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Comptes rendus

Kevin M. McGeough, Representations of Antiquity in Film. From Griffith to Grindhouse

Mathieu Scapin
p. 385-387
Référence(s) :

Kevin M. McGeough, Representations of Antiquity in Film. From Griffith to Grindhouse, Sheffield et Bristol, Equinox Publishing Ltd, 2022, 378p. / Hardback ISBN 9781781799802, £90, Paperback ISBN 9781781799819, £45

Texte intégral

1Cet excellent ouvrage de Kevin McGeough, publié en 2022, questionne directement l’historien et/ou l’archéologue : comment étudier la réception de l’Antiquité pour les non-spécialistes, afin qu’ils l’intègrent à leur propre recherche ? Il faudra pour cela attendre les résultats de son programme de recherche dans le temps long. Le but que s’est fixé l’auteur est résumé dans ces presque 400 pages, neuf parties, cinq indexes et 64 images en noir et blanc, mais aussi en couleurs : comment l’Antiquité – avec un accent appuyé sur le Proche-Orient – mise en scène dans le cinéma, influence le présent ? Plus encore « How thinking about the past through the cinema offers different mode of knowing about the past? » Vaste programme donc que celui de cette publication.

2De l’introduction à la conclusion, l’auteur présente des films, séries télévisées et dessins animés, notamment par le prisme de sa propre expérience : son rapport avec le Batman de Christopher Nolan (introduction) ou sa séance de cinéma en compagnie de ses étudiants horrifiés devant le 300 de Zack Snyder (partie 9) ; avec toujours comme ligne d’horizon et objectifs de démonstration, les liens entre passé et présent. Même si le découpage en huit parties (hors introduction et conclusion) peut paraître trop développé et parfois redondant, le propos fait mouche à de nombreuses reprises grâce à la connaissance des quelques centaines d’œuvres multimédia citées et étudiées.

3Le chapitre 1 est une mise au point de la méthodologie utilisée par l’auteur : ne pas rechercher les erreurs historiques dans les films, car elles ne font sens que pour les cinéastes et pas pour les non-spécialistes. C’est exactement l’approche de K. McGeough : comment expliquer un film parlant d’une période éloignée sans faire du « fact-checking » primaire ? Là où on aurait tendance à en chercher dans des œuvres « sérieuses », on ne le ferait pas pour des comédies. La vie de Brian des Monthy Python est l’exemple parfait de cette démonstration (rappelons-nous que Terry Jones est un médiéviste amateur accompli). On pourra pinailler sur la vision que l’auteur se fait des productions quelles qu’elles soient, notamment lorsqu’il indique qu’à l’inverse des productions cinématographiques, les recherches scientifiques sont plutôt individualistes. C’est peut-être une vision anglophono-centrée de la recherche qui s’expose ici.

4Les chapitres 2 à 4 proposent une pré­sentation des films du milieu du xxe siècle avec comme thématiques les notions de genre cinématographique, de marketing et de contexte politique. L’auteur con­voque les films bibliques et sur l’Égypte, le Hollywood Production Code de 1934 et de manière générale présente la trousse à outils des scénaristes et des réalisateurs pour leur film (sujet, culture matérielle, décor). L’accent est aussi mis sur la représentation des femmes dans ces productions, de la séductrice démoniaque des Hercules (années 60) à la femme fougueuse voire antagoniste dans les années 2010 (300 et 300: Rise of an Empire).

5Les chapitres 5 et 6 abordent les films parodiques et comédies, mais aussi les représentations pornographiques, de Tinto Brass à The Arena. Dans les pre­mières productions, ce sont souvent des thématiques bibliques qui reviennent alors que dans les secondes, on appréciera plus volontiers des gladiateurs huilés ou des empereurs dégénérés. On observera ici la frontière entre hétéro-normativité et homo-érotisme se fissurer.

6La partie 7 est la plus convenue mais obligatoire : celle des surhommes et de la mythologie, dont de nombreux autres ouvrages se sont fait la spécialité.

7Le chapitre 8 revient sur l’imagerie de la Préhistoire avec des films cherchant le sérieux, mais aussi ayant mis en tête des images d’Épinal à toute une génération, comme celle des Pierrafeu ou de combats entre hommes des cavernes et tyrannosaures. À la lecture de cette partie, le fan d’Alain Chabat que je suis se dit qu’une étude du film RRRrrr !!! par l’auteur canadien aurait été aussi jubilatoire qu’intéressante. Dans cette même partie, on pourrait par exemple discuter du caractère péremptoire de l’argumentation sur la vision du public face à ces œuvres cinématographiques : « Even though viewers recognize that humans and dinosaurs (!) did not live at the same time, audiences still learn about the primordiality of our own social structures through the diegesis of the cinematic presentations » (p. 276). Faudrait-il encore rappeler l’incroyable succès du musée de la Création ouvert dans le Kentucky en 2007 ? Bien sûr, pour les spectateurs de l’époque, regarder Iceman (1984) ou Tumak, fils de la jungle (1940) au cinéma ne remettait pas en cause Darwin. Mais les phénomènes de non-transfert des connaissances scientifiques dans la construction cinématographique actuelle de l’Antiquité (comme le pollice verso des Gladiateurs par exemple) peut tout à fait s’appliquer à la Préhistoire (voir le film 10 000 de Roland Emmerich ou Arlo de Pixar).

8Les deux dernières parties reviennent sur les films du début du xxe siècle, entre violence politique, sociale et religieuse, et effets spéciaux à tout-va. L’auteur convoque Zeffirelli, Mel Gibson ou encore Scorsese pour démontrer, une nouvelle fois, les liens étroits entre passé et présent.

9Le point fort de l’ouvrage réside dans la discussion des œuvres entre elles, bien que parfois redondante. S’il ne s’agissait pas d’un ouvrage académique, on pourrait vraiment qualifier cette étude de véritable « page-turner » tant elle déborde d’amour de l’auteur pour le cinéma. Son (petit) point faible, nous l’avons déjà dit, est celui d’une vision scientifique tournée vers le monde anglophone – pouvait-il en être autrement tant la littérature est déjà abondante dans cette langue ? La lecture de cet ouvrage est donc chaudement recommandée, prouvant, s’il fallait encore le faire, que la réception doit être une composante obligatoire de l’enseignement pour accompagner les étudiants à décrypter l’usage du passé dans notre société actuelle.

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Pour citer cet article

Référence papier

Mathieu Scapin, « Kevin M. McGeough, Representations of Antiquity in Film. From Griffith to Grindhouse »Anabases, 39 | 2024, 385-387.

Référence électronique

Mathieu Scapin, « Kevin M. McGeough, Representations of Antiquity in Film. From Griffith to Grindhouse »Anabases [En ligne], 39 | 2024, mis en ligne le 01 avril 2024, consulté le 20 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/18122 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12oqh

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