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Comptes rendus et notes de lecture

H.-G. Pflaum. Un historien du xxe siècle, Actes édités par S. Demougin, X. Loriot, P. Cosme et S. Lefebvre

Robert Sablayrolles
p. 271-274
Référence(s) :

H.-G. Pflaum. Un historien du xxe siècle, Actes édités par S. Demougin, X. Loriot, P. Cosme et S. Lefebvre, École pratique des hautes études, III – Hautes études du monde gréco-romain, 37,Genève, éd. Droz, 2006, 542 p.
118,51 € isbn-10 : 2 600010998. isbn-13 : 978-260001993

Texte intégral

1Ce colloque, dont les actes ont été édités par les soins de S. Demougin, X. Loriot, P. Cosme et S. Lefebvre, avait réuni à l’École pratique des hautes études, dans le cadre de la Section des sciences philologiques et historiques, des amis, des collègues, des élèves et des élèves d’élèves de Hans-Georg Pflaum (1902-1979), épigraphiste et historien de l’Antiquité. Son œuvre, majeure à l’image de celle de ses prédécesseurs allemands des années 1850-1930, ouvrit, dans la seconde moitié du xxe siècle, des voies nouvelles d’étude, proposa des synthèses de référence et engendra une nombreuse postérité de chercheurs. C’est cette influence décisive sur la recherche et aussi l’implication de ce savant, allemand puis français, dans les événements du siècle dernier qui ont conduit les auteurs à choisir délibérément pour cet antiquisant érudit et passionné l’épithète d’historien du xxe siècle. Les raisons du choix sont brillamment illustrées dans l’article final de G. Alföldy, « Hans-Georg Pflaum, der Historiker : das römische Kaiserreich aus der Sicht eines Gelehrten des 20. Jahrunderts ».

2Les diverses contributions retracent, sans toujours respecter un ordre strict, les grands domaines défrichés par l’œuvre monumentale de H-G. Pflaum : l’épigraphie de l’Afrique romaine (Cl. Lepelley, X. Dubois, P. Corbier, M. Dondin-Payre, J.‑P. Laporte) ; l’armée romaine (Y. Le Bohec, P. Cosme, P. Le Roux) ; l’administration équestre (ou sénatoriale) de l’Empire (S. Lefebvre, X. Loriot, A. Daguet-Gagey, S. Panciera, W. Eck, M. Corbier) ; cités et provinces des Gaules (St. Benoist, B. Rémy, H. Lieb) ou d’ailleurs (E. Deniaux). Figurent aussi dans la liste des aspects plus anecdotiques des travaux de cet érudit, à qui rien de ce qui était antique n’était étranger, comme la religion (Fr. Bérard) ou la numismatique, pour laquelle H.-G. Pflaum avait une passion de collectionneur, mais aussi une culture de savant, comme le rappelle S. Estiot dans l’introduction à sa contribution, particulièrement juste de ton dans l’éloge.

3L’hommage rendu unanimement à H.‑G. Pflaum allie synthèses sur son œuvre, sur la postérité qu’elle a engendrée, et illustrations, par l’exemple suivi, de l’influence de ses leçons. M. Corbier rappelle ainsi, à propos des titres et rangs des ordres supérieurs, le moment fondateur que constitua la communication de H.-G. Pflaum, en avril 1969, au colloque de Caen (« Ordres et classes dans l’Antiquité classique », pour reprendre le titre originel, qui ne fut pas, ensuite, celui de la publication). Il définit alors clairement l’importance primordiale des « listes », ainsi qu’il les appelait, pour étudier l’évolution d’une pratique sociale, de ses origines à son terme, dans les divers espaces du monde antique. Il souligna la nécessité de recourir à toutes les sources et à tous les éclairages, et notamment à ceux de l’auto-représentation, ce qui constituait une nouveauté. W. Eck, en hommage à son compatriote et ami, reprend ce thème dans sa contribution aux actes en comparant les marques d’honneur que recevaient en public sénateurs et chevaliers, comparaison qui met en relief la diversité des situations individuelles plus que des différences fondamentales liées à l’appartenance aux ordres. Cl. Lepelley et X. Dubois ont retracé les grandes lignes de l’aventure africaine de H.-G. Pflaum, illustrée, entre autres, par l’édition des trois volumes in-folio du tome II des Inscriptions latines d’Algérie. Cl. Lepelley émet quelques critiques à l’égard des constructions et interprétations de H.‑G. Pflaum, parfois contredites par des découvertes postérieures. Elles seraient parfois, selon lui, l’héritage d’une vision de l’histoire marquée du sceau des expériences personnelles vécues par le savant dans l’Europe du xxe siècle et des convictions qu’il s’était alors forgées. Cl. Lepelley n’en conclut pas moins sur la valeur, la solidité et la pérennité, après trois décennies, de l’essentiel des résultats et conclusions de Pflaum l’Africain. Dans le même registre, M. Dondin-Payre rappelle le rôle pionnier de H.-G. Pflaum dans ses études sur l’onomastique africaine. Les conclusions étaient certes imprégnées, de façon peut-être excessive, par l’hypothèse d’une « résistance » au processus colonial, héritée des convictions de l’humaniste du xxe siècle ; mais la voie était tracée, la méthode définie et les héritiers ont poursuivi la tâche, comme le montrent les contributions de P. Corbier sur Cuicul ou de B. Rémy sur l’onomastique de Valence, en Gaule Narbonnaise. À cette série des synthèses s’intègrent les contributions de P. Cosme et P. Le Roux sur l’armée romaine, domaine que H.‑G. Pflaum avait, somme toute, assez peu abordé. P. Le Roux, qui souligne le phénomène, montre cependant l’influence qu’eut, par ses approches prosopographiques, H.‑G. Pflaum sur l’histoire militaire. Les ouvrages fondamentaux de B. Dobson sur les primipilares ou de H. Devijver sur les militiae esquestres sont profondément tributaires de la méthode des notices sur les procurateurs. Si, dans le domaine strict de la technique militaire et de la stratégie, les analyses de H.‑G. Pflaum n’ont pas toujours emporté l’adhésion, la mise en évidence du rôle de l’armée dans l’administration d’État comme dans la diffusion d’une culture romaine constitue un apport essentiel de ses études. La faiblesse relative, évoquée à diverses reprises, d’analyses influencées par les conflits et les concepts dominants dans l’Europe du xxe siècle ne saurait porter ombre à l’efficacité des méthodes élaborées par H.-G. Pflaum, au génie de nombre de ses intuitions, souvent confirmées par les recherches de ses héritiers, et à la richesse de sa pensée, qui alliait l’humain de la prosopographie au rigide administratif et juridique de la construction des carrières.

4L’illustration par l’exemple de la fécondité des leçons de H.-G. Pflaum se lit dans les contributions de S. Lefebvre et X. Loriot, qui complètent les fasti des procurateurs des provinces hispaniques, pour la première, et ceux des gouverneurs du Pont, pour le second. St. Benoist reprend l’étude du marbre de Thorigny, œuvre pionnière de H.‑G. Pflaum, et approfondit l’apport de cette source exceptionnelle à l’histoire des Gaules et des cités, pour équilibrer les orientations centralisatrices des commentaires de H.-G. Pflaum, surtout intéressé par les rapports entre le notable viducasse T. Sennius Sollemnis et ses interlocuteurs de Rome, légats sénatoriaux et préfets du prétoire. L’intention est louable et bien venue, mais elle fait bien peu de cas de la fonction de iudex arca ferrariarum de Sollemnis et de ce que celle-ci signifiait dans l’administration des Gaules. Fr. Bérard reprend un des rares thèmes religieux abordé par H.-G. Pflaum dans ses publications, celui des dédicaces à Jupiter Depulsor, en recadrant le profil de cette divinité, à la fois barbare et militaire, par l’étude de deux inscriptions lyonnaises, dont l’une mentionne un préfet des vigiles, sans doute de Rome comme le montre Fr. Bérard. Cette poursuite fidèle de la tradition du maître ne signifie pas, on le voit, immobilisme de la recherche. Le meilleur témoignage en est donné par les remarquables travaux de A. Daguey-Gagey sur l’administration des opera publica à Rome. Dans ce domaine où elle avait déjà fourni en 1997 une synthèse brillante et unanimement reconnue, elle apporte, dans les actes du colloque, une vision particulièrement perspicace de l’œuvre augustéenne, dont elle souligne les hésitations et le pragmatisme prudent : Auguste a imaginé (excogitauit), ses successeurs, notamment Tibère et Claude, mais aussi des empereurs plus tardifs, ont donné le tour définitif (instituere) aux ébauches du princeps précurseur. Elle donne de la paternité spirituelle de H.-G. Pflaum la meilleure des définitions : « … sur un sujet peu défriché par H.-G. Pflaum, le recours à ses écrits, et notamment à ceux qui concernent l’administration romaine, n’en est pas moins indispensable ».

5Enfin, des amis de longue date sont venus témoigner leur attachement au savant comme à l’homme, maestro e ammiratissimo, comme l’écrit S. Panciera. Le savant italien, partant d’un document autrefois étudié par H.-G. Pflaum, livre une étude féconde, fondée, comme toujours, sur un minutieux recensement épigraphique, des qualités attribuées aux gouverneurs provinciaux dans les inscriptions officielles. Le maître incontesté de l’épigraphie italienne assortit, à l’image de la méthode Pflaum, son exposé d’une annexe épigraphique et de tables d’indices. Ce souci du travail parfait n’en rend que plus regrettable l’absence de tels indices à la fin de l’ouvrage, et c’est là le seul reproche que l’on puisse faire aux auteurs de ces actes dédiés à la mémoire d’un maître qui était habité d’une acribie draconienne dans le détail de la publication. H. Lieb, lui aussi compagnon de longue date de H.-G. Pflaum, offre un recensus du publicum de la colonie romaine de Raurica. P. Salama, dans la première contribution aux actes, évoque le souvenir du H.-G. Pflaum familier, généreux, qui se cachait derrière la redoutable stature du savant. Ce thème revient chez tous les intervenants, qui rappellent avec émotion les enthousiasmes du séminaire d’épigraphie, le café de la Sorbonne qui servait d’épilogue rituel au séminaire, la bibliothèque personnelle que le maître ouvrait à ses élèves et qui était un lieu magique d’échanges scientifiques et de partage humain. Fr. Paschoud, qui résume les apports de H.-G. Pflaum aux grands colloques de Maria-Laach sur l’Histoire Auguste, et J. Scheid, qui a rédigé la conclusion des actes, ont l’un et l’autre rappelé leur aventure personnelle d’étudiants étrangers à Paris et le réconfort intellectuel et moral qu’était pour ces exilés volontaires l’accueil de H.-G. Pflaum. Près de trente années après sa disparition, le savant est toujours présent dans le souvenir des siens, élèves et amis, comme dans l’évolution d’une histoire romaine à laquelle il a apporté une inflexion décisive par sa méthode d’analyse, par ses synthèses novatrices et par l’originalité, pour l’époque, des thèmes défrichés.

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Pour citer cet article

Référence papier

Robert Sablayrolles, « H.-G. Pflaum. Un historien du xxe siècle, Actes édités par S. Demougin, X. Loriot, P. Cosme et S. Lefebvre »Anabases, 6 | 2007, 271-274.

Référence électronique

Robert Sablayrolles, « H.-G. Pflaum. Un historien du xxe siècle, Actes édités par S. Demougin, X. Loriot, P. Cosme et S. Lefebvre »Anabases [En ligne], 6 | 2007, mis en ligne le 01 janvier 2012, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/3418 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.3418

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