Christopher S. van den Berg, The Politics and Poetics of Cicero’s Brutus : the Invention of Literary History
Christopher S. van den Berg, The Politics and Poetics of Cicero’s Brutus : the Invention of Literary History, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 2021, 290 p. / ISBN 9781108495950, £75.
Texte intégral
1Le Brutus est une histoire de l’éloquence écrite en 46 av. J.-C. Cependant, Cicéron ne propose pas une simple histoire intellectuelle déconnectée des aléas de la crise politique, puisqu’il recherche dans l’histoire romaine des alternatives à la guerre civile et au pouvoir de César. Il offre avant tout sa vision de la res publica. C. Van der Berg souhaite justement étudier le Brutus à la fois comme une œuvre intellectuelle et politique qui doit être replacée dans l’historiographie littéraire. Dans son introduction, il insiste sur la contextualisation des traditions oratoires et la nécessité de prendre en compte les conceptions historiques de l’Arpinate. En effet, Cicéron se représente le passé tel qu’il souhaite le voir. C. Van der Berg insiste donc sur ces aspects, y compris les forgeries, pour comprendre le projet intellectuel cicéronien. L’introduction précise également qu’il souhaite démontrer que Cicéron aurait inventé l’histoire littéraire.
2Huit chapitres structurent le livre. Le premier chapitre Ciceropaideia s’intéresse à l’éducation de Cicéron et à son style « rhodien ». Il insiste également sur la comparaison entre Cicéron et Hortensius qui magnifie le premier, car cette mise en parallèle montre l’ascension cicéronienne liée au déclin d’Hortensius. Ensuite, le chapitre deux (The intellectual genealogy of the Brutus) met en lumière les filiations intellectuelles et les influences, notamment celles du De uirtute de Brutus et du Liber annalis d’Atticus. L’œuvre s’inscrit aussi dans d’autres traditions, y compris varroniennes. Toutes ces traditions intellectuelles sont mises au service de la res publica et Cicéron revendique le rôle politique de l’orateur. Le troisième chapitre Caesar and the political crisis replace justement l’œuvre dans la vie politique et la dictature césarienne. Il revient sur l’engagement civique pour résoudre la crise politique, en cherchant des modèles anciens d’utilitas et d’honestas. Cependant, la jeune génération des orateurs n’est pas oubliée et une attention particulière est donnée à M. Claudius Marcellus (cos. 51) et offre ainsi un écho au Pro Marcello. Le chapitre 4 Truthmaking and the past s’intéresse à l’évocation et à la conceptualisation du passé littéraire sans nier les erreurs et approximations cicéroniennes. Il est également question de la rigueur et de la véracité historiques à travers des études de cas (Livius Andronicus, éloges funèbres, Coriolan...).
3Le cinquième chapitre (Beginning (and) literary history) analyse les liens entre les débuts de l’histoire littéraire et ceux de l’éloquence à Rome. Selon Cicéron, l’art oratoire serait apparu avec le premier orateur M. Cornelius Cethegus (cos. 204). Ce choix est controversé et C. Van der Berg souligne que le choix d’Ap. Claudius Caecus aurait été plus pertinent. Néanmoins ce choix révèle la volonté cicéronienne d’ouvrir le débat, tout en montrant les libertés qu’il s’accorde vis-à-vis de l’histoire littéraire à cause de sa conception orientée du passé. Le chapitre Perfecting literary history montre ensuite comment Cicéron établit des normes pour écrire son histoire de l’éloquence. Il propose une lecture orientée des canons littéraires anciens et critique l’historiographie littéraire. L’interdépendance de la littérature et de l’histoire est manifeste. C. Van der Berg met en avant le binôme « absolutisme-relativisme ». Le premier terme est notamment nécessaire pour la critique littéraire et pour l’analyse du style, tandis que le relativisme littéraire doit être de mise pour considérer le poids du passé, a fortiori avec la vision téléologique de Cicéron. L’histoire de l’éloquence inclut également une comparaison avec l’exemplum culturel du monde grec ; alors que la Grèce décline, l’art oratoire connaît des sommets à Rome à la fin de la République. Le chapitre 7 Cicero’s Attici revient sur l’opposition entre l’atticisme et l’asianisme, en notant que la notion d’» asianisme » est seulement utilisée dans un sens négatif et relève plus de la conceptual unicorn (p. 193). Cicéron critique également l’atticisme en précisant que les styles étaient nombreux chez les orateurs athéniens et qu’il est donc difficile de croire à un atticisme homogène et univoque. En outre, il existe une distorsion entre l’atticisme véritable et sa version romaine qui promeut un style simple. Finalement Cicéron préfère une diversité stylistique telle qu’elle existe dans les traditions oratoires gréco-romaines.
4Enfin, le dernier chapitre Minerva, Venus, and Cicero’s judgments on Caesar’s style offre une étude à part mêlant le Brutus, les Commentarii de César et l’histoire de l’art. C. Van der Berg reconnaît que les arguments avancés sont les plus spéculatifs de son livre, notamment en traitant les analogies avec des statues. Cicéron se présente comme un sculpteur et les références à Minerve feraient penser à l’Athéna Parthénos de Phidias ; tandis que le style césarien rapprocherait l’orateur de l’Aphrodite de Cnide de Praxitèle, donc de Vénus. En filigrane apparaît alors la volonté cicéronienne de protéger la République, comme Athéna protège Athènes. Pour C. Van der Berg, le Brutus est ainsi une réponse à l’idéologie politique et à l’esthétique césarienne. La symbolique sert un projet politique.
5Pour conclure, C. Van der Berg souligne le caractère innovant du Brutus qui dépasse l’histoire des traditions oratoires. Au-delà de l’importance littéraire de l’ouvrage, le Brutus souligne la vision cicéronienne de son temps et la volonté de restauration d’une certaine conception de la res publica.
Pour citer cet article
Référence papier
Cyrielle Landrea, « Christopher S. van den Berg, The Politics and Poetics of Cicero’s Brutus : the Invention of Literary History », Anabases, 38 | 2023, 294-295.
Référence électronique
Cyrielle Landrea, « Christopher S. van den Berg, The Politics and Poetics of Cicero’s Brutus : the Invention of Literary History », Anabases [En ligne], 38 | 2023, mis en ligne le 01 novembre 2023, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/16798 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.16798
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