Texte intégral
- 1 Je remercie vivement V. Nişcov et S. Mărculescu de m’avoir facilité, depuis Bucarest, l’accès à des (...)
- 2 Avec de nombreuses rééditions et réimpressions ultérieures. L’édition définitive (Bucarest, 1967) e (...)
- 3 Les éditions Humanitas de Bucarest ont réédité en 2012 les traductions de l’Iliade et de l'Odyssée (...)
1Ces quelques pages sont consacrées à deux traductions roumaines en hexamètres dactyliques de l’Iliade, faites respectivement au début et à la fin du xxe siècle1. Il s’agit de celle de George Murnu (1868-1957), professeur à l’université de Bucarest – Homer, Iliada, Bucarest, 19122 – et de la traduction de Dan Sluşanschi (1943-2008), également professeur de grec et de latin dans la même université, mais soixante-dix ans plus tard, au Département de lettres classiques – Homer, Iliada, traducere în hexametri, cu o postfaţă, o bibliografie esenţială şi indici de Dan Sluşanschi, Paideia, Bucarest, 19983. Ces deux traductions ont marqué, chacune à sa manière, une date dans la culture roumaine. La journée « Homère en hexamètres » m’offre ainsi l’occasion de « fêter » le centenaire de la première et de rendre un hommage particulier à l’auteur de la seconde, disparu en 2008, enseignant et érudit d’exception, que j’ai eu la chance d’avoir comme professeur de grec et de latin.
- 4 Ou « macédo-roumaine » : il s’agit des roumains sud-danubiens, communauté parlant l’aroumain, un di (...)
2Né en 1868 à Véria, en Macédoine, et décédé en 1957 à Bucarest, George Murnu était d’origine aroumaine4. Il a donc passé son enfance non loin de l’Olympe, dont il connaissait et parcourait les sentiers. Par ailleurs, il parlait le grec moderne couramment. Cette familiarité, aussi bien avec la géographie mythique de la Grèce antique qu’avec la langue grecque, a influencé sa vie et son destin d’helléniste.
3Murnu était une personnalité complexe, poète lui-même (de langue roumaine et aroumaine) en même temps que traducteur passionné de Pindare, d’Eschyle et de Sophocle pour ce qui est des auteurs antiques, mais aussi de Dante, Rilke, Goethe et bien d’autres. Néanmoins, c’est avec la traduction de l’Iliade qu’il acquit une véritable célébrité en Roumanie.
- 5 Également archéologue (par ailleurs ami et collaborateur de Vasile Pârvan), il a été directeur du M (...)
4En tant que philologue, George Murnu, qui s’était formé à l’école de maîtres renommés tels que U. von Wilamowitz-Moellendorf et surtout Karl Krumbacher, s’intéressait beaucoup aux interférences linguistiques entre le grec et le roumain5.
- 6 G. Murnu, Fragmente Postume, apud S. Nicolae, « George Murnu şi traducerea Iliadei », Sud-Estul şi (...)
5Passionné aussi de folklore, il a puisé pour ses traductions des poèmes homériques dans les ressources littéraires du folklore roumain : « Je me nourris, disait-il, du noyau lyrique d’un chant populaire » ; et encore « il faut créer une langue, en mettant ensemble tous ses dialectes. Il faut aller cueillir des expressions de tous les coins où la langue roumaine a résonné, et ensuite elles doivent être triées par une oreille fine, ayant bénéficié d’une solide éducation artistique6 ». À l’époque où Murnu commençait sa traduction de l’Iliade, la littérature roumaine était encore jeune et le recours aux ressources linguistiques de la littérature « populaire » extrêmement riche et variée s’est imposé à lui comme une évidence.
- 7 G. Călinescu, Istoria literaturii române de la origini până în prezent, ediția a II-a (19411) revăz (...)
- 8 Il faut peut-être rappeler le fait que le monde rural était prédominant en Roumanie jusqu’à une dat (...)
- 9 « Constituie un moment fundamental în evolutia limbii literare (corespunzător Iliadei lui Gnedici î (...)
6G. Călinescu, célèbre critique littéraire roumain, a consacré à Murnu un chapitre de son Histoire de la littérature roumaine7 en soulignant l’effort et la réussite d’adaptation du monde homérique à l’univers pastoral roumain8. Selon Călinescu, la traduction de l’Iliade par Murnu « représente un moment fondamental dans l’évolution de la langue littéraire, correspondant à l’Iliade de Nikolaï Gneditch dans la littérature russe. […] L’Iliade et l’Odyssée dans l’interprétation de Murnu sont des chefs-d’œuvre supérieurs […] à l’Iliade de V. Monti, à l’Iliade et à l’Odyssée de J. H. Voss. Peu nombreuses sont les œuvres littéraires bénéficiant d’une traduction si inspirée. […] Le grand poème classique était enfin adapté et pouvait exercer une influence directe sur la conscience esthétique9 ».
7En fait, l’Iliade de Murnu devient une œuvre de culture roumaine non seulement parce que les deux univers de civilisation matérielle (le monde élémentaire d’Homère et le monde pastoral de nos ancêtres) se superposent sans effort, mais surtout parce que la nouvelle expression littéraire de la traduction s’inscrit dans le style culturel et littéraire de la tradition roumaine.
8Murnu a travaillé et retravaillé pendant cinquante ans sa traduction de l’Iliade, pour laquelle il obtient le Prix Năsturel de l’Académie roumaine le 23 mai 1908.
- 10 Omer, Iliada, douăsprezece cânturi traduse în versuri de George Murnu, cu ilustraţii, Institutul de (...)
- 11 Homer, Iliada, trad. par G. Murnu, ch. XIII-XXIV, Bucarest, 1912. L’édition définitive de la traduc (...)
9La traduction des douze premiers chants a d’abord été publiée dans la revue Convorbiri literare entre 1900 et 1905 et ensuite en volume10, tandis que l’autre moitié du poème est parue six ans plus tard11.
- 12 En roumain l’accent peut occuper différentes positions à l’intérieur d’un mot : il peut se placer s (...)
10Murnu a affronté aussi des critiques, suscitées par son option même de traduire en hexamètres dactyliques – alors même que d’autres tentatives l’ont précédé – vers considéré comme non adapté et lourd pour le roumain, langue qui n’a pas d’accent quantitatif mais un accent tonique variable12.
11En analysant les versions successives de « l’Iliade de Murnu », on constate une évolution dans le sens d’une liberté de plus en plus grande par rapport au texte homérique. Cette remarque concerne, par exemple, les noms propres, qui évoluent, d’une forme translittérée du grec, vers des versions plus proches du roumain : ainsi, « Achilleus » devient « Ahile » ; « Apollon » est simplifié en « Apolon » ; « Athene » devient « Atene » et ensuite « Atena » ; « Odysseus », « Odiseu » et, enfin, « Ulise » ; « Eurybates », « Euribate » et puis « Evribate ».
12On constate la même évolution pour les épithètes homériques :
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νεϕεληγερέτα Ζεύς (I, 560) devient successivement « Zeus de nori strîngatorul », « furtunatecul », « nouraticul » (ce dernier mot étant la création propre de Murnu).
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πολυϕλοίσβοιο θαλάσσης (I, 34) (« l’onde retentissante » dans la traduction de Philippe Brunet) « Mării cea mult vuitoare », « cea plină de vuiet » ; « mării bătute de valuri ».
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- 13 Il. I, 14, 96, 110, 373, 438 ; II, 513, etc.
- 14 Cette formule se rapproche le plus de celle choisie par Ph. Brunet : « dieu des cibles lointaines » (...)
ἑκηβόλου Ἀπόλλωνος13 / ἑκηβόλος Ἀπόλλων devient « arcasul, departe din arc țintitorul14 » « săgetaşul », « arcaşul meşter », « săgetaşul », « țintaşul olimpic », « arcaşul », « țintaşul ».
- 15 S. Nicolae, « George Murnu şi traducerea Iliadei », p. 142.
13Comme le souligne à juste titre S. Nicolae, « le sens de l’évolution de la traduction est ainsi double : d’une part, une plus grande liberté dans la traduction des mots composés, dans la transposition de réalités qui n’ont plus d’équivalent linguistique aujourd’hui, dans le respect des unités sémantiques et prosodiques, d’autre part, un rapprochement constant du texte original dans la tentative de rendre de la manière la plus exacte le sens et la couleur stylistique15 ».
14Murnu emploie un lexique très coloré pour rendre les disputes entre les héros et les dieux, en utilisant, par exemple, le vocatif féminin en « o » lorsqu’il s’agit de disputes entre olympiens et olympiennes : « Hero » (Il. 1. 540), « nemilostivo » (daimonivh, Il. III, 399), « procleto » (schtlivh, Il. 3. 414), « nenorocito » (daimonivh, Il. 1. 561). À propos de Thersite, au chant II, il utilise un vocabulaire de la dérision très haut en couleurs, appartenant au langage familier et populaire : « șpanchiu » (folkovı, Il. II, 217), « slut » (ai[scistoı, Il. II, 216), « cu ochii bleojdiți » (ajcrei'on ijdwvn, Il. II, 269).
- 16 Cf. A. Candrea, O. Densuşianu, Dicţionarul etimologic al limbii române. Elementele latine, Bucureşt (...)
15La traduction de Murnu se lit d’ailleurs à l’aide un glossaire fourni à la fin, car elle a recours à des archaïsmes et à des régionalismes. Murnu utilise par exemple le mot nămaie pour dire « oaie », c’est-à-dire « mouton », nămáie [-ắi], étant un nom féminin spécifique de la région de Banat (l’ouest de la Roumanie). Ce mot, ainsi que d’autres formes dialectales comme le macédo-roumain, nămal’u/ numal’u, le mégleno-roumain nămal’u, proviennent du neutre pluriel latin ănῑmālia. Un autre dérivé, nemal, signifie « bœuf ». Dans les autres langues romanes animalia a donné des formes similaires : en français aumaille, en espagnol alimaña, en portuguais alimanha, almanho « jeune taureau ». C’est le doublet d’animal, substantif neutre qui est en roumain un néologisme emprunté du français animal16.
- 17 Comme, par exemple, celles formulées par M. Dragomirescu, « Convorbiri », Revista critică, 1/III, 1 (...)
- 18 Préface à l’édition de 1906, Budapest, apud I. et E. Murnu, George Murnu..., p. 170.
- 19 Fragmente Postume, apud S. Nicolae, « George Murnu şi traducerea Iliadei », p. 133.
16En discutant le choix des hexamètres pour sa traduction, afin de répondre aux critiques17, Murnu invoque son idéal de rendre Homère en roumain tel qu’il a sonné à son oreille depuis son enfance, ce qui l’a déterminé à tenir coûte que coûte à ce rythme « plein et large, seul lit où puisse couler tranquillement et habillement le Danube de la poésie homérique18 ». D’un point de vue linguistique, il trouve que la liberté métrique spécifique du roumain justifie également ce choix qui n’est pourtant pas du tout une solution de facilité. Dans l’un de ses essais réunis dans un volume de Fragments Posthumes, George Murnu déclare, comme dans une ars poetica : « Le rythme, c’est le mystère créateur : celui qui ne le sent pas est sourd et reste en vain dans le temple à écouter le chœur des anges19. »
- 20 Il a publié, entre autres, deux manuels de syntaxe de la langue latine (Bucarest, 1984 et 1994) et, (...)
- 21 Voir, à titre d’exemple, pour D. Cantemir, Demetrii Cantemirii, Principis Moldaviae Descriptio anti (...)
- 22 Vergilius, Eneida, Bucarest, 2000.
- 23 Homer, Odysseia, Bucarest, 1997.
- 24 P. 399.
17Professeur à l’université de Bucarest, aussi brillant helléniste que latiniste, habité, comme Murnu, par un esprit encyclopédique, indo-européaniste20 mais aussi éditeur et traducteur de Dimitrie Cantemir21, Dan Sluşanschi a traduit en hexamètres dactyliques non seulement les deux épopées homériques, mais aussi l’Énéide22. Si pour l’Iliade il avait Murnu comme illustre prédécesseur, pour ce qui est de l’Odyssée, il est le premier à l’avoir traduite en roumain intégralement en hexamètres, Murnu, lui, ayant opté pour les endécasyllabes iambiques (traduction datant de 1924). D’ailleurs, c’est par l’Odyssée que Dan Sluşanschi a commencé son épopée traductionnelle homérique23. En se plaçant dans la postface à l’Iliade par rapport à son prédécesseur et aux motivations de ce dernier, Dan Sluşanschi explique24 que, bien que le principe de base soit commun, à savoir « le texte homérique transposé de la manière la plus fluide, à la portée de tous les roumanophones n’ayant pas accès à l’original grec », sa traduction doit tenir compte de trois facteurs fondamentaux :
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les avancées de la recherche sur les poèmes homériques au xxe siècle ;
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l’évolution des principes de traduction et la multiplication des traductions modernes dans différentes langues ;
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le renoncement aux tendances d’« adaptation nationale » typiques du xixe siècle.
- 25 Homers Ilias, für den Schulgebrauch erklärt von Carl Friedrich Ameis und Carl Hentze, 7. Auflage be (...)
- 26 Voir l’excellent compte rendu de la traduction de Dan Sluşanschi, publié par C. Gaşpar dans Studia (...)
18Dan Sluşanschi a opté pour l’édition de K.F. Ameis, revue par C. Hentze et P. Cauer25, pour son caractère « équilibré26 ».
19Il faut dire que Dan Sluşanschi avait l’intention de publier sa propre édition critique de l’Iliade, qui aurait tenu compte des éditions critiques plus récentes et de l’exégèse homérique moderne. En outre, il préparait un commentaire suivi de l’Iliade où il aurait discuté des problèmes textuels et d’interprétation, mais, malheureusement, aucun de ces deux projets n’a finalement vu le jour. Voici quelques caractéristiques de sa traduction, telles qu’il les souligne lui-même :
1. Chaque vers de la traduction correspond constamment au vers homérique, ce qui fait que chaque chant a, dans sa traduction, le même nombre de vers que l’original.
2. Les formules homériques sont reprises, dans la mesure du possible, et retrouvent la même place dans le vers que dans l’original : Nestor et Agamemnon, ποιµὴν λαῶν « păstor de popoare » (« berger d’hommes »), à la fin du vers, Odysseus πολύμητις « cel cu gînd iscusit », « cu agera minte », « multîncercatul », à l’intérieur du vers, Athéna γλαυκώπις « (zeiţa) cu ochi verzi » à l’intérieur du vers.
3. Dan Sluşanschi a tenu à garder la forme des noms propres homériques dans une forme la plus proche possible de l’original grec, en se situant sur ce point à l’opposé de Murnu qui, comme on le soulignait plus haut a, au fur et à mesure des révisions de sa propre traduction, fini par « roumaniser » les prénoms, voire même a choisi pour certains noms de dieux (ou héros), par exemple, la variante roumaine forgée d’après le correspondant latin des dieux grecs (« Hercule » pour « Héraklès », cf. Il. IV, 636 ; « Ulise » pour « Odysseus »).
4. Le vers adopté est l’hexamètre dactylique catalectique pur, plus agréable à l’oreille dans l’accentuation roumaine, avec l’exception spondaïque obligée de certains noms propres grecs. Dan Sluşanschi garde les variantes d’accentuation formelle ou métriques pour certains noms propres tels que Ahíle/Ahiléu ; Poséidon/Poseidón/Poseidáon ; Penelopa/Penelopeia ; ou seulement une différence d’accent : Odysséu/Odýsseu.
20Si Murnu est moins préoccupé par la rigueur et la constance dans la traduction des épithètes homériques, Dan Sluşanschi prend l’option complètement opposée, plus conforme d’ailleurs aux principes actuels de traduction, en gardant la même variante pour telle ou telle formule homérique. Ainsi, Zeus est « Strângatorul de nouri », Agamemnon et Nestor sont toujours, l’un comme l’autre « păstor de popoare » (ποιµὴν λαῶν), Thétis « zeiţa cea cu picioare de-argint » (ἀργυρόπεζα, Il. I, 538) Héra et Andromaque « cu braţele dalbe » (Il. I, 572). C. Gaşpar27 relève la « trouvaille » de Dan Sluşanschi pour traduire βοῶπις par « cu ochii de ciută », « aux yeux de biche » : pour une fois, c’est Murnu qui est ici plus près du texte, mais, peut-être moins poétique, en traduisant par « ochioasa zeiţă » (« déesse aux grands yeux »). Ce qui est intéressant, c’est que Ph. Brunet adopte à son tour une traduction avec référence animale, en optant pour « prunelle-de-vache » (Il. I, 568).
- 28 Voir plusieurs exemples dans le compte rendu de C. Gaşpar, p. 321.
21Dan Sluşanschi bénéficiait d’une longue expérience dans le domaine des études indo-européennes, dont il fait profiter sa traduction. Il lui arrive ainsi, comme le remarque C. Gaşpar, de traduire un mot grec par un mot roumain, soit provenant de la même racine indo-européenne, soit ayant une résonance très proche du grec : il en est ainsi, par exemple, du verbe a (h)ăui pour traduire l’aoriste αὔσεν du verbe αὔω. Les deux termes ont en commun une origine onomatopéique et une expressivité particulière28.
22Si chez Murnu, Nestor ressemble davantage à un « baci » (« chef berger ») roumain d’autrefois, Dan Sluşanschi entend rendre à Homère ce qui est à Homère : « Homère reste et doit rester, même en traduction, le symbole de l’aube de l’Hellade, le livre de chevet de l’hellénisme et seulement ensuite du monde entier » (Postfaţă, p. 509). Représenter l’univers homérique comme autre, par rapport à notre propre monde, ou au monde de nos prédécesseurs, est aussi une manière de suggérer au lecteur non-spécialiste le fait que, loin de représenter un univers réel, le monde homérique a aussi une dimension fictionnelle, fruit d’une très ancienne tradition épique. »
23Deux traductions, deux époques, deux ambitions « politiques » (en termes, plutôt, de « politique culturelle ») que portent des hexamètres roumains séparés par un siècle d’évolution littéraire. Chez Murnu on perçoit une forme de patriotisme caractéristique du début du xxe siècle en Roumanie – qui vise, comme on le soulignait plus haut, à colorier le monde homérique de saveurs locales roumaines, à laquelle s’ajoute l’ambition de « combler un vide » à travers une forme d’appropriation de l’Iliade en tant qu’« épopée nationale ». Un siècle plus tard, cette vision des choses n’est plus d’actualité, mais, quelque part, la volonté de combler un vide est toujours présente : l’évolution à la fois des recherches homériques, de la langue et de la culture roumaines, de son rapport aux grandes œuvres du patrimoine européen imposaient une nouvelle traduction, qui puisse répondre également aux exigences philologiques et aux approches textuelles contemporaines. À la fin, deux traductions qui, pour ce qui se trouve au centre des préoccupations du présent recueil, à savoir les hexamètres, ont révélé, chacune à sa manière, chacune avec son pourcentage de miracles et de limites que comporte toute traduction, une langue roumaine dont la souplesse et la générosité à accueillir les dactyles et les spondées iliadiques ne peuvent que charmer l’auditoire – quel que soit son degré de compréhension ou de non compréhension de cette langue latine « nord-homérique ».
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Notes
Je remercie vivement V. Nişcov et S. Mărculescu de m’avoir facilité, depuis Bucarest, l’accès à des sources bibliographiques difficiles à trouver en France.
Avec de nombreuses rééditions et réimpressions ultérieures. L’édition définitive (Bucarest, 1967) est accompagnée d’une étude introductive et des notes de D. M. Pippidi et la dernière impression date de 1995 (avec introduction, notes et glossaires par L. Franga, Bucarest, Editura Fundației Culturale Române).
Les éditions Humanitas de Bucarest ont réédité en 2012 les traductions de l’Iliade et de l'Odyssée par Dan Sluşanschi dans une édition de prestige : http://www.humanitas.ro/humanitas/iliada.
Ou « macédo-roumaine » : il s’agit des roumains sud-danubiens, communauté parlant l’aroumain, un dialecte du roumain.
Également archéologue (par ailleurs ami et collaborateur de Vasile Pârvan), il a été directeur du Musée National de l’Antiquité de Bucarest et a fondé le premier musée des vestiges archéologiques provenant de Dobroudgea. Il était également membre de l’Académie roumaine.
G. Murnu, Fragmente Postume, apud S. Nicolae, « George Murnu şi traducerea Iliadei », Sud-Estul şi contextul european, Buletin V, Academia Română, 1996, p. 130-148, ici p. 133 ; à consulter également S. Nicolae, « Versiuni româneşti ale Iliadei homerice », Sud-Estul şi contextul european, Buletin IV, Academia Română, 1995, p. 51-70 ; si le premier de ces deux importants articles (en roumain) analyse dans son évolution la traduction de G. Murnu, le deuxième fait le point sur les différentes traductions roumaines, partielles ou intégrales de l’Iliade d’avant celle de D. Sluşanschi (la traduction des citations du roumain m’appartient).
G. Călinescu, Istoria literaturii române de la origini până în prezent, ediția a II-a (19411) revăzută și adăugită, prefață de Al. Piru, Ed. Minerva, Bucarest, 1982, p. 658.
Il faut peut-être rappeler le fait que le monde rural était prédominant en Roumanie jusqu’à une date pas si reculée et que les pratiques ancestrales de transhumance, par exemple, persistent encore aujourd’hui.
« Constituie un moment fundamental în evolutia limbii literare (corespunzător Iliadei lui Gnedici în literatura rusă). […]. Iliada și Odiseea în interpretarea Murnu sunt niște capodopere superioare […] Iliadei lui V. Monti, Iliadei și Odiseei lui I.-V. Voss. Puține literaturi se bucură de traduceri mai norocoase. […] Marele poem clasic era în sfârșit împământenit și putea exercita o înrâurire nemijlocită asupra conștiinței estetice. » G. Călinescu, Istoria, p. 658.
Omer, Iliada, douăsprezece cânturi traduse în versuri de George Murnu, cu ilustraţii, Institutul de arte grafice şi editură Luceafărul, Budapesta 1906.
Homer, Iliada, trad. par G. Murnu, ch. XIII-XXIV, Bucarest, 1912. L’édition définitive de la traduction de Murnu a été publiée à Bucarest en 1967, avec une étude introductive et des notes de D.M. Pippidi. Il existe une autre traduction moderne complète de l’Iliade en roumain, mais en prose, moins connue et moins représentative, faite par R. Hâncu et S. Diamantescu, Ed. Minerva, Bucarest, 1981.
En roumain l’accent peut occuper différentes positions à l’intérieur d’un mot : il peut se placer sur la dernière syllabe (popór, « peuple »), sur l’avant-dernière (mâncáre, « nourriture »), sur l’antépénultième (márgine, « marge »), sur la première, même lorsqu’il s’agit de mot de quatre voire cinq syllabes (dóisprezece, « douze »). Son rôle consiste à différencier des mots ou des formes grammaticales : ainsi, la forme copii, si elle est accentuée sur la première syllabe, có-pi-i, il s’agit du pluriel indéfini, en trois syllabes, du mot féminin cópie, « copie », en revanche, accentué co-píi, en deux syllabes, c’est le neutre pluriel indéfini de copil, « enfant » (voir Dexonline, dictionnaire monolingue roumain, avec des indications orthoépiques et I. ChiȚoran, The Phonology of Romanian : A Constraint-Based Approach, de Gruyter, Berlin & New York, 2001).
Il. I, 14, 96, 110, 373, 438 ; II, 513, etc.
Cette formule se rapproche le plus de celle choisie par Ph. Brunet : « dieu des cibles lointaines ». P. Mazon (Iliade, t. I, ch. I-VI, texte établi et traduit par P. Mazon, avec la collaboration de P. Chantraine, P. Collart et R. Langumier, 10e tirage, cuf, Les Belles Lettres, Paris) traduit par « l’archer Apollon », ce qui équivaut en roumain aux options « arcaşul » (Il. I, 20), « țintaşul » (Il. I, 110) « săgetaşul » (Il. I, 75) adoptées également par Murnu, qui prend plus d’une fois l’option de la variation synonymique dans la traduction des épithètes homériques.
S. Nicolae, « George Murnu şi traducerea Iliadei », p. 142.
Cf. A. Candrea, O. Densuşianu, Dicţionarul etimologic al limbii române. Elementele latine, Bucureşti, 1914 et S. Puşcariu, Etymologisches Wörterbuch der rumänischen Sprache I. Lateinisches Element, Heidelberg, 1905.
Comme, par exemple, celles formulées par M. Dragomirescu, « Convorbiri », Revista critică, 1/III, 1907, apud I. et E. Murnu, George Murnu, Poetul Homerid, ed. Albatros, Bucarest, 1979, p. 171, qui soutenait que le choix de l’hexamètre allait empêcher le succès populaire de cette traduction, en recommandant le vers roumain héroïque de seize syllabes.
Préface à l’édition de 1906, Budapest, apud I. et E. Murnu, George Murnu..., p. 170.
Fragmente Postume, apud S. Nicolae, « George Murnu şi traducerea Iliadei », p. 133.
Il a publié, entre autres, deux manuels de syntaxe de la langue latine (Bucarest, 1984 et 1994) et, avec L. Wald, une introduction à l’étude de la langue et de la culture indo-européenne, Introducere în studiul limbii şi culturii indo-europene, Bucarest, 1984, ainsi que des traductions en roumain des ouvrages de G. Dumézil, E. Benveniste et autres. Pour ce qui est du grec, en plus de ses traductions des épopées homériques, on lui doit celles de deux dialogues de Platon, Lachès, Bucarest, 1973 et Ion (en coll. avec P. Cretia), Bucarest, 1976.
Voir, à titre d’exemple, pour D. Cantemir, Demetrii Cantemirii, Principis Moldaviae Descriptio antiqui et hodierni status Moldaviae, Dimitrie Cantemir, Principele Moldovei Descrierea stării de odinioară şi de astăzi a Moldovei, ed. critică, trad. şi note de D. Sluşanschi, Institutul Cultural român, Bucarest, 2006 ; Historia Moldo-Vlachica şi De antiquis et hodiernis Moldaviae nominibus, ed. crit., trad., introd., note şi indici de D. Slușanschi, ed. Academiei, Bucarest, 1983.
Vergilius, Eneida, Bucarest, 2000.
Homer, Odysseia, Bucarest, 1997.
P. 399.
Homers Ilias, für den Schulgebrauch erklärt von Carl Friedrich Ameis und Carl Hentze, 7. Auflage bearbeitet von P. Cauer, 2 vol. (Leipzig, Berlin, 1913-1932), version finale, réimprimée ensuite à Amsterdam, A. Hakkert, 1965.
Voir l’excellent compte rendu de la traduction de Dan Sluşanschi, publié par C. Gaşpar dans Studia Indo-europaea, Revue de mythologie et de linguistique comparée, I, 2001, p. 319-325 qui a relevé plusieurs des exemples qui suivent.
Ibid., p. 321.
Voir plusieurs exemples dans le compte rendu de C. Gaşpar, p. 321.
En guise d’hommage à son prédécesseur, Dan Slușanschi reprend à l’identique la traduction de Murnu du premier vers de l’Iliade, devenue emblématique dans la culture roumaine.
J’indique entre parenthèses les numéros correspondant aux vers de la traduction de Murnu, dont la numérotation présente ici un décalage par rapport à celle de l’original grec (ce qui n’est pas le cas pour la traduction de Slușanschi).
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