Olivier Devillers (éd.), Autour de Pline le Jeune. En hommage à Nicole Méthy
Olivier Devillers (éd.), Autour de Pline le Jeune. En hommage à Nicole Méthy, Bordeaux, Ausonius, 2015, 321 p.
25 euros / isbn 978-2-35613-132-4
Texte intégral
1Cet ouvrage, publié en hommage à N. Méthy, a été l’occasion pour ses collègues de l’Université de Bordeaux 3 de recueillir différentes études (dont quatre de N. Méthy, parmi lesquelles un inédit qui ouvre le volume) sur l’un de ses sujets de prédilection, Pline le Jeune. Plusieurs contributions permettent, par ailleurs, d’évoquer le contexte historique et culturel au début des Antonins. Vingt textes ont ainsi été répartis en trois parties : la première traite du contexte politique et idéologique, la seconde, du contexte culturel et littéraire, la troisième, enfin, de divers thèmes et textes de Pline. Un bref avant-propos vient compléter l’économie d’un livre auquel il ne manque qu’une conclusion qui aurait été la bienvenue, de manière à donner une réelle unité à un livre par ailleurs en bien des points fort intéressant.
2La première contribution de N. Méthy s’attache, en se fondant sur les lettres échangées entre Pline et le prince, à distinguer dans la pratique du pouvoir par Trajan l’exercice concret de celui-ci (en définitive fort pragmatique et aux ambitions limitées) de l’idéal trajanien tel qu’il transparaît dans les discours officiels. Une seconde étude souligne, à travers le regard posé par les empereurs sur les provinces et les Barbares, le fait que le siècle des Antonins a été une période de mutations. Les types monétaires (notamment) vont alors dans le sens d’un approfondissement de l’impérialisme romain qui se veut plus humain. St. Benoist s’attache lui, afin de mieux appréhender le régime impérial, à analyser les références au prince (manière de le nommer, évocation – répondant à des stratégies diverses – de ses vertus, volonté de tracer une figure impériale idéale…) dans les œuvres de Pline et de Fronton. Il insiste avec raison sur le fait que la construction d’une figure impériale idéale relève d’une œuvre collective, impliquant en particulier un dialogue avec les élites destiné à promouvoir une monarchie acceptable par tous. On ne saurait, par ailleurs, que souscrire à l’heureuse formule de « république impériale ». M. P. González-Conde, pour sa part, souligne la volonté de Pline de minorer dans le Panégyrique le rôle historique de Nerva de manière à opposer plus frontalement le principat de Trajan à celui de Domitien. Le rôle du père biologique est ainsi valorisé dans le Panégyrique aux dépens du père adoptif. Plotine et, plus encore, Marciana, trouvent dans l’éloge une place particulière, témoin d’un programme dynastique initié par les proches du prince dès le début de son règne. O. Devillers, enfin, montre que Pline le Jeune a exploité l’image de Néron à la fois pour rehausser celle de Trajan et pour établir un parallèle entre ce qu’il a vécu sous Domitien et ce qu’ont vécu les opposants à Néron. Il a aussi souhaité justifier l’ouvrage historique écrit par son oncle, lequel paraît avoir été fort critiqué (notamment par Tacite) en raison de la faiblesse des analyses politiques et du goût pour l’anecdotique. Un troisième article, fort intéressant, de N. Méthy ouvre la seconde partie. À travers les exemples de Fronton et d’Apulée, elle relève que la traditionnelle dualité entre « petite » et « grande » patrie tend à se résoudre dans une notion nouvelle, celle d’Occident. L’attraction exercée par Rome relève désormais avant tout de l’état de fait : c’est là que se réalisaient les grandes carrières. Une dernière contribution de N. Méthy s’interroge sur le sens exact de felicitas associé à herbae dans Pline, Nat., 23, 19 et, par là même, sur les propriétés « magiques » de la plante dont il est question dans un épisode lié à la bataille de Pharsale. N. Boëls-Janssen montre, pour sa part, un Pline conservateur concernant la question des femmes (toutes les femmes évoquées dans les Lettres sont des matrones à la moralité irréprochable), mais adhérant dans le même temps aux évolutions de son époque plutôt que de les regretter. Les femmes de Pline sont certes vertueuses, mais elles ne sont pas austères. Il ne s’offusque pas de les voir mener une vie indépendante, apprécie celles qui sont cultivées et accorde une place centrale aux sentiments dans le couple. I. Marchesi évoque elle, à partir de Pline, Ep., 2, 6, les banquets ayant manqué aux règles du bon goût en tant que topos littéraire et souligne la différence de traitement que connaît ce thème chez Pline et Martial. Ce dialogue, plus ou moins explicite, entre les deux hommes est également au cœur de la très intéressante contribution de M. Neger qui souligne les liens étroits entre les vers légers de Pline et l’œuvre de Martial. Les allusions de Pline à ce dernier sont multiples et permettent à celui qui se voudrait le Cicéron de l’époque trajane de se présenter également en poète à succès. H. Zehnacker évoque l’usage des mots grecs dans la correspondance entre Pline et Trajan, ce dernier se montrant, en tant que prince, moins enclin à certaines facilités langagières que le premier. La question du bilinguisme, très présente dans les Vies de Suétone, trouve un prolongement dans la contribution de B. Rochette, lequel souligne que si l’attitude des empereurs a varié face au grec (quand bien même le philhellénisme a plutôt été la règle), c’est plus par scrupule (notamment politique) que par ignorance qu’Auguste a manifesté tant de réserve face à l’usage grec. On ne peut que souscrire à cette idée. Il faut d’ailleurs sans doute lier cette attitude à l’entreprise de promotion des lettres latines qui trouva alors une forme d’aboutissement.
3La troisième partie de l’ouvrage s’ouvre sur une contribution de G. Galimberti Biffino où l’on voit Pline aborder la question de la maladie dans sa dimension à la fois individuelle (dans la mesure où elle permet de mieux se connaître) et sociale, étude complétée par celle de S. Stucchi qui constate que, pour Pline, la réaction des individus face à la douleur, la perte, la souffrance, révèle leur véritable nature, d’où la nécessité d’une réaction mesurée, respectueuse des convenances et gage de la victoire de la raison sur les affects. L. Deschamps s’intéresse, pour sa part, à l’évocation par Pline (pour se justifier d’écrire des vers légers, activité jugée indigne d’un sénateur) du Varron des Satires Ménippées (qui avait lui-même, sans avoir atteint le consulat, effectué une belle carrière). Le portrait de Varron a pour objectif, via quelques arrangements avec la tradition (les uersaculi de Pline n’ont en réalité pas grand-chose de commun avec les Satires Ménippées qui avaient fait la renommée de Varron), d’en faire un modèle de vie. Sp. Tzounakas souligne, lui, la volonté de Pline d’apparaître comme l’un des orateurs les plus importants de son époque. Dans ce cadre, ses références à Démosthène ont constitué un biais pour rivaliser avec Cicéron et faire de lui le véritable « Démosthène romain ». À partir de l’Ep., 9, 26, Chr. Whitton s’intéresse à la réflexion de Pline sur la rhétorique et sur la nécessité de l’audace (laquelle n’est pas sans danger), en particulier dans les métaphores. A. Billault, dans une affaire qui oppose Dion de Pruse à d’autres personnalités de la cité, souligne que jamais Dion n’existe dans la correspondance de Pline, alors gouverneur de Bithynie, en tant qu’orateur grec et que, dans leur échange, ni Pline ni Trajan ne lui réservent un traitement particulier. Billault nous invite à travers cet épisode « à relativiser l’importance réelle de la rhétorique grecque à l’époque romaine ». La très intéressante contribution d’E. Manolaraki analyse la longue évocation par Pline dans son Panégyrique de l’impopulaire taxe de 5 % sur les héritages qu’avait imaginée Auguste et les modifications apportées par Trajan. Pline se pose ici comme celui qui éclaire les décisions de Trajan, met en valeur les motifs de la réforme de manière à ce qu’elle ne soit pas mal interprétée et donc préjudiciable au prince. G. Flamerie de Lachapelle évoque enfin un critique et auteur du xixe s. aujourd’hui oublié, Jules Janin, qui a notamment composé un essai tendant à réhabiliter un Pline le Jeune qui s’est souvent heurté à l’hostilité des Modernes.
4Au final, un ouvrage riche et qui, sans révolutionner notre perception de Pline le Jeune, apporte des éclairages variés sur cette personnalité incontournable.
Pour citer cet article
Référence papier
Philippe Le Doze, « Olivier Devillers (éd.), Autour de Pline le Jeune. En hommage à Nicole Méthy », Anabases, 24 | 2016, 339-341.
Référence électronique
Philippe Le Doze, « Olivier Devillers (éd.), Autour de Pline le Jeune. En hommage à Nicole Méthy », Anabases [En ligne], 24 | 2016, mis en ligne le 15 novembre 2016, consulté le 09 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/5747 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.5747
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