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Comptes rendus et notes de lecture

Marie-Hélène Garelli, Danser le mythe. La pantomime et sa réception dans la culture antique

Geneviève Hoffmann
p. 331-333
Référence(s) :

Marie-Hélène Garelli, Danser le mythe. La pantomime et sa réception dans la culture antique, Louvain, Paris, Dudley, Peeters, 2007, 511 p.
67 euros /isbn-978-90-429-1841-2.

Texte intégral

1Sous le titre, Danser le mythe, Marie-Hélène Garelli (MHG) nous offre la première synthèse en français sur la pantomime et sa réception dans l’Empire romain. Daté officiellement de 22 ou 23 avant notre ère, ce spectacle, chanté et dansé, qui fut diffusé en Italie par le biais du culte impérial, connut un essor fulgurant et un grand succès populaire dans tout l’Empire jusqu’au vie siècle. Interdites par Justinien en 529, ces farces mythologiques disparurent principalement à cause de la diffusion du christianisme.

2La difficulté majeure de toute enquête sur ce sujet réside dans la documentation, qui n’est pas à la hauteur du succès de ce genre nouveau : les sources sont pauvres, disparates et contradictoires. De plus, si l’importance de la pantomime a été reconnue, en particulier par la critique allemande (C. Sittl, 1890), elle a pâti d’être comparée sur un plan littéraire aux autres formes dramatiques. Elle a ainsi été appréciée comme un révélateur parmi d’autres de la décadence de la période impériale. La raison d’être de l’entreprise de MHG est de prendre la défense d’un genre injustement décrié en sollicitant toutes les sources, dont le matériel épigraphique, pour relever le défi d’une pensée humaniste réductrice. Dans la perspective d’une « archéologie littéraire » (p. VII), MHG étudie donc le contexte de la naissance de la pantomime, ses caractères et ses enjeux comme significatifs de l’évolution de la société et de la culture du temps.

3L’ouvrage est composé de trois parties, chacune étant divisée en deux chapitres, dont le premier est centré sur le genre, le second sur les danseurs. Le point de départ de l’étude est bien naturellement « l’invention du genre » (p. 23-142). À travers l’inventaire des danses mimétiques, présenté ultérieurement comme « une promenade parmi les formes », MHG souligne l’originalité de la pantomime en montrant qu’elle n’est pas « le résultat appauvri d’une évolution de la tragédie » (p. 55) et que les formes très diverses de danses mimétiques, y compris l’hyporchème, antécédent le plus proche, ne peuvent pas être considérées comme des prépantomimes. S’il est issu de la Grèce, le genre est marqué dès ses origines du sceau de la romanité. L’auteur souligne avec pertinence par le titre de ce premier chapitre que la recherche des origines, à laquelle elle s’est pliée, est un leurre dans la mesure où elle ne contribue pas à expliquer les raisons de l’apparition de la pantomime et de son développement fulgurant sous l’Empire. Le second chapitre (p. 93-142) est consacré aux danseurs et au contexte historique. Par la médiation de l’étude du vocabulaire est posée la question du creuset de formation de la pantomime entre Grèce et Italie du Sud, ainsi que celle des conditions politiques de son émergence en Italie. Le dictateur Sylla a joué un rôle majeur en favorisant un théâtre populaire et en faisant venir des artistes grecs en Italie qui portaient alors le nom latin de saltatores ou de mimi. C’est la rencontre entre l’héritage grec et les mimes lyriques de l’Italie du Sud qui provoqua des mutations fructueuses, dont la pantomime est l’héritière. Dans les années 80-60, la parodie mythologique prit son essor, même si la transcription du pantomimos grec en latin n’est pas antérieure à la fin du siècle.

4La seconde partie, « La pantomime impériale et ses interprètes : le succès d’un genre nouveau » (p. 143-291), constitue le cœur de l’ouvrage par sa place et sa problématique. Dans le chapitre III, « Création et expansion » (p. 147-208), il ressort de l’examen des sources – réparties en quatre groupes – que Pylade, originaire de Cilicie, affranchi d’Auguste, a véritablement créé un genre nouveau, tant sur le plan musical que pour celui des thèmes mythologiques empruntés à la tragédie. Bathylle, danseur oriental, auquel il est souvent associé, ne peut pas être crédité de la création d’un genre dramatique. Puis MHG développe le rôle des empereurs dans l’essor du genre, d’Auguste à Julien l’Apostat, en relevant les enjeux politiques et culturels de ces manifestations théâtrales prises « entre passion et mépris ».

5Le chapitre IV, « L’artiste et son répertoire » (p. 209-291), est moins consacré à l’apparence du danseur que la documentation, qu’elle soit iconographique ou textuelle, ne permet pas de cerner, qu’à la présentation systématique des sujets traités. En conclusion, MHG souligne que la pantomime ne correspond pas à un concept. Dépourvu de titre, le spectacle musical n’est pas un genre littéraire. C’est une pratique dramatique que seul le nom de l’acteur permet de qualifier et de cataloguer.

6Dans la troisième partie, l’auteur poursuit et clôt son enquête par l’étude de la pantomime et de la culture sous l’Empire. La légende dansée sur scène, au sens d’argument mythologique, était un canevas fondé sur la version d’un auteur, le plus prisé étant Euripide, le texte comptant moins que la gestuelle du danseur, car si le corpus littéraire dans lequel puisaient les auteurs de pantomimes était divers, la pantomime était d’abord le plaisir de la virtuosité, de l’exactitude gestuelle, du charme et de la grâce. L’artiste qui a fait « provision » de mythes est un interprète de la fiction du poète ; il participe de la vulgarisation de la mythologie. Dans La Danse de Lucien, la pantomime sait innover en trouvant son inspiration dans une culture classique revisitée. La pantomime est donc définie comme un drame moderne (p. 324).

7Dans le dernier chapitre, « Danse, art et langage », la pantomime prend sens par rapport aux beaux-arts. Si le corps est lui-même objet d’art, la pantomime apparaît comme une poésie et une rhétorique, qui pour les rhéteurs de la seconde sophistique annexait la peinture et la musique. Comme le danseur représente les passions de l’âme, sa danse doit être dotée des qualités de l’acribeia et de la saphèneia, au sens de perfection et de clarté, pour abolir les barrières linguistiques. Ainsi la pantomime, loin d’être une expression mineure, avait-elle sa place dans les thèmes de réflexion propres à une époque et à une vision du monde, que ce soit dans l’œuvre de Lucien ou de Libanios. Lucien, qui fait du danseur un sophiste, intègre la pantomime à son interprétation sophistique du monde. Quant à Libanios, par sa défense du genre en 361, il prolonge Lucien.

8Tout au long de son entreprise, MHG cherche à définir la pantomime comme une catégorie intermédiaire entre le drame et la danse, et comme une pratique innovante, œuvre du danseur « dont la gestuelle s’inscrivait dans les airs à la fois comme texte et comme tableau » (p. 349). Cette étude, fondée sur une solide connaissance des sources, rédigée dans une langue claire, parfaitement construite, est une contribution majeure à l’histoire d’un genre dramatique. Si d’un point de vue technique, la pantomime, émanation du mime, devait tout à la Grèce, l’impulsion romaine lui donna toute sa spécificité et permit son succès, dès le ier siècle de notre ère. Ce spectacle total était à l’image d’une communauté de culture.

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Pour citer cet article

Référence papier

Geneviève Hoffmann, « Marie-Hélène Garelli, Danser le mythe. La pantomime et sa réception dans la culture antique »Anabases, 9 | 2009, 331-333.

Référence électronique

Geneviève Hoffmann, « Marie-Hélène Garelli, Danser le mythe. La pantomime et sa réception dans la culture antique »Anabases [En ligne], 9 | 2009, mis en ligne le 01 juillet 2011, consulté le 27 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/572 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.572

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