C.W. Marshall, Latin poetry and its reception: essays for Susanna Braund
C.W. Marshall, Latin poetry and its reception: essays for Susanna Braund, Abingdon et New York, Routledge, 2021, 320 p. / ISBN 9780367549022, $ 128
Texte intégral
1Ce volume d’hommages à Susanna Braund pour son départ à la retraite (après une carrière internationale bien remplie et une riche production scientifique parmi laquelle on retiendra notamment son commentaire du De Clementia de Sénèque) réunit dix-neuf contributions anglophones reflétant deux des principaux centres d’intérêts de la dédicataire : la poésie latine et sa réception moderne et contemporaine. Malgré ce resserrement thématique, les sujets et les problématiques abordés sont très divers, de sorte que les articles sont suivis chacun de leur bibliographie propre, ce qui est le plus commode en pareil cas ; un index général complète l’ensemble. L’ouvrage comporte quatre parties. Les quatre premiers articles présentent une forte unité thématique autour du thème de la royauté. J. Farrell s’intéresse à l’image d’Ulysse et d’Achille dans la poésie latine archaïque pour montrer que dès les origines de leur littérature, les Latins ont marqué une préférence pour le héros astucieux et rusé par rapport au guerrier colérique et brutal, et n’ont pas attendu Horace pour réhabiliter Ulysse en tant qu’incarnation de la sapientia attendue d’un bon chef. A. Keith étudie les échos possibles du Péri Basiléia de Philodème au livre IV de l’Énéide, à travers la représentation, en premier lieu, de Jupiter comme exemple d’ataraxie royale, puis de Didon comme figure de bon souverain en puissance suivant les caractères de la royauté phéacienne chère aux Épicuriens (mais minée par des tendances passionnelles préfigurant son échec), et enfin d’Énée, conforme pour sa part à l’idéal du bon monarque apaisant les passions. J. Knight examine en parallèle quelques extraits des Géorgiques 1 et 4 et du De Clementia pour montrer comment les deux auteurs abordent chacun à sa manière le problème de la fragilité du régime monarchique et la nécessité de la maîtrise de soi et de la préservation de bonnes relations entre le roi et ses sujets. A. Barchiesi se livre enfin à une lecture « politique » assez originale de l’Achilléide de Stace, qui dépasse le sempiternel débat sur l’éloge ou la critique du pouvoir impérial pour mettre en évidence ce que l’auteur considère comme une problématisation de ce dernier, porteur à la fois d’une perspective d’unification et de tensions internes. Suivent quatre contributions réunies sous l’appellation (un peu trompeuse) de « genre crossing », dans la mesure où elles mettent en jeu des textes de genres littéraires différents. M. Wilson passe en revue les sources historiques et poétiques (essentiellement Tite-Live et Ovide) sur la grève sécessionniste des musiciens de 311 av. J.-C. pour montrer notamment comment le poète des Fastes réécrit l’anecdote dans la perspective d’un plaidoyer pour la tolérance des iocosa uerba (avec aussi à la clé une correction textuelle). Chr. Van den Berg s’attache à mettre en lumière des traces de la figure de Socrate dans le Pseudolus de Plaute (le « connais-toi toi-même », la problématisation du rapport entre parole et écrit). P. James propose un aperçu général sur le motif de l’apparition d’un dieu à un héros principalement chez Ovide et Apulée, avec un prolongement contemporain vers le film Jason et les Argonautes de Don Chaffey et la série Buffy contre les vampires. V. Pagán livre enfin de fines remarques sur la question de la sincérité des éloges de l’empereur chez les poètes du premier siècle de notre ère, à partir de l’anecdote tacitéenne de Cominius (Annales, IV, 31, 2). La troisième partie (« Intertextes impériaux ») regroupe trois contributions qui envisagent les textes anciens sous l’angle de l’influence directe et de la récriture. C. O’Hogan étudie la façon dont Lucain s’est inspiré à deux reprises des funérailles de Misène au chant VI de l’Énéide : pour l’abattage du bois sacré de Marseille (Phars. III) et pour les funérailles de Pompée (Phars. VIII). A. McClellan examine l’imbrication des réminiscences de Virgile (Aen. II et XII) et de l’Ancien Testament dans le combat d’Arrogance contre Humilité de la Psychomachie de Prudence. Ph. Hardie s’attache à la question de la réception de la poésie latine classique (Virgile et Ovide) dans les allégories de Claudien et Paulin de Nole. La dernière partie, la plus étoffée, est consacrée à la réception de la poésie latine. C. Newlands propose une étude serrée des réminiscences de Virgile, Ovide et Lucain et de leur valeur métalittéraire dans les vers que le poète écossais du xvie siècle. Gavin Douglas, consacre aux évocations du chant des oiseaux dans les prologues autoréflexifs qu’il insère dans sa traduction de l’Énéide. L’article de S. Gillespie prend pour objet les adaptations par les auteurs anglais d’un poème néo-latin du xviie siècle sur la compétition mélodique entre un musicien et un rossignol, extrait du manuel de rhétorique du Jésuite F. Strada (avec en appendice quatre versions inédites). J. Osgood étudie l’influence de Juvénal dans Le déclin et la chute de l’Empire romain de Gibbon, en montrant comment ce dernier prend le poète latin à la fois comme source documentaire et comme modèle d’une historiographie à tendance satiriste. B. Gladhill aborde quelques aspects de la foisonnante intertextualité antique dans le Moby Dick d’H. Melville, d’Homère à Virgile en passant par Catulle 64 et le Phédon de Platon. S. Harrison recense tout ce que le libretto latin de l’opéra-oratorio néo-classique Œdipe roi de Stravinsky doit à la formation à la fois religieuse et sorbonnienne de son traducteur, le futur cardinal Daniélou, alors jeune étudiant. Z. Torlone propose une étude du traitement des héroïnes mythologiques (Ariane, Phèdre, Didon) chez deux poétesses russes de la fin du xixe siècle et du début du xxe, Marina Tsvetaeva et Anna Akhmatova. Enfin, C. Pache examine la récriture des personnages de Didon, Anna et Énée à travers les protagonistes principaux de la tétralogie de romans napolitains (2012-2015) d’Elena Ferrante consacrés à l’amitié de deux femmes, Lenù et Lila. Un recueil dont l’unité thématique tend certes à se dissoudre un peu dans la diversité des contributions proposées, mais qui se signale par l’originalité et la très haute qualité de celles-ci.
Pour citer cet article
Référence papier
François Ripoll, « C.W. Marshall, Latin poetry and its reception: essays for Susanna Braund », Anabases, 36 | 2022, 335-337.
Référence électronique
François Ripoll, « C.W. Marshall, Latin poetry and its reception: essays for Susanna Braund », Anabases [En ligne], 36 | 2022, mis en ligne le 02 novembre 2022, consulté le 16 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/15123 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.15123
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page