Charlotte Lerouge-Cohen, Souvenirs du passé perse à l’époque hellénistique. Arménie · Cappadoce · Commagène · Perside · Pont · Royaume Arsacide
Charlotte Lerouge-Cohen, Souvenirs du passé perse à l’époque hellénistique. Arménie · Cappadoce · Commagène · Perside · Pont · Royaume Arsacide, Peter Lang, 2022, 502 p. / ISBN 9782807613928, 61 €
Texte intégral
1Dans son introduction, l’autrice présente son positionnement historiographique relatif au sujet envisagé : l’étude de l’héritage perse dans les dynasties d’Anatolie centrale et orientale, faisant partie d’un monde commun hellénistique, fait apparaître des éléments d’une réinvention du passé perse qui peuvent susciter une certaine méfiance à l’égard de la notion d’identité iranienne. L’étude du royaume parthe des Arsacides, où l’héritage perse est incontestable, pose des problèmes différents. Les sources de l’étude sont les auteurs grecs anciens, les monnaies, les inscriptions grecques et parthes, la documentation commagénienne.
2Une première partie offre une présentation générale des dynasties iraniennes d’époque hellénistique. D’une histoire événementielle complexe et difficile à résumer, on peut retenir que les dynasties anatoliennes (Pont, Cappadoce, Commagène) sont étroitement liées aux Séleucides puis à Rome, à la différence des Arsacides, à la tête de l’empire parthe qui peut se poser en égal et en rival face aux Séleucides puis aux Romains. Du point de vue culturel, ces dynasties s’inscrivent dans l’univers gréco-macédonien par une série de traits comme par exemple la fondation de cités de type grec, la maîtrise du grec, l’existence d’écrivains de langue grecque, tandis que d’autres traits (satrapes, paradis, polygamie, eunuques) évoquent le monde iranien mais peuvent avoir été transmis par le relai séleucide. Du point de vue linguistique, en dehors de l’Arménie, étroitement liée aux Parthes, aucune forme de koïnè iranienne ne semble s’être développée à l’époque hellénistique dans le monde anatolien où c’est le grec qui joue le rôle de koïnè. L’héritage religieux iranien (culte du feu, mages, noms divins, respect de l’eau) est bien attesté au royaume arsacide et en Perside. Par contre le sanctuaire d’Antiochos Ier de Commagène (Nemrud Dag) est une construction artificielle ayant sa source dans l’érudition hellénistique. Dans le Pont, les sanctuaires anatoliens (déesse Ma à Comana du Pont, dieu lune Men, principautés sacerdotales) sont aussi importants, sinon plus, que les sanctuaires en l’honneur des dieux perses. Quant au culte de Zeus Stratios, célébré par Mithridate Eupator, il s’agit d’un rite très particulier qu’on ne retrouve pas ailleurs. Du point de vue démographique, le poids des populations iraniennes en Anatolie est difficile à évaluer, en dehors, là encore, du royaume parthe des Arsacides.
3Une deuxième partie étudie les origines des dynasties anatoliennes et leur lien avec le passé perse. En Arménie, la présence d’Orontès à la tête du royaume en 317 av. n. è. représente un facteur de continuité par rapport au passé perse. En Cappadoce, les Ariarathides sont aussi d’origine perse. Le pouvoir qu’ils établissent indique que les familles d’origine perse avaient conservé un crédit et un appui suffisants pour fonder des dynasties sur le territoire cappadocien sitôt que s’en sont effacés les Macédoniens. Dans le Pont, un noble perse, Mithridate Ktistès (le Fondateur), après la bataille d’Ipsos (301 av. n. è.), fonde une principauté dans le nord de la Cappadoce, qui ne tarda pas à s’étendre. La dynastie de Commagène enfin est d’apparition trop tardive (vers 160 av. n. è.) pour que l’on accepte les origines perses dont se flattait Antiochos Ier de Commagène (vers 69-40 av. n. è.). Malgré cette continuité avec le passé perse, les légendes de fondation des dynasties anatoliennes sont en définitive des discours adressés à tous ceux qui possèdent le « savoir partagé » grec.
4Une troisième partie envisage le problème des titulatures royales et de la coiffe royale nommée kyrbasia. À l’époque classique, on associait aux Achéménides le titre de Grand Roi. À partir du ier siècle av. n. è., on trouve le titre de Grand Roi des Rois puis de Roi des Rois par identification avec les pratiques des Arsacides. Quant à la kyrbasia, semblable au célèbre bonnet phrygien, avec protège-nuque et bandes latérales, il est possible que les rois hellénistiques, lorsqu’ils se firent représenter sur les monnaies munis de ce couvre-chef, aient cherché à souligner le lien qu’ils entretenaient avec le passé perse, mais ce lien s’établit par le biais d’images conçues dans les régions grecques et hellénisées pour représenter les Perses.
5Dans sa conclusion générale, l’autrice, résumant son propos, fait valoir que le souvenir du passé perse est réel mais passe par le filtre du savoir grec sur les Perses et par la perception des Parthes comme héritiers des Perses.
Pour citer cet article
Référence papier
Alain Ballabriga, « Charlotte Lerouge-Cohen, Souvenirs du passé perse à l’époque hellénistique. Arménie · Cappadoce · Commagène · Perside · Pont · Royaume Arsacide », Anabases, 39 | 2024, 384-385.
Référence électronique
Alain Ballabriga, « Charlotte Lerouge-Cohen, Souvenirs du passé perse à l’époque hellénistique. Arménie · Cappadoce · Commagène · Perside · Pont · Royaume Arsacide », Anabases [En ligne], 39 | 2024, mis en ligne le 01 avril 2024, consulté le 18 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/18112 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12oqf
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