Antonio Duplá-Ansuategui, Amalia Emborujo Salgado et Oskar Aguado-Cantabrana (éds), Del clasicismo de élite al clasicismo de masas
Antonio Duplá-Ansuategui, Amalia Emborujo Salgado et Oskar Aguado-Cantabrana (éds), Del clasicismo de élite al clasicismo de masas, Madrid, Ediciones Polifemo, 2022, 322 p. / ISBN 9788416335770, 25€
Texte intégral
1L’ouvrage soumis à notre lecture aborde la question de la réception de l’Antiquité par la société d’époques différentes. Les auteurs se sont penchés sur le passage d’une culture souvent perçue comme élitiste à la diffusion de manière plus ou moins explicite au sein de la culture de masse, c’est-à-dire auprès d’un public plus varié et parfois moins éduqué. Cet ouvrage intègre les travaux d’un projet initié en janvier 2017 qui comportait des tables rondes, se concluant par un colloque en 2019 à Vitoria-Gasteiz.
2Dès l’avant-propos, les éditeurs assument le choix restreint des thèmes présents abordant la question de la démocratisation de l’Antiquité. Il s’agissait avant tout de traiter cette question à travers les centres d’intérêt de chaque contributeur, tout en offrant une hétérogénéité au lecteur. De ce fait, ces travaux peuvent nourrir la réflexion ou une complémentarité éventuelle avec d’autres centres d’intérêt. L’ouvrage se compose de douze articles en langue espagnole (seul un en français), accompagnés de bibliographies en fin d’articles, d’un Index de noms et de lieux, d’une présentation de chaque auteur. Les travaux abordent trois thématiques.
3Tout d’abord, il est question des enjeux du sujet. La notion d’Antiquité comme culture des élites est analysée depuis l’époque moderne jusqu’à aujourd’hui par A. Duplá-Ansuategui, A. Emborujo Salgado et O. Aguado-Cantabrana, tout en questionnant son évolution vers une démocratisation et donc le passage à une culture de masse à travers divers vecteurs. Le terme « classique » est également interrogé sur sa définition même et les limites qu’il peut avoir, tant dans sa réception et son acceptation. Pour cela F. García Jurado se penche sur trois exemples d’époques différentes : Aulu-Gelle au iie siècle, Luis Vives pour la Renaissance, Madame de Staël pour les xviiie et xixe siècles, Harry Lewis et Italo Calvino pour le xxe siècle.
4Ensuite, certains articles prennent des exemples d’objets antiques et en cherchent leur portée dans la culture populaire, ou la manière dont ils ont été reçus dans les classes populaires. Les auteurs analysent certains éléments comme des inscriptions sur monuments, des statues soit issues de l’Antiquité, soit s’inspirant de modèles antiques ; par exemple, T. A. Besnard revient sur l’exposition d’art contemporain qui s’est déroulée à Toulouse en 2020 au cours de laquelle des artistes ont détourné des statues célèbres – artistes venant aussi bien d’Europe que d’Amérique du nord ou d’Asie. En sélectionnant certaines œuvres, elle tend à montrer que le choix de dieux ou héros, faisant partie de la culture populaire, permettrait de sortir l’art contemporain de sa réputation d’élitiste en attirant un public plus varié. Deux autres exemples traitent de l’utilisation de l’Antiquité dans deux media perçus comme populaires : la bande dessinée et le cinéma. L. Uncera explique notamment comment dans la bande-dessinée de SF Chroniques de l’Antiquité Galactique, s’inspirant des récits d’Homère ou l’Énéide, les auteurs utilisent des archétypes de monuments ou de représentations de personnage pour ancrer davantage le lecteur dans l’univers antique malgré la présence de vaisseaux spatiaux. Ou bien encore O. Aguado-Cantabrana qui évoque l’épisode de la ixe Légion, disparue en Bretagne au iie siècle et sa représentation dans des vecteurs populaires tels le cinéma, les romans, les séries ou les jeux-vidéos ; notons toutefois que l’auteur ne prend pour exemples qu’un roman et deux films pour les xxe et xxie siècles, et non des jeux-vidéo pourtant plus rarement utilisés dans les publications scientifiques. L’auteur termine son article avec un tableau répertoriant toutes les œuvres sur l’histoire de la Legio ix.
5Enfin, il est également question de l’utilisation politique de l’Antiquité. J. Cortadella revient sur la découverte d’une statue de Vénus à Barcelone qui devint alors le symbole de la ville puis tomba dans l’oubli ; fierté locale, il replace cet évènement dans le contexte politique espagnol de l’époque, enfermé par le franquisme dans une volonté d’uniformisation de la culture face aux particularismes régionaux. Dans cette thématique de l’usage de l’Antiquité et sa symbolique par le régime franquiste, S. Mas et A. Duplá-Ansuategui abordent chacun la manière dont le modèle antique peut être un vecteur de diffusion de valeurs et de construction d’un idéal social : d’abord, par la vision d’E. Giménez Caballero qui, par ses travaux, cherchait à utiliser la Rome impériale pour retracer l’histoire de l’Espagne et ancrer le fascisme dans des origines anciennes ; ou bien encore l’exemple de l’Arc de la Victoire construit à Madrid par le régime de Franco reprenant l’archétype architectural, allant même jusqu’à l’épitaphe latine abrégée. Sur le même modèle, R. del Molino García et E. Dell’Elicine apportent d’autres exemples venus d’Amérique du sud, au Guatemala et en Argentine. Bien qu’éloigné de cette période, certains régimes sud-américains ont utilisé des figures de l’Antiquité pour diffuser et justifier l’idéologie de leur politique. Ce fut le cas du président guatémaltèque M. Estrada Cabrera qui utilisa la figure de Minerve pour rassembler derrière lui la population ; R. de Molino García s’interroge donc sur l’adhésion, volontaire ou non, de la population à ce culte. Quant à E. Dell’Elicine, son propos traite de l’enseignement de l’Antiquité en Argentine comme outil de diffusion de valeurs, de comportements, voire de méthodes de réflexion, en copiant ainsi l’Europe apparaissant alors comme la modernité.
6Destiné à des lecteurs spécialistes de la réception de l’Antiquité, cet ouvrage offre plusieurs exemples intéressants dans des domaines et des périodicités variées. Le but des auteurs (apporter des exemples pour nourrir le débat) est parfaitement réussi et cet ouvrage est très intéressant, y compris pour des curieux souhaitant accroître leur culture générale sur l’Antiquité.
Pour citer cet article
Référence papier
Pierrick Pogut, « Antonio Duplá-Ansuategui, Amalia Emborujo Salgado et Oskar Aguado-Cantabrana (éds), Del clasicismo de élite al clasicismo de masas », Anabases, 40 | 2024, 332-333.
Référence électronique
Pierrick Pogut, « Antonio Duplá-Ansuategui, Amalia Emborujo Salgado et Oskar Aguado-Cantabrana (éds), Del clasicismo de élite al clasicismo de masas », Anabases [En ligne], 40 | 2024, mis en ligne le 01 novembre 2014, consulté le 15 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/19167 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12wa4
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