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Comptes rendus et notes de lecture

Anthony Kaldellis, The Christian Parthenon. Classicism and Pilgrimage in Byzantine Athens

Alain Ballabriga
p. 304-305
Référence(s) :

Anthony Kaldellis, The Christian Parthenon. Classicism and Pilgrimage in Byzantine Athens, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, 252 p.
59 livres /
isbn 978-0-521-88228-6.

Texte intégral

1Dans cet ouvrage l’auteur retrace l’histoire byzantine du Parthénon en montrant pourquoi et comment ce monument devint si important dans un monde chrétien prémoderne et préeuropéen. Le cadre de cette analyse est constitué par une étude de la réception de la tradition classique attentive à la fois à ses aspects créatifs et à la tension culturelle entre hellénisme et christianisme. La période étudiée s’étend des environs de l’an 400 ap. J.-C. aux environs de l’an 1200, à la veille de l’occupation franque d’Athènes (1205-1456).

2L’ouvrage de Kaldellis est dense et riche de documents nombreux et variés. Plutôt que d’en faire un résumé analytique détaillé, je choisis de relever seulement quelques points à mon sens saillants de son parcours.

3Il fait ainsi d’abord remarquer que dans l’Antiquité, le Parthénon ne semble pas en fait avoir été considéré comme la merveille absolue qu’il est devenu aux yeux des modernes. Il n’était qu’un temple parmi d’autres à Athènes et en Grèce. Comme on le voit dans Pausanias, c’était surtout la statue chryséléphantine d’Athéna qui émerveillait les visiteurs, dans un lieu par ailleurs à l’accès limité, à la différence des lieux de pèlerinage chrétiens. En outre les liens symboliques du temple avec l’idéologie démocratique sont ténus et indirects : le Parthénon était plutôt un monument à la gloire de l’impérialisme athénien.

4On ignore la date et les circonstances exactes de la conversion du Parthénon en église de la Vierge. Cette conversion entraîna une sorte de renversement architectural. L’entrée dans l’église ne se faisait plus par la façade est mais par l’ouest. L’opisthodome devint de ce fait le narthex et le mur séparant l’opisthodome du naos fut percé pour permettre d’accéder au naos qui désigne alors la nef où ne trône plus la statue d’Athéna mais où se tient l’assemblée des fidèles tournés vers le bêma (chaire) et l’abside aménagée dans l’ancien vestibule d’entrée (pronaos). (Voir les plans des pages 24-25. On peut regretter que l’échelle adoptée oblige le lecteur à utiliser une loupe pour déchiffrer les légendes du plan de l’église byzantine.)

5Ce type de conversion d’un temple en église est rare dans le monde romain. En général on préférait bâtir les églises à distance des temples païens. Mais à Athènes la Théotokos (Mère de Dieu) succède à Athéna Parthénos comme patronne de la cité (poliouchos). La colonnade extérieure, les sculptures des frontons et des frises restent intactes. Le temple chrétien garde ainsi l’apparence extérieure d’un temple païen alors que peu à peu, au cours des « âges sombres » (viie-viiie s.), les villes byzantines perdent les traces du passé païen qui avait survécu dans l’Antiquité tardive.

6Ainsi transformé et préservé le Parthénon fut à l’époque byzantine un centre de pèlerinage assez important. Le pèlerin le plus éminent fut l’empereur Basile II (958-1025). En 1018, après avoir repoussé les frontières de l’empire jusqu’au Danube, il fit un pèlerinage à Athènes. Selon l’historien Skylitzis, il alla ainsi remercier la Mère de Dieu pour ses victoires (τῇ θεοτόκῳ τὰ τῆς νίκης εὐχαριστήρια δούς). La Mère de Dieu apparaît ainsi comme une figure militaire, comme l’avait été Athéna dans l’Antiquité. À peu près deux siècles plus tard, en 1209, c’est Henri, l’empereur latin de Constantinople (1206-1216), qui alla prier dans « l’Eglyse c’on dit de Nostre Dame ».

7Par ailleurs la tradition lettrée cultive à sa façon la mémoire antique du lieu. Ainsi la Vie de Nikon le Métanoïte, saint qui vécut au xs., à l’occasion du passage de Nikon à Athènes, se plaît à rappeler le passé païen d’Athènes dans un langage rempli d’allusions à la littérature classique.

8Quant à Théodore Prodromos, important écrivain du xiie s., dans sa Vie de Mélétios, saint du xie s., à propos encore du passage du saint à Athènes, il insinue que les Athéniens de l’Antiquité, dans leur zèle pour la chaste Athéna, rendaient à leur insu un culte à la Vierge Mère de Dieu.

9On trouve une idée analogue chez le pape Innocent iii, dans une lettre à Bérard, archevêque d’Athènes (en 1205 Athènes est prise par les Latins et un prêtre latin succède au grec Michail Choniatis) : la préfiguration du culte de la Vierge s’appuie sur une référence au célèbre passage des Actes des Apôtres (xvii, 23) où Paul dit aux Athéniens : « Comme je passais, en effet, en regardant vos monuments religieux, j’ai même trouvé un autel avec cette inscription “A un dieu inconnu” (ἀγνώστῳ θεῷ). Ce que vous révérez sans savoir, c’est donc cela que je vous annonce. »

10Quelques années avant d’être chassé d’Athènes par les Latins, l’évêque grec (métropolite) Michail Choniatis, frère de l’historien Nikitas Choniatis, écrit que la visite à Athènes et au Parthénon de Théodora, femme du mégaduc (amiral de la flotte) Michail Stryphnos, est du point de vue religieux plus remarquable que la visite de la reine de Saba à Salomon et comparable à la visite d’Hélène, mère de Constantin, à Jérusalem !

11Il y a bien sûr là une rhétorique courtisane évidente, mais un lettré comme Michail Choniatis trouvait par ailleurs une vraie consolation dans la méditation du passé antique de sa ville, car il était conscient qu’Athènes était déchue de son antique grandeur.

12Mais que pouvait-il se passer dans la tête du « Byzantin moyen » en ce qui concerne les restes de l’Antiquité dans le paysage quotidien ? Nous ne connaissons que les sentiments de certains membres de l’élite. C’est là une difficulté générale pour les périodes historiques éloignées du temps présent.

13Pourtant certains indices semblent bien indiquer que, pour les habitants des villes byzantines, les restes antiques permettaient de prendre conscience d’une certaine forme de mémoire et d’identité locales dans le vaste ensemble du monde chrétien et « romain ». La conscience du passé païen ne fut jamais complètement abolie et, par exemple, les visites d’Athènes par des évêques et autres officiels, ou même de plus humbles pèlerins, purent sans doute être prétextes à une sorte de tourisme archéologique qui anticipait à sa façon l’industrie moderne du tourisme.

14Comme je l’ai dit au début, l’étude de Kaldellis s’arrête à la veille de l’occupation franque. Pour ma part je rappelle rapidement quelques faits postérieurs à cette période. Les Turcs, dans la deuxième moitié du xve s., transformèrent Notre-Dame d’Athènes (version franque) en mosquée (en grec tzami, du turc djami) et le clocher franc en minaret. En 1687 les canons du Vénitien Morosini firent exploser le dépôt de poudre que les Turcs avaient installé dans le Parthénon. Ce fut là le plus grave dégât infligé au monument. Par la suite les Turcs restaurèrent la mosquée. Après le départ de la garnison turque, on put célébrer Pâques (le 2 avril 1833) dans le Parthénon qui retournait ainsi au culte orthodoxe pour la première fois depuis le départ de Michail Choniatis plus de six siècles auparavant. Mais ce ne fut que pour peu de temps car à partir du milieu du xixe s. les fouilles, visant à faire de l’Acropole un site archéologique pur, firent disparaître toute trace du Parthénon byzantin et ottoman.

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Pour citer cet article

Référence papier

Alain Ballabriga, « Anthony Kaldellis, The Christian Parthenon. Classicism and Pilgrimage in Byzantine Athens »Anabases, 13 | 2011, 304-305.

Référence électronique

Alain Ballabriga, « Anthony Kaldellis, The Christian Parthenon. Classicism and Pilgrimage in Byzantine Athens »Anabases [En ligne], 13 | 2011, mis en ligne le 01 novembre 2011, consulté le 09 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/2103 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.2103

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