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Historiographie et identités culturelles
Dossier – Antiquité-Monde

« De vivants commentaires à toute cette archéologie glacée » : usages d’Apulée et d’Augustin dans les imaginaires modernes de l’Algérie

Carole Boidin
p. 99-113

Résumés

Dans le cadre d’une réflexion sur les identités locales dans l’Afrique du Nord romaine, cet article examine comment cet enjeu a partie liée avec les débats identitaires contemporains et l’histoire de la région. En étudiant la réception des figures d’Apulée et d’Augustin en Algérie, depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours, on remarque combien la question de la latinité de ces auteurs s’y pose de manière complexe, puisqu’elle a partie liée avec ce passé colonial et qu’elle est discutée jusque dans les polémiques entourant les revendications amazighes ou la place du religieux. Apulée et Augustin y ont fait l’objet de travaux scientifiques, de discours politiques et d’une imagerie culturelle où se déploient des stratégies d’appropriation qui influencent la lecture de leurs œuvres.

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Texte intégral

  • 1 Farah 2015. Nous conservons la translittération des caractères arabes qu’utilisent les sources qu (...)
  • 2 Farah 2004.

1Le 19 mars 2015, dans le quotidien de langue française Le Soir d’Algérie, le journaliste M. Farah intitule l’une de ses chroniques « Apulée et Saint Augustin, ces Amazighs pur-sang1 ! ». Cette identification, qui peut surprendre, annonce la préparation d’un colloque sur Augustin à Souk-Ahras en Algérie. Les deux auteurs prennent place dans une longue lignée d’Algériens ancestraux, que le même journaliste associait, en 2004, à des figures plus récentes comme Kateb Yacine2. Or en 1987, ce dernier contestait violemment cet héritage :

  • 3 Kateb 1994, 105.

On a présenté saint Augustin comme un Algérien et moi, j’ai eu la terrible surprise, après l’indépendance, de voir des personnages officiels faire des conférences à Souk-Ahras sur saint Augustin. (…) Moi, j’ai ressenti ça comme un crachat. Pour moi, saint Augustin, c’est Massu, parce qu’il a massacré les donatistes, ceux qui étaient des chrétiens sincères. Ils avaient pris position pour les insurgés et les ouvriers agricoles qui se battaient contre les latifundia, contre les colons romains, exactement comme nous contre les Français3.

  • 4 Sur l’héritage d’Apulée dans les littératures d’Afrique du Nord, voir Gely 2011. Un colloque sur (...)
  • 5 Fux, Roessli et Wermelinger 2003 ; Lee, Finkelpearl et Graverini 2014.

2Dans ces propos véhéments, c’est l’identification nationale d’un personnage historique sur la seule base de son lieu de naissance que refuse l’écrivain, au profit d’une lecture marxiste de la répression contre les donatistes convaincus d’hérésie, par laquelle Augustin se trouve plutôt rangé du côté des oppresseurs coloniaux modernes. Algériens, amazighs, ou représentants de la domination coloniale : tel est le triangle identitaire où semblent associés Apulée et Augustin en Algérie, jusqu’aux réinterprétations postcoloniales récentes où ils incarnent une hybridité culturelle, parfois jugée fantomatique4. Bien sûr, les deux auteurs se distinguent dans cette réception, qui par ailleurs n’est pas absolument singulière à l’Algérie : leur souvenir est vivace en Tunisie, notamment autour du legs de Carthage. Augustin lui-même évoquait Apulée comme l’un de ses compatriotes d’Afrique, et depuis au moins la Renaissance, l’histoire des idées et de la littérature les rapproche régulièrement, tout comme d’autres auteurs de la région. Au sein de cette Antiquité d’Afrique, du Maghreb et plus particulièrement de l’Algérie qu’ils incarnent, quel est le sens de cette association, toujours active ? De telles constructions identitaires nous semblent intéressantes à évoquer, notamment dans le cadre des débats historiographiques sur les identités locales dans l’Afrique romaine. Récemment, deux ouvrages aux titres significatifs, Augustinus Afer et Apuleius and Africa, ont rassemblé des contributions qui portent à la fois sur l’interprétation des textes dans lesquels ces auteurs parleraient de leur identité, et sur le contexte nord-africain qui les aurait influencés5. Si plusieurs disciplines sont convoquées, il n’y est cependant que très peu question de la façon dont ces auteurs ont été ou sont encore perçus dans cette région même.

Des gloires nationales

  • 6 Zakaria 1972. Nous nous référons à la version bilingue publiée en 1972 comme supplément gratuit d (...)
  • 7 Zakaria 1972, 9 pour la traduction française (17 du texte arabe).
  • 8 Leperlier 2012.
  • 9 Zakaria 1972, 10 pour la traduction (18 du texte arabe).
  • 10 Sur cette revue, voir Deheuvels 1991.
  • 11 Courreye 2020, 303.

3Apulée et Augustin figurent en bonne place dans la grande fresque historique que célèbre L’Iliade algérienne en 1972, à l’occasion des dix ans de l’indépendance du pays. M. Zakaria, chantre de la lutte indépendantiste et auteur de l’hymne algérien, compose en arabe ce poème voué à embrasser « l’ensemble de l’Histoire d’Algérie depuis les temps les plus anciens jusqu’à nos jours, soulignant le thème de notre résistance aux différentes invasions étrangères et l’essor des civilisations brillantes qu’a connues notre pays dans les périodes successives6 ». Dans cette épopée, Augustin est évoqué comme « la gloire du Pays7 », dont les talents d’écrivain, universellement reconnus, rejoignent ceux d’Apulée, évoqué ensuite. Ceux que le poème désigne respectivement comme le vainqueur des hérésies et un savant philosophe sont ainsi chantés comme des gloires nationales : le poème réussit le tour de force idéologique d’unifier, d’ailleurs dans le désordre chronologiquement, deux figures qui peuvent paraître éloignées de l’idéal panarabe et islamique soutenu officiellement par le régime de Boumediene. Comme le rappelle T. Leperlier, cette rhétorique nationaliste algérienne de l’époque, qui associe promotion de la langue arabe et de l’islam, « n’a rien d’une évidence8 » : elle est un choix stratégique, hérité de la lutte pour l’indépendance mais qui doit aussi, à cette époque, garantir la stabilité du régime et de ses dirigeants, malgré la diversité linguistique et culturelle de la population. Dans ce dispositif, la mention d’Augustin et d’Apulée n’est pas une contradiction. D’une part, dans le poème, Augustin est explicitement associé à la défense de la « foi » et incarne ainsi la piété exemplaire de l’Algérie à travers l’Histoire, même avant qu’elle ait connu l’islam. Apulée, quant à lui, est un auteur dont « l’empreinte fut grande sur le conte omeyyade9 », c’est-à-dire sur la tradition littéraire arabe la plus classique, par le biais de ses Métamorphoses : il manifeste ainsi dans un passé reculé le talent culturel de l’Algérie. D’autre part, le poème insiste sur l’excellence des deux auteurs antiques en grec et surtout en latin. La promotion de l’arabe classique, langue scolaire et savante, différente des dialectes algériens arabes et a fortiori berbères parlés par l’immense majorité des Algériens, peut ainsi s’appuyer sur le prestige d’auteurs ayant composé dans des langues tout aussi classiques à l’échelle historique. Cet éloge des deux auteurs antiques entre ainsi en accord avec le mot d’ordre de « l’authenticité » (aâla) qui donne son titre à la revue, créée en 1971 par le récemment renommé ministère de l’Enseignement originel et des affaires religieuses, où est publiée cette Iliade algérienne10. Il s’agit de construire un équilibre politique entre construction étatique moderne, sous l’égide d’un socialisme régional, et soutien aux réformistes musulmans, indispensables relais auprès de la population, dans le cadre d’une « politique plus large de retour aux origines supposées, de quête d’authenticité censée compenser l’évolution de la société algérienne vers l’industrialisation et les influences étrangères11 ». À l’échelle de l’Iliade algérienne, Apulée et Augustin démontrent l’intégrité culturelle et morale du pays depuis ses origines, parachevée par l’indépendance, ainsi que les bienfaits d’une langue classique unifiée.

4Plus tard, au lendemain d’une violente guerre civile issue du succès électoral de groupes fondamentalistes, le régime algérien renoue avec cette promotion du passé latin de l’Algérie, marquant opportunément, aux yeux de la partie la plus occidentalisée de l’opinion publique, une opposition à ces groupes attachés à un exclusivisme arabe et musulman pour la région. Apulée et Augustin sont alors célébrés comme des auteurs universels, éclairés et œcuméniques. Un colloque est ainsi organisé à Alger et Annaba en 2001 sur « Saint Augustin, africanité et universalité », à l’occasion duquel A. Mandouze, spécialiste d’Augustin et catholique engagé contre la guerre d’Indépendance, publie dans le Quotidien d’Oran une tribune intitulée « Saint Augustin, Algérien et universel », dans laquelle il déclare, non sans provocation, que l’identité algérienne d’Augustin, qu’il promeut lui aussi explicitement contre l’intégrisme qu’il dénonce, est indissociable de sa latinité :

  • 12 Article du 29 mars 2001, cité dans Mandouze 2007, 362.

Du point de vue culturel, il n’y peut rien, Augustin l’Africain, s’il est né en 354 de notre ère, à une époque où la langue latine tenait à peu près la place que prendra progressivement plus tard la langue arabe12.

5Cette formule est reprise par le président Bouteflika en ouverture de ce colloque.

6La latinité peut ainsi être constitutive de l’identité nationale algérienne. Cette revendication est d’autant plus stratégique qu’elle s’inscrit également dans la rhétorique anticolonialiste qui sous-tend encore le discours politique du régime. On peut en effet la considérer comme une réponse à l’idée de la latinité de l’Afrique du Nord qui justifiait la domination française en Algérie. Comme nous allons le voir, Apulée et Augustin ont en effet tenu une place importante au sein du Panthéon colonial de l’Afrique latine éternelle, que la présence française prétendait restaurer.

  • 13 Poujoulat 1845, t.1, xix.

7Dès les premières années ayant suivi la prise d’Alger en 1830, certains défenseurs de la colonisation française ont tenté de la justifier par cet argument : les terres algériennes allaient renouer avec leur prestigieux passé latin, occulté par la domination arabo-musulmane, et la France, héritière de la tradition gréco-latine, allait en retour s’enrichir de nouvelles gloires nationales. Significativement, on retrouve cette affirmation dans deux biographies consacrées à nos auteurs, publiées la même année 1845. J.-J.-F. Poujoulat déclare ainsi, dans son Histoire de saint Augustin, que la « gloire de l’évêque d’Hippone est devenue pour nous [les Français] une gloire nationale13 ». De manière plus modérée, dans son Apulée publié à Alger, H. Feuilleret évoque lui aussi ce primat culturel qui semble désormais dévolu à la France et à ses terres algériennes, nouvelle translatio studii sous-tendue par un singulier argument géographique :

  • 14 Feuilleret 1845, 20.

Le centre de la civilisation semble suivre le soleil. Il s’avance avec lui vers le couchant. La civilisation européenne a eu son centre d’abord à Athènes, puis à Rome. Carthage était en regard de Rome. Alger est presque sous le méridien de Paris. La nouvelle Carthage aurait-elle pris son rang au-dessus de l’ancienne ? Ceci est encore l’œuvre que le temps féconde14.

  • 15 Lepelley 2021.
  • 16 Poujoulat 1845, t.1, xxii.
  • 17 Feuilleret 1845, 34.
  • 18 Poujoulat 1845, t.1, xix et xxxviii pour cette citation et la suivante.

8L’historiographie de l’Afrique du Nord antique est, à l’époque, globalement marquée par un paradigme diffusionniste, selon lequel cette région tire sa richesse des dominations successives qu’elle a connues, par les Puniques, les Romains, les dynasties musulmanes puis les Français15. À l’instar de l’Afrique romaine, jugée à l’époque « comme une riche médaille frappée à l’image de Rome16 », dans un système centralisé autour de l’Urbs, l’Afrique du Nord sous domination française doit illustrer le prestige de la France, héritière de Rome dans le concert des nations modernes. Mais alors que la soumission d’un Abdelkader est comparée à celle de Jugurtha (ou à celle de Vercingétorix, pour compléter le triangle symbolique entre l’Empire romain, la France et l’Afrique du Nord), démontrant que la France a pris la suite de Rome à la tête d’un empire ayant terrassé de valeureux ennemis, Apulée et Augustin font figure de représentants typiques d’une Afrique latine, d’un génie intellectuel et spirituel produit par l’implantation, dans un territoire éloigné de la métropole, de la culture dominante. Ils peuvent dès lors servir de modèles aux colons et à la nouvelle génération de Français algériens qu’ils engendreront. Le jeune Apulée, touche-à-tout cosmopolite et beau parleur, est ainsi décrit par Feuilleret comme « un jeune élégant, la fashion de Carthage17 », tandis qu’Augustin, à l’âme tourmentée, a connu un destin exemplaire grâce à la religion chrétienne qui, selon Poujoulat, peut de nouveau exercer ses bienfaits dans cette région « depuis que le drapeau de la France flotte sur cette terre où le génie et la sainteté de ce grand homme jetèrent un si magnifique éclat18 ». Il va même jusqu’à comparer le combat d’Augustin contre les donatistes, fomenteurs de « jacqueries africaines » et associés à des « bandits de l’Atlas », à la répression des oppositions indigènes par les autorités coloniales – ce qui n’est pas sans faire écho, d’un point de vue opposé, aux propos de Kateb Yacine que nous citions en introduction.

9Les ouvrages de Poujoulat et Feuilleret se réfèrent à des découvertes archéologiques contemporaines : de fait, Augustin et Apulée servent également de guides dans l’exploration du territoire algérien. L’appropriation identitaire, au-delà de l’idéologie, sert aussi à rendre le territoire maîtrisable et influence l’élaboration des savoirs. Au-delà des textes, c’est la perception de l’espace et de son histoire que l’on tente d’orienter par la référence aux deux auteurs.

Un enracinement concerté : archéologie et tourisme

  • 19 Une des premières synthèses : Gsell 1902-1911. F. Meidorfer a montré la prépondérance de la pério (...)
  • 20 Schnapp 1993.

10L’accroissement spatial du territoire français par les armes s’accompagne d’un enracinement historique de cette domination qui se veut héritière de l’impérialisme romain, ce qui passe par l’appropriation mémorielle du passé antique de la région. La description d’une Algérie latine et la mise au jour de ses vestiges deviennent une priorité française, comme l’indiquent nombre de publications, savantes ou grand public, ainsi que la multiplication de chantiers archéologiques largement publicisés19. Si les savants se montrent régulièrement circonspects vis-à-vis d’une glorification politique de ces chantiers, les institutions politiques et religieuses y collaborent activement. La mémoire d’Apulée et Augustin accompagne ce projet de « conquête du passé » par l’archéologie, pour reprendre une formule d’A. Schnapp20.

11L’antique Hippone, siège de l’épiscopat d’Augustin, mais aussi Madaure, où il a commencé ses études dans les pas d’Apulée dont elle était la ville natale, font l’objet de fouilles précoces, qui accompagnent souvent l’installation de colons ; c’est aussi le cas après la conquête définitive de la région de Souk-Ahras en 1843, rattachée à la mémoire de Thagaste, cité de naissance d’Augustin. Dans cette même zone se multiplient fouilles et mises en valeur des vestiges de la présence des deux auteurs, en plein air, dans des musées ou d’autres types de bâtiments. A.-A. Dupuch, premier évêque d’Alger en 1838, s’attache tout particulièrement au site d’Hippone et organise, en 1842, le retour en grande pompe d’une relique du saint, première étape d’un projet visant à l’édification de la basilique dont le chantier sera finalement lancé en 1880. Le site de Madaure est fouillé de manière plus progressive : c’est vers 1913 que sont lancés des travaux archéologiques plus systématiques, sous l’influence de C.-A. Joly, maire de Guelma et directeur d’un musée de la ville, adossé à un jardin archéologique où il expose au public les produits de ces fouilles.

  • 21 Voir par exemple la présentation des fouilles de Madaure dans Monceaux 1915.
  • 22 Medan 1925, Bernhard 1927.
  • 23 Cette formule donne son titre à un roman de L. Bertrand, paru en 1899, de manière contemporaine a (...)

12Ces recherches s’associent régulièrement aux traces de la présence des deux auteurs et nourrissent les débats des sociétés archéologiques locales, comme la Société historique algérienne qui publie sa Revue africaine dès 1856, et celles de la métropole, comme l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres21. Les déclarations des deux auteurs latins sur leurs origines ou leurs rapports aux langues et cultures d’Afrique du Nord sont, en retour, confrontées aux nouveaux matériaux archéologiques et épigraphiques, mais l’heure est toujours au paradigme historiographique d’une latinité culturelle de cette Afrique du Nord antique, aux prises avec des peuples sauvages ou inférieurs, progressivement dominés, sous l’égide d’une romanité importée depuis la métropole, jusqu’aux invasions vandales. Nombre de débats savants portent sur l’identité africaine ou romaine d’Apulée ou Augustin, repensée à la lumière des nouvelles hiérarchies liées à la conquête française. On réaffirme alors fortement, par exemple, la latinité d’Apulée en comparant son style avec ceux d’autres auteurs classiques, dans une thèse parisienne de 1925 ou un ouvrage allemand de 192722, par opposition aux défenseurs de son africitas, notamment chez des latinistes inspirés par l’expérience des sociétés coloniales et tentés par l’idée d’une sensibilité distincte, issue du « sang des races » latines mélangées dans les sociétés coloniales23.

  • 24 Les Algérianistes est le titre du second volume d’une trilogie romanesque de la « patrie algérien (...)

13Latinité classique, latinité africaine : il s’agit toujours, cependant, d’une identité pensée à partir d’un centre situé en Europe, à laquelle les indigènes n’ont quasiment aucune part, bien que l’identité des colons, elle, soit souvent vantée comme algérienne ou africaine, par les « algérianistes » dont Robert Randau se voulut le représentant en 191124.

14De fait, les rapports de fouilles mettent souvent en contraste la richesse des découvertes, qui donnent à l’Algérie un enracinement historique prestigieux, et l’impéritie des populations locales, négligentes et destructrices, ce qui doit inciter les pouvoirs publics français à soutenir les campagnes archéologiques. P. Rouquette, médecin-major ayant entrepris des fouilles du site de Thagaste à Souk Ahras, souligne ainsi en 1904 l’état d’abandon du site avant l’arrivée des troupes françaises :

  • 25 Rouquette 1904a, 257-258.

Lorsque la première colonne française vint camper le 25 mai 1843 sur l’emplacement de la future ville de Souk Ahras, il n’y avait que des ruines éparses embroussaillées et disséminées le long des principaux ravins, devenus aujourd’hui les rues de la ville moderne (…), quelques gourbis, quelques tentes en poils de chameau installées au voisinage des points d’eau25.

  • 26 N. Benseddik relève cette partialité à propos des fouilles de Thagaste (« À la recherche de Thaga (...)
  • 27 Rouquette 1904b, 52, n.1.
  • 28 Silbermann 2008.
  • 29 Par exemple, une lettre adressée à J.-J.-F. Poujoulat par l’abbé Sibour en 1842 décrit les rites (...)

15Or d’autres documents contemporains de cette installation militaire suggèrent la multiplicité de tombeaux et d’autres bâtiments de diverses époques, comme la résidence d’un dignitaire ottoman local, que le chantier des fouilles et l’installation de la ville coloniale détruiront ou modifieront26. Dans un autre rapport, Rouquette mentionne des salles dont les murs étaient « de construction indubitablement berbère mais ayant utilisé des matériaux romains27 », seuls dignes d’intérêt. Pour reprendre une formule de N. A. Silbermann à propos de l’archéologie biblique, il semble que dans ce contexte de l’Algérie coloniale également, « chaque déclaration archéologique - sur un fait ou une fiction - est aussi par nécessité une déclaration d’identité28 ». Se met progressivement en place un modelage de l’espace par lequel, sous prétexte de faire ressurgir un passé riche et complexe, mais enfoui par la négligence des populations locales et la barbarie de leurs anciens dirigeants, l’Algérie française doit acquérir une identité lisible, assimilable, sous le signe de la latinité retrouvée. À l’effort architectural qui reconfigure les villes modernes, s’associe la mise en avant d’un territoire extérieur périurbain de la latinité, témoin d’un passé fondateur, émergeant parmi les zones qu’auraient laissées à l’abandon, ou qu’auraient reconfigurées, de façon médiocre, les indigènes, parfois gardiens maladroits de vestiges auxquels ils accordent un prestige confus29.

  • 30 Blais 2014, 140-141.

16H. Blais a également démontré, au-delà de l’enjeu idéologique de la référence antique, que l’archéologie a également à l’époque un but pratique de repérage : les ruines romaines avidement recherchées « constituant des sortes d’amers dans un paysage où le regard européen a du mal à trouver des repères30 ». Face à l’étrangeté, il s’agit de construire, à toute force, du familier.

  • 31 Gojon 1920, pour la citation suivante. Douël est l’auteur de Sept villes mortes (1917). L’article (...)

17Ce dispositif est accompagné par des publications qui veulent assurer cette lisibilité de l’Algérie latine, parmi les savants mais aussi à destination d’un public plus large, aussi bien en métropole qu’en Algérie. Outre des ouvrages plus ou moins luxueux, parus en métropole pour la plupart, il en va ainsi de la revue L’Afrique du Nord illustrée, publiée à Alger et qui vise principalement les populations coloniales. Dans ces descriptions se manifeste l’héritage de l’orientalisme, mais aussi l’effet particulier du souvenir des deux auteurs. À la suite de précédentes évocations dans la revue, le numéro du 3 janvier 1920 résume une description du site de Madaure par l’écrivain M. Douël31. C’est sous l’égide de Chateaubriand qu’il invite le voyageur à contempler les ruines mises au jour,

où surgissent devant nous tant de personnages non plus hypothétiques et anonymes, comme dans les autres villes mortes de notre Afrique du Nord, mais bien, ici, réels, historiques et vivants ! […] ne s’émerveillera-t-on pas de visiter un Forum tel que celui-ci, guidé par Apulée, qui y vécut et y eut sa statue, par saint Augustin lui-même, dont l’adolescence a plus d’une fois rêvé sous ces portiques qu’il nous a décrits, et qui, grand évêque, a dû y développer plus tard, maintes fois sans doute, l’ardeur et l’onction de son prosélytisme !... Histoire, littérature, piété, ne se donnent-elles pas rendez-vous sur cette area frais exhumée, pour saisir au cœur le touriste pèlerin, que sa bonne étoile conduisit en ces lieux destinés à retrouver d’ici quelques mois une antique et légitime célébrité.

18Le numéro du 30 décembre 1922 propose explicitement une « excursion rapide » aux habitants d’Alger soucieux d’échapper aux bruits de la ville, grâce au chemin de fer qui place Madaure à vingt heures de train. Le voyageur, urbain et empreint des valeurs de l’Alger moderne, est préparé à partager une vision poignante de l’Algérie des origines, désormais reléguée dans les marges géographiques des sites archéologiques, en rentrant

  • 32 Douël 1922.

vers le couchant qui nous baigne de ses lumières agonisantes (…) sur lesquelles se profile en hautes silhouettes sombres l’escorte de cavaliers indigènes qui caracole devant nous, les burnous flottant au vent du soir ; et c’est une chose douce et triste que cette fin de jour trop brève32.

  • 33 Ainsi, dès 1849, H. Fournel, ingénieur en chef des mines d’Algérie, mentionne la présence de gise (...)

19Cette fantasmagorie orientalisante, complémentaire de la vision latine souhaitée auparavant, a sans doute pour but de défendre la légitimité des fouilles en les rendant romanesques. Cet effort de promotion de l’archéologie ne va en effet pas de soi, car elle est parfois jugée superflue, voire dispendieuse, dans la mesure où elle peut contrecarrer les tracés ferroviaires ou l’exploitation agricole33.

  • 34 L’Afrique du Nord illustrée nouvelle série 143 (26 janvier 1924), 6.

20Cette considération est absente de la description, deux ans plus tard, de « la plus vivante leçon d’histoire » que fournit désormais le site de Madaure où se distingue une ville entière, illustrant « l’Algérie romaine34 ». Le texte et ses illustrations visent à produire un effet émotionnel sur le lecteur. La visite des sites antiques se figure, on l’a lu ci-dessus, comme un véritable pèlerinage.

  • 35 La Croix 985 et 987 (26 et 28 août 1886), n.p., pour cette citation et les suivantes.

21C’est la même rhétorique, mais davantage teintée de spiritualité chrétienne, qu’emploie le journal La Croix en proposant un « Pèlerinage à Thagaste » dès 1886, autour de Souk Ahras. Le voyageur s’imprègnera de spiritualité dès qu’il contemplera, depuis le train, « les Arabes pasteurs, tournés vers l’astre qui s’enfuit, faisant sans aucune honte leurs ablutions rituelles35. » Le spectacle de l’église est « heureux » et suscite des émotions fortes, même si l’intérieur en est décoré de façon médiocre, faute de moyens. Le texte vise à attirer l’attention du lecteur sur la simplicité du christianisme nord-africain, aux vertus morales et spirituelles affirmées, qu’il lui faut soutenir, à l’occasion de souscriptions diverses. Une analogie véhémente est même proposée dans le même article entre « les effets de la laïcisation » et les exactions des donatistes. Nouvel avatar de la comparaison transhistorique : les hérétiques antiques sont désormais les ancêtres des partisans métropolitains de la laïcité !

  • 36 Pratt 1992.
  • 37 Voir notamment Gutron 2015.

22La description de Thagaste s’organise ainsi autour du souvenir des Confessions, dont les chapitres portant sur la jeunesse d’Augustin servent de guide de lecture de la ville au visiteur, « laissant à sa gauche une ruelle mal habitée et dans laquelle les Augustins impénitents ne trouvent que trop facilement à satisfaire leurs passions, là même peut-être où le fils de Monique perdit son innocence. » Cette manière d’amener le visiteur à imaginer se mettre dans les pas d’Augustin, ou d’Apulée dans d’autres textes du même ordre, peut être rapprochée de la rhétorique viatique que M. L. Pratt a analysée dans l’Europe coloniale36. L’œil du voyageur, ou ici de celui qui décrit le site, informe les représentations collectives. Il s’agit de familiariser le lecteur avec un espace étranger, à des fins idéologiques, religieuses ou pratiques. Comme l’ont montré les récentes synthèses de C. Gutron sur l’archéologie dans la Tunisie coloniale, les enjeux idéologiques de ces fouilles du passé de l’Afrique du Nord et de leur publicisation sont multiples37. Outre les réseaux politiques et savants, elles font l’objet d’une importante implication des institutions catholiques, qui s’emparent davantage du souvenir d’Augustin que de celui d’Apulée, mais orientent surtout une vision conjointe des deux auteurs, quitte à forcer l’interprétation morale et spirituelle de leurs œuvres.

23C’est la grande idée qui nourrit les efforts littéraires d’un L. Bertrand, fervent défenseur de l’idée d’Afrique latine que la littérature doit relayer, à partir des résultats de l’archéologie, et rendre familière aux lecteurs de la métropole tout autant que des colonies. C’est par la référence à Apulée et à Augustin que cette familiarité doit être produite, quitte à effacer la distance chronologique, mais aussi culturelle, qui les sépare, et à forcer l’interprétation des données scientifiques :

  • 38 Bertrand 1933 [1904, 1921], 306-307.

Il est quelqu’un pourtant, dont les livres peuvent servir de vivants commentaires à toute cette archéologie glacée : […] Apulée nous laisse entrevoir ce que pensait, comment agissait un Africain latinisé de ce temps-là38.

  • 39 Bertrand 1913, 63.

Si le paysage bucolique de Thagaste s’est reflété dans certains passages, – les plus doux ou les plus familiers – des Confessions, toute la partie haute de l’œuvre d’Augustin rencontre ici, dans cette plaine aride et lumineuse de Madaure, son commentaire symbolique39.

  • 40 Nous nous permettons de renvoyer à notre article qui explore la façon dont L. Bertrand utilise la (...)

24Toute une veine littéraire s’inspire ainsi de ces auteurs antiques pour produire des fictions coloniales liées à l’Algérie40. Rien d’étonnant, donc, à ce que la rhétorique nationaliste algérienne s’en soit emparée.

Apulée et Augustin berbères ?

  • 41 McDougall 2010.
  • 42 Propos du metteur en scène B. Chawki, cité dans Idjer 2007.
  • 43 Banhakeia n. d.

25La réception des deux auteurs dans l’Algérie indépendante dépasse cependant le seul enjeu post-colonial. Depuis les années 2000, le souvenir des deux auteurs est réinvesti en Algérie, dans un contexte marqué par une réaffirmation de l’ordre étatique et de l’unité nationale, après une décennie de contestations. Des colloques internationaux, des chantiers de restauration et des traductions des textes sont à l’ordre du jour, dans des partenariats largement médiatisés. En 2010, la basilique Saint-Augustin d’Annaba est restaurée avec le soutien de la France et de personnalités comme Benoit XVI ; en juillet 2021, une statue d’Apulée est inaugurée à Budapest, en présence de l’ambassadeur algérien. Dans ces événements, la latinité est encore bien présente. Elle n’est cependant plus le seul fil rouge unissant le souvenir d’Apulée et Augustin, qui s’inscrit dans une politique culturelle du régime qui s’appuie désormais davantage sur la composante amazighe de la population, soutenue internationalement, notamment par la diaspora émigrée, et mise en valeur depuis la « grève des cartables » de 199541. Il semble qu’un nouvel ancrage dans une autochtonie assez légendaire se développe. En 2007, une pièce sur Apulée, au Théâtre national algérien, visait à célébrer ce « personnage numide entré en rébellion contre l’autorité romaine42 ». C’est le Haut Commissariat à l’Amazighité qui a pris en charge l’organisation de plusieurs événements scientifiques liés à ces auteurs et nombreux sont les portraits visant à retrouver chez eux le caractère éternel de l’Amazigh ou de ses supposés ancêtres numides, gétules ou libyques, évoqués par les deux auteurs dans des passages systématiquement cités. Ainsi, H. Banhakeia de l’Université d’Oran propose une lecture de la vie et de l’œuvre d’Apulée où la conscience linguistique complexe des Amazighs modernes, s’exprimant le plus souvent en arabe ou en français à l’écrit, est projetée sur le célèbre « prologue » des Métamorphoses où le narrateur s’excuse de son maladroit latin scolaire43. Malgré ses excès, cette tendance a ceci d’intéressant qu’elle est à la fois un nouvel héritage de catégories issues de la colonisation, et une façon possible de se déprendre de ces catégories, en décorrélant latinité linguistique et latinité culturelle.

  • 44 Pommier 1945, 24.
  • 45 L’expression est de C.-R. Ageron (il la précise notamment dans Ageron 1976) ; voir aussi Lorcin 1 (...)
  • 46 Voir notamment le bilan des apports offerts par les travaux d’Y. Thébert dans Potin 2005.

26L’association de nos deux auteurs à une origine berbère est ancienne et chargée d’idéologie. Il est intéressant de s’arrêter sur la composition, en 1940, de Saint Augustin le Berbère par l’artiste R. Pottier : en pleine « drôle de guerre », l’auteur s’insurge contre la vision d’un Augustin en fer de lance de la romanité et le propose comme un Berbère, empreint de culture hellénique et porteur, à la veille des invasions vandales, d’une vision politique comparable à la paix « à la française » dont Pottier est témoin. Il s’oppose ainsi à L. Bertrand et s’il fait, non sans provocation, le portrait d’un jeune Augustin en gandoura, c’est pour affirmer que c’est « au travers d’un cerveau berbère qu’il nous a été donné de comprendre les Écritures, qu’il s’agisse de l’Ancien ou du Nouveau Testament44 ». Si cette démarche est imprégnée des préjugés coloniaux sur le « mythe kabyle45 » qui vantait la proximité naturelle des Berbères et des chrétiens d’Europe, dont la parenté est postulée au travers de diverses reconstructions ethniques, Pottier insiste tout autant sur le succès de l’héritage grec en Afrique du Nord, dont témoignerait Averroès, et dont la culture algérienne, sous l’égide de la France, devrait se sentir tout autant héritière. Cette intuition, toute idéologique et anachronique qu’elle puisse être, d’une voie algérienne de l’hellénisme antique pouvant s’exprimer en latin, invite à repenser sur de nouvelles bases les identités successivement revendiquées par les deux auteurs, dans un contexte où même les populations supposément nomades étaient imprégnées d’une culture hellénistique46 – ce qui déjoue tout essentialisme identitaire.

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Bibliographie

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Zakaria 1972 : L’Iliade algérienne, composée spécialement à l’occasion du 6e Séminaire pour la connaissance de la pensée islamique (El-Djazaïr, 24 juillet-10 août 1972) par Moufdi Zakaria, poète de la lutte révolutionnaire politique et de la lutte révolutionnaire armée, traduction en langue française par Tahar Bouchouchi, [Alger], [El Açala, 11, suppl.], 1972.

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Notes

1 Farah 2015. Nous conservons la translittération des caractères arabes qu’utilisent les sources que nous convoquons, et proposons une translittération simplifiée dans les autres cas.

2 Farah 2004.

3 Kateb 1994, 105.

4 Sur l’héritage d’Apulée dans les littératures d’Afrique du Nord, voir Gely 2011. Un colloque sur Augustin au Maghreb a été organisé à l’université de Mannheim en juillet 2017 par C. Gronemann et W. Bedesen. Les actes sont en cours de publication dans Römische Quartalschrift.

5 Fux, Roessli et Wermelinger 2003 ; Lee, Finkelpearl et Graverini 2014.

6 Zakaria 1972. Nous nous référons à la version bilingue publiée en 1972 comme supplément gratuit de la revue El-Açala, censée corriger une mauvaise impression initiale (nous gardons la translittération proposée dans la version française de la revue).

7 Zakaria 1972, 9 pour la traduction française (17 du texte arabe).

8 Leperlier 2012.

9 Zakaria 1972, 10 pour la traduction (18 du texte arabe).

10 Sur cette revue, voir Deheuvels 1991.

11 Courreye 2020, 303.

12 Article du 29 mars 2001, cité dans Mandouze 2007, 362.

13 Poujoulat 1845, t.1, xix.

14 Feuilleret 1845, 20.

15 Lepelley 2021.

16 Poujoulat 1845, t.1, xxii.

17 Feuilleret 1845, 34.

18 Poujoulat 1845, t.1, xix et xxxviii pour cette citation et la suivante.

19 Une des premières synthèses : Gsell 1902-1911. F. Meidorfer a montré la prépondérance de la période romaine dans les travaux scientifiques en Histoire publiés pendant la période coloniale, à part égale avec celle de la colonisation (Meidorfer 1992).

20 Schnapp 1993.

21 Voir par exemple la présentation des fouilles de Madaure dans Monceaux 1915.

22 Medan 1925, Bernhard 1927.

23 Cette formule donne son titre à un roman de L. Bertrand, paru en 1899, de manière contemporaine aux travaux de P. Monceaux, théoricien de l’africitas des auteurs latins d’Afrique (notamment Monceaux 1894). Ces deux latinistes ont enseigné en Algérie.

24 Les Algérianistes est le titre du second volume d’une trilogie romanesque de la « patrie algérienne » publiée à partir de 1907.

25 Rouquette 1904a, 257-258.

26 N. Benseddik relève cette partialité à propos des fouilles de Thagaste (« À la recherche de Thagaste patrie de Saint Augustin », dans Fux, Roessli et Wermelinger 2003, 413- 435).

27 Rouquette 1904b, 52, n.1.

28 Silbermann 2008.

29 Par exemple, une lettre adressée à J.-J.-F. Poujoulat par l’abbé Sibour en 1842 décrit les rites étranges de certains Arabes sur le site d’Hippone (Poujoulat 1845, t.3, 446 sq).

30 Blais 2014, 140-141.

31 Gojon 1920, pour la citation suivante. Douël est l’auteur de Sept villes mortes (1917). L’article résume un texte de la Nouvelle revue du 1er novembre 1919.

32 Douël 1922.

33 Ainsi, dès 1849, H. Fournel, ingénieur en chef des mines d’Algérie, mentionne la présence de gisements de fer prometteurs autour du site d’Hippone, coïncidant avec les vestiges romains détectés sur place et des scories de l’occupation vandale : Fournel 1849-1850, 57-58.

34 L’Afrique du Nord illustrée nouvelle série 143 (26 janvier 1924), 6.

35 La Croix 985 et 987 (26 et 28 août 1886), n.p., pour cette citation et les suivantes.

36 Pratt 1992.

37 Voir notamment Gutron 2015.

38 Bertrand 1933 [1904, 1921], 306-307.

39 Bertrand 1913, 63.

40 Nous nous permettons de renvoyer à notre article qui explore la façon dont L. Bertrand utilise la figure d’Apulée dans ce projet : Boidin 2012.

41 McDougall 2010.

42 Propos du metteur en scène B. Chawki, cité dans Idjer 2007.

43 Banhakeia n. d.

44 Pommier 1945, 24.

45 L’expression est de C.-R. Ageron (il la précise notamment dans Ageron 1976) ; voir aussi Lorcin 1995.

46 Voir notamment le bilan des apports offerts par les travaux d’Y. Thébert dans Potin 2005.

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Pour citer cet article

Référence papier

Carole Boidin, « « De vivants commentaires à toute cette archéologie glacée » : usages d’Apulée et d’Augustin dans les imaginaires modernes de l’Algérie »Anabases, 36 | 2022, 99-113.

Référence électronique

Carole Boidin, « « De vivants commentaires à toute cette archéologie glacée » : usages d’Apulée et d’Augustin dans les imaginaires modernes de l’Algérie »Anabases [En ligne], 36 | 2022, mis en ligne le 02 novembre 2024, consulté le 09 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/14484 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.14484

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Carole Boidin

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