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Comptes rendus

Hamish Williams (éd.), Tolkien & the Classical world

Kevin Bouillot
p. 344-346
Référence(s) :

Hamish Williams (éd.), Tolkien & the Classical world, Zurich et Jena, Walking tree, 2021, 458 p. / ISBN 9783905703450, 24,90 €

Texte intégral

1Bien que Tolkien fascine des millions de lecteurs depuis plus d’un demi-siècle, et malgré la longueur de la bibliographie scientifique consacrée aux influences médiévales dans son œuvre, la part que l’Antiquité et les Classics y prirent n’a que peu été étudiée. Cet ouvrage collectif dirigé par Hamish Williams se propose d’y remédier et d’emprunter un chemin scientifique qui n’a été que récemment ouvert par la création des trois revues consacrées à Tolkien et son œuvre (Tolkien Studies en 2004, Journal of Inklings studies en 2011 et Journal of Tolkien Research en 2014).

2Les quinze contributions explorent les traces et les origines de la culture classique que reçut d’abord J. R. R. Tolkien (qui étudia les langues anciennes avant de se tourner vers la littérature et les langues médiévales) telle qu’elle transparaît dans son Légendaire, c’est-à-dire dans l’ensemble de ses œuvres traitant de la Terre du Milieu : principalement The Hobbit (1938), The Lord of the Rings (1954-1955) puis ses principales publications posthumes telles que The Silmarillion (1977), The Unfinished Tales of Númenor and Middle-earth ou The Children of Húrin (2007). Sans chercher l’intertextualité parfaite, à laquelle Tolkien semble s’être toujours refusé, les quinze contributeurs identifient des thématiques, des schémas narratifs, des termes et des concepts empruntés à l’histoire de l’Antiquité (partie 1), à ses mythes et épopées (partie 2), à ses philosophes (partie 3), ou à d’autres domaines divers (parties 4 et 5).

3Williams Hamish (p. 3-36) rappelle d’abord que Tolkien fut formé dès l’enfance et jusqu’à Oxford aux Classics, qui marquèrent tant sa pensée que sa plume et auxquels il revint inlassablement sans son œuvre, même de manière déguisée. Ross Clare (p. 37-68) identifie des éléments d’histoire athénienne – et notamment de la ligue de Délos – puis romaine et impériale dans l’histoire de l’île et de la civilisation de Númenor et de ses rois inspirés des empereurs décrits par Suétone ou Dion. Giuseppe Pazzini (p. 73-103) se concentre sur la façon dont les Valar, divinités et puissances de la Terre du Milieu, rappellent, dans leurs interactions avec les Hommes et les Elfes, des schémas gréco-romains, empruntés notamment à Homère et Virgile. Benjamin Eldon Stevens (p. 105-130) compare certains passages du Légendaire, voire le Seigneur des Anneaux tout entier, à une katabasis classique, malgré une morale plus optimiste quant à la destinée humaine chez Tolkien. Austin M. Freeman (131-163) débusque à son tour des influences virgiliennes dans les valeurs héroïques mises en avant par les personnages de Tolkien, entre piété chrétienne et pietas romaine. Peter Astrup Sundt (p. 165-189) étudie les liens entre les versions virgilienne puis médiévales du mythe d’Orphée et Eurydice et leur pendant chez Tolkien : l’histoire de Beren et Lúthien, qui échappèrent eux aussi à la mort. Michael Kleu (p. 193-215) fait de même avec l’Atlantide de Platon et ses continuateurs, jusqu’à la destruction du continent englouti de Númenor au deuxième âge de la Terre du Milieu, selon des schémas narratifs analogues. Lukasz Neubauer (p. 217-246) cherche dans l’anneau de Gygès, évoqué par Platon au deuxième livre de la République, des éléments d’inspiration antiques et moraux pour l’anneau unique de Tolkien. Julian Eilmann (p. 247-268) montre comment la trame narrative de The Children of Húrin reprend les canons de la tragédie antique, tels que définis notamment par la Poétique d’Aristote. Philip Burton (p. 273-304) piste les éléments d’études indo-européennes dans le vocabulaire imaginé par Tolkien pour désigner certains des animaux et plantes imaginaires de la Terre du Milieu. Richard Z. Gallant (p. 305-328) compare la romanisation des populations tardo-antiques du Nord de l’Europe avec la « noldorisation » des hommes de la Terre du Milieu, c’est-à-dire leur acculturation par les Elfes Noldor. Juliette Harrisson (p. 309-348) envisage de considérer l’histoire du Seigneur des Anneaux comme une version remaniée et plus optimiste de l’histoire tardo-antique, dans laquelle l’empire romain (ou le Gondor qu’il inspira) échapperait à la chute. Alley Marie Jordan (p. 353-363) met en parallèle le pastoralisme des Églogues virgiliennes avec la ruralité des Hobbits et leur vision de la nature. Oleksandra Filonenko et Vitalii Shchepanskyi (p. 365-374) cherchent dans la cosmogonie musicale de Tolkien les traces d’une lecture gréco-romaine du rôle et du pouvoir de la musique, en lien avec l’harmonie des sphères célestes grecques. Enfin Graham J. Shipley (p. 379-394) conclut sur la complexité et l’enchevêtrement des références classiques et médiévales chez Tolkien, et invite à poursuivre l’œuvre entamée par l’ouvrage.

4L’ensemble forme ainsi un tout assez cohérent, malgré les inévitables redites entre contributions qui repassent parfois par les mêmes points, mais mettent ainsi d’autant plus en évidence les éléments saillants des origines (également) gréco-romaines de la Terre du Milieu. Chaque article est suivi d’une bibliographie substantielle qui oriente à la fois vers les études récentes consacrées à Tolkien mais aussi vers la littérature scientifique de référence en matière de Classics. L’index permet d’ailleurs de se repérer aisément dans ces chemins de traverses ouverts par les auteurs entre leurs contributions et entre les multiples thématiques dévelop­pées par Tolkien.

5Cet ouvrage, bien que clair, exige une bonne connaissance de l’œuvre de Tolkien et se montre souvent plus pédagogue envers les non-initiés aux Classics qu’envers les explorateurs novices de la Terre du Milieu. Il est loin d’épuiser son sujet – et ne prétend d’ailleurs nullement le faire – mais constitue un appel criant et passionnant à mettre en parallèle deux univers jusqu’ici séparés, mais que la plume de J. R. R. Tolkien fit dialoguer bien plus que l’on ne l’a longtemps pensé.

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Pour citer cet article

Référence papier

Kevin Bouillot, « Hamish Williams (éd.), Tolkien & the Classical world »Anabases, 36 | 2022, 344-346.

Référence électronique

Kevin Bouillot, « Hamish Williams (éd.), Tolkien & the Classical world »Anabases [En ligne], 36 | 2022, mis en ligne le 02 novembre 2022, consulté le 08 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/15187 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.15187

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