En 1989, le chorégraphe Dominique Dupuy organisait un colloque intitulé « L’instant, la mémoire et l’oubli ». Cette manifestation marquait le début, en France, d’une prise de conscience de la nécessité d’une mémoire chorégraphique qui, dépassant la seule mémoire du corps, prendrait en compte les œuvres elles-mêmes, dans le cadre d’une historicisation de cet art. Il s’agissait de montrer « la complémentarité des possibles entre les anciens et les nouveaux et, au-delà, leur faculté de création » comme l’a montré une analyse rédigée à la demande du Ministère de la Culture et de la Communication. Gabrielle Larocque a mis en lumière la capacité de cet art à stimuler les pratiques muséales depuis une vingtaine d’années, par « l’invention de nouvelles modalités de conservation et de mise en valeur ». Parmi les obstacles qui freinèrent longtemps l’élaboration d’une histoire culturelle de la danse, elle mentionne le manque d’écrits, inhérent à la nature éphémère d’une pratique artistique fon...
Reconstitution et patrimonialisation de l’éphémère et du mouvant. Le cas de la danse antique : enjeux, risques et paradoxes
Résumés
L’art chorégraphique a fait la preuve, depuis une vingtaine d’années, de sa capacité à faire évoluer les modalités de conservation et de mise en valeur de l’art dans les musées. Cette évolution passe notamment par une historicisation de la danse. La danse antique représente une composante importante de l’histoire culturelle de la danse que théoriciens et chorégraphes appellent de leurs vœux. L’histoire de la réception de la danse antique dans les siècles postérieurs et jusqu’à nos jours est celle d’une référence fondatrice, qui a légitimé ruptures et continuités artistiques et culturelles : reconstitutions, créations ou produits de la recherche-création. Du xvie au xviiie siècles, la notion d’héritage n’intervient guère dans le processus de réception de l’Antiquité chez les théoriciens et praticiens de la danse. Les textes antiques sur la danse (en particulier Lucien) viennent alimenter la réflexion théorique et les développements rhétoriques sur les formes contemporaines de cet art. L’idée d’héritage antique s’est formée avec les mouvements reconstructionniste et revivaliste de la fin du xixe et du début du xxe siècles, notamment aux États-Unis, en France et en Allemagne. L’iconographie (vases, bas-reliefs et peintures) justifie une revendication de continuité artistique et philosophique, un appel à une philosophie grecque du corps et, parallèlement, à l’archaïsme du geste et au mouvement non conceptualisé. Depuis la deuxième moitié du xxe siècle, les chorégraphes ont cessé de rechercher dans l’Antiquité une légitimation artistique. Les chorégraphes expérimentent, à travers cette période, la force du recours aux rites archaïques et la puissance émotionnelle de la danse collective. La recherche-création elle-même joue de l’écart avec une Antiquité qui reste pourtant très présente. Si la danse antique ne saurait être reconstruite, sa réception pourrait faire l’objet d’une patrimonialisation.
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Ce document sera publié en ligne en texte intégral en avril 2026.
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Pour citer cet article
Référence papier
Marie-Hélène Garelli, « Reconstitution et patrimonialisation de l’éphémère et du mouvant. Le cas de la danse antique : enjeux, risques et paradoxes », Anabases, 39 | 2024, 253-270.
Référence électronique
Marie-Hélène Garelli, « Reconstitution et patrimonialisation de l’éphémère et du mouvant. Le cas de la danse antique : enjeux, risques et paradoxes », Anabases [En ligne], 39 | 2024, mis en ligne le 01 avril 2026, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/17622 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12oq0
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