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Traditions du patrimoine antique

« [C]et écrivain qui se risquait sur leurs terres », Yourcenar et Mémoires d’Hadrien parmi les historiens

Laurent Broche
p. 131-154

Résumés

En 1951, avec la publication de Mémoires d’Hadrien, Yourcenar s’empare d’un sujet de choix des antiquisants : la vie d’un empereur illustre. Elle y a investi une érudition remarquable, comparable aux plus exigeants des historiens, mais pour une réalisation totalement différente des leurs. Rapidement, ce roman devient un quasi-incontournable de l’historiographie. L’article s’arrête sur trois évaluations contrastées faites par des références de la profession historienne à trente ans d’intervalles : Charles Picard en 1954, Ronald Syme en 1984 et Denis Knoepfler en 2014. Il poursuit par la façon dont les biographes universitaires, qui ont reconquis le sujet Hadrien depuis 1997, ont traité l’œuvre de Yourcenar. Cette contribution se penche ensuite sur la persistance remarquable de la présence de Mémoires d’Hadrien dans l’historiographie. Si l’aura et la volonté d’exactitude de l’auteure comptent dans cette postérité, le fait d’avoir fourni des « Mémoires imaginaires » pèse énormément. En livrant le « portrait d’une voix » par ces « Mémoires reconstruits », Yourcenar a créé une œuvre que les historiens ne peuvent évaluer avec leurs critères habituels. Ce cas remarquable d’immixtion littéraire dans le territoire des historiens offre l’occasion de réfléchir au « propre de la fiction » et aux spécificités de la poétique historienne.

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Texte intégral

  • 1 Yourcenar 1951.
  • 2 ² M. Yourcenar (ci-après « MY ») à J. Guey, 23 mai 1953, Yourcenar 2004b, 268.
  • 3 MY à A. Curvers et M. Delcourt, 15 août 1955, Yourcenar 2004b, 482.
  • 4 MY à W. Lipgens, 28 décembre 1951, Yourcenar 2004b, 113.
  • 5 MY à C. Vermeule, 5 mars 1955, Yourcenar 2004b, 461-462.
  • 6 Yourcenar 2004a, 355.
  • 7 Lettre à F. C. Grant, 6 février 1957, Yourcenar 2007, 56.
  • 8 Sur son utilisation des sources écrites, numismatiques, artistiques et archéologiques, voir Poign (...)

1Alors qu’elle vient de publier Mémoires d’Hadrien1, Yourcenar se décrit à un professeur d’histoire romaine à Lyon comme : « un écrivain qui empiète sur le domaine de l’histoire »2. En se saisissant d’un illustre de l’Antiquité, elle est devenue un « écrivain qui se risqu[e] sur [les] terres »3 des historiens. Elle prétend à une place dans « cette espèce de relève de la garde que figure, à travers l’histoire littéraire, la longue série des érudits, des historiens et des poètes s’attachant à tour de rôle à un même sujet, à un même personnage »4. Elle confie « éprouver une immense gratitude, et même de l’amitié, pour ces nombreux chercheurs dont les efforts ont aplani [s]a route »,5 et elle en remercie plusieurs, par lettres, ou dans les annexes des Mémoires. La « Note » qui suit le récit d’Hadrien indique qu’ « une biographie définitive reste à faire »6, et elle précise ailleurs : « mon intention n’était pas […] d’offrir une biographie historique […], encore moins de me servir de ce personnage central pour présenter une image plus ou moins complète de la vie et des coutumes du iie siècle »7. En imaginant les mémoires de l’empereur, elle a donc fait quelque chose de très différent des antiquisants8, mais avec une exigence d’exactitude que revendiquent une « Note » savante et un « Carnet de notes ».

  • 9 Opper 2008, 29-30
  • 10 Calandra 2013.
  • 11 Marguerite Yourcenar 2016.

2Soixante-dix ans après sa publication, Mémoires d’Hadrien reste dans le « territoire » des historiens, et en bonne place. Des manifestations récentes en témoignent. En 2008, le British Museum a présenté « Hadrian : Empire and Conflict », en mêlant, aux documents sur l’empereur, des pièces liées à la création du roman. Le catalogue de l’exposition constate : It has by now become almost impossible to discuss Hadrian without mentioning at the same time the writer Marguerite Yourcenar and her acclaimed novel9. À Tivoli, la « largo Yourcenar » mène à la Villa Adriana, symbole fort puisqu’on accéderait à Hadrien par les Mémoires. Sa librairie vend un guide basé sur l’œuvre, une exposition permanente la présente. De nombreuses commémorations ont associé le lieu à l’écrivaine, comme la vaste exposition de 2013, consacrée à la manière dont elle a vu la Villa Adriana et Rome, les a envisagées au temps de leur splendeur et a fait revivre Hadrien10. En 2016, le forum antique de Bavay a proposé « Marguerite Yourcenar et l’empereur Hadrien : une réécriture de l’Antiquité » avec plusieurs moments réunissant des spécialistes de la romancière et des historiens. L’ouvrage sur cette exposition rassemble des éléments sur Mémoires d’Hadrien, ainsi que sur la vie et la mémoire de l’empereur11. Dans la présentation de l’exposition et de son catalogue qu’elle a faite pour Anabases, Christine Hoët-Van Cauwenberghe a précisé :

  • 12 Hoët-Van Cauwenberghe 2017, 170.

Les Mémoires d’Hadrien demeurent une œuvre de référence et continuent […] de représenter une peinture romancée et vivante, magistralement écrite, de la société romaine du IIe s. à travers un prince à la personnalité complexe et fascinante, dont Marguerite Yourcenar a donné un portrait d’une grande sensibilité12.

  • 13 Benoist 2020.

3Et en septembre 2017, le colloque Mémoires de Trajan, Mémoires d’Hadrien de l’Université de Lille SHS, s’est placé « sous le patronage illustre de l’œuvre de Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien »13.

  • 14 Parmi eux, Luciano Canfora. « Quanto all’Adriano della Yourcenar è largamente inesistente: ma uno (...)

4De rares antiquisants ont exprimé leurs réticences envers ce roman14 ; mais les avis positifs, voire admiratifs, l’emportent largement. Assurément, Mémoires d’Hadrien reste un incontournable de nombreuses pages historiennes. Pourtant, à trois reprises, en 1954, 1984 et 2014, des sommités de la discipline historique l’ont évalué spécifiquement. Cet article revient sur ces moments, puis réfléchit à la persistance de la présence du roman dans le champ historiographique.

1954, rejet total par Charles Picard

  • 15 Picard 1954, 83-85.

5Juin 1954, Charles Picard, professeur en Sorbonne, brise le concert des critiques louant l’érudition et la pertinence historique et psychologique du roman. Le titre – « L’Empereur Hadrien vous parle » –, la note – « Par la voix de : Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien » –, et la première phrase – « Cet empereur qui commence par annoncer qu’il sent sa mort bien prochaine, parle encore beaucoup – tout un livre ! » –, annoncent un ton railleur15. Le maître des études sur l’art antique vilipende l’écrivaine : elle a prétendu par une » note “bibliographique” » que ce qu’Hadrien « avait, paraît-il à dire, en 1951, était plausible du point de vue de l’histoire », mais le roman échoue totalement. Il dénonce le fait qu’elle fait dire à l’empereur que son père et grand-père ne pouvaient connaître la fascination de l’hellénisme et qu’« “il n’y avait pas[…] une seule statue grecque dans toute la péninsule” », alors que l’érudition a établi le contraire. Selon l’universitaire, l’auteure écorche des noms, emploie des expressions inappropriées et confond des personnages historiques. De plus, « l’animatrice moderne de l’anima vagula d’Hadrien (qu’en a-t-elle fait ?) » avance sa « “fidélité aux faits” » et se compare à Racine, mais son information est mauvaise. Verdict de cette charge, un livre inutile, dans un genre indéfendable qui nuit à l’histoire :

Mais en finira-t-on jamais avec le roman historique ?
Est-ce qu’il ne suffirait pas d’être obligé, déjà, de faire la critique des vrais Mémoires, qui savent aussi parfois – et bien – assez offenser Clio ?

  • 16 MY à A. Curvers et M. Delcourt, 15 août 1955, Yourcenar 2004b, 481-482.

6Cette diatribe – certainement réaction agacée contre les éloges des critiques littéraires et d’historiens admiratifs –, et qui glisse vers l’attaque vulgaire et misogyne – « pas une image visuelle, ni d’Hadrien ni même d’Antinoos. Qui donc disait que les dames aimaient les photographies de beaux hommes ? » – Yourcenar la reçoit amèrement. Elle travaille à une réponse, mais sans la mener à terme. Outrée, elle contre, sans le nommer, l’archéologue dans les « Carnets de notes », et dans la « Note » révisée. En revanche, des échanges fructueux avec d’autres chercheurs, certains, dès la préparation du roman, lui permettent de reprendre des détails et les annexes : « La plupart de[s érudits] que j’ai eu le très grand avantage de rencontrer, souvent grâce à Hadrien, ont été indulgents et charmants pour cet écrivain qui se risquait sur leurs terres, et je leur dois d’avoir évité bien des erreurs, et d’en avoir corrigé d’autres »16. Bien accueilli, le roman s’installe parmi les historiens.

1984, le verdict de Ronald Syme : une nouvelle « fictional history »

  • 17 Syme 1991, 157-181 (n. 13 p. 162, pour la citation).
  • 18 Durry 1965, 249.
  • 19 Syme 1991, 162.

7En 1984, Ronald Syme consacre une conférence aux Mémoires d’Hadrien. En note, il rappelle la colère de Picard : « Among other things, the authority on art and archaeology was put out by a pronouncement of Hadrian : “Il n’y avait pas, je crois, une seule statue grecque dans toute la péninsule” »17. L’ « empereur de l’histoire romaine à Oxford »18 ne refuse pas l’éloge au remarkable book19 :

  • 20 Syme 1991, 164.

The book would stand by its own quality as an imaginative evocation : duly acclaimed and admired, not least for grace and power of style, fluent and vivid, yet severe and classic – and archaic. Never a word or an expression to betray the middle years of the twentieth century20.

  • 21 Syme 1991, 165.

8Le roman revendiquant sa véracité historique, Syme estime légitime d’évaluer cette prétention. Il précise que face aux opinions historiennes récentes : the Mémoires d’Hadrien may not fare too badly21.

  • 22 Syme 1991, 163.
  • 23 Yourcenar 2004a, 352-353.
  • 24 Yourcenar 1978, 9 (version plus courte, Yourcenar 1959). A. Chastagnol, lors d’un Bhac, cite cet (...)
  • 25 Bardon 1964.

9Syme relève dix points numérotés, puis quelques autres, qui lui semblent des erreurs, des interprétations non étayées, des réflexions et actes non attestés, parfois plausibles mais incertains ou discutables. Surtout, le romaniste reproche à Yourcenar sa trop grande confiance envers l’Histoire Auguste : sa note reveals a disturbing fact : she wrote in total unawareness of problem inherent in the Vita Hadriani22. Effectivement, elle y parle de Spartien comme d’ « un des rédacteurs de l’Histoire Auguste » et d’une source composée environ 140 ans après la mort d’Hadrien23, alors qu’H. Dessau a contesté cette attribution et cette date dès 1889. Il faut signaler que dans sa correspondance, et dans un article grand public ultérieur, d’abord prévu comme préface à une nouvelle traduction de l’Histoire Auguste, mais publié à part suite à des différends avec l’éditeur, Yourcenar se montre plus informée de ces débats, et parle d’un « texte incertain, et que d’éminents érudits ont pu raisonnablement soupçonner d’être une quasi-totale imposture »24. De plus, Henri Bardon, dans l’anthologie finalement éditée, conserve l’idée de six auteurs différents25, signe que lorsqu’elle travaillait à son roman la remise en cause de l’attribution de cette source était moins unanime que lorsque Syme prononça sa conférence.

  • 26 Bruggisser 1997, 64 sqq.
  • 27 Yourcenar 1978, 16.

10Assurément, Yourcenar a parlé de l’Histoire Auguste sans s’attarder sur les débats autour de sa datation et de son attribution. Ce qui ne veut pas dire qu’elle l’ait suivie aveuglément26. Surtout, elle l’a saisie moins comme un recueil de faits sur Hadrien que comme un moyen de percevoir « les jugements de l’homme de la rue et de l’antichambre sur l’histoire qui passe »27, donc comme un instrument pour appréhender la façon dont Hadrien avait pu être apprécié. Syme n’analyse pas ce qu’elle a fait de cette source, mais souligne que, selon les critères de la discipline historique, n’avoir pas tenu compte des avancées fondamentales sur ce recueil de biographies est une grave faute.

  • 28 Syme 1991, 168.

11Le romaniste ne laisse pas passer grand-chose à Yourcenar. Ainsi, il signale qu’elle suit une mention suspecte de l’Histoire Auguste selon laquelle Hadrien haïssait Antioche : Mme Yourcenar tones down Hadrian’s aversion with a brilliant phrase : “je remarquai davantage l’éternelle légèreté de ce peuple médisant et moqueur”28. En 1979, il avait déjà cité cet extrait :

  • 29 Syme 1983, 188. La n. 47 renvoie à « M. Yourcenar, Mémoires d’Hadrien (1951), 225 », et précise : (...)

The notion lends itself to invention or to sustained fiction. And aversion can be muted or toned down to disenchantment : “je remarquai […]”. As elsewhere, the plausible carries no warrant of authenticity. In the present instance the credit for a fabrication adheres to the consular biographer, avid for scandal and detraction29.

  • 30 Syme 1991, 171 (n. 42).

12En 1979 et 1984, Syme constate qu’à partir d’une source discutable, Yourcenar imagine une réflexion plausible. Mais en 1984, il s’oppose totalement à la suite : But not as stated : “je jouai avec l’idée de transférer la capitale de la province à Smyrne ou à Pergame”. Dans une note, il tempère ses remarques sur des voyages inventés ou des détails non attestés : To render points of time with precision in an impressionistic narrative is not at all easy, mais ajoute aussitôt : and the author was not strong on geography en renvoyant à l’idée prêtée à Hadrien d’un transfert de la capitale30. Il concède donc à Yourcenar l’extrême difficulté de traiter des déplacements d’Hadrien, mais en visant un autre défaut. Cependant, Syme vient trop tard…. car il cite la version originale. Or, dès 1952, l’historien Julien Guey avait critiqué cette phrase, et Yourcenar l’avait écouté :

  • 31 Lettre à J. Guey, 23 mai 1953, Yourcenar 2004b, 268. Elle lui demande ensuite l’autre passage don (...)

Antioche. Sur la 12e édition, j’ai changé complètement la phrase qui vous paraissait à juste titre inexacte31.

  • 32 Yourcenar 2004a, 233.

13Hadrien dit désormais : « Je songeai un moment à accroître au détriment de l’arrogante capitale syrienne l’importance de Smyrne ou de Pergame »32, modi­fication qui rend la critique de Syme caduque.

  • 33 Syme 1991, 158.

14Syme fait plus qu’une évaluation pointilleuse ; il qualifie fermement les Mémoires. Il définit la fictional history comme the simulation of history, and it may involve impersonation33. L’ancienne fictional history d’Hadrien, c’était la trompeuse Histoire Auguste. La nouvelle, c’est Mémoires d’Hadrien, autobiographie fabriquée au xxe siècle ; certains l’oublient, négligence dangereuse :

  • 34 Syme 1991, 178.

It occurs in the select bibliography subjoined to the entry in the Oxford Classical Dictionary […]. The reference is to the appendix in the book, dealing with the author’s sources and procedures. Some disquiet is aroused by this commendation addressed to the innocent young, or to their instructors – especially if, as may happen in these days, they are largely monoglossic. If The Memoirs of Hadrian are in consequence read for the wrong reasons, grave misconceptions of a general order concerning Roman society and imperial government are in danger of being encouraged and propagated34.

  • 35 Bradley 2008, 42.

15La radicalité de l’évaluation tardive de Syme surprend. K. Bradley35 avance que probablement la publication des Yeux ouverts l’avait agacé. En effet, Yourcenar n’y expose pas seulement la façon dont elle a écrit son roman, elle s’y exprime sur la personnalité d’Hadrien, la nature de son pouvoir, et le juge très positivement :

  • 36 Yourcenar 1980, 50.

il améliore la condition de l’esclave […] il « stabilise la terre » […]. Ses lois sont extraordinairement souples, elles mettent en pratique les idées des philosophes grecs, avec une espèce d’empirisme admirable, et son hellénisme ne s’impose pas de force […]. Il fut très intelligent, en tout36.

  • 37 Dans Les empereurs romains d’Espagne, qui publie les actes d’un colloque international de 1964 do (...)

16Certainement ces propos – ailleurs la romancière est plus critique – heurtèrent le romaniste qui considérait Hadrien quasiment comme un despote37.

17De plus, Yourcenar répond à la question : « Pourquoi écrire un roman, et non un traité ou un livre d’histoire ? » en commentant les productions des historiens d’une façon assez critique et en arguant de la supériorité de son approche :

  • 38 Yourcenar 1980, 62.

je me méfie du fait que l’histoire systématise, qu’elle est une interprétation personnelle qui ne s’avoue pas telle, ou au contraire qu’elle met agressivement en avant une théorie prise pour une vérité, qui est elle–même passagère. L’historien ne nous montre pas ses points de départs, soit individuel, soit idéologique, l’un camouflant l’autre. Il en a, pourtant […]. Il est dominé par des théories, quelquefois sans même s’en apercevoir. Mais si l’on fait parler le personnage en son propre nom, comme Hadrien, ou si l’on parle, comme pour Zénon, dans un style qui est plus celui de l’époque […] on se met à la place de l’être évoqué ; on se trouve alors devant une réalité unique, celle de cet homme-là, à ce moment-là, dans ce lieu-là. Et c’est par ce détour qu’on atteint le mieux l’humain et l’universel38.

  • 39 he evidently found the subject distasteful, Bradley 2012, 133.
  • 40 Bradley 2008, 41.

18Bradley – qui plus tard ajoutera la répulsion du romaniste envers la place trop importante de la passion de l’empereur pour Antinoüs dans les Mémoires39 – allègue un autre motif à la sévérité de Syme : la révérence de Yourcenar envers l’historien W. Weber for whom Syme felt a deep personal antipathy40.

  • 41 Ormesson 1989, 189.

19J. d’Ormesson rapporte des mots bien plus durs de l’antiquisant envers les Mémoires : « Il trouvait ça détestable. Farfelu et inexact41. » Mais rien ne corrobore un tel avis. Retenons donc que la mise au point de Syme, contrairement à celle de Picard, reconnaît des mérites et de la légitimité au roman, tout en en soulignant des manques historiques. Surtout, elle en martèle la nature : une fiction, des mémoires imaginaires, qui ne se substituent en rien à l’autobiographie perdue d’Hadrien ou aux travaux des historiens. Syme répéta son constat en 1986 :

  • 42 Syme 1991, 398. La n. 2 précise : For the inventions, more numerous than the author conceded, see (...)

Fanciers of fictional narrations in the modern time enjoy an adventitious incentive in the Mémoires d’Hadrien composed by Mme Yourcenar, an elegant and copious exposition duly enhanced by many inventions42.

2014, éloges de Denis Knoepfler pour un roman toujours inspirant

20En 2014, D. Knoepfler consacre son dernier cours au Collège de France à « L’empereur Hadrien et les cités grecques »43. À une « simple mise à jour épigraphique », il lui a « paru plus intéressant, plus amusant aussi, de mettre cet apport documentaire en confrontation avec l’image d’Hadrien qu’offre le célèbre récit pseudo autobiographique » de Yourcenar : « difficile en effet […] de faire comme si Mémoires d’Hadrien n’existait pas »44. Tout en soulignant qu’il s’agit, non « d’un livre d’histoire, ce à quoi du reste il n’a jamais prétendu »45, mais de « l’expression poétique d’une érudition mise au service de la connaissance intuitive d’un grand personnage historique »46, le chercheur soutient que l’œuvre « méritait pleinement d’entrer dans l’historiographie moderne du règne d’Hadrien »47 et
qu’ « un historien de stricte obédience peut donc avoir intérêt à méditer le portrait qu’elle nous donne d’Hadrien, à examiner de près les raisons qu’elle a eu de prendre tel ou tel parti […]. Et le cas échéant, […] de rendre compte de ses erreurs, certaines, ou probables48. »

  • 49 Knoepfler 2014a.
  • 50 En 2006, il parlait déjà de « la quête passionnée qu’elle mena pour accéder à toutes les sources (...)
  • 51 Dans un texte hommage à Jacqueline de Romilly, il écrit : « cette autre helléniste qu’est fondame (...)
  • 52 Knoepfler 2014a.

21Knoepfler, qui rappelle la « recension vétilleuse, en même temps que passablement dédaigneuse »49 de Picard, place le savoir historique consulté par Yourcenar, et celui accumulé depuis 1951, en regard des propos prêtés à l’empereur. Sur quelques points, il avance qu’elle n’a pas fait les meilleurs choix. Mais son avis demeure extrêmement positif, voire laudatif. Parmi les qualités qu’il lui reconnaît : une volonté constante de se contraindre à l’érudition50, une connaissance remarquable du grec51 et du latin, une intuition psychologique et historique fulgurante qui « ne s’abandonne jamais à l’arbitraire, à la fantaisie gratuite »52.

  • 53 Knoepfler 2005, 71.

22Dans sa dernière leçon, très ému, Knoepfler commente l’ultime témoignage connu de l’activité politique d’Hadrien. Depuis longtemps, il avait songé « à la belle page qu’en eût tirée Marguerite Yourcenar dans les Mémoires si elle avait eu connaissance de ce document émanant du vieil empereur »53. Envisageant que la romancière, rééditant le roman aujourd’hui, y aurait ajouté un codicille, il ose un « médiocre pastiche » :

  • 54 Knoepfler 2014c.

Mon cher Marc, j’ai omis de te dire qu’avant la consultation chez mon médecin Hermogène, une ambassade, bien extraordinaire, est venue il y a deux jours me trouver ici. Figure-toi que ces gens, des Grecs d’une assez obscure cité, Naryka, implorait mon aide parce que, disait-il, leur autonomie était menacée54.

231954, en trois pages, Picard chasse Mémoires d’Hadrien du territoire des historiens car mal renseigné, prétentieux et dans un genre, le roman historique, totalement illégitime. 1984, Syme, en sévère douanier des savoirs, par une longue conférence, stipule qu’il faut maintenir ce roman en-dehors, apprécier éventuellement son style et son propos, mais se souvenir qu’il n’a pas été bâti selon des critères historiens, qu’il est une fiction. 2014, Knoepfler, en douze leçons nourries, considère les Mémoires comme une œuvre toujours inspirante pour les antiquisants.

Reconquête par les historiens du sujet Hadrien

  • 55 Celle d’un ancien diplomate britannique (Perowne 1960), sans appareil érudit, n’a pas convaincu l (...)
  • 56 Birley 1997, XIII.

24Longtemps, comme si le roman agissait en épouvantail, les historiens l’ont laissé régner sur Hadrien. Alors que la dernière biographie satisfaisante datait de 1923, aucun universitaire n’en risqua une nouvelle jusqu’en 199755, date à laquelle A.R. Birley publia Hadrian. The Restless Emperor. Dès la première page, le roman apparaît : Yet Hadrian has become best known through a novel, by Marguerite Yourcenar (1951). For all her intuition and literary genius, the Hadrian whose Mémoires Yourcenar composed is a different person from the historical emperor56.

25La fin de l’introduction y revient :

  • 57 Birley 1997, 9.

Finally, a work of a very different nature must be mentioned : the novel by Marguerite Yourcenar, […] its literary merits are unquestioned. Yet the personality there portrayed seems to have been accepted by not a few scholars as an authentic representation of the “real Hadrian”. Whether Yourcenar’s Hadrian is in fact so close to the real man is another matter57.

  • 58 Birley precise : Syme was moved to publish a lecture, (…), in protest at the excessive credence g (...)
  • 59 Il figure dans la bibliographie, sans aucun commentaire, Birley 1997, 370.
  • 60 Birley 1996, 662–663.
  • 61 Bowersock 1993, 609.

26Birley se situe dans la droite ligne de son maître Syme58 : les Mémoires ne sont pas un livre d’histoire, leurs mérites littéraires sont indéniables, l’empereur qui y parle est remarquable, mais il n’est pas l’Hadrien du passé. Le roman est toujours incontournable59, mais dûment qualifié de fiction. Il présente son ouvrage comme la biographie du vrai Hadrien. Un peu plus tôt, Birley avait supprimé les Mémoires dans la version révisée de l’entrée « Hadrian » de l’Oxford Classical Dictionary, présence jugée inopportune par Syme dans celle de 197060 – par contre en 1993, G.W. Bowersock, autre élève de Syme, l’intègre dans la bibliographie de sa notice « Hadrian » pour l’Encyclopaedia Britannica, et le qualifie de fictional evocation […] however, remarkably successful61.

  • 62 Roman 2008, 9-10.
  • 63 Yourcenar 2004a, 332.
  • 64 Y. Roman avait déjà commenté le roman : « Bien qu’il ne s’agisse pas d’histoire, mais d’une œuvre (...)

27En 2008, Yves Roman publie un autre Hadrien. Cette biographie envisage son parcours, sa personnalité, ses décisions, sa postérité, dans leurs rapports avec les valeurs, l’identité, et les mécanismes et institutions de l’empire. Dès l’avant-propos, Yourcenar surgit : « comment l’historien, en commençant sa tâche, échapperait-il à l’évocation d’une ombre, celle d’une célèbre romancière contemporaine ? »62. Le professeur émérite à l’Université Lyon II explique qu’elle « ne peut pas ne pas être évoquée à l’ouverture de son ouvrage », mais qu’il ne discutera pas son roman, démarche vaine puisque, si elle a recouru à » la méthodologie même de l’historien le plus contemporain », – il cite alors la célèbre page des « Carnets » qui s’ouvre par « Les règles du jeu : tout apprendre, tout lire, s’informer de tout »63 – l’écrivaine a tenté de faire parler l’empereur alors que l’historien offre une enquête sur lui64. La quatrième de couverture condense cette différence en affirmant que cette « biographie ambitieuse et stimulante […] constitue le pendant historique des Mémoires d’Hadrien inventés avec brio par Yourcenar. »

  • 65 Turcan 2009, 8.

28L’année suivante, R. Turcan, ancien professeur d’histoire romaine à l’université Paris IV, publie Hadrien, souverain de la romanité65. L’avant-propos explique les « motifs [qui] ont inspiré la rédaction de cet ouvrage ». Le premier tient à l’évolution de son opinion envers le roman. La fascination – « j’ai succombé jadis au charme impérieux des Mémoires » – a cédé la place à un questionnement critique : « je m’interrogeais à l’occasion, puis toujours plus fréquemment au fil des pages qui m’envoûtaient d’abord, avant de m’intriguer, sur les témoins autorisant telle ou telle affirmation ». Malgré l’érudition du livre, l’historien avait « parfois du mal à [s] y retrouver », en particulier sur les cultes à mystères. Par conséquent, il était temps de fournir une version de la vie de l’homme d’État romain. La fiction réapparaît ensuite plusieurs fois, signe que l’historien admet que Yourcenar offre une évocation d’Hadrien intéressante sur bien des points.

29Ces trois biographies manifestent que depuis une vingtaine d’années les historiens recommencent à dresser des portraits et des parcours historiques d’Hadrien, et que donc ils n’entendent plus laisser les Mémoires d’Hadrien occuper quasiment seuls ce rôle. Néanmoins, si les antiquisants s’en démarquent dans leurs approches biographiques, ils ne font pas silence – et la remarque vaut pour beaucoup de travaux sur maints aspects du règne d’Hadrien –, sur ce roman qui hante explicitement et implicitement nombre de leurs pages.

Persistance de la présence de Mémoires d’Hadrien dans l’historiographie

  • 66 MY à Jean Ballard, 7 oct. 1951, Yourcenar 2004b, 78.
  • 67 Yourcenar 2004a, 349.
  • 68 Yourcenar 1991, 297. Cet article, « Ton et langage dans le roman historique », d’abord paru dans (...)
  • 69 MY à Constantin Dimaras, 21 août 1951, Yourcenar 2004b, 37.
  • 70 Yourcenar 1991, 294. Sur ce thème, voir Bessières 2014 et Poignault 2014.

30S’il est rare que les historiens se réfèrent toujours abondamment à un ouvrage historique soixante-dix ans après sa publication, il est exceptionnel, et même inédit, qu’ils mentionnent encore, après un tel délai, un roman, et au degré des Mémoires d’Hadrien. L’érudition et la volonté d’exactitude de l’auteure comptent, son aura aussi. Mais la forme du récit – une longue méditation à la première personne – a contribué, et contribue encore, à sa résistance aux jugements et avancées de la science historique. Soucieuse de se distinguer totalement de l’« histoire romancée » et un peu récalcitrante envers la dénomination « roman historique », trop vague et si ouverte à des productions navrantes, Yourcenar parla de « Mémoires reconstruits »66, d’une « reconstitution […] faite à la première personne »67, et de « Mémoires imaginaires », appellations opposées à « Mémoires apocryphes » car « apocryphe », ajoutait-elle, « ne devrait se dire, que de ce qui est faux et veut se faire passer pour vrai » ce qui ne convenait pas pour sa « reconstitution passionnée, à la fois minutieuse et libre, d’un moment ou d’un homme du passé. »68 Cette « lettre d’Hadrien », qui devient « peu à peu un testament politique et les Mémoires d’une vie »69, rédigée dans un style « togé » élaboré à partir des écrits des « prosateurs grecs et latins » qu’elle n’a pas imités, mais dont elle a tiré un « calibre, un rythme »70, place les historiens dans une situation singulière qu’il faut souligner par quelques cas concrets.

  • 71 Yourcenar 2004a, 208.
  • 72 Dans Les Yeux ouverts, elle dit « Hadrien était Andalou » et parle d’un « tempérament sévillan » (...)
  • 73 Selon l’HA Had. 1.3 et 2.1, Hadrien « naquit à Rome (…). À quinze ans il revint dans sa patrie ». (...)

31L’empereur des Mémoires écrit : « Italica, ma ville natale »71. Syme a qualifié cette assertion d’erreur, et rejeté les pages sur l’enfance espagnole du souverain. Il rappelait que Yourcenar avait insisté sur cette information72, et concédait que des historiens consultés par elle, comme postérieurs, partageaient cette vue. Aujourd’hui, cette localisation, minoritaire, n’a pas disparu. Les sources sont ambigües73. Dans le roman, Hadrien explique : « La fiction officielle veut qu’un empereur romain naisse à Rome, mais c’est à Italica que je suis né », puis ajoute :

  • 74 Yourcenar 2004a, 43.

La fiction a du bon : elle prouve que les décisions de l’esprit et de la volonté priment les circonstances. Le véritable lieu de naissance est celui où l’on a porté pour la première fois un coup d’œil intelligent sur soi-même : mes premières patries ont été des livres. À un moindre degré, des écoles74.

32Les historiens signalent des difficultés, argumentent, puis tranchent ; l’empereur de la fiction livre un avis définitif, qui est, sinon la vérité, ce qu’il aurait pu ressentir ou voulu faire croire.

  • 75 Yourcenar 2004a, 63-64 et 196.

33Dans les Mémoires, Hadrien raconte son initiation au culte de Mithra, et celle d’Antinoüs75. Dès 1951, Yourcenar précise le caractère inventé de ces épisodes, plausibles, mais non avérés. À partir de 1958, elle ajoute :

  • 76 Yourcenar 2004a, 350.

On a suivi dans ces deux scènes la tradition qui veut que le bain de sang ait fait partie du rituel de Mithra aussi bien que de celui de la déesse syrienne, auquel certains érudits préfèrent le réserver, ces emprunts d’un culte à l’autre restant psychologiquement possibles à cette époque où les religions de salut « contaminaient » dans l’atmosphère de curiosité, de scepticisme et de vague ferveur qui fut celle du iie siècle76.

  • 77 Grant 1956, 290-299.

34Entre temps, elle avait discuté de ce sujet, et de bien d’autres, dans une lettre érudite qu’elle souhaitait envoyer au Professeur Grant qui, tout en appréciant son livre, avait objecté sur plusieurs points77. Elle y avançait que

  • 78 MY à F.C. Grant, 6 février 1957, in Yourcenar 2007, 56.

l’initiation à Orphée, à la bonne déesse et à Mithra sont pour Hadrien seulement plausibles, et celle de Mithra est la plus incertaine. Mais elle n’est pas une impossibilité de fait, puisque Néron, cinquante ans plus tôt, s’était déjà intéressé à ce culte assurément barbare […]. Hadrien aurait été simplement sur ce point à l’avant-garde de son temps78.

  • 79 Yourcenar 2004a, 63.
  • 80 « [D]ans ses Mémoires génialement ressuscités, l’empereur Hadrien évoque le baptême sanglant du t (...)

35Dans le roman, le jeune officier Hadrien subit l’initiation à Mithra alors qu’il vit l’exaltation guerrière d’une campagne contre les Daces en compagnie d’un groupe de lieutenants « ayant rapporté d’étranges dieux du fond des garnisons d’Asie »79. Accomplir ce rite, pour le jeune homme, c’était encourager le sentiment de force, se confronter à la mort, trouver des réponses cruciales, rejoindre l’adversaire dans une expérience commune singulière. Turcan, spécialiste des cultes orientaux dans le monde romain, a plusieurs fois commenté le passage où l’empereur « avoue » à Marc « ces pensées extraordinaires, qui comptent parmi les plus secrètes de [s]a vie »80. Dans Hadrien, il écrit : « Mais aucun témoignage n’autorise ou confirme pareille hypothèse », cite les Mémoires et ajoute :

  • 81 Turcan 2009, 153.

C’est une confusion avec le taurobole qui se pratiquera en l’honneur de Cybèle […]. Jamais, que nous ne sachions, l’initiation mithriaque n’a consisté en un pareil sacrifice. Naturellement, Hadrien n’a pu ne pas être au courant de l’affiliation de certains compagnons d’armes à telle communauté adorant le dieu tauroctone. […]. Mais rien n’atteste qu’Hadrien ait adhéré lui-même à ce culte persique81.

36Selon ce spécialiste, Yourcenar invente une initiation et un rite. Toutefois, ses formulations – « aucun témoignage n’autorise ou confirme », « que nous sachions », « rien n’atteste » – laissent une brèche à la fiction : l’empereur aurait pu être initié, sans qu’un texte ne l’enregistre, et par un rite non retenu par un document.

Un roman « portrait d’une voix »

  • 82 Yourcenar 2004a, 317.
  • 83 Yourcenar 2004a, 34.
  • 84 Yourcenar 2004a, 361-362.
  • 85 MY à A. Mozzillo, 14 janvier 1957, Yourcenar 2007, 39 et 40 (et aussi MY à Frederic C. Grant, 57)

37Picard, si prompt à relever ce qu’il considérait comme des erreurs historiques flagrantes dans Mémoires d’Hadrien, a pointé un des boucliers de l’œuvre contre une partie de son inventaire quand il a ajouté : « l’Hadrien de Mme m. Y… n’a pas gardé d’ailleurs, un souvenir très précis » [d’édifices qu’il éleva]. Il est vrai qu’Hadrien allait mourir ». Dans le roman l’empereur avoue : « la fatigue de mon corps se communique à ma mémoire »82. Il confie qu’il peine à saisir sa vie : « la masse de mes velléités, de mes désirs, de mes projets même, demeure aussi nébuleuse et aussi fuyante qu’un fantôme »83. La maladie accentue la déformation de ses souvenirs. Le souverain forge ce que le futur dira de lui, il n’est donc pas un guide neutre énonçant la liste exhaustive de ses constructions et de ses actes. À ceux qui détaillaient ses oublis en matière de monuments, Yourcenar expliquait qu’une « description trop appuyée eût transformé ce volume en manuel déguisé […], l’empereur homme de goût n’ayant pas à faire subir à ses lecteurs le tour complet du propriétaire. »84 À un jeune universitaire, elle signala que le récit se devait d’évoquer l’œuvre législative du souverain, mais sans « donner l’impression d’avoir chargé Hadrien de faire au lecteur de notre époque un cours de droit romain »85. En conséquence, cette construction littéraire paradoxale – des mémoires construits essentiellement sur des traces élaborées après la mort du narrateur – ne peut, et ne doit pas, entièrement recouper ce que disent les sources et le savoir.

  • 86 Yourcenar 2004, 331.
  • 87 Yourcenar 2004, 341. « Il réarrangeait comme tout le monde, consciemment ou non. Je crois qu’il a (...)

38Dans les Mémoires, parfois Hadrien oublie, reste flou, se trompe ; telle est la nature du genre. En ce domaine, Yourcenar a usé d’une stratégie érudite : « S’arranger pour que les lacunes de nos textes […] coïncident avec ce qu’eussent été ses propres oublis86. » Quelquefois le souverain déforme sciemment : » il m’est même arrivé de sentir que l’empereur mentait. Il fallait alors le laisser mentir, comme nous tous87. » Cette dimension, Yourcenar l’a bâtie à la mesure de quelques documents.

  • 88 Yourcenar 1991, 294.

On n’a que trois lignes des Mémoires qu’il avait dictés ou fait composer à un secrétaire, et qui ne furent sans doute qu’un résumé très officiel de sa vie. Néanmoins, l’homme qui y avouait s’être enivré, jeune, pour mieux faire sa cour, à la table de Trajan, n’était sûrement pas de ceux qui recouvrent tout de mensonge88.

39Mémoires d’Hadrien comporte, et doit comporter, des approximations, erreurs, déformations et manipulations, car il s’agit de mémoires. Ainsi, sur Mithra, Hadrien a pu donner le récit d’une initiation fantasmée. De plus, Hadrien écrit vers 138, mais il est lu dix-neuf siècles plus tard. Dans une lettre, la romancière évoque 

le problème qui consiste à présenter un homme du iie siècle en termes qui restent exacts, et qui pourtant soient compréhensibles pour un public du xxe siècle. Personne ne sait mieux que moi qu’on n’arrive jamais qu’à une approximation, mais j’ai fait ce que j’ai pu pour rester fidèle à la lettre et à l’esprit de l’histoire.

40Elle détaille ensuite ce qu’elle a modifié après avoir pris en compte des remarques de son interlocuteur, et explique pourquoi elle n’a pas changé certains passages pourtant fautifs, sur le plan de l’Histoire. Elle sait, par exemple, comme elle l’écrit à un de ses correspondants, qu’il n’y avait pas de Sénat à Alexandrie :

  • 89 MY à J. Guey, 23 mai 1953, Yourcenar 2004b, 268-269.

Si j’ai laissé pourtant l’expression un peu gauche « le Sénat local », c’est parce que je ne trouvais pas de mot qui ne fît pas trop moderne, dans ce contexte, pour définir les rouages de l’administration urbaine, le conseil municipal ou ce qui en tenait lieu89.

  • 90 Yourcenar 2004b, 269-270.

41De même, faire écrire à l’empereur « Colisée » était faux, car l’appellation est plus tardive, mais « parler seulement de l’Amphithéâtre Flavien » eût décontenancé maints lecteurs, donc elle n’a pas renoncé à cette désignation qui, « dans un traité d’archéologie », eût choqué90.

  • 91 MY à A. Mozzillo, 14 janvier 1957, Yourcenar 2007, 39-40.

42Pour « présenter au lecteur un récit intégré, compréhensible et vivant », elle a procédé – l’explication ici concerne les lois, mais s’applique à tout – à « de légères modifications », à « des simplifications ou des transpositions qui paraîtront choquantes à l’homme de métier », mais absolument nécessaires à l’élaboration de propos « comme l’eût pu plausiblement » les tenir « l’empereur lui-même s’adressant à un familier déjà renseigné sur ces questions, ou destiné par ses fonctions à l’être un jour »91.

  • 92 Sur l’intense travail de révision, en particulier par le « choix d’un vocabulaire plus approprié (...)

43Le respect intégral de l’exactitude historique aurait tué la réussite littéraire en rendant le récit inaccessible à beaucoup, ou en le faisant sombrer dans le « manuel ». Allier pertinence historique et exigence littéraire a beaucoup coûté à la romancière pendant la rédaction92, et après, au fil des rééditions qu’elle a cherché à améliorer.

44Yourcenar admettait d’ailleurs des ratés. Aussi, elle a procédé à des corrections, mais elle savait qu’il restait quelques phrases qui n’auraient pas pu être écrites par l’empereur. En 1972, sur sa volonté de rendre le « ton », le « timbre », et le vocabulaire d’Hadrien, elle concède : « Je ne m’imagine pas avoir toujours réussi ». Elle donne deux exemples. Le premier concerne les « années de bonheur » de l’empereur, dont elle dit :

Je crois encore que l’empereur évoquant ses souvenirs à distance a pu les voir ainsi, intensément colorés comme telle grande fresque d’Herculanum, stylisés comme des bas-reliefs de ses chasses dans les médaillons du futur arc de Constantin. Je ne crois plus qu’il les eût tout à fait racontés de la sorte, ou, du moins, dois-je alors supposer qu’il plonge à ce moment dans une sorte d’élégie à la Properce ou à la Tibulle, faisant donner pour ainsi dire toutes les ressources de la littérature.

  • 93 À propos de la période où il entretint « quelques adultères avec des patriciennes », Hadrien comm (...)
  • 94 Yourcenar 1991, 296-297. Plus radicale, dans les Yeux ouverts, elle dit de ces phrases :
    « elles (...)

45Ainsi, elle distingue, la sensation du souvenir d’Hadrien, qu’elle pense avoir su saisir, du récit qu’il en aurait donné, qu’elle estime par contre n’avoir pas bien rendu ou alors, et cela lui aurait échappé, l’empereur, à son insu, aurait abandonné sa voix pour imiter des poètes qu’il évoque plus tôt dans sa méditation93. Le second exemple s’appuie sur l’expérience faite par un professeur : « [il] demanda à ses élèves de traduire en grec (j’aimerais pouvoir dire retraduire) la page de l’empereur qui décrit l’état d’atonie qui suivit chez lui la mort d’Antinoüs. » S’obligeant à l’exercice, elle repéra, peu nombreux, « les addenda d’un ton plus moderne » révélant « des moments où, par inadvertance », elle lui avait « fait parler le français de [s]on temps ». Mais elle ne procéda pas à de nouvelles corrections car « l’impression, sinon l’expression » lui semblait « authentique » et parce que « l’inexactitude », à réduire au minimum, était la rançon « du risque » et le prix à payer pour « jouir des enrichissements » de l’entreprise94.

  • 95 Voir Cloche 1934, 512. L’assyriologue E. Dhorme (Dhorme 1933, 117) cite sa traduction.
  • 96 Dans leur traduction d’O. Murray, La Grèce à l’époque archaïque, C. Leduc et J.- M. Pailler y rec (...)
  • 97 MY à J. Ballard, 23 juin 1951, Yourcenar 2004b, 27.
  • 98 « Ne pas faire trop consciemment une méthode de ce qui aura été pour moi une nécessité », MY à A. (...)
  • 99 Yourcenar 2004a, 330.
  • 100 Voir son commentaire sur la douleur d’Hadrien à la mort d’Antinoüs (Yourcenar 2004a, 224-228) : « (...)

46Pour Mémoires d’Hadrien, Yourcenar s’est astreinte à de contraignantes exigences d’exactitude. Parmi ses atouts, d’indéniables compétences en grec et en latin. Des antiquisant ont apprécié son Pindare95, ou ont recouru à La Couronne et la Lyre96. Elle aurait pu écrire une biographie, ou un essai, mais elle a tenté une « reconstruction par le dedans des motivations et des pensées du grand empereur libéral et lettré du iie siècle »97. Pour aboutir, Yourcenar a utilisé, ou plutôt se sont imposées à elle98, diverses techniques de « cette magie sympathique qui consiste à se transporter en pensée à l’intérieur de quelqu’un »99 par lesquelles elle regardait vivre Hadrien, parfois s’incarnait en lui. Ces moyens singuliers – visualisation mentale, longues répétitions de noms et formules, séances nocturnes d’écriture automatique –, ne s’enclenchaient qu’accordés à des recherches érudites100, et devaient ensuite être retaillés par des vérifications constantes.

47Yourcenar dit des proches du souverain :

  • 101 Yourcenar 2004a, 335.

Hadrien ne pouvait les voir que de biais. Antinoüs lui-même ne peut être aperçu que par réfraction, à travers les souvenirs de l’empereur, c’est à dire avec une minutie passionnée, et quelques erreurs.101

  • 102 Yourcenar 2004a, 330.
  • 103 Popper 2006, 9-10.

48Aussi, sous le stylet de l’Hadrien des Mémoires, ses contemporains ne peuvent correspondre point par point aux sources et aux travaux des historiens, et il en est de même des événements, sentiments, lieux, etc. Puisque le lecteur voit tout au prisme de l’empereur. En conséquence, ce roman imagine ce qui aurait pu être une source potentielle, les mémoires du souverain, et il ne faut pas y chercher la trace directe des documents historiques comme dans un essai littéraire érudit. Ce « portrait d’une voix »102, par définition subjectif, pour parler comme Popper103, est « irréfutable », et donc hors de la science historique. Face à ce que l’empereur aurait pu et voulu dire, seuls les véritables mémoires pourraient servir de référent, mais on ne les a pas, et s’ils existaient, Yourcenar n’aurait peut-être pas élaboré ce roman.

« Propre de la fiction » et spécificités de la poétique historienne

  • 104 Cohn, 2001.
  • 105 Birley 1997, XIV, à propos des voyages d’Hadrien : Hence there have to be (all too often, perhaps (...)
  • 106 Formule de S. T. Coleridge, willing suspension of disbelief (Biographia Literaria, 1817), Colerid (...)

49Mémoires d’Hadrien permet de réfléchir au « propre de la fiction »104 et aux spécificités de la poétique historienne. Le point d’ancrage du roman est l’an 845 de l’ère romaine, tandis qu’une étude historique s’écrit depuis le présent. Hadrien, dans les Mémoires, souffre, mais il vit ; dans les biographies, il est un mort, couvert de commentaires. Dans cet ego-document inventé, ancré sur les sources et les connaissances accumulées par l’historiographie jusqu’au milieu du xxe siècle, Yourcenar imagine l’empereur méditant, exposant sa vision de lui-même et de sa vie ; les historiens, par leurs enquêtes et approches, proposent des vérités sur lui. La romancière a construit ce que l’empereur aurait pu dire, ce qu’il aurait voulu dire, donc n’a pas restitué tout le savoir établi sur lui, mais ce qu’il aurait pu livrer vers la fin de sa vie, pour s’examiner et fournir un portrait pour la postérité. L’écrivaine a fait des hypothèses sur plusieurs faits historiques. Le discours qu’elle prête à Hadrien repose sur certains choix, les siens et d’autres qu’elle a conçus comme étant ceux du souverain écrivant, mais dans le propos de l’empereur rien ne les indique, la romancière n’intervient pas, il se raconte, réfléchit et s’interroge. Les historiens doivent souvent, – trop souvent105 – recourir au conditionnel et au conjectural. Yourcenar se fait oublier, son texte amène à une « suspension consentie de l’incrédulité »106 afin que le lecteur ait l’impression de lire les réflexions d’un homme d’État romain d’il y a presque vingt siècles ; les chercheurs sont constamment présents par le travail des sources, la séparation entre l’attesté et les suppositions armées etc. La découverte de mémoires authentiques changerait le statut de ceux imaginés par Yourcenar, sinon, peu importe l’évolution de la recherche historique, leur contenu est figé, l’empereur ne peut plus rien modifier ; l’historiographie toujours se renouvelle.

50Rendant compte de la biographie de Birley, C. Ando écrit que le lecteur y apprend, très précisément, où Hadrien a voyagé, qui il a rencontré, mais peine à comprendre qui il était. Cette recension s’arrête sur la mort d’Antinoüs :

Birley dismisses speculation on Hadrian’s “state of mind” at the death of Antinous, “when the truth can never be discovered, unless by a historical novelist” (249). He then dismisses Yourcenar’s scholarship with the back-handed compliment that she was a “great novelist”.

  • 107 Ando 1998, 183-185.
  • 108 Dondin-Payre 2001, 478.

51Ando évoque alors les mots célèbres – varius multiplex multiformis – rapportés par l’Epitome de Caesaribus (XIV, 6), mais affirme que « the Hadrian they describe is conspicuously absent » de cette biographie, alors que Yourcenar, elle, rend vraiment la personne d’Hadrien107. Un autre compte rendu, celui de M. Dondin-Payre, regrette que « ce livre, renseigné et sérieux » « ne reflète pas la complexité du personnage (…) Peut-être Hadrien, trop ambigu, trop protéiforme, se prête-t-il mal à la présentation rationnelle qu’exige un ouvrage universitaire ? »108.

  • 109 Entre autres Agrippine pour Grimal 1992 (Tacite, Annales, 53, 2, évoque les mémoires perdus d’Agr (...)
  • 110 Picard 1990, 13.

52Ainsi, Yourcenar toucherait davantage à l’intériorité d’Hadrien que ne le font les biographies historiennes, gênées par leur poétique spécifique. D’ailleurs des antiquisants patentés ont écrit des mémoires imaginaires de personnages attestés109. Et d’autres, des romans historiques. Ainsi, en 1990, G-C. Picard a doublement trahi son père C. Picard. D’abord en s’engageant dans ce genre, ensuite en expliquant pourquoi il n’avait pas écrit une fausse autobiographie, mais un récit à la manière des romans de Pétrone et d’Apulée et des dialogues de Lucien : « j’ai dû affronter le problème de la présentation. Quand on n’est pas Marguerite Yourcenar, il est inutile d’essayer d’écrire des Mémoires d’Hadrien110. » Ces productions manifestent qu’au-delà d’un plaisir d’écriture, des historiens considèrent que le roman leur permet d’investiguer des aspects qu’ils ne peuvent traiter dans un ouvrage d’histoire, ou alors avec beaucoup de suppositions et de précautions rhétoriques.

  • 111 Syme 1991, 164.
  • 112 Venayre et Boucheron 2012, 13.
  • 113 Eco 1988, 47-57.

53À propos des historiens, Syme admettait : They too are fabricators and creators of illusion111 . Face aux Mémoires, il s’inquiétait d’un brouillage des genres. Ce roman est une « forgerie », « c’est-à-dire un texte ayant la forme d’un document ancien, mais ne cachant nullement qu’il est une imitation moderne »112. En 2011, le concours de l’Agrégation d’histoire a soumis, par erreur, comme commentaire de document médiéval un texte inventé par un érudit moderne vers 1960. Plus tôt, Umberto Eco avait imaginé les cocasses interprétations de vestiges de notre monde, alors disparu depuis presque 2000 ans, par des scientifiques du futur fouillant des « cryptobibliothèques »113. Yourcenar n’a pas cherché à tromper lecteurs et historiens ; mais un jour, débarrassé des signes qui le rattachent à la fiction et dans une configuration singulière, Mémoires d’Hadrien rejoindra peut-être le répertoire des sources.

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Notes

1 Yourcenar 1951.

2 ² M. Yourcenar (ci-après « MY ») à J. Guey, 23 mai 1953, Yourcenar 2004b, 268.

3 MY à A. Curvers et M. Delcourt, 15 août 1955, Yourcenar 2004b, 482.

4 MY à W. Lipgens, 28 décembre 1951, Yourcenar 2004b, 113.

5 MY à C. Vermeule, 5 mars 1955, Yourcenar 2004b, 461-462.

6 Yourcenar 2004a, 355.

7 Lettre à F. C. Grant, 6 février 1957, Yourcenar 2007, 56.

8 Sur son utilisation des sources écrites, numismatiques, artistiques et archéologiques, voir Poignault 1995, 425-941. Et sur ses relations avec les antiquisants, pendant la préparation du roman et sa première réception, Poignault 2007, 135-155.

9 Opper 2008, 29-30

10 Calandra 2013.

11 Marguerite Yourcenar 2016.

12 Hoët-Van Cauwenberghe 2017, 170.

13 Benoist 2020.

14 Parmi eux, Luciano Canfora. « Quanto all’Adriano della Yourcenar è largamente inesistente: ma uno scrittore ha il diritto di volare con la fantasia », Canfora 2008a (sur l’exposition de T. Opper et les usages analogiques d’Hadrien) ; Canfora 2008b, 51 (rapide sur le roman, traite surtout des fouilles à Antinoé) ; moins dur dans l’émission “Adriano imperatore” de Passato e presente sur la Rai 3 le 16 janvier 2018 (Canfora 2018), il reproche à Yourcenar d’avoir placé trop de Marc Aurèle dans Hadrien et indique qu’elle corrigea beaucoup d’erreurs à la suite d’une critique incendiaire d’E. Breccia (en fait, elles étaient dues aux déficiences de l’éditeur Richter, la traduction revue chez Einaudi en 1960 les élimina).

15 Picard 1954, 83-85.

16 MY à A. Curvers et M. Delcourt, 15 août 1955, Yourcenar 2004b, 481-482.

17 Syme 1991, 157-181 (n. 13 p. 162, pour la citation).

18 Durry 1965, 249.

19 Syme 1991, 162.

20 Syme 1991, 164.

21 Syme 1991, 165.

22 Syme 1991, 163.

23 Yourcenar 2004a, 352-353.

24 Yourcenar 1978, 9 (version plus courte, Yourcenar 1959). A. Chastagnol, lors d’un Bhac, cite cet « article agréable à lire, destiné au grand public », Chastagnol 1964, 43.

25 Bardon 1964.

26 Bruggisser 1997, 64 sqq.

27 Yourcenar 1978, 16.

28 Syme 1991, 168.

29 Syme 1983, 188. La n. 47 renvoie à « M. Yourcenar, Mémoires d’Hadrien (1951), 225 », et précise : The author refrained from implying anger or conflict.

30 Syme 1991, 171 (n. 42).

31 Lettre à J. Guey, 23 mai 1953, Yourcenar 2004b, 268. Elle lui demande ensuite l’autre passage donnant à penser qu’Antioche avait été faite capitale de la province d’Asie, ce qui montre qu’elle tenait à éviter cette impression.

32 Yourcenar 2004a, 233.

33 Syme 1991, 158.

34 Syme 1991, 178.

35 Bradley 2008, 42.

36 Yourcenar 1980, 50.

37 Dans Les empereurs romains d’Espagne, qui publie les actes d’un colloque international de 1964 dont il est difficile d’imaginer que les débats n’aient pas évoqué Mémoires d’Hadrien, il le qualifie de « très capricieux et très entêté » (Empereurs romains d’Espagne 1965, 250), ce que Yourcenar n’aurait pas contesté. P. Veyne rapporte que « ce grand seigneur » y déclara en français : “oh, Hadrien était un Führer, un caudillo.” », Veyne 2005, 65.

38 Yourcenar 1980, 62.

39 he evidently found the subject distasteful, Bradley 2012, 133.

40 Bradley 2008, 41.

41 Ormesson 1989, 189.

42 Syme 1991, 398. La n. 2 précise : For the inventions, more numerous than the author conceded, see now Fictional History.

43 Audios et vidéos disponibles sur https://www.college-de-france.fr/site/denis-knoepfler/course-2013-2014.htm

44 Knoepfler 2014a, « L’empereur Hadrien et les cités grecques : état des lieux après un demi-siècle de découvertes épigraphiques exceptionnelles », leçon 1, 21 février 2014.

45 Knoepfler 2014a.

46 Knoepfler 2014b.

47 Knoepfler 2015.

48 Knoepfler 2014a.

49 Knoepfler 2014a.

50 En 2006, il parlait déjà de « la quête passionnée qu’elle mena pour accéder à toutes les sources alors disponibles – y compris, comme on peut souvent le vérifier, celles, malaisément accessibles, de l’épigraphie et de la numismatique », Knoepfler et Pasquier 2006, 1313.

51 Dans un texte hommage à Jacqueline de Romilly, il écrit : « cette autre helléniste qu’est fondamentalement (ne l’oublions pas) Marguerite Yourcenar », Knoepfler 2011.

52 Knoepfler 2014a.

53 Knoepfler 2005, 71.

54 Knoepfler 2014c.

55 Celle d’un ancien diplomate britannique (Perowne 1960), sans appareil érudit, n’a pas convaincu les spécialistes. Même verdict pour Schall.

56 Birley 1997, XIII.

57 Birley 1997, 9.

58 Birley precise : Syme was moved to publish a lecture, (…), in protest at the excessive credence given to Yourcenar’s fiction, Birley 1997, 314.

59 Il figure dans la bibliographie, sans aucun commentaire, Birley 1997, 370.

60 Birley 1996, 662–663.

61 Bowersock 1993, 609.

62 Roman 2008, 9-10.

63 Yourcenar 2004a, 332.

64 Y. Roman avait déjà commenté le roman : « Bien qu’il ne s’agisse pas d’histoire, mais d’une œuvre romanesque, il est impossible de ne pas citer à propos de ce passage le commentaire et l’œuvre de Marguerite Yourcenar », Roman 1998, 70 ; « Et bien qu’il s’agisse d’une œuvre romancée, M. Yourcenar, pour l’extraordinaire acuité de l’analyse et la beauté de la langue », Roman 2001, 343.

65 Turcan 2009, 8.

66 MY à Jean Ballard, 7 oct. 1951, Yourcenar 2004b, 78.

67 Yourcenar 2004a, 349.

68 Yourcenar 1991, 297. Cet article, « Ton et langage dans le roman historique », d’abord paru dans un numéro de la Nouvelle Revue Française (oct. 1972, n° 238) consacré au roman historique, constitue la présentation la plus élaborée des choix stylistiques adoptés par l’écrivaine dans Mémoires d’Hadrien comme dans L’Œuvre au Noir.

69 MY à Constantin Dimaras, 21 août 1951, Yourcenar 2004b, 37.

70 Yourcenar 1991, 294. Sur ce thème, voir Bessières 2014 et Poignault 2014.

71 Yourcenar 2004a, 208.

72 Dans Les Yeux ouverts, elle dit « Hadrien était Andalou » et parle d’un « tempérament sévillan » (Yourcenar 1980, 104).

73 Selon l’HA Had. 1.3 et 2.1, Hadrien « naquit à Rome (…). À quinze ans il revint dans sa patrie ». Mais d’autres sources lui assignent Italica comme lieu de naissance (Appien, Ibérique, VIII, 38 ; Dion Cassius, Histoire romaine, 69, 1 ; Aulu-Gelle, Nuits attiques, 16, 13 ; Eutrope, Abrégé de l’histoire romaine, VIII, 3). Aujourd’hui, les historiens suivent en général Syme 1964, 142, qui distingue la patria – Italica –, origine légale de la famille, et le lieu de naissance – Rome.

74 Yourcenar 2004a, 43.

75 Yourcenar 2004a, 63-64 et 196.

76 Yourcenar 2004a, 350.

77 Grant 1956, 290-299.

78 MY à F.C. Grant, 6 février 1957, in Yourcenar 2007, 56.

79 Yourcenar 2004a, 63.

80 « [D]ans ses Mémoires génialement ressuscités, l’empereur Hadrien évoque le baptême sanglant du taurobole métroaque en croyant narrer le souvenir (d’ailleurs controuvé) d’une initiation aux mystères de Mithra. », « Hadrien […] – quoi qu’en ait écrit la plume splendide de Marguerite Yourcenar – n’a jamais mis le pied dans un antre persique », Turcan 1989, 14 et 237 ; « M. Yourcenar a imaginé de toutes pièces l’initiation d’Hadrien dans un antre erronément confondu avec la fosse du taurobole métroaque », Turcan 1993a, 58 ; « Malgré une page brillante de Marguerite Yourcenar […], cet empereur n’a jamais (que nous sachions) pénétré dans un antre persique », Turcan 1993b, 41.

81 Turcan 2009, 153.

82 Yourcenar 2004a, 317.

83 Yourcenar 2004a, 34.

84 Yourcenar 2004a, 361-362.

85 MY à A. Mozzillo, 14 janvier 1957, Yourcenar 2007, 39 et 40 (et aussi MY à Frederic C. Grant, 57).

86 Yourcenar 2004, 331.

87 Yourcenar 2004, 341. « Il réarrangeait comme tout le monde, consciemment ou non. Je crois qu’il a pas mal menti au sujet de son élection, de son arrivée au pouvoir ; il a dû en savoir un peu plus qu’il ne m’en a dit. Il a laissé planer une sage incertitude. », Yourcenar 1980, 155.

88 Yourcenar 1991, 294.

89 MY à J. Guey, 23 mai 1953, Yourcenar 2004b, 268-269.

90 Yourcenar 2004b, 269-270.

91 MY à A. Mozzillo, 14 janvier 1957, Yourcenar 2007, 39-40.

92 Sur l’intense travail de révision, en particulier par le « choix d’un vocabulaire plus approprié à l’époque romaine », entre les extraits prépubliés à la Table Ronde pendant l’été 1951 et la sortie du roman en décembre, voir Basilico 2000, 73-104 (100 pour la citation).

93 À propos de la période où il entretint « quelques adultères avec des patriciennes », Hadrien commente : « C’était le monde de Tibulle et de Properce : une mélancolie, une ardeur un peu factice, mais entêtante comme une mélodie sur le mode phrygien », Yourcenar 2004, 73-74.

94 Yourcenar 1991, 296-297. Plus radicale, dans les Yeux ouverts, elle dit de ces phrases :
« elles étaient de moi et non d’Hadrien » (Yourcenar 1980, 108).

95 Voir Cloche 1934, 512. L’assyriologue E. Dhorme (Dhorme 1933, 117) cite sa traduction.

96 Dans leur traduction d’O. Murray, La Grèce à l’époque archaïque, C. Leduc et J.- M. Pailler y recourent pour pallier les absences de versions dans la CUF puisque « Marguerite Yourcenar nous offrait une traduction poétique » (Murray 1995, X). C. Mossé utilise les « belles adaptations de M. Yourcenar » dans « Sapho de Lesbos » (Mossé 1991, 47-52).

97 MY à J. Ballard, 23 juin 1951, Yourcenar 2004b, 27.

98 « Ne pas faire trop consciemment une méthode de ce qui aura été pour moi une nécessité », MY à A. Bosquet, 8 juillet 1964, Yourcenar 1995, 259.

99 Yourcenar 2004a, 330.

100 Voir son commentaire sur la douleur d’Hadrien à la mort d’Antinoüs (Yourcenar 2004a, 224-228) : « Ce chant funèbre (…) n’aurait jamais pu résonner si je n’avais pas passé d’innombrables heures, ivre de fatigue, à contempler fixement les moindres fragments de documents, les inscriptions de l’obélisque d’Antinoüs au Pincio, ou la mention du thrène de Mésomédès dans le dictionnaire de Suidas, jusqu’à ce que le mot saute hors de la ligne et déborde les marges ; ce chant n’était possible qu’à condition d’écouter d’abord, dans le plus parfait silence, ce sanglot que relatent les chroniques : flevit muliebriter. », MY à Ch. Murciaux, 7 mars 1952, Yourcenar 2004b, 138. La romancière cite de mémoire la réprobation de l’HA 14, 5 : muliebriter flevit.

101 Yourcenar 2004a, 335.

102 Yourcenar 2004a, 330.

103 Popper 2006, 9-10.

104 Cohn, 2001.

105 Birley 1997, XIV, à propos des voyages d’Hadrien : Hence there have to be (all too often, perhaps) turns of phrase such as “probably”, “plausibly enough”, “it may be conjectured”. À propos du récit de sa progression vers le pouvoir selon Birley, un commentateur écrit : « trop de lacunes documentaires sont comblées par des suppositions sur ce que le futur empereur a dû faire ou dire (may have) » (Dondin-Payre 2001, 476). Sur les tournures hypothétiques et spéculatives (advanced on the grounds of rational or plausible conjecture, legitimate speculation, supposition, inference, or probability) qui n’aboutissent qu’à peu de connaissances attestées, voir Bradley 2012, 133 et 138-139.

106 Formule de S. T. Coleridge, willing suspension of disbelief (Biographia Literaria, 1817), Coleridge 2004, 490.

107 Ando 1998, 183-185.

108 Dondin-Payre 2001, 478.

109 Entre autres Agrippine pour Grimal 1992 (Tacite, Annales, 53, 2, évoque les mémoires perdus d’Agrippine), et Hannibal pour Brizzi 2007 (voir Krings 2009, 316-318).

110 Picard 1990, 13.

111 Syme 1991, 164.

112 Venayre et Boucheron 2012, 13.

113 Eco 1988, 47-57.

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Pour citer cet article

Référence papier

Laurent Broche, « « [C]et écrivain qui se risquait sur leurs terres », Yourcenar et Mémoires d’Hadrien parmi les historiens »Anabases, 36 | 2022, 131-154.

Référence électronique

Laurent Broche, « « [C]et écrivain qui se risquait sur leurs terres », Yourcenar et Mémoires d’Hadrien parmi les historiens »Anabases [En ligne], 36 | 2022, mis en ligne le 02 novembre 2024, consulté le 16 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/14773 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.14773

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Laurent Broche

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