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Comptes rendus

Laura Swift, Greek Tragedy. Themes and Contexts

Germaine Aujac
p. 241-242
Référence(s) :

Laura Swift, Greek Tragedy. Themes and Contexts, London-Oxford-New York-New Delhi-Sydney, Bloomsbury, 2016, 125 p., 14, 99 livres / isbn 978-1-47423-684-6

Texte intégral

1Cette étude que Laura Swift propose modestement aux collégiens ou aux étudiants débutants est en réalité une analyse très complète des ressorts de la tragédie grecque, de l’influence qu’elle exerça en son temps, et des leçons qu’elle peut encore nous offrir. Elle est distribuée en huit chapitres, consacrés successivement au genre tragique, aux trois grands auteurs, au mythe, aux héros, aux dieux, à la pensée contemporaine, aux avatars de la famille, et finalement au rôle si important du chœur. Une chronologie, un glossaire du grec et des termes techniques, des suggestions pour plus amples lectures, complètent cet intéressant volume.

2La tragédie a pris naissance en Grèce vers la fin du vie siècle av. J.-C. et a surtout fleuri au ve siècle, au moment même où se développait la démocratie. Aristote dans sa Poétique (1449a) relie l’éclosion de la tragédie aux improvisations propres au dithyrambe, sorte de chant choral en l’honneur de Dionysos. C’est d’ailleurs durant les Grandes Dionysies qu’étaient généralement présentées, en compétition, les pièces de trois poètes tragiques. La tragédie faisait donc partie d’une imposante célébration publique destinée à unir le peuple d’Athènes en l’invitant à réfléchir sur ce que signifiait le fait d’être Athénien, de vivre dans une famille ou dans une cité.

3Laura Swift présente les trois grands auteurs de tragédies, Eschyle, Sophocle et Euripide, qui connurent un tel succès qu’Aristophane les imagine en compétition aux Enfers, dans une comédie jouée une année seulement après la mort de Sophocle. Presque toutes les tragédies évoluaient dans le monde du mythe, qui inspirait aussi les artistes en tous genres. Le public, vrai familier des récits mythologiques, était donc tout prêt à admirer, dans ce qu’il voyait sur scène, les qualités de la mise en œuvre. Au reste, le mythe était loin d’être immuable, comme en témoigne la variété des interprétations concernant l’histoire d’Hélène. La religion occupant une grande place dans la vie des Grecs, et la faveur divine envers une cité étant considérée comme essentielle à sa prospérité, on ne saurait s’étonner que les fêtes en l’honneur des dieux aient revêtu une telle ampleur. Comme le soulignait Robert Parker (Polytheism and Society at Athens, Oxford, 2005, p. 136) : « le théâtre était l’arène la plus importante dans la vie athénienne où la réflexion sur les questions théologiques s’exprimait en public ». Au ve siècle, Athènes était toute bruissante de spéculations intellectuelles ; les sophistes y régnaient en maîtres. Une des principales questions débattues concernait le rôle de la culture et des habitudes sociales sur le comportement humain, quelle était la part de l’inné et de l’acquis. Autre matière à discussion : quelle était la différence entre le grec et l’étranger, qui était qualifié de « barbare » parce qu’il ne parlait pas le grec. Les Guerres Médiques avaient mis en contact ces deux mondes si proches dans l’espace mais si éloignés dans l’esprit. La tragédie d’Eschyle, Les Perses, produite en 472, huit ans après la victoire des Grecs à Salamine, évoquait la douleur des vaincus, regagnant leur patrie couverts de honte. Ainsi la tragédie rapprochait le public ordinaire des spéculations politiques ou philosophiques qui occupaient tant les intellectuels.

4La tragédie dépeignait un monde où les sources normales de stabilité et d’autorité étaient mises en question. D’où la fréquence des problèmes familiaux et notamment du rôle dévolu à la femme dans la société athénienne. Même si elles ne prenaient aucune part à la vie politique, en tant que mères, elles engendraient des citoyens et des soldats qui assureraient la sécurité de la cité. En 450, Périclès décréta que pour être citoyen, il fallait être né d’un père et d’une mère qui seraient tous les deux citoyens, ce qui rendait les Athéniennes indispensables à la survivance de la cité. La tragédie montrait clairement les méfaits de ceux, hommes ou femmes, qui dans le mariage ne se conduisaient pas comme ils le devraient. Comment reconnaître les qualités d’un homme, aussi bien dans la sphère familiale privée que dans la vie publique ? Les relations père-fils étaient bien souvent évoquées dans leur complexité : dans Œdipe à Colonne, le père, maltraité par ses fils, se venge en les maudissant. La tragédie grecque se plaisait à dépeindre les dysfonctionnements de la famille : désintégration de ses formes traditionnelles, irrespect de ses membres pour leur propre rôle. Elle montrait les manques et les tensions inhérents au système social représenté, et en particulier les conséquences désastreuses de tout manque de respect envers les valeurs familiales.

5En Grèce, toute pièce de théâtre, tragédie, comédie ou drame satyrique, exigeait la présence d’un chœur, groupe d’hommes ou de femmes qui chantaient et dansaient, tout en faisant des commentaires sur l’action qui se déroulait sous leurs yeux. Loin d’être un accessoire décoratif, le chœur est essentiel pour comprendre ce que signifiait la tragédie pour un auditoire grec. C’était lui qui devait guider le public, et mettre en lumière la pertinence des questions soulevées par le drame. Entrant généralement sur scène un peu après le début du spectacle, il y restait pendant toute sa durée, chantant des odes qui aidaient l’auditoire à comprendre les évolutions de l’action et donnaient aussi aux acteurs (ils étaient trois au maximum) le temps de changer leurs masques pour interpréter tel autre personnage. Une des principales missions de l’ode chorale était de relier l’intrigue de la pièce à de plus amples conceptions, et d’indiquer ainsi ce que l’auditeur pouvait apprendre en l’écoutant. Aussi serait-il particulièrement inopportun de minimiser l’importance des chœurs dans la tragédie grecque.

6En résumé, c’est une évocation particulièrement pertinente de la tragédie grecque, de ses tenants et de ses aboutissements, que nous offre Laura Swift dans cet ouvrage fort attractif et joliment illustré.

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Pour citer cet article

Référence papier

Germaine Aujac, « Laura Swift, Greek Tragedy. Themes and Contexts »Anabases, 27 | 2018, 241-242.

Référence électronique

Germaine Aujac, « Laura Swift, Greek Tragedy. Themes and Contexts »Anabases [En ligne], 27 | 2018, mis en ligne le 01 avril 2018, consulté le 08 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/7338 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.7338

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