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Comptes rendus

Santiago Carbonell Martinez, Cuando las ovejas griegas balan. Historia de la pronunciación erasmiana en Grecia y en la tradición escolar hispana

Alain Ballabriga
p. 369-370
Référence(s) :

Santiago Carbonell Martinez, Cuando las ovejas griegas balan. Historia de la pronunciación erasmiana en Grecia y en la tradición escolar hispana, Castelló de la Plana, Universitat Jaume I, 2021, 332 p. / ISBN 9788418432743, 20 €

Texte intégral

1L’auteur de cet ouvrage, après avoir rappelé dans son introduction la grande enquête du philologue allemand Engelbert Drerup (1871-1942) sur la prononciation scolaire du grec ancien depuis la Renaissance, publiée en 1930-32, fait valoir la nécessité d’actualiser ce type de recherches du fait du peu d’intérêt des hellénistes pour cette question pourtant fondamentale. Pour ce faire, l’auteur se limite à la tradition scolaire hispanique (Espagne et Amérique Latine) ainsi que grecque. Il analyse ainsi, de siècle en siècle, depuis la Renaissance jusqu’à nos jours, un grand nombre d’ouvrages et manuels prenant parti pour ou contre la prononciation érasmienne.

2Pour résumer de façon très synthétique, je ne rappellerai que quelques faits à mon sens particulièrement importants. En Espagne, les deux grands noms de la Renaissance, partisans d’une prononciation restituée du grec ancien, sont Antonio de Nebrija (1441-1522) et Francisco Sanchez de las Brozas (1523-1600), dit El Brocense, qui sont invoqués par les auteurs espagnols tout au long des siècles.

3Les humanistes espagnols du xvie siècle, habitués à une écriture qui traduisait fidèlement les sons, aussi bien en latin qu’en espagnol, furent choqués par le divorce qui existait en grec entre l’écriture et la prononciation byzantine. Néanmoins, deux ou trois siècles plus tard, l’anglais et le français se mirent à présenter le même divorce entre une écriture restée pour ainsi dire médiévale et une prononciation moderne.

4Par ailleurs la diversité linguistique de l’Europe conduisit à une diversification de la prononciation préconisée par Érasme. Les effets de cette évolution furent relevés par le grec Alexandros Helladios dans un dialogue publié en 1712 où il donne quelques exemples de la curieuse façon dont les Anglais prononcent le grec. Pour donner un seul exemple, le mot pneûma « souffle, esprit) est prononcé niouma ! Ayant également séjourné en terre allemande, Helladios devait aussi savoir que les Allemands prononçaient pnoïma. De leur côté les Français prononcent à la française, comme dans pneumonie, et les Italiens et Espagnols à la latine : pnéouma. Quant à la prononciation grecque (pnevma), ce fut le mérite d’Adamantios Koraïs (1748-1833), grande figure des Lumières grecques, d’avoir fait valoir que, loin d’être une corruption tardive comme on le pensait communément, elle remontait en fait au moins à l’époque romaine, ce qui a été corroboré par les études ultérieures et est de nos jours couramment admis, bien qu’on n’en tire pas les conséquences nécessaires, comme le préconisait Koraïs, c’est-à-dire de renoncer à l’érasmienne, puisque le grec se prononce à la grecque depuis deux millénaires.

5À la suite de l’auteur, qui a le mérite de signaler des publications grecques mal connues des « Latins », on peut encore retenir le nom d’Andréas Skias (1861-1922), professeur à l’Université d’Athènes, qui, dans une grammaire scolaire du grec ancien (1894), décrit les sons de l’attique classique et les évolutions ultérieures de façon très correcte. Beaucoup plus connu des néo-hellénistes, le père de la linguistique grecque moderne, Georgios Chatzidakis (1848-1941), est l’auteur de solides études de grammaire historique dans lesquelles il fait à l’occasion observer que personne ne songe à lire Shakespeare d’une façon différente de la moderne. Outre les travaux espagnols et grecs, l’auteur signale aussi à juste titre les propos du byzantiniste écossais Robert Browning (1914-1997) qui, dans son excellent manuel Medieval and Modern Greek (1969), estime que la continuité de la langue grecque est telle que l’on peut étudier la littérature grecque en descendant ou en remontant le temps. En ce début du xxie siècle, la meilleure mise au point sur cette question de la prononciation du grec ancien est à mon sens celle d’Evangelos Petrounias (1935-2016) que l’on peut lire en ligne dans le Portail de la langue grecque (Η Πύλη για την ελληνική γλώσσα).

6Pour finir, deux mots sur le titre de notre ouvrage que l’on peut traduire en français par « Quand bêlent les brebis grecques ». Depuis la Renaissance, les érasmiens répètent à satiété que le bê bê des brebis attesté dans deux fragments comiques de Cratinos et d’Aristophane suffit à condamner la prononciation grecque car les brebis ne font pas vi vi ! Effectivement, en grec moderne le bêlement est noté par μπε μπε qui se prononce bé bé mais il est évidemment tout à fait absurde de condamner la prononciation grecque à partir d’un détail aussi isolé et particulier.

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Pour citer cet article

Référence papier

Alain Ballabriga, « Santiago Carbonell Martinez, Cuando las ovejas griegas balan. Historia de la pronunciación erasmiana en Grecia y en la tradición escolar hispana »Anabases, 37 | 2023, 369-370.

Référence électronique

Alain Ballabriga, « Santiago Carbonell Martinez, Cuando las ovejas griegas balan. Historia de la pronunciación erasmiana en Grecia y en la tradición escolar hispana »Anabases [En ligne], 37 | 2023, mis en ligne le 30 avril 2023, consulté le 22 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/16064 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.16064

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