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Comptes rendus

Michel Chauveau, Jean-Luc Fournet, Jean-Michel Mouton et Antonio Ricciardetto (éd.), Curiosité d’Égypte. Entre quête de soi et découverte de l’autre, de l’Antiquité à l’époque contemporaine

Laurent Bricault
p. 370-372
Référence(s) :

Michel Chauveau, Jean-Luc Fournet, Jean-Michel Mouton et Antonio Ricciardetto (éd.), Curiosité d’Égypte. Entre quête de soi et découverte de l’autre, de l’Antiquité à l’époque contemporaine, Genève, Droz, 2020, 370 p. / ISBN 9782600057486, 72,80 €

Texte intégral

1Ce volume collectif paru en 2020 est issu d’un cycle de séminaires donnés à l’EPHE entre 2010 et 2014. La longue gestation de l’ouvrage peut expliquer sa structure quelque peu déséquilibrée, la rareté des références récentes dans les différents textes édités et probablement l’absence d’introduction. Un riche et fort utile index (p. 347-367) clôt ce livre qui regroupe douze textes répartis en deux sections d’inégale longueur.

2La première section, intitulée L’Égypte en quête de son passé (époques antique et médiévale), réunit 9 textes sur 258 pages quand la seconde, L’Égypte redécouverte par l’Europe en rassemble 3 sur 85 pages. Un tel découpage, peut-être dicté par les circonstances, ne répond sans doute pas à la pluralité des approches, des questionnements et des éclairages proposés par les différentes contributions, souvent riches et passionnantes. On peut se demander si Hérodote d’Halicarnasse, Diodore de Sicile, Zacharie de Gaza (dit de Mytilène), ou nombre d’auteurs « arabes » s’étant intéressés au Phare d’Alexandrie, tel l’Andalou Ibn Shaykh, trouvent vraiment leur place dans une réflexion sur l’Égypte en quête de son passé. Plus stimulante est l’association, au moins à quatre reprises, de textes qui entrent en résonnance deux à deux, ceux de Christiane Zivie-Coche et Françoise Dunand, de Jean Gascou et Marc Gabolde, de Claude Obsomer et Sydney Aufrère, de Jean-Charles Ducène et Godefroid de Callataÿ.

3C. Zivie-Coche et F. Dunand posent la question du jugement des Égyptiens de la fin de l’Antiquité sur leur religion, leurs dieux, leur monde, sans s’accorder sur les réponses à donner. Si, pour la première, les processus mis en œuvre oscillent entre transmission, réutilisation et récupération du passé pharaonique, la seconde privilégie une forme de continuum en considérant qu’il n’y eut jamais à récupérer ce qui n’était pas perdu. Toutes deux s’accordent pour admettre qu’en aucun cas les Égyptiens renièrent leur passé. La contribution de Marie-Pierre Chaufray, qui porte sur les « traductions » grecques de textes égyptiens, prolonge la réflexion en mettant en lumière la nécessité de s’adapter à un nouveau lectorat, au risque de disparaître. La problématique au lourd passé historiographique de la conversion éventuelle des temples traditionnels en églises est au cœur des études de J. Gascou et M. Gabolde. Pour le premier, le récit de la Vie de Sévère sur l’Isis de Ménouthis et les péripéties relatives à ses lieux de culte est une pure fiction. Quant au second, il montre, au cours d’une enquête très érudite, que le temple de Min à Akhmîm ne fut jamais transformé en église par les Coptes, mais devint en fait un dépôt d’ordures, avant d’être en grande partie démantelé au xive siècle. C. Obsomer et S. Aufrère reviennent, en deux études très denses, sur la transmission de listes royales dans la tradition littéraire, examinant leur construction et leur raison d’être chez Hérodote, Diodore et « Manéthôn ». L’élaboration d’une mémoire sélectionnée plus encore que sélective s’explique par les objectifs de chaque auteur au moins autant que par les sources dont chacun disposait. Ainsi « Manéthôn », quel qu’il soit, est-il l’instigateur d’une mémoire plus mythistorique que réellement historique visant à prendre le contre-pied du « discours » grec sur l’Égypte. L’analyse par J.-C. Ducène et G. de Callataÿ des intérêts variés des auteurs « arabes » pour l’Égypte chrétienne et pré-chrétienne, qu’ils évoquent le Phare, les pyramides ou certains lieux mentionnés dans la Bible, montre qu’aucun d’eux ne revendique l’héritage de l’Égypte antique, sans nier pour autant la fascination qu’exerce sur eux certains reliefs pharaoniques considérés comme magiques.

4La seconde partie propose trois enquêtes bien différentes. Mino Gabriele revient sur les hiéroglyphes du Songe de Poliphile, dans un court article aux illustrations trop petites et de faible qualité, à l’instar de celles, rares, qui émaillent le volume. L’enquête fouillée de Jean-Luc Fournet, bien plus originale, s’intéresse au panégyptisme linguistique et idéologique qui a marqué des décennies durant la science européenne post-champollionienne, fournissant d’une certaine manière un véritable baromètre du/des rapport(s) à l’Égypte de la culture européenne. Comme il le rappelle très justement, au-delà du cas égyptien, la réception d’une culture par une autre nous en dit toujours beaucoup plus sur la culture réceptrice que sur l’autre. Le volume se conclut par l’enquête remarquable – et quelque peu glaçante – menée par Chris Rodriguez sur l’instrumentalisation idéologique par les nazis de soi-disant représentations de Juifs dans les portraits du Fayoum.

5Au final, ce volume quelque peu bancal, mais judicieusement focalisé sur un espace précis, l’Égypte, considéré sur la longue durée, s’avère passionnant. Regorgeant d’informations et fourmillant d’idées stimulantes, il est d’une lecture recommandée car propice à nourrir la réflexion sur notre rapport à l’antique, sous quelque forme et par quelque biais que ce soit.

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Pour citer cet article

Référence papier

Laurent Bricault, « Michel Chauveau, Jean-Luc Fournet, Jean-Michel Mouton et Antonio Ricciardetto (éd.), Curiosité d’Égypte. Entre quête de soi et découverte de l’autre, de l’Antiquité à l’époque contemporaine »Anabases, 37 | 2023, 370-372.

Référence électronique

Laurent Bricault, « Michel Chauveau, Jean-Luc Fournet, Jean-Michel Mouton et Antonio Ricciardetto (éd.), Curiosité d’Égypte. Entre quête de soi et découverte de l’autre, de l’Antiquité à l’époque contemporaine »Anabases [En ligne], 37 | 2023, mis en ligne le 30 avril 2023, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/16074 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.16074

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