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Comptes rendus

Jürgen von Ungern-Sternberg, Les chers ennemis. Deutsche und französische Altertumswissenschaftler in Rivalität und Zusammenarbeit

Lucien Calvié
p. 244-246
Référence(s) :

Jürgen von Ungern-Sternberg, Les chers ennemis. Deutsche und französische Altertumswissenschaftler in Rivalität und Zusammenarbeit, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2017, 309 p., 54 euros/ isbn 978-3-515-11612-1

Texte intégral

1Sous un titre double, franco-allemand, et dans le cadre d’une entreprise triple, germano-helvéto-française, de quatre universités rhénanes (Bâle, Fribourg-en-Brisgau, Mulhouse et Strasbourg), l’historien J. von Ungern-Sternberg, professeur émérite à Bâle, réunit quinze de ses travaux depuis 1994, dont trois inédits. L’ensemble se clôt sur une liste des travaux de l’auteur, avec en particulier la thèse (1968-1970), sur le droit en situation d’urgence (Notstandsrecht) à l’époque républicaine tardive à Rome et l’habilitation (1975) sur Capoue à l’époque de la Deuxième Guerre punique.

2La partie du titre en français peut surprendre, mais est expliquée dès l’avant-propos. En 1870, Theodor Mommsen avait choqué l’opinion française par des « letttres ouvertes » à des Italiens. Après la paix de mars 1871, humiliante pour la France, il voulut remettre en marche au plus vite ses relations scientifiques avec Ernest Renan. Celui-ci répondit avec réserve, mais termina sur une note positive en citant Goethe et son refus du « patriotisme exclusif » et en priant son « cher ennemi » Mommsen de continuer à voir en lui, malgré tout, un « ami ».

3La définition donnée par Renan de la nation comme « principe spirituel », désir de vivre ensemble avec des souvenirs communs et « plébiscite de tous les jours », est de 1882. Elle était censée contrer la définition de la nation par le philosophe Fichte, dès 1808, au plus fort de l’humiliation prusso-allemande face à la France napoléonienne, dans ses Discours à la nation allemande : la nation comme unité fondée sur une langue supposée originelle, pure et vivante, l’allemand étant selon Fichte très supérieur aux langues romanes dérivées du latin, et donc abâtardies et quasiment mortes à la naissance. Fichte n’envisageait cependant pas une unité à fondement ethnique, tous les peuples européens étant le résultat de « mélanges ». Mais nombre de ses successeurs plus ou moins légitimes, du xixe au xxe siècle, du national-romantisme au national-socialisme, sommet paroxystique du processus, en passant par le pangermanisme et la « révolution conservatrice » des années 1920 et 1930, ne se sont pas privés d’inférer d’une langue « pure » et « supérieure » à une race tout aussi « pure » et « supérieure ».

4C’est l’ambivalence des « chers ennemis » que l’auteur, à travers ses propres travaux, explore à propos des chercheurs allemands et français en sciences de l’Antiquité du xixe siècle au xxe. Ces « ennemis » deviennent ou redeviennent « chers » une fois la paix revenue, essentiellement par le biais de la coopération scientifique. On évite en général de traduire l’allemand Zusammenarbeit par « collaboration », terme négativement connoté depuis 1940. Mais des personnages officiels et des journalistes français paraissent ne plus y prêter attention : simple inattention significative, voire révélatrice d’une forme d’inconscience historique ?

5Les deux premiers textes concernent 1914-1918, l’antagonisme le plus virulent – Bergson ne déclare-t-il pas en 1914 devant l’Académie des Sciences morales et poli­tiques que la guerre contre l’Allemagne est « la lutte même de la civilisation contre la barbarie » ? – cédant parfois le pas, même alors, au maintien d’une coopération trouvant cependant rapidement sa limite : dès 1914, des chercheurs français de renom démissionnent de l’Académie de Berlin et de l’Institut allemand d’archéologie.

6Les textes suivants sont plus focalisés : regards allemands sur Vercingétorix et français sur Arminius, le vainqueur de Varus dans la forêt de Teutoburg en 9 après J.-C. ; diversité franco-allemande des analyses de la « clientèle » à Rome ; approches différentes de l’histoire sociale de Rome, dont celle de Gaston Boissier, né en 1823 à Nîmes, ce pôle de la romanité ; histoire pédagogique (Rome dans les programmes et ouvrages scolaires français et allemands de 1850 à 1918) et histoire des sciences (l’histoire ancienne à l’École française de Rome de 1873 à 1940) ; Theodor Mommsen, son rapport à la France et à Strasbourg et la réception de ses écrits en France ; coopération franco-allemande sur les inscriptions de Délos ; fin d’une amitié scientifique (Holleaux-Karo) à l’automne 1914. En guise de conclusion, la dernière contribution examine les conséquences de la guerre sur la communauté scientifique européenne.

7Certains textes – mais pas tous, loin de là – sont traduits dans « l’autre » langue. À noter l’heureuse présence d’un index des noms propres où se retrouvent plusieurs gloires comme l’inévitable Fustel de Coulanges, le limpide Camille Jullian, Marseillais de naissance et fondateur des « Antiquités nationales », et le ferme républicain Claude Nicolet, lui aussi né à Marseille, et, sur la rive d’en face, drüben, Theodor Mommsen, Niebuhr et le toujours impressionnant Ulrich von Willamowitz-Moellendorf. Au total, un ouvrage certes un peu désordonné, mais où chacun, archéologue, historien, politologue, sociologue ou germaniste, puisera son miel.

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Pour citer cet article

Référence papier

Lucien Calvié, « Jürgen von Ungern-Sternberg, Les chers ennemis. Deutsche und französische Altertumswissenschaftler in Rivalität und Zusammenarbeit »Anabases, 27 | 2018, 244-246.

Référence électronique

Lucien Calvié, « Jürgen von Ungern-Sternberg, Les chers ennemis. Deutsche und französische Altertumswissenschaftler in Rivalität und Zusammenarbeit »Anabases [En ligne], 27 | 2018, mis en ligne le 01 avril 2018, consulté le 09 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/7367 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.7367

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