeté toutes les notes de bas de page à la fin de l’ouvrage. Certes le but est louable, mais cela rend la lecture plus difficile avec des va-et-vient incessants. C’est d’autant plus dommage que les notes sont très conséquentes et couvrent une partie substantielle de l’ouvrage (p. 183-291).

9Pour conclure, ce livre apporte une con­tribution aux études consacrées à la culture populaire et à la place du public dans la littérature antique. Les passages sur la Rome archaïque sont les plus éclairants. En dépit de quelques approximations mineures et d’oublis, l’opposition récurrente entre le peuple et l’arrogance de l’aristocratie aurait cependant gagnée à être nuancée.

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Pour citer cet article

Référence papier

Cyrielle Landrea, « T. P. Wiseman, The Roman Audience: Classical Literature as Social History »Anabases, 27 | 2018, 249-251.

Référence électronique

Cyrielle Landrea, « T. P. Wiseman, The Roman Audience: Classical Literature as Social History »Anabases [En ligne], 27 | 2018, mis en ligne le 01 avril 2018, consulté le 16 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/7388 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.7388

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