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Traditions du patrimoine antique

Des Antiques érodés et cristallisés aux capricci à l’acrylique sur toile. Les uchronies de Daniel Arsham

Tiphaine Annabelle Besnard
p. 155-169

Résumés

Cet article se propose de revenir sur les dernières créations de l’artiste américain Daniel Arsham, dont un grand nombre a été présenté à la galerie Perrotin de janvier à mars 2020 dans le cadre de l’exposition Paris, 3020. Des moulages de sculptures de l’Antiquité grecque et romaine « cristallisés » y ont été dévoilés, ainsi que des dessins au crayon graphite. Faussement érodées, les sculptures (de la Vénus de Milo en passant par les bustes des empereurs Caracalla et Lucius Verus) ont été pensées pour duper les archéologues du futur. Ces mêmes sculptures ont ensuite été réinvesties par l’artiste dans des peintures à l’acrylique sur toile de grands formats qui rappellent indéniablement les capricci du xviiie siècle. La galerie Perrotin a présenté ces dernières de janvier à février 2021 dans son antenne new-yorkaise dans une exposition intitulée Time Dilation. Nous proposons d’analyser l’ensemble des dispositifs mis en œuvre par l’artiste pour créer des uchronies qu’il qualifie de fictions archéologiques.

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Texte intégral

  • 1 Daniel Arsham est un artiste américain. Né en 1980 à Cleveland, il vit et travaille aujourd’hui à (...)

1Que deviendront les sculptures majeures de l’Antiquité gréco-romaine, actuellement exposées dans les musées, dans un millier d’années ? Quelles sont les œuvres que les archéologues du futur découvriront ? Nous savons qu’elles subiront les affres du temps, mais de quelle manière ? Ces questions semblent avoir trouvé des éléments de réponse grâce à Daniel Arsham1 et à l’exposition Paris, 3020 présentée à la galerie Perrotin du 11 janvier au 21 mars 2020. Dans les quatre salles du rez-de-chaussée de l’hôtel particulier parisien du xviiie siècle, l’artiste américain a dévoilé au public une nouvelle série composée d’une trentaine d’œuvres. Des dessins au crayon graphite y ont été présentés, ainsi que des sculptures de l’Antiquité grecque et romaine érodées et « cristallisées ». De la Vénus de Milo en passant par les bustes des empereurs Caracalla et Lucius Verus, tous ont laissé apparaître des incrustations de pierres semi-précieuses.

2Pour ce faire, l’artiste a recouru à des moulages de ciment de gypse à l’échelle 1, qu’il a ensuite incrustés de pierres semi-précieuses. Des zones érodées de la sculpture ont laissé apparente la composition même de la matière. Nous ne sommes pas sans savoir que le marbre est une roche métamorphique, constituée majoritairement de cristaux de calcite. De la sorte, l’artiste a imaginé la transformation et, pour ainsi dire, la « métamorphose » de ce dernier dans le temps. Toutefois, il ne s’est pas arrêté à la création de sculptures, puisqu’il les a réinvesties dans de grandes peintures à l’acrylique sur toile. Ses créations, majoritairement produites durant la période de confinement, ont été présentées pour la première fois à la galerie Perrotin de New York du 16 janvier au 20 février 2021 dans le cadre de l’exposition Time Dilation. De nouvelles sculptures, produites en 2020, y ont également été dévoilées.

  • 2 Les uchronies sont des reconstructions historiques fictives qui se développent à partir d’un poin (...)

3Cet article se propose d’analyser l’ensemble des dispositifs mis en œuvre par l’artiste pour façonner de véritables uchronies2 qu’il qualifie de fictions archéologiques. Il vise également à revenir sur un processus de création pensé sur un temps long, puisque l’intérêt de l’artiste pour la fiction, la statuaire classique et la cristallisation remontent à une dizaine d’années. En ce sens, l’article sera l’occasion de découvrir, et de redécouvrir, quelques-unes de ses œuvres plus anciennes. Nous serons enfin amenés à penser la délicate notion de beau dans l’œuvre de Daniel Arsham. En effet, l’observation des œuvres conduit indéniablement l’historien de l’art à se pencher sur les processus et les protocoles d’une esthétisation certaine.

Les métamorphoses du marbre dans l’exposition Paris, 3020

  • 3 Voir, par exemple, Pasquier 1997, 129-143.
  • 4 Voir Jockey 2013.

4Que renferment les marbres ? De quoi sont-ils constitués ? Bien que l’artiste n’apporte pas de réponse scientifique, il développe une démarche artistique pour le moins étonnante et audacieuse. Par choix esthétique, au xviie siècle notamment, des bras, des jambes ou des nez ont été apposés sur des sculptures en marbre lorsqu’elles étaient retrouvées dans des états fragmentaires3. Dans ces cas, ces restaurations — souvent visibles encore aujourd’hui —, ne permettent pas d’observer la constitution des marbres qui, durant la phase de polissage par les sculpteurs, ont vu disparaître toutes leurs aspérités. La série d’œuvres dévoilée à Paris a pour ambition d’interroger la matière, au-delà de l’« enveloppe » lisse et blanche que nous sommes habitués à voir dans les musées et qui contribue indéniablement à la création de tout un imaginaire lié à la sculpture4.

Fig. 1 : Vue générale de la salle 2 de la galerie Perrotin à l’occasion de l’exposition temporaire Paris, 3020, de l’artiste Daniel Arsham

© T. A. Besnard

  • 5 La formulation « vies des sculptures » fait référence à l’ouvrage de Tonio Hölscher, intitulé La (...)
  • 6 Voir l’exposition Treasures from the Wreck of the Unbelievable de l’artiste Damien Hirst et prése (...)
  • 7 L’extrait cité est consultable en page 3 du livret.
  • 8 Daniel Arsham, Rose Quartz Eroded Venus of Milo, 2019, hydrostone, sélénite rose, 200x84.5x60 cm (...)
  • 9 Daniel Arsham, Ash and Pyrite Eroded Two Medes, 2019, pierre volcanique, pyrite, hydrostone, 119x (...)

5Recourir aux fictions archéologiques permet à Daniel Arsham de questionner le temps qui passe, le devenir de la matière et, in fine, les vies des sculptures5. C’est pourquoi l’artiste choisit 3020 comme année de la redécouverte à Paris d’antiques qui, érodés, rendent apparents les minéraux que sont le quartz, la sélénite, mais aussi la pyrite et, plus étonnement encore, la cendre volcanique. À la manière de Damien Hirst6 à Venise, l’artiste arrive à son tour, nous semble-t-il, à duper le spectateur. En effet, le processus technique de « cristallisation » a été si minutieusement réalisé que la statuaire paraît être dès son origine constituée de ces pierres semi-précieuses. Au final, une vingtaine de moulages constitue la série présentée à Paris (fig. 1). Plus précisément, elle se compose de six bas-reliefs, sept bustes et sept statues. Dans le fascicule offert au visiteur, ce dernier peut lire que, « dans cette exposition, Daniel Arsham présente une nouvelle série de sculptures composée de bustes, de frises et de sculptures emblématiques de l’Antiquité classique »7. Si, en effet, nous pouvons aisément identifier la Vénus de Milo, le buste de Caracalla ou le bas-relief de l’Aphrodite détachant sa sandale (constituant un des éléments sculptés du parapet du temple d’Athéna Niké sur l’Acropole d’Athènes)8, il nous faut aussi observer que les bornes chronologiques ont été étendues, puisque le bas-relief des tributaires mèdes de Khorsabad (d’époque néo-assyrienne), le Moïse de Michel-Ange (ornant le tombeau de Jules ii en l’église Saint-Pierre-aux-Liens à Rome depuis 1513), ou bien encore l’Hamadryade d’Antoine Coysevox (1710)9 figurent parmi la sélection. L’intégration de ces sculptures au corpus peut surprendre. Cependant, comprenons que les œuvres convoquées par l’artiste sont pensées pour faire référence à la sculpture dite « classique », en marbre, et à ses formes caractéristiques.

  • 10 Daniel Arsham, Study for Eroded Venus of Arles, 2019, graphite sur papier, 61x45.7 cm.
  • 11 Daniel Arsham, Study for Eroded Venus of Arles (detail), 2019, graphite sur papier, 61x45.7 cm.
  • 12 Dans le catalogue de l’exposition édité en juin 2020, l’artiste déclare, dans un entretien avec l (...)

6La trentaine d’œuvres produites et rassemblées pour Paris, 3020 ne se compose pas exclusivement de sculptures. On y trouve aussi une dizaine de dessins (graphites sur papier) finement réalisés. Ces derniers sont envisagés comme des études préalables aux œuvres. Ainsi, à chaque étude correspond une sculpture. Tel est le cas de Study for Eroded Venus of Arles10. Des zones érodées sont figurées sur le visage, le corps, et le drapé de la divinité et de courts textes manuscrits nous renseignent sur la sculpture étudiée : sont indiqués le contexte lié à sa découverte, et les idées de transformations qui seront appliquées en vue de la réalisation de la sculpture Quartz Eroded Venus of Arles (fig. 2) : « Found in multiple pieces at the Roman Theatre at Arles », « 1st Century BC Quartz Crystal » et « reformed 3020 Blue Calcite and Quartz ». Parfois, plusieurs dessins peuvent se référer à une même œuvre. Nous retrouvons ainsi sur une autre planche uniquement la tête de la Vénus11 avec les informations suivantes : « Quartz crystal erosion », « Venus of Arles end of 1st century BC. Lost, discovered 1651, lost, discovered 3019 reformed pink quartz + Selenite ». Ces dessins inédits ont été ajoutés au dernier moment à l’exposition. Ils permettent, et à juste titre comme l’affirme l’artiste, de dévoiler le caractère fictif de son récit et le contexte de création de l’œuvre12.

Fig. 2 : Daniel Arsham, Quartz Eroded Venus of Arles, 2019, quartz, hydrostone, 200x84.5x60 cm

© T. A. Besnard

  • 13 Daniel Arsham, Man, 2010, gouache sur bâche, 227.3x172.7 cm ; The Eyes, 2010, gouache sur bâche, (...)
  • 14 Revêtir les antiques permet aux artistes de créer un lien entre passé et présent. Il s’agit d’une (...)
  • 15 Daniel Arsham, Rose Quartz Eroded Apollo Belvedere, 2020, hydrostone, quart et quartz rose, 234x1 (...)
  • 16 Daniel Arsham, Bronze Eroded Bust of Zeus, 2020, bronze patiné, 213.4x137.2x137.2 cm ; Bronze Ero (...)

7La démarche de Daniel Arsham s’inscrit dans un work in progress, ce qui explique pourquoi l’exposition Paris 3020 n’a pas été pensée pour clôturer une série. L’intérêt de l’artiste pour l’archéologie fictionnelle est ancien. En 2010 déjà, avec des peintures à la gouache sur bâches telles que Man ou The Eyes13, l’artiste remplaçait la jambe droite et le bras gauche de l’Apollon du Belvédère, ainsi que les yeux du Hermès en marbre conservé au Metropolitan Museum de New York (inv. 14.231.2) par des parallélépipèdes rectangles. En 2015, c’est le Galate mourant qui retenait son attention, cette fois-ci pour une sculpture. Intitulée The Dying Gaul revisited, elle présentait un jeune homme, dans la même pose que l’original conservé au Musée du Capitole à Rome, mais à la mode vestimentaire du xxie siècle : chemise, jean’s, et Nike Air aux pieds14. Le 16 janvier 2021, dans le cadre de l’exposition Time Dilation présentée à la galerie Perrotin New Yorkaise, de nouvelles œuvres inédites ont été dévoilées et, parmi elles, à nouveau des sculptures érodées d’œuvres majeures de l’Antiquité classique telles que l’Apollon du Belvédère, l’Ariane endormie, les portraits de Lucius Vérus en frère Arvale, de Périclès, d’Aspasie ou bien encore du prêtre troyen Laocoon15. Deux sculptures en bronze patiné à sujet antique ont également été exposées : Bronze Eroded Bust of Zeus, Bronze Eroded Venus of Arles16, les autres figurant des Pokémon, ces personnages des jeux développés par la firme japonaise Nintendo depuis 1996.

  • 17 Voir, pour ne citer que quelques exemples : Quartz Crystallized Large Charmander, 2019-2020, hydr (...)

8Les personnages tels que Salamèche ou Pikachu en bronze ou en gypse peuvent au premier abord surprendre, car ils sont bien loin de s’apparenter à la statuaire de l’Antiquité grecque et romaine17. Pourtant, ils font partie d’une culture contemporaine commune. Telle la gorgone Méduse, Daniel Arsham les capture et les fige dans le gypse, car il est convaincu qu’ils traverseront le temps comme l’ont fait avant eux les héros de l’Antiquité. Certaines de ces sculptures ont par la suite été intégrées dans des peintures à l’acrylique sur toile qui, pour dix d’entre elles, ont été présentées à New York.

Les uchronies peintes dans l’exposition Time Dilation

  • 18 Sur la grotte de Sperlonga, voir Sauron 1991, 3-42 et Badoud 2019, 71-95.

9Le 6 mars 2020, Daniel Arsham a dévoilé en avant-première à ses abonnés du réseau Instagram la première œuvre constitutive d’une nouvelle série d’uchronies, alors en cours de réalisation : Cave of the Sublime, Iceland (fig. 3). Dans un subtil camaïeu de bleus peint sur une grande toile, l’artiste a figuré une grotte gelée dans laquelle se trouvent des sculptures abandonnées, comme sa Vénus d’Arles, sa Vénus de Milo ou bien encore son Hamadryade. Sa proposition évoquera pour certains la grotte de Tibère à Sperlonga18, dont les vestiges archéologiques auraient cette fois-ci été redécouverts intacts.

Fig. 3 : Capture d’écran du post Instagram de l’artiste daté du 6 mars 2020, dans lequel il présente Cave of the Sublime, Iceland (2020, acrylique sur toile, 213.5x305.4 cm)

  • 19 Daniel Arsham, Valley of the Sublime, Patagonia, 2020, acrylique sur toile, 164.5x228.6 cm.

10Les neuf autres peintures sont des déclinaisons formelles qui présentent des caractéristiques similaires. Si les fictions archéologiques mettent en scène les sculptures dans divers espaces intérieurs comme extérieurs, sur et sous terre, émergées ou immergées, toutes ont en commun d’être installées dans des univers naturels rocheux, traitées dans des camaïeux de couleurs (bleu, ocre et gris vert). Aussi, la présence de l’homme, lorsqu’elle est visible, ne se limite-t-elle qu’à de rares et petites silhouettes contemplant des espaces aussi monumentaux que les sculptures qui les habitent. En effet, Daniel Arsham a ici joué avec les dimensions des antiques contrairement à ce qu’il fait à ses sculptures érodées qui conservent l’échelle 1 des « originaux ». À titre d’exemple, ses Athéna dites Athéna à la ciste et Vénus d’Arles présentées à Paris, se retrouvent dans l’acrylique sur toile intitulée Valley of the Sublime, Patagonia19. Elles y sont représentées dans des formats monumentaux, hautes de plusieurs dizaines de mètres. Ce sont les trois personnages au premier plan qui permettent de rendre compte des distances et des échelles. Ainsi représentées, les sculptures évoquent la grandeur d’une civilisation antique disparue.

  • 20 Voir Forero Mendoza 2022, 123-131.

11Les références à l’histoire de l’art ainsi qu’à la littérature et à la culture populaire sont nombreuses dans ces peintures, même si l’artiste ne les explicite pas forcément toutes. Dans le texte qui accompagne la vidéo de présentation de Cave of the Sublime, Iceland, Daniel Arsham mentionne les capricci (ou caprices), ces restitutions fantaisistes et imaginaires de monuments architecturaux, souvent antiques, apparus dès la Renaissance et qui se sont véritablement développées dans la seconde moitié du xvie siècle20.

J’ai appris les techniques de la peinture à l’École et la majorité de mes premiers scénarios fictionnels sur les architectures dans des grottes ou sur des icebergs étaient faits en peinture. Celle-ci est la première peinture d’une nouvelle série basée sur la tradition des caprices du xvie siècle dans lesquelles des sculptures et des architectures majeures de diverses aires et périodes étaient représentées ensemble sur une même image. Ici, les œuvres dans ces peintures sont celles que j’ai faites à partir de moulages de sculptures historiques conservées au Musée du Louvre et elles prennent place dans une grotte gelée du futur datée de 12 00021.

  • 22 Voir Junod 1983, 23-47 mais également Junod 2001, 25-47.
  • 23 Hubert Robert (1733-1808), Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines, 1796, huile s (...)
  • 24 Nous empruntons la formulation à Michel Makarius dans l’ouvrage Ruines. Repré­sentations dans l’a (...)

12Au-delà même des capricci, Daniel Arsham inscrit sa démarche plasticienne dans la longue tradition de la représentation des ruines en peinture. À la manière d’Hubert Robert en son temps, il réfléchit lui aussi à son sujet (implantation du décor, sélection des sculptures, figuration de personnages pour la narration) et la façon dont il va le composer (lignes de force, lumières, couleurs), ce que Philippe Junod nomme des « ruines anticipées »22. En ce sens, Cave of the Sublime, Iceland et Cave of Rome Deified rappellent la Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines et Les Bains d’Apollon à Versailles23 peints par « le Robert des ruines24 ».

13Parmi les références à l’histoire de l’art, retenons également le mouvement Romantique. Il transparaît dans la représentation d’une nature sauvage pittoresque observée par des voyageurs qui, de dos, sont simplement reconnaissables par leurs silhouettes. Ils évoquent irrésistiblement les peintures de Caspar David Friedrich, telles que Falaises de craie sur l’île de Rügen et Le Voyageur contemplant une mer de nuages25. Dans un post Instagram daté du 12 mai 2020 présentantValley of the Sublime, Patagonia alors en cours de réalisation, l’artiste mentionne l’influence — en ce qui concerne les décors montagneux —, du photographe et écologiste américain Ansel Adams (1902-1984)26.

  • 27 Daniel Arsham, Cave of Rome Deified, 2020, acrylique sur toiles assemblées, 320x457.2 cm ; Cave o (...)
  • 28 Dupuy 2005, 21.
  • 29 Pensons aux vignettes produites par Édouard Riou (1833-1900) pour le Voyage au centre de la terre(...)

14Dans les cavités souterraines qu’ils explorent, les visiteurs se révèlent spéléologues et spéléoplongeurs, comme en témoignent les exemples particulière­ment représentatifs que sont Cave of Rome Deified et Cave of Venus, Borneo27. Bien qu’elles ne soient pas explicitées par l’artiste, les références au monde vernien transparaissent bel et bien dans ses œuvres. En effet, les peintures de Daniel Arsham donneraient presque l’impression d’illustrer les romans de Jules Verne. Lionel Dupuy, dans l’ouvrage En relisant Jules Verne. Un autre regard sur les Voyages Extraordinaires, nous rappelle que « Dans Voyage au centre de la Terre, il s’agit de visiter ses entrailles, de découvrir un monde parallèle, vestige des temps passés28 ». In fine, nous notons peu de différence entre ces créations datées de 2020, les visées de Jules Verne et les illustrations produites en 1867 par Édouard Riou29, les divergences observées concernant la présence des antiques et la mention de certains lieux géographiques réels comme Bornéo (en Malaisie) ou la Patagonie.

  • 30 Nous renvoyons à la scène qui peut être visionnée sur Youtube [en ligne : https://www.youtube.com (...)
  • 31 Daniel Arsham, Desert Animation, 2020, acrylique sur toile, 215.9x267 cm ; Desert Animation, 2020 (...)

15Enfin, il nous faut souligner ici les références à l’univers cinématographique. Deux films d’animation retiennent particulièrement notre attention. Cave of Venus, Bornéo présente une Vénus d’Arles monumentale installée au fond d’une cavité rocheuse immergée et éclairée par les rayons du soleil (fig. 4). L’image, en contre-plongée, rappelle de toute évidence la Grotte d’Ariel dans La Petite Sirène (dessin animé produit par les studios Disney et sorti en 1989). Dans le royaume sous-marin d’Atlantica, la petite sirène Ariel entrepose dans un cabinet de curiosité singulier (une cavité en forme de tunnel) les objets façonnés par l’Homme qu’elle découvre au fil de ses explorations d’épaves. Son ami Polochon y dépose même une sculpture en marbre à l’effigie du Prince Éric, laquelle sera détruite par le Roi Triton dans la scène dite de la « Destruction de la grotte »30. Les similitudes entre les images du dessin animé et la peinture de Daniel Arsham sont renforcées par le camaïeu de bleu et le halo lumineux. La deuxième référence concerne la série Bip Bip et Coyote, célèbres cartoons produits par les studios Warner Bros à partir de 1950. L’artiste s’est inspiré du désert des Mojaves pour la réalisation de deux peintures au titre identique : Desert Animation31 (fig. 5). La Diane dite de Versailles ainsi que le buste de Lucius Verus sont installés parmi les cactus et les massifs montagneux en arrière-plan. Dans une de ses stories éphémères sur Instagram, l’artiste expliquait que les décors pour ces deux peintures à l’acrylique lui ont été inspirés en visionnant les dessins animés avec ses fils lors du premier confinement de printemps 2020.

Fig. 4 : Capture d’écran du post Instagram de l’artiste daté du 7 août 2020, dans lequel il présente Cave of Venus, Borneo, 2020, acrylique sur toile, 198.3x168.3 cm

Fig. 4 : Capture d’écran du post Instagram de l’artiste daté du 7 août 2020, dans lequel il présente Cave of Venus, Borneo, 2020, acrylique sur toile, 198.3x168.3 cm

Fig. 5 : Capture d’écran du post Instagram de l’artiste daté du 1er juillet 2020, dans lequel il présente Desert Animation, 2020, acrylique sur toile, 164.3x228.6 cm

  • 32 Voir van Straaten 2020, 16.
  • 33 Voir, par exemple, Daniel Arsham, Moshe Safdie got lost and found himself floating on the sea, af (...)

16Daniel Arsham a fait le choix de recourir à la peinture après l’avoir longtemps délaissée. Il explique le retour vers ce médium par l’intérêt qu’il lui a toujours porté, en dépit de son renvoi certain au classicisme, classicisme que la critique d’art dissocie presque systématiquement de « l’art contemporain ». Lorsqu’il a entrepris la réalisation de ces peintures, il ne pensait pas en produire autant. C’est à la faveur du premier confinement — et à la fermeture de son atelier dans le Queens32 — qu’il a pu prendre le temps pour les penser et les créer chez lui, depuis sa maison de Long Island. Ces productions ont été l’occasion de revenir à la fois sur un médium et sur une thématique qui l’ont toujours intéressé. En effet, il réalisait déjà en 2004 des fictions architecturales composées de bâtiments installés sur les parties émergées d’icebergs33.

Daniel Arsham et les processus d’esthétisation à l’œuvre

17Qu’il s’agisse des peintures à l’acrylique sur toile ou des sculptures en gypse incrustées de pierres, de leurs expositions jusqu’à leurs promotions, toutes ont en commun d’être esthétisées : l’aspect « bien fait », et finement réalisé domine. Cette caractéristique mérite d’être étudiée, car elle se révèle essentielle dans la démarche de Daniel Arsham.

  • 34 L’artiste partage régulièrement sur son compte Instagram des « stories » (terme désignant de cour (...)

18De la conception à la vente de ses œuvres, l’artiste recourt à un mode opératoire presque chirurgical : chaque détail est pensé, de la création jusqu’à la vente. La rigueur qu’il s’impose transparaît même dans son style vestimentaire34. Les choix des crayons, des papiers et des formats pour ses dessins en sont un exemple. Tous sont identiques et apportent une cohésion à l’ensemble. Il en va de même pour les encadrements en bois, alors minutieusement juxtaposés dans la salle 3 de la galerie parisienne. Les sculptures en gypse ont, quant à elles, été produites à et par l’Atelier de moulage de la Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais. Le recours à cette institution présente plusieurs avantages pour l’artiste. Elle conserve une grande collection de moules de sculptures de périodes et d’aires géographiques variées. Une fois sélectionnés, les moulages produits sont de très bonne qualité, car ils sont réalisés par des mouleurs-statuaires expérimentés. Il s’agit aussi pour l’artiste de s’associer à une image de marque, à un savoir-faire. En ce sens, Daniel Arsham n’est pas le premier à collaborer avec l’Atelier de moulages. Depuis 2012, au moins trois artistes majeurs de la scène artistique internationale ont eu recours à cette institution. Pensons à l’Américain Jeff Koons, au Chinois Xu Zhen, ou au Français Léo Caillard pour leurs séries respectives Gazing Ball (2013), Eternity (2013-) et Hipsters in Stone (2017).

  • 35 Il s’agit de Ash and Pyrite Eroded Lady of Auxerre, 2019, pierre volcanique, sélénite, pyrite, ci (...)
  • 36 Cena 2020.

19Toutefois, un autre aspect formel se doit d’être abordé : il concerne les dispositifs de présentation de ces mêmes sculptures. Toutes reposent sur des socles blancs aux lignes courbes, parfois reliés entre eux. Des néons blancs sont apposés à la base, venant souligner les supports. Ces socles présentent plusieurs intérêts : ils participent à la trame narrative en renvoyant au monde muséal, tandis que la lumière blanche des néons rappelle l’univers futuriste de la science-fiction. L’ensemble contribue à façonner un « bel objet » à la dimension décorative évidente, renforcée par les couleurs des sculptures. En effet, les moulages de ciment de gypse sont légèrement teintés aux couleurs des minéraux. L’artiste a fait le choix d’appliquer un badigeon pâle bleu, gris ou rose sur ses sculptures. Quelques-unes ont même été recouvertes de noir, comme si elles avaient subi les nuées ardentes d’une éruption volcanique35. Ces adjonctions colorées, tels des clins d’œil à la polychromie originelle des sculptures, sont aussi pensées en termes esthétiques. L’approche décorative dans l’art contemporain dérangera certains. Le 25 janvier 2020, Télérama titrait son article incendiaire « Nom de Zeus ! La Vénus de Milo transformée en œuvre d’art pour open-space36 ».

  • 37 Voir Souriau 1955, 76 : « Sans doute elle [la notion de beau] est fuyante, souvent subjective en (...)

20Rares sont les historiens de l’art et les critiques à s’aventurer aujourd’hui sur la relation entre la création artistique contemporaine et la notion de beau37. Ce non-sujet est pourtant révélateur d’une tendance. Évidemment, il n’existe pas de critère objectif pour définir si une œuvre est belle. Nous entendons ici le « beau » en ce qu’il peut être défini en termes de proportions et d’harmonies. Ces caractéristiques vont de pair, il nous semble, avec l’univers du design que l’artiste affectionne tout particulièrement. Dans l’ouvrage L’esthétisation du monde. Vivre à l’âge du capitalisme artiste paru en 2013, Gilles Lipovetsky et Jean Serroy reviennent sur ce phénomène récent d’un design au « stade hybride » et « transesthétique » :

  • 38 Lipovetsky, Serroy 2013, 282.

Tandis que s’évaporent les anciennes frontières, s’affirme un nouveau type de design fait de chevauchements, d’interpénétrations, de transversalités. À présent, design, sculpture, mode, décoration, luxe, tout peut se mélanger et se confondre : le design n’a plus un statut clairement différencié38.

  • 39 Cat. exp. op. cit., 42-43. Notre traduction.
  • 40 Le coffret renferme les reproductions de Study of Eroded Lucius Verus, 2019, graphite sur papier, (...)

21Et force est d’admettre qu’il en est de même pour les œuvres de Daniel Arsham. Les notions d’interpénétrations et de transversalités que soulèvent les deux auteurs résonnent lorsqu’on observe les références multiples qui renvoient à une culture qui s’est, au fil des années, globalisée : l’artiste combine la statuaire classique et les caprices, les dessins animés et l’univers des Pokémon. Il propose des œuvres accessibles (en termes de compréhension) et identifiables par tous. « Les objets que je choisis sont souvent emblématiques, nous les connaissons, ils sont identifiables de tous à travers le monde. Que je les expose au Brésil, au Japon, à Paris, à Tokyo ou à New York, ils ont une signification identique39 », nous rappelle Daniel Arsham. Finalement, les sculptures et la manière dont elles ont été façonnées se combinent pour produire des œuvres « décoratives », spectaculaires et « tape à l’œil » qui orneront les intérieurs de riches collectionneurs internationaux. Il en résulte une conception mercantile de la création, particulièrement visible sur le compte Instagram de l’artiste où il annonce des ventes « flash » de certaines de ses œuvres, lesquelles sont parfois des répliques de plus petit format. Ainsi en est-il de l’édition limitée de 99 coffrets renfermant chacun trois impressions de ses études réalisées au crayon40. Intitulée Eroded Classical Prints, l’ensemble de la série a trouvé des acquéreurs en moins d’une heure le 18 juin 2020.

Conclusion

  • 41 Settis 2005.
  • 42 L’annonce de l’exposition a été faite sur le compte Instagram de l’artiste, le 9 juillet 2020 : h (...)
  • 43 Les vidéo ont été diffusées sur le compte Instagram de l’artiste, les 20 et 30 avril 2022 : https (...)

22À travers les œuvres les plus récentes de l’artiste Daniel Arsham, nous avons pu constater combien les références à l’Antiquité classique peuvent encore être aujourd’hui des sources d’inspirations majeures dans la création artistique contemporaine. Alors que Salvatore Settis s’interrogeait il y a près de vingt ans sur le futur du classique41, un élément de réponse a pu être apporté : Vénus et autres bustes d’empereurs incitent encore et toujours aux discours en ce début de xxie siècle. Le travail sur les uchronies de l’artiste se poursuit et des œuvres inédites apparaissent au fil de ses nouvelles expositions. Du 10 juillet au 10 octobre 2021, l’UCCA (Center for Contemporary Art) en Chine a exposé des déclinaisons en bronze de ses sculptures érodées, comme la monumentale Bronze Eroded Venus, haute de 4 mètres42. Enfin, les 20 et 30 avril 2022 sur Instagram, les antiques érodés sont apparus dans le cadre de deux nouvelles séries intitulées Eroding et Reforming Digital Sculpture, sous un format nouveau et virtuel : le NFT43.

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Bibliographie

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Dupuy 2005 : Lionel Dupuy, En relisant Jules Verne. Un autre regard sur les Voyages Extraordinaires, La Clef d’Argent, 2005, 21.

Forero Mendoza 2002 : Sabine Forero Mendoza, Le Temps des ruines. Le goût des ruines et les formes de la conscience historique à la Renaissance, Seyssel, Champ Vallon, 2002.

Henriet 2009: Éric B. Henriet, L’Uchronie, Paris, Klincksieck, 2009.

Hölscher 2015 : Tonio Hölscher, La vie des images grecques. Sociétés de statues, rôles des artistes et notions esthétiques dans l’art grec ancien, Paris, Hazan, 2015.

Jockey 2013 : Philippe Jockey, Le mythe de la Grèce blanche. Histoire d’un rêve occidental, Paris, Belin, 2013.

Junod 1983 : Philippe Junod, « Ruines anticipées ou l’histoire au futur antérieur », L’homme face à son histoire, Lausanne, Payot, 1983, 23-47.

Junod 1983 : Philippe Junod, « De l’utopie à l’uchronie pour une archéologie de l’imaginaire jardinier », in Jackie Pigeaud, Jean-Paul Barbe, Histoire des jardins. Lieux et imaginaire, Paris, Presses Universitaires de France, 2001, 25-47.

Lipovetsky, Serroy 2013 : Gilles Lipovetsky, Jean Serroy, L’esthétisation du monde. Vivre à l’âge du capitalisme artiste, Paris, Gallimard, 2013.

Makarius 2011: Michel Makarius, Ruines. Représentations dans l’art de la Renaissance à nos jours, Paris, Flammarion, 2011, 116-123.

Pasquier 1997 : Alain Pasquier, « À propos de la restauration des marbres antiques du Louvre », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (1997), 141-1, 129-143.

Sauron 1991 : Gilles Sauron, « De Buthrote à Sperlonga : à propos d’une étude récente sur le thème de la grotte dans les décors romains », Revue Archéologique, 1991, Nouvelle Série, 3-42.

Settis 2005 : Salvatore Settis, Le futur du classique, Paris, Liana Levi, 2005.

Souriau 1955 : Étienne Souriau, « Le beau, l’art et la nature », Revue Internationale de Philosophie, vol. 9, 1955, n° 31 (1), 76.

Articles de presse

Cena 2020 : Olivier Cena, « Nom de Zeus ! La Vénus de Milo transformée en œuvre d’art pour open-space », Télérama, 25 janvier 2020, en ligne : https://www.telerama.fr/sortir/nom-de-zeus-la-venus-de-milo-transformee-en-oeuvre-dart-pour-open-space,n6592620.php, consulté le 1er janvier 2021.

Van Straaten 2020: Laura van Straaten, « From Isolation, New Pathways. Daniel Arsham, a sculptor and designer, has rediscovered painting », The New York Times, 25 octobre 2020, 16.

Catalogue d’exposition 

Paris, 3020. Daniel Arsham, cat. exp., Paris, Galerie Perrotin, 11 janvier - 21 mars 2020, Perrotin, 2020.

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Notes

1 Daniel Arsham est un artiste américain. Né en 1980 à Cleveland, il vit et travaille aujourd’hui à New York. Ses créations (sculptures, peintures et arts graphiques) se situent à la frontière du design, de l’architecture et de la danse. Elles ont comme dénominateur commun de traiter du temps qui passe à travers ce qu’il nomme des « fictions archéologiques ». Il s’agit par ailleurs d’un artiste qui collabore avec de grandes marques telles que Porsche pour l’automobile, ou Dior pour la haute couture. Depuis 2005, il est représenté par la Galerie Perrotin qui lui consacre régulièrement des expositions (New York, Paris, Tokyo, Seoul, Miami). En 2008, il cofonde avec l’architecte Alex Mustonen Snarkitecture un studio collaboratif qui réunit artistes, architectes et designers. Enfin, soulignons qu’il comptabilise plus d’un million trois cent mille abonnés sur son compte Instagram (@danielarsham) à qui il partage quotidiennement ses œuvres, réalisées ou en cours de réalisation.

2 Les uchronies sont des reconstructions historiques fictives qui se développent à partir d’un point, d’un événement, où l’histoire aurait pu diverger. Voir Henriet 2009.

3 Voir, par exemple, Pasquier 1997, 129-143.

4 Voir Jockey 2013.

5 La formulation « vies des sculptures » fait référence à l’ouvrage de Tonio Hölscher, intitulé La vie des images grecques. Sociétés de statues, rôles des artistes et notions esthétiques dans l’art grec ancien. Voir Hölscher 2015.

6 Voir l’exposition Treasures from the Wreck of the Unbelievable de l’artiste Damien Hirst et présentée à Venise en 2017, dont un article a été publié dans le n°31 de la revue Anabases. Traditions et Réceptions de l’Antiquité.

7 L’extrait cité est consultable en page 3 du livret.

8 Daniel Arsham, Rose Quartz Eroded Venus of Milo, 2019, hydrostone, sélénite rose, 200x84.5x60 cm ; Grey Selenite Eroded Bust of Caracalla, 2019, hydrostone, selenite, quartz, 87x60x46 cm ; Grey Selenite Eroded Relief of a Nike, 2019, hydrostone, selenite, quartz, 100x50x5.5 cm.

9 Daniel Arsham, Ash and Pyrite Eroded Two Medes, 2019, pierre volcanique, pyrite, hydrostone, 119x81x9 cm ; Blue Calcite Eroded Moses, 2019, calcite bleu, hydrostone, 260x120x130 cm ; Rose Quartz Eroded Hamadryade, 2019, sélénite rose, quartz, hydrostone, 117x82x80 cm.

10 Daniel Arsham, Study for Eroded Venus of Arles, 2019, graphite sur papier, 61x45.7 cm.

11 Daniel Arsham, Study for Eroded Venus of Arles (detail), 2019, graphite sur papier, 61x45.7 cm.

12 Dans le catalogue de l’exposition édité en juin 2020, l’artiste déclare, dans un entretien avec le Conservateur du Patrimoine au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du Musée du Louvre Ludovic Laugier : « I haven’t ever shown these drawings before, it was a last-minute addition to the show. One of the interesting things about seeing them in the context is the fictional narrative that’s written into the works », Paris, 3020. Daniel Arsham, cat. exp., Paris, Galerie Perrotin, 11 janvier - 21 mars 2020, Perrotin, 2020, 44.

13 Daniel Arsham, Man, 2010, gouache sur bâche, 227.3x172.7 cm ; The Eyes, 2010, gouache sur bâche, 232.4x167.6 cm.

14 Revêtir les antiques permet aux artistes de créer un lien entre passé et présent. Il s’agit d’une modalité de modernisation courante. En effet, l’adjonction de vêtements et d’accessoires contemporains sont notamment observables dans les photographies plasticiennes d’Elmgreen et Dragset, de Léo Caillard, ou dans les sculptures d’Isa Genzken.

15 Daniel Arsham, Rose Quartz Eroded Apollo Belvedere, 2020, hydrostone, quart et quartz rose, 234x162x110 cm ; Blue Calcite Eroded Ariadne Sleeping, also known as Cleopatra, 2020, hydrostone, calcite bleu, quartz ; Amethyst Eroded Bust of Lucius Verus en frère Arvale, 2020, hydrostone, améthyste, quartz, hydrostone, 105x85x68 cm ; Rose Quartz Eroded Bust of Pericles, 2020, hydrostone, quartz, quartz rose, 63.5x24.1x32.1 cm ; Ash and Pyrite Eroded Bust of Veiled Woman (Aspasia), 2020, hydrostone, pierre volcanique, pyrite, sélénite, 65x30x30 cm ; Blue Calcite Eroded Bust of Laocoön, 2020, hydrostone, calcite bleu, quartz, 76.2x41.9x45.7 cm.

16 Daniel Arsham, Bronze Eroded Bust of Zeus, 2020, bronze patiné, 213.4x137.2x137.2 cm ; Bronze Eroded Venus of Arles, 2020, bronze patiné, 260x128x93 cm.

17 Voir, pour ne citer que quelques exemples : Quartz Crystallized Large Charmander, 2019-2020, hydrostone, quartz et sélénite, 127x104.1x104.1 cm ; Bronze Crystallized Pikachu (Small), 2020, 64.1x52.1x53.3 cm ; Amethyst Crystallized Large Gengar, 2019-2020, hydrostone, améthyste, sélénite, 122.6x118.1x109.2 cm.

18 Sur la grotte de Sperlonga, voir Sauron 1991, 3-42 et Badoud 2019, 71-95.

19 Daniel Arsham, Valley of the Sublime, Patagonia, 2020, acrylique sur toile, 164.5x228.6 cm.

20 Voir Forero Mendoza 2022, 123-131.

21 La vidéo est disponible gratuitement sur Instagram [https://www.instagram.com/p/B9Ze65qA_iD/], 06/03/2020, consultée le 26/01/2021. Notre traduction.

22 Voir Junod 1983, 23-47 mais également Junod 2001, 25-47.

23 Hubert Robert (1733-1808), Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines, 1796, huile sur toile, 132x162 cm, Musée du Louvre, Paris, inv. R.F. 1975-11 ; Les Bains d’Apollon à Versailles, 1803, huile sur toile, 120.5x152 cm, Musée Carnavalet, Paris, inv. P179.

24 Nous empruntons la formulation à Michel Makarius dans l’ouvrage Ruines. Repré­sentations dans l’art de la Renaissance à nos jours. Voir Makarius 2011, 116-123.

25 Caspar David Friedrich (1774-1840), Falaises de craie sur l’île de Rügen, 1818, huile sur toile, 90.5x71 cm, Kunst Museum Winterthur, inv. 165 ; Le Voyageur contemplant une mer de nuages, 1818, huile sur toile, 94.4x74.8 cm, Kunsthalle, Hambourg, inv. 5161.

26 Voir [en ligne : https://www.instagram.com/p/CAGgEVOApY-/], 12/05/2020, consulté le 03/02/2021.

27 Daniel Arsham, Cave of Rome Deified, 2020, acrylique sur toiles assemblées, 320x457.2 cm ; Cave of Venus, Borneo, 2020, acrylique sur toile, 198.3x168.3 cm.

28 Dupuy 2005, 21.

29 Pensons aux vignettes produites par Édouard Riou (1833-1900) pour le Voyage au centre de la terre paru en 1867 chez l’éditeur J. Hetzel, et plus particulièrement à celle de la page 137 intitulée « Une vaste nappe d’eau s’étendait devant mes yeux (p. 138) ». La gravure est consultable en ligne : https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/btv1b8600259v/f151.item].

30 Nous renvoyons à la scène qui peut être visionnée sur Youtube [en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=porWdd-RqgQ], 24/06/2013, consultée le 04/02/2021.

31 Daniel Arsham, Desert Animation, 2020, acrylique sur toile, 215.9x267 cm ; Desert Animation, 2020, acrylique sur toile, 164.3x228.6 cm. Il semblerait que ces peintures aient été intitulées dans un premier temps Cartoon Landscape Sublime (cf. fig. 5).

32 Voir van Straaten 2020, 16.

33 Voir, par exemple, Daniel Arsham, Moshe Safdie got lost and found himself floating on the sea, affecting salination levels in the North Atlantic, 2004, gouache on mylar, 101x133 cm, Collection privée, Lausanne.

34 L’artiste partage régulièrement sur son compte Instagram des « stories » (terme désignant de courtes vidéos) dans lesquelles nous pouvons le voir dans son atelier, en costume et portant des gants lorsqu’il manipule ses propres créations.

35 Il s’agit de Ash and Pyrite Eroded Lady of Auxerre, 2019, pierre volcanique, sélénite, pyrite, ciment de gypse, 75x24x17 cm, Galerie Perrotin ; Ash and Pyrite Eroded Head of Lucille, 2019, pierre volcanique, sélénite, pyrite, ciment de gypse, 210.5x100.5x75.5 cm, Galerie Perrotin ; Ash and Pyrite Eroded Two Medes, 2019, pierre volcanique, pyrite, ciment de gypse, 119x81x9 cm, Galerie Perrotin ; Ash and Pyrite Eroded Bather (Venus au bain), 2020, pierre volcanique, pyrite, ciment de gypse, 174x64x77 cm, Galerie Perrotin ; Ash and Pyrite Eroded Bust of Veiled Woman (Aspasia), 2020, pierre volcanique, pyrite, sélénite et ciment de gypse, 65x30x30 cm, Galerie Perrotin.

36 Cena 2020.

37 Voir Souriau 1955, 76 : « Sans doute elle [la notion de beau] est fuyante, souvent subjective en ses applications. Il est aisé de dénoncer sa relativité historique et sociale. Il est d’ailleurs rare qu’elle caractérise les œuvres de l’art contemporain. Et les esthéticiens ont peu à peu presque complètement cessé à l’heure actuelle de le faire figurer dans les notions de base qui définissent l’objet de leur étude ».

38 Lipovetsky, Serroy 2013, 282.

39 Cat. exp. op. cit., 42-43. Notre traduction.

40 Le coffret renferme les reproductions de Study of Eroded Lucius Verus, 2019, graphite sur papier, 61x45.7 cm ; Study for Eroded Venus of Arles (detail), 2019, graphite sur papier, 61x45.7 cm ; Study for Eroded Melpomene (front view), 2019, graphite sur papier, 45.7x61 cm, mais aussi des gants blancs pour permettre leurs manipulations.

41 Settis 2005.

42 L’annonce de l’exposition a été faite sur le compte Instagram de l’artiste, le 9 juillet 2020 : https://www.instagram.com/p/CCbQ3icgXl8/

43 Les vidéo ont été diffusées sur le compte Instagram de l’artiste, les 20 et 30 avril 2022 : https://www.instagram.com/p/Cc-qiYit3Gp/ . Par ailleurs, le NFT (Non-fungible token), que l’on traduira en français par « jeton non fongible », désigne un fichier numérique — dans notre cas une œuvre d’art au format exclusivement numérique — auquel est lié un certificat d’authenticité. Ainsi, quand bien même l’œuvre serait reproduite à l’infini, l’achat du NFT permet à son acquéreur d’obtenir la propriété exclusive de l’œuvre originale.

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Pour citer cet article

Référence papier

Tiphaine Annabelle Besnard, « Des Antiques érodés et cristallisés aux capricci à l’acrylique sur toile. Les uchronies de Daniel Arsham »Anabases, 36 | 2022, 155-169.

Référence électronique

Tiphaine Annabelle Besnard, « Des Antiques érodés et cristallisés aux capricci à l’acrylique sur toile. Les uchronies de Daniel Arsham »Anabases [En ligne], 36 | 2022, mis en ligne le 02 novembre 2024, consulté le 08 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/14833 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.14833

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