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Comptes rendus

Joachim Jacob et Johannes Süßmann (éd.), Brill’s New Pauly Supplements II - Volume 12 : The Reception of Antiquity in the Age of Enlightenment

Thibaud Lanfranchi
p. 331-333
Référence(s) :

Joachim Jacob et Johannes Süßmann (éd.), Brill’s New Pauly Supplements II - Volume 12 : The Reception of Antiquity in the Age of Enlightenment, English edition by Christina C. Harker, Translated by Duncan A. Smart, Leyde et Boston, Brill, 2021, 608 p. / ISBN 9789004339354, 306,52 €

Texte intégral

1Depuis près de deux siècles désormais, le nom de Pauly est attaché à ce qui est considéré comme le sommet d’érudition et d’exhaustivité le plus emblématique de l’Altertumswissenschaft. Simple Pauly au départ, la première édition en 6 volumes fut achevée en 1852, après la mort de son concepteur éponyme August Friedrich Pauly (1796-1845). Cette Ur-Pauly connut une éphémère tentative de révision dans les années 1864-1866 mais c’est seulement à l’instigation de Georg Wissowa (1859-1931) qu’un nouveau chantier fut lancé en 1890 : la grande Pauly-Wissowa, dont le premier tome parut en 1894 et le dernier (les indices) près d’un siècle plus tard, en 1980. Ce monument, encore consulté par tous les antiquisants du monde, fit ensuite des petits : une Kleine Pauly (5 volumes publiés entre 1964 et 1975) et une Neue Pauly (15 tomes parus entre 1996 et 2003, mais 18 volumes). Aucune de ces entreprises, il faut bien le dire, n’a remplacé l’édition principale en 84 volumes. L’intérêt de la Neue Pauly est cependant de présenter une inflexion significative par rapport au projet initial de la Realencyclopädie puisque l’ensemble des 15 tomes est divisé entre Altertum (tomes 1 à 13) et Rezeptions- und Wissenschaftsgeschichte (tomes 13 à 15), à quoi un ultime tome d’index fut ajouté. Cet ajout explicite de la réception de l’Antiquité témoigne de l’évolution de la discipline. À partir de 2004, des volumes de « suppléments » thématiques à la Neue Pauly furent aussi progressivement publiés (on en compte 14 à l’heure actuelle), en deux séries sur des thèmes variés : Herrscherchronologien der antiken Welt. Namen, Daten, Dynastien (suppl. 1, 2004), Mythenrezeption. Die antike Mythologie in Literatur, Musik und Kunst von den Anfängen bis zur Gegenwart (suppl. 5, 2008), Historische Gestalten der Antike. Rezeption in Literatur, Kunst und Musik (suppl. 8, 2013) ou Militärgeschichte der griechisch-römischen Antike. Lexikon (suppl. 12, 2022). Enfin, signe des temps dont il n’est pas absolument certain qu’il faille se réjouir, Brill a lancé, en 2002, la publication d’une traduction anglaise de la Neue Pauly : la Brill’s New Pauly. Le volume ici présenté est donc la traduction anglaise de l’original allemand paru en 2018. Soulignons que l’ordre des volumes est modifié entre les langues puisqu’il s’agissait du tome 13 de l’édition allemande et qu’il devient le tome 12 de l’édition anglaise.

2Au total, 132 entrées sont ici réunies, suivant l’organisation typique des volumes de ces collections. Chaque entrée est organisée selon un plan et comporte à la fin une bibliographie séparant les sources de la littérature secondaire. Les entrées sont précédées d’une brève introduction et suivies de trois indices (index des personnes, index géographique, index des matières). Comme on l’attend de tout volume encyclopédique, l’ensemble est donc d’un maniement aisé, d’autant que chaque entrée s’achève, après la bibliographie, sur un renvoi aux articles connexes sur le même sujet, invitant de la sorte le lecteur à des parcours thématiques à partir de son point d’entrée dans le volume. Des renvois à d’autres articles sont aussi disposés à l’intérieur même des articles, si bien que le lecteur peut se retrouver assez rapidement entraîné d’articles en articles à des considérations éloignées de ce qui l’avait initialement conduit à consulter le volume. L’article sur les Étrusques, par exemple, invite à la fin à consulter de façon assez évidente celui sur les antiquaires ou ceux sur l’archéologie et les Phéniciens, mais également ceux sur les intérieurs ou la porcelaine qui paraîtront moins attendus à bien des lecteurs. C’est qu’en architecture, les Écossais Robert et James Adam définirent un « style étrusque », qui se manifesta jusque dans les arts de la table et la vaisselle. Il existe par ailleurs des entrées sous la forme de simples renvois à d’autres articles : « Agriculture », « Drawings » ou « Pottery » par exemple. L’introduction vient expliciter le projet d’une manière significative puisqu’elle insiste sur le fait que le volume « explore the evidence of this conscious and explicit engagement with Greco-Roman Antiquity » et qu’il ne porte donc pas sur « the ‘survival’ of Antiquity in the 18th century or its possible ‘influence’ or actual ‘impact’ but of a reception explicitly relating to Antiquity » (p. XI-XII). La précision est d’importance et sert à justifier de faire de la querelle des anciens et des modernes (fin xviie siècle) le point de départ chronologique du volume puisqu’elle posa explicitement la question : que faire de l’Antiquité ? Le point d’arrivée choisi est le congrès de Vienne en 1815 qui, s’il dépasse stricto sensu le xviiie siècle, permet d’inclure toute la période de la Révolution française et de l’Empire et constitue une rupture chronologique désormais classique. Le volume cherche également à intégrer les aires extra-européennes avec des entrées sur la Chine, la révolution nord-américaine ou l’Amérique du sud. Ces articles sont substantiels, notamment celui sur la Chine qui ne se limite pas à l’origine de la sinologie mais analyse les perceptions croisées de leur Antiquité respective en Chine et en Europe.

3Il n’est pas possible d’entrer ici dans le détail des 132 articles de ce volume mais on soulignera leur variété, et le fait qu’à côté de points de passage obligés (la question homérique, les encyclopédies, les académies, le droit, etc.) on trouve des choses plus surprenantes (les jouets ou la littérature pour enfant) ainsi qu’une attention délibérée – et mise en avant dès l’introduction – sur les aspects concrets et empirique de la réception et sur sa « popularization ». Cette volonté se manifeste par des articles sur la cuisine, la typographie (avec la querelle Antiqua-Fraktur par exemple) ou la mode. L’article sur la littérature pour enfant constitue un bon exemple. Il s’ouvre sur le constat de la formalisation de ce genre littéraire comme genre distinct durant le xviiie siècle. Ce genre avait pour but évident l’instruction, comme en témoigne son ouvrage fondateur, Les aventures de Télémaque de Fénelon (1699). Sur la base de l’influence de ce livre, l’article en vient à développer les controverses autour de l’utilité réelle de l’Antiquité et de la mythologie (cette dernière se trouvant souvent au cœur de la littérature de jeunesse) sur les jeunes esprits, présentant ses critiques et ses partisans. Une courte note sur les illustrations de ces volumes clôt une notice à la très forte tonalité germanique par ailleurs (chose que l’on retrouve souvent). Les articles ne se limitent d’ailleurs pas à la période prise en considération pour le volume et n’hésitent pas à retracer sur une plus longue durée l’histoire du problème considéré, de façon à en exposer le plus complètement possible les tenants et aboutissants. Ainsi l’article Cartographie » aborde-t-il également l’Antiquité ou la Renaissance (développant notamment le cas d’Abraham Ortellius) tandis que celui sur la censure rappelle l’histoire de l’institution entre 1500 et 1750. L’ouvrage comporte aussi un nombre important d’illustrations en noir et blanc (79) qui complètent utilement les notices où elles apparaissent.

4Comme pour tout ouvrage de ce type, on pourra toujours trouver à redire sur telle ou telle notice que l’on aurait écrite différemment, ou pour laquelle on s’étonnera d’une absence dans la biblio­graphie (aucune mention de C. Jacob dans l’entrée sur la cartographie par exemple) mais il s’agit là de choix inévitables liés aux contraintes d’une telle entreprise éditoriale. Le résultat n’en demeure pas moins tout à fait intéressant et donne à voir les multiples formes de la réappropriation de l’Antiquité sur ce long xviiie siècle.

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Pour citer cet article

Référence papier

Thibaud Lanfranchi, « Joachim Jacob et Johannes Süßmann (éd.), Brill’s New Pauly Supplements II - Volume 12 : The Reception of Antiquity in the Age of Enlightenment »Anabases, 36 | 2022, 331-333.

Référence électronique

Thibaud Lanfranchi, « Joachim Jacob et Johannes Süßmann (éd.), Brill’s New Pauly Supplements II - Volume 12 : The Reception of Antiquity in the Age of Enlightenment »Anabases [En ligne], 36 | 2022, mis en ligne le 02 novembre 2022, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/15097 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.15097

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