Dunia Filippi (éd.), Rethinking the Roman city. The Spatial Turn and the Archaeology of Roman Italy
Dunia Filippi (éd.), Rethinking the Roman city. The Spatial Turn and the Archaeology of Roman Italy, Abingdon et New York, 268 p. / ISBN 9780815361794, £135 (hardback), £39.99 (paperback)
Texte intégral
1À travers les différentes contributions qu’elle a rassemblées dans cet ouvrage, D. Filippi tente de créer une convergence entre les approches historiques et archéologiques pour proposer un nouveau modèle interprétatif de l’espace urbain. L’originalité de l’ouvrage est d’associer une démarche historiographique et réflexive à des études de cas concrètes et précises, circonscrites à Rome, Ostie et Pompéi, et focalisées sur un espace particulier, celui du forum Romain. Après une introduction très dense, consacrée aux enjeux méthodologiques, épistémologiques et historiographiques (notamment issus de l’impact du spatial turn), les dix contributions sont réparties en trois sections thématiques. L’ouvrage est soigné, avec une iconographie de qualité, en noir et blanc, et comporte un index général.
2La première section est consacrée aux approches méthodologiques et comprend deux contributions. Dans la première, A. Wallace-Hadrill et M. Millett remontent aux origines des deux traditions majeures dans l’étude de l’espace urbain antique, l’école italienne qui a érigé la topographie au rang de discipline, et l’école britannique de l’archéologie du paysage (landscape archaeology). La divergence entre ces deux écoles est déjà visible au xixe siècle, comme l’illustre la collaboration entre Antonio Nibby et William Gell. Dans la seconde, S. Campana livre Some thoughts on current trends in archaeology of once-townscapes compared with rural landscapes in the Mediterranean world. La dichotomie traditionnelle entre « paysages urbains » (townscapes) et « paysages ruraux » (ruralscapes) repose sur une méthodologie fondée sur une approche par « sites », alors qu’il faudrait déplacer la focale par le biais d’une approche par le « paysage », c’est-à-dire un site et son environnement global (landscape-scale approach) – finalement considérer la cité dans son ensemble, comme le faisaient les Anciens.
3La deuxième section regroupe quatre contributions. Celles de P. Carafa sur Rome et de S. Keay sur Ostie sont toutes les deux archéologiques, et illustrent les deux courants méthodologiques qui sous-tendent la construction et la réflexion de fond du livre. P. Carafa s’inscrit dans la tradition « coarellienne » de la topographie romaine, en étudiant deux cas concrets, les thermes d’Agrippa et l’arc de Marc Aurèle, tout en développant une approche « biographique » des édifices – et du paysage urbain en général – qui dépasse la période antique. De son côté, S. Keay s’appuie sur les résultats de prospections géophysiques menées dans la zone de l’isola sacra pour renouveler notre compréhension des relations entre Ostie et Portus. Les deux autres contributions s’inscrivent dans le champ des sensory studies, qui ont trouvé un terrain d’application fécond en histoire urbaine, permettant d’analyser et de retrouver l’expérience sensorielle provoquée par l’espace urbain, et vécue dans celui-ci. De ce point de vue, le sensorial turn est tout aussi important que le spatial turn. J. D. Veitch s’intéresse à la manière dont l’expérience acoustique varie en fonction des espaces architecturaux, en prenant comme sujet d’étude les portiques de la partie septentrionale du cardo maximus, adjacente au forum d’Ostie. A. Haug et Ph. Kobusch reprennent le corpus iconographique bien connu de la via dell’Abbondanza de Pompéi, mais avec une nouvelle approche fondée sur le « contexte de communication » et non sur la nature du monument où ces images prenaient place. Ils identifient cinq types de situation de communication visuelle : rituelle et religieuse ; commerciale ; politique et administrative ; individuelle ; spontanée et informelle.
4La troisième section rassemble quatre contributions qui ont pour point commun de traiter du forum romain. D. Filippi souligne les limites de l’approche archéologique traditionnelle, qui ne permet pas de saisir les interactions entre le monument et la vie quotidienne. En s’appuyant sur l’exemple des Tria Fata, elle montre comment il est possible d’appréhender les changements de perception d’un monument sur le temps long : ce n’est pas le monument qui change, mais l’expérience quotidienne qu’en ont les habitants qui en modifie la compréhension. N. Purcell met en évidence l’importance de la période médio-républicaine (le ive siècle a. C.) comme période de construction « mentale » du forum et d’élaboration de ses principaux usages. R. Laurence livre une contribution originale sur la présence des enfants et des adolescents dans l’espace public, lors des processions, des congiaires, des sessions du Sénat, dans les premières décennies du principat. Ces enfants ne sont pas seulement des spectateurs, ils sont aussi des acteurs. Et même si les jeunes garçons sont les principaux concernés, les jeunes filles ne sont pas totalement absentes. Enfin, J. Patterson étudie la manière dont le forum romain a pu servir de modèle pour les cités d’Italie, en se concentrant principalement sur la période augustéenne. On observe une nécessaire adaptation aux contraintes et aux contextes locaux. Les modèles urbains de la péninsule sont donc plus variés qu’on ne l’imagine.
5Rome, Pompéi, Ostie : D. Filippi justifie ce choix car il s’agit des cités les mieux connues du monde romain, cities with optimal data. Mais ce choix, pour justifié qu’il est, contient aussi les limites de l’exercice : comment éprouver la validité heuristique du spatial turn ou du sensorial turn sur des sites moins bien documentés ?
Pour citer cet article
Référence papier
Caroline Blonce, « Dunia Filippi (éd.), Rethinking the Roman city. The Spatial Turn and the Archaeology of Roman Italy », Anabases, 40 | 2024, 335-337.
Référence électronique
Caroline Blonce, « Dunia Filippi (éd.), Rethinking the Roman city. The Spatial Turn and the Archaeology of Roman Italy », Anabases [En ligne], 40 | 2024, mis en ligne le 01 novembre 2024, consulté le 22 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/19195 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12wa6
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