Daniela Bonanno, Corinne Bonnet, Omar Coloru, Annick Fenet et Ted Kaizer (éds.), Franz Cumont. Studia Pontica II. Études syriennes. Fouilles de Doura-Europos (1922-1923). Introductions historiographiques, Bibliotheca Cumontiana. Scripta Maiora VI
Daniela Bonanno, Corinne Bonnet, Omar Coloru, Annick Fenet et Ted Kaizer (éds.), Franz Cumont. Studia Pontica II. Études syriennes. Fouilles de Doura-Europos (1922-1923). Introductions historiographiques, Bibliotheca Cumontiana. Scripta Maiora VI, Academia Belgica, Turnhout, Brepols, 2022, 288 p. / ISBN 9789062810512, 75€
Texte intégral
1Le nouveau volume Scripta Maiora VI de la Bibliotheca Cumontiana poursuit l’étude historiographique de l’œuvre du savant belge Franz Cumont (1868-1947) avec succès. Il s’insère dans le projet éditorial et scientifique initié par Corinne Bonnet en 2006 sous l’égide de l’Academica Belgica de Rome où les archives Cumont sont conservées. Ce projet vise la réédition de l’œuvre de Franz Cumont accompagnée d’un riche apparat critique, grâce à une étude systématique de ses archives. Celle-ci est publiée dans deux collections principales : Scripta Maiora, qui regroupe les ouvrages monographiques, et Scripta Minora, qui rassemble les articles.
2Scripta Maiora VI se différencie sensiblement des précédents volumes. En 2017, l’œuvre de Franz Cumont est tombée dans le domaine public ; l’Academica Belgica a, à cette occasion, rendu accessible la version numérique des exemplaires de ses monographies annotées sur un site dédié (cumont.academiabelgica.org). Les éditeurs ont fait le choix de ne pas republier, comme dans les volumes précédents, les écrits de Franz Cumont dans cette publication. Seules les introductions historiographiques écrites par des spécialistes suivies de diverses annexes sont proposées.
3Trois monographies ont été choisies pour cette publication et forment un ensemble cohérent : Studia Pontica II, Études Syriennes et Fouilles de Doura-Europos (1922-1923). Rédigées après trois voyages d’exploration archéologique en « Orient », ces monographies font transparaître l’« homme de terrain » qu’a pu être Franz Cumont. Les deux premières font suite à ses pérégrinations dans l’Empire ottoman, dans l’ancien royaume du Pont et de la Petite Arménie, en 1900, puis dans l’ancien territoire de la Syrie antique en 1907. La troisième monographie est un travail publié à la suite de ses deux premières campagnes de fouilles sur le site de l’antique Doura-Europos sur le Moyen-Euphrate, alors que la région était passée sous mandat français, permettant à Franz Cumont d’exercer pour la première fois le rôle d’archéologue.
4Les introductions historiographiques des deux premières monographies, rédigées pour la première par D. Bonanno, C. Bonnet, O. Coloru et A. Fennet, et pour la deuxième, par O. Coloru, démontrent l’importance des archives du fond Cumont dans la mise en perspective du travail scientifique de Franz Cumont. Lettres, carnets de voyage, photographies, cartes postales et exemplaires personnels de ses écrits avec des notes manuscrites, sont mises à profit pour donner un tableau complet de la conception des Studia Pontica II, publié en 1906, et des Études Syriennes, publié en 1917. Les préparatifs et visées scientifiques de ses voyages, ses parcours sur place et ses rencontres, les projets éditoriaux nés de tout cela offrent au lecteur un panorama intéressant de l’activité scientifique européenne au tout début du xxe siècle.
5L’introduction à Studia Pontica II n’analyse pas tant l’œuvre monographique mais illustre la réalité du terrain rencontrée par Franz Cumont et sa déception quant à son projet scientifique autour du culte de Mithra. Le lecteur suit le jeune chercheur d’une trentaine d’années persuadé de découvrir les origines du culte dans le territoire de l’antique Pont et qui se contente finalement de la collecte de données topographiques, de l’identification de sites antiques et de la copie de nombreuses inscriptions. Ces résultats seront pourtant le début d’une grande collaboration internationale à l’origine des Studia Pontica.
6La posture orientaliste de Franz Cumont, qui parle du Pont comme de « sa propriété par droit de conquête » dans une lettre à Hirschfeld, ou en Syrie d’une « chasse archéologique » de laquelle il rapportera de nombreux « butins de voyage », est soulignée par les auteurs. L’un des objectifs de ses missions d’exploration était en effet l’achat d’objets antiques pour les collections des musées royaux de Bruxelles, caché aux autorités ottomanesqui avaient mis en place une législation de protection des Antiquités dès les années 1880. Dans l’introduction aux Études Syriennes, O. Coloru reconstruit les réseaux de savants européens, jésuites, antiquaires, fonctionnaires européens, convoqués dans ce contexte.
7La troisième partie rédigée en anglais par T. Kaizer porte sur le compte-rendu Fouilles de Doura-Europos (1922-1923) publié en 1926. L’auteur a déjà produit une introduction historiographique substantielle pour Scripta minora VII paru en 2020, qui rééditait tous les articles de Franz Cumont concernant Doura-Europos. Renvoyant souvent à ce texte précédent, l’introduction ne reprend pas en détail la chronologie du parcours de Franz Cumont dans le Moyen-Euphrate. L’apport essentiel de cette contribution se trouve dans le commentaire bibliographiquement très riche et bien argumenté sur les contenus de la monographie. Chapitre par chapitre, T. Kaizer démontre le chemin parcouru par l’historiographie depuis ce premier rapport de fouilles de 1926. Il expose brillamment les tâtonnements, erreurs ou bonnes intuitions de Franz Cumont qui est intervenu avec un corps militaire français peu après la découverte du site et la visite de l’américain J. Breasted, accompagné dans sa réflexion par M. Rostovtzeff qui s’est occupé de fouilles ultérieures. Franz Cumont pensait notamment avoir découvert « une vieille colonie macédonienne » quasiment intacte dans le désert syrien alors que la plupart des bâtiments fouillés en 1922-1923 datait de la toute fin de la Doura hellénistique, voire de l’époque parthe ou romaine comme démontré par les travaux dirigés par P. Leriche.
8Chaque introduction se termine par un chapitre sur la réception des travaux de Franz Cumont à l’époque de leur publication et sur leur postérité. O. Coloru cite par exemple un ouvrage de T. Mitford, intitulé Discovering Rome’s Eastern Frontier: on Foot Through a Vanished World (2021), qui témoigne de l’influence de Franz Cumont sur ces études encore aujourd’hui.
9L’objectif affiché par les éditeurs de replacer les travaux de Franz Cumont dans une perspective historique et historiographique est réussie. L’ouvrage offre une belle contribution à l’étude de la construction des connaissances antiques au début du siècle dernier.
Pour citer cet article
Référence papier
Elena Rüdiger, « Daniela Bonanno, Corinne Bonnet, Omar Coloru, Annick Fenet et Ted Kaizer (éds.), Franz Cumont. Studia Pontica II. Études syriennes. Fouilles de Doura-Europos (1922-1923). Introductions historiographiques, Bibliotheca Cumontiana. Scripta Maiora VI », Anabases, 40 | 2024, 324-326.
Référence électronique
Elena Rüdiger, « Daniela Bonanno, Corinne Bonnet, Omar Coloru, Annick Fenet et Ted Kaizer (éds.), Franz Cumont. Studia Pontica II. Études syriennes. Fouilles de Doura-Europos (1922-1923). Introductions historiographiques, Bibliotheca Cumontiana. Scripta Maiora VI », Anabases [En ligne], 40 | 2024, mis en ligne le 01 novembre 2024, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/19102 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12wa0
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