Sylvia Estienne, Valérie Huet, François Lissarrague, Francis Prost (dir.), Figures de dieux. Construire le divin en images
Sylvia Estienne, Valérie Huet, François Lissarrague, Francis Prost (dir.), Figures de dieux. Construire le divin en images, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014, 380 p.
21 euros / isbn 97-2-7535-3522-0
Texte intégral
1Les dix-sept contributions de cet ouvrage sont tributaires d’un travail collectif, développé dans le cadre du Groupe de recherche européen du cnrs (2008-2011) figvra, où furent traités nombre de problèmes concernant la représentation des dieux dans des contextes divers. Elles sont issues des travaux de la XIVesession du programme figvra, consacrés à une réflexion sur la représentation du divin dans les mondes grec et romain qui privilégie les images divines comme moyen d’investigation. Il s’agissait de les placer dans leur contexte culturel et d’essayer de découvrir quelle notion du divin elles activent. Les axes de réflexion d’un ouvrage aussi foisonnant seraient difficiles à saisir n’étaient le solide fil d’Ariane de l’introduction et les conclusions lumineuses de F. Prost.
2Ici, l’image divine est considérée comme une affaire de construction et de message. L’imagier, le peintre, le sculpteur doivent, à la fois, rendre la divinité reconnaissable et adapter sa figure au contexte culturel et rituel auquel elle est rattachée. Ils doivent donc faire en sorte que l’image offerte porte suffisamment d’éléments pour que soient identifié le dieu et explicité le contexte cérémoniel. C’est en effet l’incorporation de l’image dans une activité rituelle référenciée qui lui vaut puissance et vénération et l’instaure comme présentification du divin. Françoise Van Harperen – « Prêtre(sse)s, tauroboles et mystères phrygiens » – met ainsi en évidence la relation très complexe que la construction de l’image divine entretient avec le rituel, les desservants du culte et la communauté cérémonielle.
3Cette problématique remet définitivement en cause la classification évolution
4niste des représentations divines initiée par Pausanias. Les différences formelles entre la pierre, le pilier, le xoanon, l’agalma, sont uniquement fondées sur la chronologie. Les images des dieux n’ont pas obéi à cette limpide cohérence évolutive et les formes aniconiques ne sont pas le premier stade de la figuration divine. Cette problématique invite également à s’interroger sur le conservatisme généralement attribué à la construction des images divines. Quelle est la part de l’innovation iconographique ? Quelle est celle de la tradition ? Pour Joannis Mylonopoulos – « Simplicity and Elaboration in the Visual construction of the Divine in Ancient Greece » – un changement iconographique qui introduit une césure dans l’histoire du dieu est en général mal perçu : l’Aphrodite de Cnide n’a pas été adoptée par les habitants de Cos parce qu’elle n’était pas la déesse qu’ils avaient l’habitude d’honorer.
5La recherche des modalités de la création de l’image divine et de sa mise en scène se retrouve dans plusieurs communications. L’image semble toujours fonctionner par référence, référence au passé, référence au rituel. Pour Emmanuelle Rosso – « Genius Augusti. Construire la divinité impériale en images » –, le style de Polyclète est apparu comme le meilleur langage visuel pour signifier le Genius d’Auguste. Elle estime, avec Jean-Yves Marc, que le style du forum d’Auguste a pesé sur la représentation du Mars de Mandeure. Youri Volokhine – « Remarques sur la vénération des reliefs au chevet des temples en Égypte ancienne : visibilité et accessibilité du divin » – met en évidence les effets illusionnistes qui permettent à l’image de présentifier le divin. Ailleurs sont examinés les procédés qui permettent de rendre plus tangible la puissance de l’image. Dirk Steuernagel – « Rule of the Game. Individual Donations in relation to the Cult Image during the Hellenistic Period » – s’intéresse au contrôle de l’accès aux images divines. Caroline Michel d’Annoville – « Penser les images des dieux païens au tournant du IIIe s. » -étudie les procédés de figuration dénoncés par le chrétien Arnobe.
6L’analyse des assemblées de dieux et de leurs assemblages est au cœur de nombreuses communications même si elle n’apparaît pas dans leur titre. Elle permet de repérer les associations, les hiérarchies, les réseaux que tissent les images pour construire le divin. Comme le dit si bien F. Prost, un dieu en image ne fonctionne jamais seul. Il implique un panthéon, un assemblage complémentaire de forces et de puissance qui complète sa capacité d’action en fonction des besoins des fidèles. Bernard Holtzmann – « Statues de culte et figures associées d’Athéna sur l’Acropole d’Athènes » – montre que la déesse est vénérée selon une combinaison d’images et d’épiclèses à même de représenter la totalité de ses fonctions. Valérie Huet et Stéphanie Wyler – « Association de dieux et d’images sur les laraires de Pompéi » – insistent sur la cohésion des assemblages autour de Dionysos, ce qui impliquerait son appartenance au système religieux de la cité. Thomas Morard – « La double motivation d’Homère et d’Euripide sur l’imagerie de Grande Grèce » – montre que Dionysos, dans la construction des images sur les vases italiotes, est placé en position privilégiée sans qu’il perde sa place dans les assemblées divines.
7Un dernier axe de réflexion est consacré, comme le dit Peter Stewart – « Ephemerality in Roman Votive Images » – aux images divines éphémères créées en vue d’un rituel. F. Frontisi-Ducroux – « Images de Dionysos, le dieu masque et son phallos » – présente le dossier extraordinaire de cet agalma porté puis charrié à Délos pendant les Dionysia. Didier Viviers – « Quand le divin se meurt. Mobilité des statues et construction du divin » – montre l’importance des dispositifs éphémères qui accompagnent les grandes fêtes civiques grecques. Laurent Coulon – « Du périssable au cyclique : les effigies annuelles d’Osi-ris » – étudie les deux effigies osiriennes confectionnées à Dendera pour le mois de khoiak. Sylvia Etienne – « Aurea pompa venit. Présences divines dans les processions romaines » – attribue un rôle décisif aux processions pour définir la place des dieux. Deborah Steiner – « From the Demotic to the Divine. Cauldrons, Choral Dan-cers and Encounters with Gods » – évoque les images chargées de relier, lors de ces fêtes rituelles, mortels et immortels.
8Des travaux qui ne pourront que faire date dans la recherche de la présentification du divin.
Pour citer cet article
Référence papier
Claudine Leduc, « Sylvia Estienne, Valérie Huet, François Lissarrague, Francis Prost (dir.), Figures de dieux. Construire le divin en images », Anabases, 24 | 2016, 345-346.
Référence électronique
Claudine Leduc, « Sylvia Estienne, Valérie Huet, François Lissarrague, Francis Prost (dir.), Figures de dieux. Construire le divin en images », Anabases [En ligne], 24 | 2016, mis en ligne le 15 novembre 2016, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/5755 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.5755
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