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Archéologie des savoirs

L'Enchiridion de Sextus Pomponius, heurs et malheurs d’un manuel juridique antique

Clément Bur et Thibaud Lanfranchi
p. 205-224

Résumés

Parmi les œuvres juridiques léguées par l’Antiquité romaine, l’Enchiridion de Sextus Pomponius occupe une place à part, à la fois parce que c’est une des rares œuvres à nous être parvenues assez complète, mais aussi par sa nature très originale qui lui a valu sa place en tête du Digeste. Cet article se propose de revenir sur les interprétations et éditions de ce texte depuis l’époque moderne pour montrer qu’il a fait l’objet de lectures très contrastées, et pour attirer l’attention sur tout l’intérêt qu’il y aurait à en proposer une édition française commentée.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Soulignons que cette idée de « redécouverte » ne doit pas conduire à penser que le droit romain a (...)

1Les études de réception de l’Antiquité négligent bien souvent un legs pourtant fondamental de cette période : le droit. Et lorsque l’on songe au droit, c’est en général au Corpus iuris ciuilis, et en particulier au Digeste, que l’on pense immédiatement. Ce texte, sorte d’anthologie réalisée à la demande de l’empereur Justinien dans le premier tiers du vie siècle, redécouvert en Italie au xiie siècle, conduisit au renouveau du droit romain et irrigua la culture juridique occidentale durant des siècles1. Ce monument en est cependant venu à masquer la multitude d’œuvres des juristes utilisées par les compilateurs du Digeste dans leur entreprise. Une de ces œuvres, aujourd’hui perdue comme tant d’autres, connut un destin singulier : l’Enchiridion de Sextus Pomponius.

2À Pascal Payen, auteur de travaux désormais classiques sur la réception de l’Antiquité, nous souhaiterions dédier en hommage une brève histoire de ce texte unique par son contenu et son destin, à la fois essentiel pour notre connaissance du droit et longtemps dénigré par ses spécialistes. Il s’agira surtout de plaider en faveur de ce document afin de montrer tout l’intérêt qu’il y aurait à en proposer, enfin, une édition française commentée.

Pomponius, cet inconnu

  • 2 Wieacker 2006, 108.
  • 3 Kunkel 1967 [1952], 170-171. Voir aussi Krueger 1894, 230-235, Wesenberg 1952 et Petersen et Wach (...)
  • 4 Nörr 2002 [1976], 182-184. Voir aussi Mantovani 2019a.
  • 5 Contra Petersen et Wachtel 1998 qui ne le rattachent à aucune école.
  • 6 Voir par exemple Nörr 2002 [1976], 184 ou Wieacker 2006, 108.
  • 7 Krueger 1894, 230 le présente comme « l’écrivain le plus fécond du deuxième siècle. »
  • 8 Notons que Seckel et Kuebler 1908, 96 ne reprennent qu’un fragment du liber singularis regularum (...)
  • 9 Liebs 1966, 74.
  • 10 Mantovani 2019a.
  • 11 Mantovani 2019a.

3On ne sait pas grand-chose de Sextus Pomponius, si ce n’est qu’il fut contemporain de Gaius et qu’il ne fit sans doute pas de carrière publique, se contentant de son activité de professeur de droit dans une des « stadtrömischen Rechtsschulen »2. C’est en substance ce que contient la fiche biographique que W. Kunkel lui consacre3. On déduit de la présentation d’Hadrien comme optimus princeps et non comme diuus (D. 1.2.2.49) que Pomponius écrivit l’Enchiridion alors que cet empereur était encore vivant, d’autant qu’il fait allusion au second consulat de Celsus (D. 1.2.2.53) qui date de 129. Il s’agirait alors d’une œuvre de jeunesse, puisqu’il vécut jusqu’à Antonin le Pieux (il qualifie Hadrien de diuus en D. 7.8.22.pr.), voire Marc Aurèle. Il y a toutefois un problème car la règle voulait qu’on ne cite pas les savants vivants, aussi bien dans les traités de médecine que de rhétorique. Or certains juristes présentés par Pomponius, comme Julien ou Gaius, étaient encore actifs en 130 : soit Pomponius s’était trompé en ne présentant pas Hadrien comme diuus, soit il avait transgressé la règle et présenté des juristes encore vivants. D. Nörr préfère cette seconde solution que D. Mantovani explique par le fait que Pomponius s’efforçait d’offrir aux étudiants – dans un texte qui, on le verra, est un manuel – une présentation à jour et immédiatement utilisable de la jurisprudence4. À partir de l’expression Gaius noster (D. 45.3.39), on le suppose non seulement contemporain de Gaius, mais aussi proche de cet autre éminent juriste du iie siècle (et de l’école sabinienne comme lui5 ?)6. L’absence de carrière publique explique peut-être qu’il fut un auteur si prolixe7 puisqu’il produisit la plus longue œuvre d’un juriste romain, les 150 Ad edictum libri (commentaire de l’édit du préteur), mais aussi les 39 Ad Quintum Mucium libri (commentaire de l’œuvre de Q. Mucius Scaevola, un des premiers grands juristes de la fin de la République), les 35 Ad Sabinum libri (commentaire de l’œuvre de Sabinus Masurius, grand juriste de l’époque de Tibère et fondateur de l’école sabinienne), les 20 livres de correspondance (Epistulae), les 7 livres Ex Plautio et le liber singularis regularum8. De la sorte D. Liebs en faisait l’auteur d’« enzyklopädische Kommentare »9. Tous ces livres ne nous sont connus que par des fragments dans le Digeste. C’est cependant son œuvre peut-être la plus courte (mais la mieux conservée) qui fit couler le plus d’encre : l’Enchiridion. Ce titre, que l’on pourrait traduire par « manuel », indique que l’ouvrage tenait dans la main et était ainsi d’une taille sans doute inférieure à un rouleau10. Tous les savants s’accordent à en faire une « œuvre pédagogique destinée peut-être aux étudiants commençant leurs études »11.

Quel Enchiridion ?

  • 12 Lenel 1889, 2, 44-52.
  • 13 Voir les synthèses dans Guarino 1969, 312-313 et Nörr 2002 [1976], 181-185.
  • 14 Jörs 1888, 8-10. Voir aussi Krueger 1894, 231. Guarino 1969, 315 et Wieacker 1977, 350 n’excluent (...)
  • 15 Contra Bretone 1982 [1971], 213.
  • 16 Schulz 1946, 170 suivi par Kunkel 1967 [1952], 271 n. 566 ; Bretone 1965, 7 (avant sa propre hypo (...)
  • 17 Bretone 1982 [1971], 216-220. Contra Liebs 1966, 66 n. 40 est peu enclin à le suivre, mais Nörr 2 (...)
  • 18 Guarino 1949, 386-387 et 1969, 314-315.
  • 19 Ebrard 1925, 122. Contra Bretone 1965, 8 et Maschi 1966, 121.

4Un premier problème réside dans l’identification de cette œuvre puisqu’elle apparaît sous deux noms différents dans les fragments conservés dans le Digeste : liber singularis enchiridii (D. 1.1.2 ; 1.2.2 et 50.16.239) et liber primus (D. 38.10.8) ou secundus (D. 26.1.13 et 46.3.107) enchiridii. En outre, l’Index Florentinus XI.9, qui recense les ouvrages utilisés par les compilateurs du Digeste, ne mentionne que les libri duo enchiridii et non le liber singularis (il ne s’agit pas du seul oubli de cette liste toutefois). Si O. Lenel distinguait les deux œuvres dans sa palingénésie12, la question de savoir si Pomponius est l’auteur des deux ouvrages et le problème des rapports entre ces derniers continuent de diviser les romanistes. Plusieurs hypothèses ont été proposées13. Pour P. Jörs, Pomponius aurait écrit les deux textes14 : soit le liber singularis était la première édition qui fut ensuite étoffée de sorte qu’elle comprit deux livres15, de même que la seconde édition des Academica de Cicéron passa de 2 à 4 livres ; soit le liber singularis était une seconde édition abrégée. P. Jörs fait alors un parallèle avec Varron qui publia ses Antiquités en 41 livres pour en offrir ensuite un résumé en 9 livres et fit de même pour ses Imagines qui passèrent de 15 à 4 livres. P. Jörs rappelle que les compilateurs du Digeste utilisèrent parfois deux éditions du même ouvrage (par exemple le commentaire de Paul sur les édits). Il n’exclut cependant pas que l’abrégé ait pu être réalisé par un epitomator tardo- ou postclassique : c’est la solution proposée par Fr. Schulz qui est aussi la plus suivie16. Fr. Schulz n’écarte toutefois pas la possibilité que les deux ouvrages soient en réalité des abrégés d’une œuvre bien plus longue de Pomponius. En revanche M. Bretone suggérait que les libri duo rassemblaient le liber singularis enchiridii et le liber singularis regularum17, mais cette hypothèse peine à convaincre, de même que celle d’A. Guarino qui supposait que le liber singularis serait un extrait authentique des libri duo dans lesquels il tenait la place d’introduction à caractère historique18. Enfin l’hypothèse de Fr. Ebrard selon laquelle le liber singularis serait un ouvrage scolaire abrégé par un professionnel de la rhétorique judiciaire de l’Antiquité tardive pré-justinienne est généralement refusée19. On le voit, la question est loin d’être tranchée.

Une œuvre originale

  • 20 Mantovani 2019a.
  • 21 D. 1.2.2.pr.

5Le liber singularis est ainsi le plus souvent considéré comme un epitome d’époque tardo- ou post-classique des libri duo et les plus longs fragments conservés viennent de lui. En particulier, D. Mantovani estime que le fragment D. 1.2.2, qui est aussi l’un des passages les plus longs du Digeste, devait représenter un tiers de tout l’Enchiridion20. Pomponius y expose en préambule son projet : Necessarium itaque nobis uidetur ipsius iuris originem atque processum demonstrare21. La comparaison de ce préambule avec le titre du titulus 1.2 permet de diviser le texte en trois parties : de iuris origine et processus, de magistratuum nominibus et origine et de successione auctorum, c’est-à-dire une histoire des origines du droit suivie d’une histoire des magistratures et d’une histoire de la jurisprudence. L’autre fragment d’importance (D. 50.16.239) offre un lexique de termes juridiques, ce qui est aussi l’objet du dernier fragment (D. 1.1.2). Les fragments des libri duo sont plus concis et font également penser à un glossaire (D. 38.10.8) ou à une introduction générale au droit (D. 26.1.13 et 46.3.107). Comme les fragments les plus importants sont issus du liber singularis, les romanistes se limitent généralement à son étude et le qualifient par facilité d’Enchiridion, pratique adoptée dans cet article.

  • 22 Tac. Ann. 3.26-28. Voir encore Nörr 2002 [1976], 185 qui réaffirme ce point important.
  • 23 Maschi 1966, 120-121.
  • 24 Voir la synthèse de Nörr 2002 [1976], 185-194 qui est assez sceptique sur l’emploi de Varron et d (...)

6En effet, le liber singularis détonne car c’est la seule histoire du droit parvenue jusqu’à nous à l’exception d’un court passage de Tacite au ton assez moralisateur22. Certes, comme le souligne C. A. Maschi, Pomponius offre plutôt une synthèse historique selon une méthode typique de l’âge classique23. Il reconnaît néanmoins que Pomponius se distingue en ce qu’il fut le seul, à notre connaissance, à proposer une introduction générale et non, comme par exemple Paul ou Ulpien, une introduction historique à un point de droit particulier. Que les compilateurs le citent si longuement au début du Digeste est révélateur de leur conscience du caractère exceptionnel de l’Enchiridion. Naturellement les commentateurs se sont efforcés de retrouver les sources et les influences de Pomponius, et les noms de Varron (en particulier ses libri XV de iure ciuili), de Cicéron (le Brutus notamment), de Sextus Aelius Paetus (les Tripertita) ont été souvent cités, mais la question demeure ouverte à ce jour24.

Un texte difficile à établir

  • 25 Schulz 1946, 170.
  • 26 Jörs 1888, 11.
  • 27 Mantovani 2019b, à partir de 48’10 sur D. 1.2.2.11 : Nouissime sicut ad pauciores iuris constitue (...)
  • 28 Jörs 1888, 11-14 et Wieacker 2006, 110, le texte fautif viendrait du compilateur : « Anderes gilt (...)
  • 29 Schulz 1946, 170.
  • 30 Maschi 1966, 122 ; Nörr 2002 [1976], 181-182 et Wieacker 2006, 110.
  • 31 Sur ce manuscrit, voir la récente mise au point de Baldi 2010, en part. 99-103, qui confirme la d (...)

7Une deuxième particularité de l’Enchiridion est que son fragment principal (D. 1.2.2) « is one of the most corrupt texts in the Digest »25 au point que P. Jörs déplorait même que « Zuweilen ist nicht einmal eine grammatische Sa[t]zcons­truction möglich. »26 Par exemple, D. Mantovani a récemment discuté la reconstruction d’une phrase dans laquelle il manque un sujet27. P. Jörs attribuait cela aux compilateurs du Digeste plutôt qu’à une mauvaise tradition manuscrite (ou à Pomponius lui-même) en s’appuyant sur l’exemple des fragments d’Ulpien, fautifs dans le Digeste mais corrects dans les fragments du Vatican. Selon P. Jörs, suivi par Fr. Wieacker, les compilateurs du Digeste, jugeant cette introduction superflue, firent tellement de coupes qu’ils rendirent parfois les phrases incompréhensibles28. Fr. Schulz va dans le même sens mais attribue ces erreurs à l’abréviateur tardo- ou post-classique, et secondairement aux copistes et aux compilateurs29. C. A. Maschi, D. Nörr et Fr. Wieacker blâment aussi les interventions postclassiques30. Or on ne connaît l’Enchiridion que par le Digeste qui est lui-même parvenu jusqu’à nous notamment grâce au Codex Florentinus. Ce manuscrit du vie siècle, conservé à Florence depuis 1406, est considéré comme l’une des toutes premières copies du Digeste31. À côté de ce manuscrit exceptionnel, nous disposons des manuscrits dits de la Vulgata, des réélaborations byzantines et de quelques brefs fragments. En somme, en l’absence d’autre tradition manuscrite, l’édition de l’Enchiridion se fit donc le plus souvent dans le cadre de celle du Digeste.

Une œuvre essentielle et pourtant négligée

De rares éditions autonomes

  • 32 Mantovani 2019a.
  • 33 Mantovani 2019a.
  • 34 Mantovani 2019a.
  • 35 Cf. à titre d’exemple, la liste donnée dans Adrian Steger, Dissertatio de lege tribunicia et inde (...)
  • 36 Dubarle 1829.
  • 37 Dubarle 1825, xiii et xvi.
  • 38 Dubarle 1825, xivi-xix. Notons qu’il fait de Pomponius un descendant d’Atticus et des Pomponii de (...)

8L’originalité de l’œuvre (« son caractère unique détermine sa célébrité » affirmait encore récemment D. Mantovani32) et sa place au tout début du Digeste33 firent de l’Enchiridion « une présentation rapide et efficace de l’histoire du droit »34 lue par une foule d’étudiants, d’historiens, de juristes durant des siècles. Néanmoins rares furent les savants qui en proposèrent une édition indépendante. Avant le xixe siècle, l’Enchiridion était connu puisque le Digeste était connu. Le texte de Pomponius était aussi cité (tout ou partie) et glosé dans de nombreuses histoires du droit ou des juristes romains, mais sans que l’on puisse parler d’édition à proprement parler35. Pour la France, on peut citer l’Histoire du droit romain ou Enchiridion de Sextus Pomponius d’E. Dubarle en 1825 avec introduction, traduction (la seule à ce jour en français, avec celle du Digeste d’Hulot et Berthelot en 1803) et commentaire au fil du texte. Il s’agissait d’une œuvre de jeunesse puisqu’E. Dubarle (1805-1870) mena ensuite une carrière de magistrat (il fut conseiller à la Cour de Paris), même si quelques années plus tard, dans la continuité intellectuelle de cette entreprise, il écrivit une Histoire de l’Université36. Il justifiait son édition par la nécessité d’ôter à l’étude du droit son « aridité » en la recontextualisant, mais il avançait à tort que le Digeste avait préservé l’intégralité de l’Enchiridion37. Après une biographie élogieuse de Pomponius38, il affirmait :

  • 39 Dubarle 1825, xix.

L’estime que tant et de si savans hommes ont professée et professent pour l’œuvre de Pomponius, nous a engagé à l’extraire de l’immense collection du Digeste, où il est en quelque sorte perdu, pour en donner une édition séparée39

  • 40 Friedrich Gotthilf Osann, Pomponii de Origine juris fragmentum recognovit et annotatione critica (...)
  • 41 Friedrich Schulin, Ad Pandectarum titulum « De origine iuris » commentatio, Bâle 1876.

9Une seconde édition séparée fut proposée par Fr. G. Osann en 1848, sans traduction, et son commentaire ne porte que sur l’établissement du texte40. Fr. Schulin s’intéressa également au texte de l’Enchiridion mais pour le confronter à l’œuvre de Jean le Lydien et interroger son influence potentielle sur ce livre41.

  • 42 Paul Krueger et Theodor Mommsen, Digesta Iustiniani Augusti, Berlin, Weidmann, 1868-1870 (2 vol.) (...)
  • 43 La traduction anglaise du Digeste d’Alan Watson, commandée en 1978 et publiée en 1985, se fondait (...)
  • 44 Paul Frédéric Girard, Textes de droit romain, Paris, A. Rousseau, 1890, réédité à de nombreuses r (...)
  • 45 Carl Georg Bruns et Theodor Mommsen, Fontes iuris romani antiqui, Tübingen, Mohr, 1909 (7e éditio (...)
  • 46 Salvatore Riccobono, Fontes iuris romani anteiustiniani, Florence, Barbèra, 1940-1943.

10L’édition du Digeste par Th. Mommsen et P. Krueger en 187242, en raison de sa grande qualité43, mit fin à ces éditions autonomes en établissant ce qui est devenu le texte de référence. Ainsi, dans sa palingénésie, O. Lenel ne propose qu’une poignée de corrections par rapport aux choix de Th. Mommsen et P. Krueger. De leur côté, les différents recueils de sources du droit romain ignorent assez largement l’Enchiridion pourtant essentiel, on le verra, pour l’histoire de la jurisprudence, parce qu’ils ne rassemblent que des textes juridiques transmis indépendamment des compilations. Il ne figure ainsi ni dans les Textes de droit romain de P. Fr. Girard44, ni dans les Fontes iuris Romani antiqui45, ni dans les Fontes iuris romani anteiustiniani de S. Riccobono46. Outre l’indéniable qualité de l’édition du Digeste de Th. Mommsen et P. Krueger, peut-être faut-il aussi relier cette absence d’éditions autonomes aux reproches formulés à l’encontre de ce texte par des historiens qui travaillaient à l’époque de la Quellenforschung et de l’hypercriticisme.

Le mépris de Th. Mommsen et des autres

  • 47 Jörs 1888, 10.
  • 48 Mommsen 1889-1896, V, ii.

11L’Enchiridion est émaillé, on l’a vu, de nombreuses fautes, mais elles sont en général dues à l’abréviateur ou aux compilateurs. Les critiques portent sur son style simple et surtout sur des erreurs parfois grossières. P. Jörs souligne ainsi que « Aber schon hier mag hervorgehoben werden, dass seine Nachrichten nichts weniger als zuverlässig sind, sondern bisweilen große historische Unrichtigkeiten zeigen. »47 Surtout Th. Mommsen, qui qualifiait l’Enchiridion de « misérable exposé de Pomponius »48, n’a pas de mots assez durs à son égard comme le montrent ces quelques exemples :

  • 49 Mommsen 1889-1896, I, 320 n. 4.

Il n’y a que des autorités de la valeur de Pomponius (Dig., 1, 2, 2, 34) qui fassent les tribuns jura reddere.49

  • 50 Mommsen 1889-1896, III, 48 n. 3.

par Pomponius, dans son abrégé d’histoire du droit, pétri d’erreurs de toutes sortes.50

  • 51 Mommsen 1889-1896, III, 51 n. 3.

Mais des allégations remontant à une époque aussi reculée et venant d’un auteur aussi confus sont suspectes par elles-mêmes.51

  • 52 Mommsen 1889-1896, III, 212-213 n.1.

Le chiffre vingt [cf. D. 1.2.2.25] n’est guère admissible, même de la part d’un auteur aussi ignorant.52

Son opinion n’était toutefois pas partagée par son collègue P. Krueger qui attribuait les erreurs non à Pomponius, mais à ses sources :

  • 53 Krueger 1894, 69.

Les renseignements que nous donne Pomponius, dans la partie relative aux jurisconsultes (§§ 35 et s.) comme dans celle qui précède et qui a trait aux temps primitifs, sont puisés dans des ouvrages antérieurs ; la principale source à laquelle il a eu recours est l’œuvre de Varron, encore ne l’a-t-il peut-être connue que de seconde main. Il y a des points sur lesquels il a reproduit inexactement ses autorités, d’autres où il a répété des erreurs déjà commises avant lui.53

  • 54 Krueger 1894, 235.
  • 55 Nörr 2002 [1976], 237. Voir aussi Wieacker 2006, 110.
  • 56 Ebrard 1925, 122.
  • 57 Ebrard 1925, 121-125.

12Quant à sa langue, P. Krueger la jugeait « pure et claire »54, rappelant que les incorrections découlaient de la corruption du texte. Il fut suivi par D. Nörr qui affirmait que le style pauvre et le faible usage du grec découleraient du genre de l’œuvre et que du point de vue de la langue, Pomponius ne se distingue pas des autres juristes de son temps55. Néanmoins les critiques de Th. Mommsen, qui jouissait d’une immense autorité et qui avait réalisé l’édition jusqu’à aujourd’hui indépassée du Digeste, eurent un effet stérilisant : le texte fut désormais largement négligé dans les éditions des sources de droit romain comme on l’a vu et le mépris à l’égard de Pomponius fut largement partagé au sein des romanistes. Fr. Ebrard en est l’exemple le plus éloquent, lui qui parle d’« ein Gemenge von Epigonengelehrsamkeit mit historischen Quellennotizen »56, mal organisé, mal écrit et qui insiste sur son caractère scolaire avec mépris. Il souligne ainsi que si, au début de l’ouvrage, Pomponius essaie de fournir des dates précises, il tombe ensuite dans des approximations avec des expressions comme eodem tempore57. De façon paradoxale, tout méprisé qu’il fût, Pomponius n’en fut pas moins très sollicité par les historiens du droit.

Un auteur incontournable malgré lui ?

  • 58 Krueger 1894, 231.
  • 59 Krueger 1894, 78. Voir aussi p. 69.
  • 60 Voir entre autres Ebrard 1925, 122 (qui cite K. G. Bruns et O. Lenel pour dire que « für uns fast (...)
  • 61 Kunkel 1967 [1952], 396.
  • 62 Cf. Guarino 1949 ; Maschi 1966, 126 ; Wieacker 1969. Nörr 2002 [1976], 199 rappelle ainsi que « P (...)
  • 63 Voir par exemple Bretone 1982 [1971], 255-273.
  • 64 Kunkel 1967 [1952], 5-6 n. 6.
  • 65 Schulz 1946, 46.
  • 66 Kunkel 1967 [1952], 271-272.
  • 67 Wieacker 2006, 110.
  • 68 Maschi 1966, 131.
  • 69 En ce sens Nörr 2002 [1976], 179 : « Difficile di trovare un giurista romano al quale, negli anni (...)
  • 70 Nörr 2002 [1976].

13Cette mésestime n’empêcha en effet pas l’Enchiridion d’être abondamment utilisé par les historiens du droit. Th. Mommsen y renvoie plus d’une centaine de fois dans son Droit Public d’après la rapide recension que nous avons réalisée. Surtout P. Krueger rappelle que l’Enchiridion est « la source la plus importante que nous ayons pour la connaissance de l’histoire de l’ancien droit romain. »58 En particulier, pour l’histoire de la jurisprudence, et notamment de ses débuts, Pomponius « est l’auteur qu’il nous fallait consulter presque uniquement » souligne-t-il59. Ce jugement est unanimement partagé60. Sans surprise, c’est l’entrée la plus longue et la plus discutée (comme l’indiquent les ?) dans l’index des sources de la prosopographie des juristes de W. Kunkel61. Certains passages de l’Enchiridion en particulier ont suscité d’importantes discussions comme la question du ius respondendi (D. 1.2.2.48-51) pourtant aussi présentée, quoique différemment, chez Gaius (Inst. 1.7)62 ou encore la fondation du ius ciuile attribuée par Pomponius à M. Iunius Brutus, P. Mucius Scaevola et M’. Manilius (D. 1.2.2.39)63. Contraints d’utiliser ce témoignage unique, les juristes apprirent à manier avec précaution l’Enchiridion. W. Kunkel ne suit pas toujours l’ordre chronologique des juristes de Pomponius en raison de ses erreurs64 et Fr. Schulz prévient que la liste des juristes d’époque hellénistique de Pomponius « is in many respects untrustworthy. »65 Néanmoins, peu à peu, émergea une opinion différente de celle émise par Th. Mommsen. Comme P. Krueger avant lui, W. Kunkel dédouanait en partie Pomponius dont l’Enchiridion « bietet zwar trotz aller Dürftigkeit kostbare Einzelheiten […] sei es wegen der Mängel der Überlieferung, sei es infolge der Unfähigkeit des nachklassischen Epitomators »66. De son côté, Fr. Wieacker reconnaissait que « Trotz solcher Herrichtung ist der Informationswert des Abrisses unschätzbar. Der Gehalt ist authentisch »67. Dans le même sens, C. A. Maschi remarquait les contradictions des romanistes qui, dans la continuité de Th. Mommsen, « danno una valutazione generica negativa, ma in realtà utilizzano largamente e anche per minuzie la delineazione storica del giurista classico »68. Il y eut en effet un intérêt renouvelé pour Pomponius et surtout pour son Enchiridion dans les années 1960-1970, comme en témoigne la bibliographie finale de ce travail69. Ce renouveau est à rattacher au développement des études sur l’histoire de la pensée juridique romaine, notamment en Italie, et il déboucha sur une réhabilitation du texte et de son auteur. L’article de D. Nörr sur Pomponius dans l’ANRW70 constitue le point d’aboutissement de ce courant et la traduction de sa mise au point dans le deuxième numéro de la Rivista di Diritto Romano, ainsi que le préambule d’A. Schiavone qui l’accompagne, témoignent du succès de son entreprise.

Une œuvre autrefois discutée et aujourd’hui en voie de réhabilitation ?

14En s’intéressant de nouveau à l’Enchiridion, en le considérant avec l’attention que mérite ce texte unique, les historiens contemporains renouent avec les Modernes. Ces derniers avaient en effet repéré certaines informations étonnantes de l’Enchiridion et avaient tâché de les expliquer. Le texte fut ainsi abondamment cité et commenté dans toute une série d’œuvres d’époque moderne comme le montrera un exemple.

Le cas de la tribunicia lex

15Avant l’histoire des juristes, c’est l’histoire même du droit qui peut fasciner dans Pomponius, notamment le récit qu’il fait de ses origines. Il ne s’agit pas là du point sur lequel les commentateurs se sont le plus arrêtés et pourtant certains passages de cette partie du texte ont été très discutés. Il y a là un bon exemple de la profondeur temporelle de la réception de ce texte ainsi que de ses variations. On s’arrêtera ici en particulier sur un paragraphe très célèbre décrivant l’état du droit au moment du passage de la monarchie à la République, en 509 avant J.-C. :

D. 1.2.2.3 : Exactis deinde Regibus lege tribunicia omnes leges hae exoleuerunt, iterumque coepit populus Romanus incerto magis iure et consuetudine aliqua uti, quam per latam legem : idque prope uiginti annis passus est.

Après l’expulsion des rois par la loi Tribunitia, toutes ces lois royales cessèrent d’être en usage, et le peuple commença à se conduire plutôt par un droit incertain et par l’usage, que par aucune loi fixe ; et cet état dura près de vingt ans (trad. H. Hulot).

16Un premier problème, important pour la traduction, est évidemment celui de la ponctuation de la phrase qui est reconstituée. Faut-il mettre une virgule et, si c’est le cas, où la placer ? A. Steger, par exemple, met une virgule après regibus, tandis qu’E. Dubarle la place après exoleuerunt. Le débat n’est pas anodin car il touche à la portion de phrase sur laquelle porte lege tribunicia et peut changer le sens que l’on donne à ce passage. Au-delà de cet aspect de traduction, plusieurs expressions de Pomponius ont depuis longtemps retenu l’attention, et trois en particulier : la mention d’une loi tribunicienne, la durée de la période durant laquelle Rome serait retombée dans un droit incertain, et la signification précise de cette expression incertus ius. Ces différents éléments ont fait l’objet de très anciens commentaires.

  • 71 Liv. 1.59.7-13.

17Pour ce qui concerne le premier point, la solution la plus naturelle est de songer à une loi des tribuns de la plèbe puisqu’une loi des tribuns militaires n’aurait pas grand sens. Il faut cependant relever ici l’existence d’un important débat historiographique, qui remonte haut dans le temps. Une autre explication a ainsi été avancée depuis fort longtemps : le terme renverrait à la fonction de tribunus celerum occupée par L. Iunius Brutus au moment de la chute des Tarquins, comme en témoigne le texte de Tite-Live71. Cette idée a une longue histoire derrière elle puisqu’on en trouve trace dès le xvie siècle, par exemple chez G. Eberlin :

  • 72 Georg Eberlin, Illustris et perspicua in Titulum Digestorum de Origine Iuris et omnium magistratu (...)

Lege Tribunicia exoleuerunt : iterumque ; coepit Populus Romanus incerto magis Iure e consuetudine ; atque sic communi potius omnium hominum jure, hoc est, jure gentium quam per latam legem, hoc est, jus ciuitatis, non tamen sine motivus, e tumultu deinceps ali ; quemadmodum iurisconsultus noster hic ostendit : quitamen de omnibus legibus accipiendus non uidetur, sed de iis solummodo, quae ad mores regios statumque regni pertinebant. Has enim et similes ad regium dominationem constituendam pertinentes, a Iunio Bruto Tribuno Celerum abrogatas esse, uerisimile est : non eas, quae uel diuinas uel humanas res spectarent72.

  • 73 Christian Taubmann, Exercitatio historico-politico iuridica ex Enchiridion. De origine iuris et o (...)
  • 74 Simon van Leeuven, De origine et progressu iuris civilis romanu, Leyde, 1672, 7-8.
  • 75 Willem van der Muelen, In historiam Pomponii de origine juris, et omnium magistratuum & successio (...)
  • 76 Christoph Adam Rupert, Enchiridion Pomponii Icit, De origine Iuris cum animad­versionibus, Franek (...)
  • 77 Christian Gottfried Hoffmann, Historia iuris Romano-Iustinianei, Leipzig, 1718, 18.
  • 78 Heinrich Brokes, Dissertatio historico-iuridica de Pomponio historiae romanae ignaro, Wittemberg, (...)
  • 79 Johann Salomon Bruunquell, Historia iuris romano-germanici, Francfort et Leipzig, 1742, 35.
  • 80 Johann Gottlieb Heineccius, Historia iurius civilis romani ac germanici, Leyde, 1748, 26, mais ég (...)
  • 81 Cornelius Van Bynckershoek, Praetermissa ad L. 2. D. De origine iuris verba legis : Pomponio Libr (...)
  • 82  Marc-Antoine Muret, Commentarius de origine iuris et omnium magistratum, e successione prudentum(...)
  • 83 Christoph Ludwig Crell, L. Iunium Brutum. Reipublicae romanae auctorem, Leipzig, 1721, 20-21.

18Cette explication se retrouve ensuite, par exemple, chez Chr. Taubmann73, S. van Leuuven74, W. van der Muelen75, ou Chr. A. Rupert76. Cette idée poursuivit ensuite sa route dans la littérature puisqu’on la trouve encore mise en avant au xviiie siècle, notamment chez Chr. G. Hoffmann : Lege enim tribunicia, i.e. ea , quam Brutus Tribunus Celerum de exilio Tarquiniorum dederat, regia potestas sublata est77. Ou encore chez H. Brokes78, J. S. Bruunquell79, J. G. Heineccius80, C. Van Bynckershoek81 et M.-A. Muret, lequel écrit : a L.Iunio Bruto, qui tum tribunus Celereum erat, lata. Eam Festus primam tribuniciam appellat82. Cette interprétation fut aussi défendue par Ch. L. Crell dans sa dissertation de 172183, témoignage supplémentaire de sa grande diffusion.

  • 84 Liv. 3.9.5 : Quae ne aeterna illis licentia sit, legem se promulgaturum ut quinque uiri creentur (...)

19Cette solution, majoritaire, s’est vu pourtant opposer d’autres solutions, la plus originale étant sans doute celle qui vise à voir dans cette loi tribunicienne une référence à l’action de C. Terentilius Harsa. Rappelons ici brièvement que ce personnage fut tribun de la plèbe pour la première fois en 462 avant J.-C., année durant laquelle il présenta pour la première fois un plébiscite visant à instituer une commission de cinq membres dont le but aurait été de réglementer le pouvoir consulaire84. Cette proposition fut réitérée en 461, 460, 459, 458, 457 et 455 avant J.-C. avant de finalement aboutir, à l’issue d’un compromis, à l’envoi de la fameuse ambassade en Grèce pour étudier les lois grecques et, in fine, à l’établissement du décemvirat législatif en 451 avant J.-C. Cette hypothèse paraît remonter au xvie siècle et à Goveanus (Antoine de Gouveia) mais elle n’a pas rencontré d’échos favorables. Voici ce qu’en dit Goveanus :

  • 85 Antonio da Gouveia, Lectionum iuris variarum, in Novae declarationes et variae lectiones resoluti (...)

In L. 2 de orig. iuris. quaeri solet, quae lex illa fit Tribunitia, qua omnes leges exoleuerunt. Ego puto legem fuisse Terentillam a C. Terentillo Arsa Tribuno plebis promulgatam ut 5 uiris creandis legib. de imperio consulari scribendis : de qua quandiu certatum in Republica est nullus legib. locus fuit, cum, et patres leges plebeias aspernarentur, et plebs patritias85.

  • 86 Adrian Steger, Dissertatio de lege tribunicia et inde nato incerto iure, Leipzig, 1736.

20A. Steger a consacré, pour sa part, une courte dissertation au problème de ce passage86. À notre connaissance, il est le premier à y réfuter de façon détaillée et argumentée l’interprétation qui repose sur la fonction de tribunus celerum de L. Iunius Brutus. A. Steger choisit au contraire de rapprocher l’extrait de Pomponius d’un célèbre passage de Festus pour souligner que la meilleure interprétation possible est d’y voir l’action des tribuns de la plèbe lors la première sécession de 494 avant J.-C. :

Fest. p. 422-424 L. : Sacer mons appellatur trans Anienem, paullo ultra tertium miliarium ; quod eum plebes, cum secessisset a patribus, creatis tribunis plebis, qui sibi essent auxilio, discedentes Ioui consecrauerunt. At homo sace ris est, quem populus iudicauit ob maleficium ; neque fas est eum immolari, sed, qui occidit, parricidi non damnatur ; nam lege tribunicia prima cauetur, « si quis eum, qui eo plebei scito sacer sit, occiderit, parricida ne sit ».

  • 87  Jacques Cujas, Commentarius ad Pomponii L. 2 D. de origine iuris, in Johannes Uhl (ed.), Opuscul (...)
  • 88 Thomas Lindemann, Historia iuris romani, Rostock, 1627, 23.
  • 89 Georg Beyer, Delineatio historiae iuris romani et germanici, Leipzig, 1725, 6-7.

21Là encore, il n’était cependant pas le premier à avancer cette hypothèse puisqu’on la trouve chez au moins deux auteurs antérieurs mentionnés par A. Steger. Le premier d’entre eux est Cujas, dont le commentaire à Pomponius se trouve rassemblé notamment dans les Opuscula de Uhl87. L’idée fut reprise par Th. Lindemann88 ou encore G. Beyer89 et B. G. Struve. Ce dernier fournit un intéressant condensé de la controverse :

  • 90 Burkhard Gotthelf Struve, Historia iuris romani, 16 et 19.

Multa equidem de hoc loco adhuc est controuersia. Gerhardus Cocceius enim per Legem Tribunitiam intelligit a Tribuno Celerum L. Iunio Bruto latam, cum tempore Regum eiectorum Tribuni nondum fuerint. Ast, cum Tribunitia Lex de illis saltim dicatur quae a Tribunis plebis fuerant latae, et Pomponius non ita intelligendus, quasi statim post eiectos Reges Lex ista fuisset lata, de eadem Pomponium agere haut dubitarem. Nec minor eritur difficultas, quod Pomponius dixerat, populum Romanum iuris hanc incertitudinem prope uiginti annis fuisse passam, cum tamen inter dictam Legem Tribunitiam a. 260 latam atque Leges XII Tabularum circa a. 3000 coeptas, uel quadraginta intercesserint anni. Verum, uel omnes adgnoscunt, errorem hic subesse librarii, qui, uti quidem Gerhardus Cocceius autumat, pro LX scripserit XX, quod etiam contendit Rupertus. Sed cum Pomponius tempus reputet a Lege ista sacrata ad LL XII Tab. usque XL potius annos substituendos esse crederem90.

22Ce dernier texte offre par ailleurs une belle transition sur la discussion de la durée de vingt ans mentionnée par Pomponius. Une vieille explication, ingénieuse, supposait une erreur de manuscrit : il aurait été écrit VIginti dans le texte originel, mot mal lu par les copistes ultérieurs qui l’auraient transformé en uiginti. L’explication est déjà avancée par Heineccius (p. 28), mais le texte de B. G. Struve fait état d’une explication similaire sur la base d’une autre erreur de graphie. Incontestablement, ces vingt années posent problème. Si on prend comme point de départ la date de 509 avant J.-C. (et l’hypothèse Brutus), cela conduit à 489 avant J.-C., une date qui ne correspond à rien de particulier, Rome étant alors aux prises avec les Volsques menés par Coriolan. Si l’on opte pour 493 avant J.- C. et les premiers tribuns de la plèbe, cela conduit à 473 avant J.-C. année de la mort du tribun de la plèbe Cn. Genucius. Enfin, si on suit Goveanus, cela conduit à 442 avant J.-C. et là encore il n’y a pas d’événements majeurs qui pourraient expliquer cette date. Toutefois, le texte de Pomponius ajoute prope, soit « proche de ». À ce titre, on pourrait arguer d’une approximation un peu large en faveur de la date de 462 avant J.-C. si on vise 449 avant J.-C. comme point d’arrivée : cela pourrait sembler logique au vu de la suite du texte de Pomponius qui explique que le décemvirat législatif mit un terme à cette période. Comme l’hypothèse que la lex tribunicia soit à mettre en relation avec C. Terentilius Harsa est demeurée très minoritaire, l’hypothèse d’une confusion avec 60 ans fut en général suivie puisque, à partir de la date de 509 avant J.-C., cela nous conduit au rétablissement des institutions après le décemvirat législatif et à la seconde sécession de la plèbe en 449 avant J.-C. Le raisonnement est ainsi sous-tendu par l’idée qu’avant les lois des XII Tables, on aurait pu considérer Rome comme une cité sans droit.

23L’édition d’E. Dubarle, en 1825, arrive en quelque sorte en bout de course de ces débats dont elle se fait un écho en réalité très lointain, en évoquant uniquement Cujas et C. Van Bynkershoek. E. Dubarle opte pour l’interprétation traditionnelle de la loi tribunitienne en référence à L. Iunius Brutus et pour la confusion de 20 ans avec la période de 60 ans conduisant au décemvirat législatif. Reste alors le problème de considérer Rome comme une cité sans droit durant toute une période. C’est possible si on place le texte de Pomponius dans une certaine optique, qui a été récemment mise en lumière.

Dario Mantovani et la structure d’un manuel juridique

  • 91 Mantovani 2019a.
  • 92 Mantovani 2018, 153.
  • 93 Dumézil 1968, 283 : « Pratiquement, c’est dans les deux premiers livres de Tite-Live qu’il faut c (...)

24En effet, tout récemment D. Mantovani est revenu sur le début de ce texte dans son ouvrage sur les juristes écrivains ainsi que dans ses cours du Collège de France. Il en propose une lecture très originale qui lit l’Enchiridion à la façon d’une « nomogonie » qu’il compare à la cosmogonie des Métamorphoses d’Ovide91. Pomponius écrit une histoire du droit mais une histoire fortement conceptualisée, sous-tendue par le couple origo-processus, et qui évite le déroulé précis de tous les détails pour « livrer une explication linéaire du système des sources du droit »92. Le vocabulaire même de D. Mantovani est significatif lorsqu’il explique que le droit prend naissance chez Pomponius grâce à la lex, fournissant « une sorte de big bang ». Le passage questionné plus haut sur la loi tribunicienne s’inscrit pleinement dans la reconstruction de ce processus de naissance par Pomponius ce qui rend d’autant plus important de bien comprendre l’expression lex tribunicia dans ce cas. Cette lecture n’est pas sans rappeler les intuitions de G. Dumézil quant à l’absence de cosmogonie à Rome93, et montre combien les juristes, au même titre que les historiens, ont pu tenter de donner forme à l’histoire primordiale de Rome.

  • 94 Nörr 2002 [1976], 234.
  • 95 Nörr 2002 [1976].

25D. Mantovani souligne également que les anecdotes très présentes dans l’Enchiridion ne découlaient sans doute pas d’un goût lié à l’importance des exempla dans la jurisprudence romaine comme le soutenait D. Nörr94, mais de moyens pédagogiques pour que les étudiants retiennent mieux l’histoire du droit. Les préoccupations de D. Mantovani à propos de l’enseignement du droit et de la littérature juridique le conduisent à interroger différemment l’Enchiridion. Et il n’est pas le seul : dans les années 1970 déjà, on se penchait sur la question de l’intelligence historique de Pomponius, et, de manière plus large, sur la connaissance de l’histoire qu’avaient les juristes et sur leur utilisation de celle-ci95. Pour toutes ces problématiques, l’Enchiridion constitue là encore une source de premier plan qui mérite d’être interrogée en la replaçant dans la longue durée de sa réception.

Conclusion

  • 96 Nörr 2002 [1976], 209.
  • 97 Voir par exemple Wieacker 2006, 111.

26Pomponius jouissait d’un grand prestige dans l’Antiquité, comme le montrent les nombreux fragments préservés dans le Digeste ou le long passage de l’Enchiridion situé au début, en guise de préambule historique. D’après les calculs d’A. M. Honoré, Ulpien le cite 314 fois (seul Julianus l’est davantage) et les juristes tardo-classiques approuvent souvent ses arguments (Ulpien vingt fois et Paul deux)96. Comme le remarquait D. Nörr, les juristes romains postérieurs à Pomponius ont conservé une moins mauvaise image de lui que les Modernes. Le jugement sévère de Th. Mommsen eut une influence considérable. À la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, les romanistes semblent n’utiliser Pomponius que parce qu’ils n’avaient pas d’autre choix. L’intérêt renouvelé pour l’histoire de la science juridique opéra un renversement si bien qu’on mit davantage l’accent sur le caractère unique de l’Enchiridion et qu’on reconnut l’intérêt des informations, parfois étonnantes comme la lex tribunicia, qu’y livrait un Pomponius désormais considéré comme un bon juriste97. En ce sens D. Nörr soulignait que

  • 98 Nörr 2002 [1976], 179.

La descrizione storico-giuridica di Pomponio tramandataci in D. 1.2.2 è non solo uno dei più ampi e coerenti frammenti della letteratura giuridica romana classica in nostro possesso, ma soprattutto per il suo contenuto esso ha assunto un ruolo unico tra gli scritti dei giuristi che sono stati tramandati. Non è nota alcuna altra opera della letteratura giuridica romana in cui un giurista rifletta storicamente sull’attività dei giuristi.98

27Devant ce qui apparaissait comme une œuvre singulière et fondamentale pour notre connaissance de l’histoire du droit romain, les savants appellent de leurs vœux une édition commentée depuis plus de 80 ans :

  • 99 Schulz 1946, 171.

A fresh edition and a critical analysis of this interesting fragment (D. 1. 2. 2) would be welcome. The edition could aim only at establishing the text which the compilers had before them, obvious scribal errors being corrected ; the text of the fuller original is no longer recoverable. The aim of the critical analysis would be to distinguish the strata of the text, and to determine what sources were directly or indirectly used and (equally important) what sources were not used. In dealing with the questions of authenticity and interpolation the fashionable linguistic tests will be out of place, because this historical opusculum does not belong to the juristic literary genus to which these tests are applicable : to each genus its own style.99

  • 100 Nörr 2002 [1976], 196.

Il commentario a quest’opera è ancora da scrivere.100

  • 101 Maschi 1966, 132, mais il ajoute toute de suite « Per noi, qui, tale indagine risulterebbe eccess (...)

L’Ench. di Pomponio potrebbe essere oggetto di una indagine sistematica, certamente utile, che valutasse punto per punto e complessivamente la storia delle magistrature e della giurisprudenza, accertando quanto delle affermazioni e prospettive di Pomponio corrisponda o meno ai risultati della critica storica.101

  • 102 Par exemple, en proposant de corriger uias en uia dans D. 1.2.2.11, Mantovani 2019b, à partir de (...)
  • 103 Facchetti 2016. Le commentaire se limite en effet à des explications factuelles ou à des renvois (...)

28En effet, il ressort de cette étude que plusieurs éléments plaident en faveur d’un tel travail. Tout d’abord les caractéristiques même du texte : nous disposons de presque un tiers de l’œuvre (les savants ont parfois édité des œuvres bien plus fragmentaires), le texte est fortement corrompu et de nombreuses corrections ont été proposées au fil des siècles102. À cela s’ajoute la singularité du contenu puisque l’Enchiridion offre un regard unique et original sur le droit romain et qu’il demeure indispensable pour faire l’histoire de la jurisprudence. À tous ces titres, l’Enchiridion mériterait donc une édition commentée. Or force est de reconnaître que la nouvelle traduction italienne de l’Enchiridion par G. M. Facchetti n’offre ni nouvel établissement du texte, ni véritable commentaire, ni même une introduction à l’œuvre. Elle n’apparaît que comme une lecture préparatoire à l’étude des Institutes de Gaius qui font l’objet du travail de l’auteur103. C’est donc une édition commentée de l’Enchiridion que les auteurs de cet article souhaiteraient mettre en œuvre prochainement dans le cadre d’un projet collectif, réunissant juristes, historiens et philologues, seule manière de garantir le « beau savoir » que promet une telle entreprise. La parution prochaine (2022) d’un nouveau travail italien par Fara Nasti dans la collection Scriptores iuris Romani dirigée par A. Schiavone ne fait qu’aller dans le sens de la nécessité de rendre toute sa place à l’Enchiridion.

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Bibliographie

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Mantovani 2019b : Dario Mantovani, « L’histoire géométrique du droit dans le manuel de Pomponius : la croissance et la nécessité », cours du 10 avril 2019 : https://www.college-de-france.fr/site/dario-mantovani/course-2019-04-10-14h30.htm.

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Wieacker 1977 : Franz Wieacker, « Juristen und Jurisprudenz im Prinzipat », ZRG 94 (1977), 319-358.

Wieacker 2006 : Franz Wieacker, Römische Rechtsgeschichte, II, Die Jurisprudenz vom Frühen Prinzipat bis zum Ausgang der Antike im weströmischen Reich und die oströmische Rechtswissenschaft bis zur justinianischen Gesetzgebung : ein Fragment, Munich, Beck, 2006.

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Notes

1 Soulignons que cette idée de « redécouverte » ne doit pas conduire à penser que le droit romain avait été totalement oublié durant le haut Moyen Âge en Occident. Des légendes – comme celle du manuscrit du Digeste trouvé dans le mur d’une maison incendiée lors d’une expédition militaire à Amalfi en 1137 – ont mis en scène cette redécouverte dès le Moyen Âge mais le processus de transmission du texte fut plus complexe. En ce sens, voir le récent article de Crawford 2019 qui entend montrer que Paul Diacre, moine bénédictin du Mont Cassin qui écrivait au viiie siècle, connaissait, entre autres, les Institutiones de Justinien.

2 Wieacker 2006, 108.

3 Kunkel 1967 [1952], 170-171. Voir aussi Krueger 1894, 230-235, Wesenberg 1952 et Petersen et Wachtel 1998.

4 Nörr 2002 [1976], 182-184. Voir aussi Mantovani 2019a.

5 Contra Petersen et Wachtel 1998 qui ne le rattachent à aucune école.

6 Voir par exemple Nörr 2002 [1976], 184 ou Wieacker 2006, 108.

7 Krueger 1894, 230 le présente comme « l’écrivain le plus fécond du deuxième siècle. »

8 Notons que Seckel et Kuebler 1908, 96 ne reprennent qu’un fragment du liber singularis regularum transmis par une autre source que le Digeste.

9 Liebs 1966, 74.

10 Mantovani 2019a.

11 Mantovani 2019a.

12 Lenel 1889, 2, 44-52.

13 Voir les synthèses dans Guarino 1969, 312-313 et Nörr 2002 [1976], 181-185.

14 Jörs 1888, 8-10. Voir aussi Krueger 1894, 231. Guarino 1969, 315 et Wieacker 1977, 350 n’excluent pas cette hypothèse.

15 Contra Bretone 1982 [1971], 213.

16 Schulz 1946, 170 suivi par Kunkel 1967 [1952], 271 n. 566 ; Bretone 1965, 7 (avant sa propre hypothèse, cf. infra) ; Maschi 1966, 120 ; Nörr 2002 [1976], 181.

17 Bretone 1982 [1971], 216-220. Contra Liebs 1966, 66 n. 40 est peu enclin à le suivre, mais Nörr 2002 [1976], 184-185 juge l’hypothèse possible.

18 Guarino 1949, 386-387 et 1969, 314-315.

19 Ebrard 1925, 122. Contra Bretone 1965, 8 et Maschi 1966, 121.

20 Mantovani 2019a.

21 D. 1.2.2.pr.

22 Tac. Ann. 3.26-28. Voir encore Nörr 2002 [1976], 185 qui réaffirme ce point important.

23 Maschi 1966, 120-121.

24 Voir la synthèse de Nörr 2002 [1976], 185-194 qui est assez sceptique sur l’emploi de Varron et de Cicéron, et l’avis de Wieacker 1977, 350-351 sur sa démonstration.

25 Schulz 1946, 170.

26 Jörs 1888, 11.

27 Mantovani 2019b, à partir de 48’10 sur D. 1.2.2.11 : Nouissime sicut ad pauciores iuris constituendi uias transisse ipsis rebus dictantibus uidebatur per partes. Il opte pour la correction de uias en uia pour en faire le sujet, correction qui ne semble pas nécessaire à Ph. Moreau que nous remercions pour sa relecture et qui signale par ailleurs qu’il manque un substantif à l’accusatif pluriel à ad pauciores.

28 Jörs 1888, 11-14 et Wieacker 2006, 110, le texte fautif viendrait du compilateur : « Anderes gilt für die ungelenke Darstellungsart, die monotonen Neueinsätze, die ungeschickten Anknüpfungen, die Dürftigkeit des Wortschatzes und der auffallenden, schon der Vorlage der Kompilatoren angehörenden mechanischen Korruptelen. Da gerade solche Defekte im übrigen Werk des Pomponius keine Parallelen finden und auch nicht den Kompilatoren zur Last fallen können, erklärt sich diese Austrocknung wohl aus der Zusammenziehung eines ursprünglichen Zweibücherwerks zu einem liber singularis. »

29 Schulz 1946, 170.

30 Maschi 1966, 122 ; Nörr 2002 [1976], 181-182 et Wieacker 2006, 110.

31 Sur ce manuscrit, voir la récente mise au point de Baldi 2010, en part. 99-103, qui confirme la datation du vie siècle et propose d’en faire une copie réalisée à Constantinople.

32 Mantovani 2019a.

33 Mantovani 2019a.

34 Mantovani 2019a.

35 Cf. à titre d’exemple, la liste donnée dans Adrian Steger, Dissertatio de lege tribunicia et inde nato incerto iure, Leipzig, 1736, 41-44.

36 Dubarle 1829.

37 Dubarle 1825, xiii et xvi.

38 Dubarle 1825, xivi-xix. Notons qu’il fait de Pomponius un descendant d’Atticus et des Pomponii de la République, ce qui est en réalité très incertain.

39 Dubarle 1825, xix.

40 Friedrich Gotthilf Osann, Pomponii de Origine juris fragmentum recognovit et annotatione critica instruxit, Gissae 1848.

41 Friedrich Schulin, Ad Pandectarum titulum « De origine iuris » commentatio, Bâle 1876.

42 Paul Krueger et Theodor Mommsen, Digesta Iustiniani Augusti, Berlin, Weidmann, 1868-1870 (2 vol.), souvent réédité.

43 La traduction anglaise du Digeste d’Alan Watson, commandée en 1978 et publiée en 1985, se fondait encore sur l’editio maior de Th. Mommsen et P. Krueger signalée à la note précédente.

44 Paul Frédéric Girard, Textes de droit romain, Paris, A. Rousseau, 1890, réédité à de nombreuses reprises.

45 Carl Georg Bruns et Theodor Mommsen, Fontes iuris romani antiqui, Tübingen, Mohr, 1909 (7e édition, les premières éditions étaient le fait du seul C. G. Bruns).

46 Salvatore Riccobono, Fontes iuris romani anteiustiniani, Florence, Barbèra, 1940-1943.

47 Jörs 1888, 10.

48 Mommsen 1889-1896, V, ii.

49 Mommsen 1889-1896, I, 320 n. 4.

50 Mommsen 1889-1896, III, 48 n. 3.

51 Mommsen 1889-1896, III, 51 n. 3.

52 Mommsen 1889-1896, III, 212-213 n.1.

53 Krueger 1894, 69.

54 Krueger 1894, 235.

55 Nörr 2002 [1976], 237. Voir aussi Wieacker 2006, 110.

56 Ebrard 1925, 122.

57 Ebrard 1925, 121-125.

58 Krueger 1894, 231.

59 Krueger 1894, 78. Voir aussi p. 69.

60 Voir entre autres Ebrard 1925, 122 (qui cite K. G. Bruns et O. Lenel pour dire que « für uns fast die einzige Quelle für die Kenntnis der Juristen bis Pomponius ») ; Maschi 1966, 131 ou Nörr 2002 [1976], 196 (« L’“enchiridion” è la fonte più importante per la storia della giurisprudenza romana e una fonte importante per la storia del diritto e delle magistrature romane. »)

61 Kunkel 1967 [1952], 396.

62 Cf. Guarino 1949 ; Maschi 1966, 126 ; Wieacker 1969. Nörr 2002 [1976], 199 rappelle ainsi que « Pomponio è inoltre una delle fonti più importanti per due fenomeni decisivi – sotto il profilo “professional-sociologico” e della politica del diritto – della prima e dell’alta età imperiale: il ius respondendi ».

63 Voir par exemple Bretone 1982 [1971], 255-273.

64 Kunkel 1967 [1952], 5-6 n. 6.

65 Schulz 1946, 46.

66 Kunkel 1967 [1952], 271-272.

67 Wieacker 2006, 110.

68 Maschi 1966, 131.

69 En ce sens Nörr 2002 [1976], 179 : « Difficile di trovare un giurista romano al quale, negli anni passati, la ricerca si sia dedicata con intensità pari a quella profusa per Pomponio. »

70 Nörr 2002 [1976].

71 Liv. 1.59.7-13.

72 Georg Eberlin, Illustris et perspicua in Titulum Digestorum de Origine Iuris et omnium magistratum et successione prudentium explicatio, Horn, 1592, 22.

73 Christian Taubmann, Exercitatio historico-politico iuridica ex Enchiridion. De origine iuris et omnium magistratuum et successione prudentium descripta, Rothius, 1635, § 14.

74 Simon van Leeuven, De origine et progressu iuris civilis romanu, Leyde, 1672, 7-8.

75 Willem van der Muelen, In historiam Pomponii de origine juris, et omnium magistratuum & successione prudentium exercitationes, Volume 1, Ex officina Francisci Halma, 1691, 38-39.

76 Christoph Adam Rupert, Enchiridion Pomponii Icit, De origine Iuris cum animad­versionibus, Franeker, 1696, 66.

77 Christian Gottfried Hoffmann, Historia iuris Romano-Iustinianei, Leipzig, 1718, 18.

78 Heinrich Brokes, Dissertatio historico-iuridica de Pomponio historiae romanae ignaro, Wittemberg, 1733, 14.

79 Johann Salomon Bruunquell, Historia iuris romano-germanici, Francfort et Leipzig, 1742, 35.

80 Johann Gottlieb Heineccius, Historia iurius civilis romani ac germanici, Leyde, 1748, 26, mais également dans sa préface aux Opuscula édités par Uhl (p. 56).

81 Cornelius Van Bynckershoek, Praetermissa ad L. 2. D. De origine iuris verba legis : Pomponio Libro singulari Enchiridii, in Id., Opera omnia, 4e édition, Cologny, 1761, 285.

82  Marc-Antoine Muret, Commentarius de origine iuris et omnium magistratum, e successione prudentum, in Id., Opera omnia, t. IV, Leyde, 1789, 201.

83 Christoph Ludwig Crell, L. Iunium Brutum. Reipublicae romanae auctorem, Leipzig, 1721, 20-21.

84 Liv. 3.9.5 : Quae ne aeterna illis licentia sit, legem se promulgaturum ut quinque uiri creentur legibus de imperio consulari scribendis.

85 Antonio da Gouveia, Lectionum iuris variarum, in Novae declarationes et variae lectiones resolutionesque iuris, Venise, 1585, 325 (la première édition date de 1552).

86 Adrian Steger, Dissertatio de lege tribunicia et inde nato incerto iure, Leipzig, 1736.

87  Jacques Cujas, Commentarius ad Pomponii L. 2 D. de origine iuris, in Johannes Uhl (ed.), Opuscula ad historiam iuris et maxime ad Pomponi Enchiridion, Halle, 1735, 5.

88 Thomas Lindemann, Historia iuris romani, Rostock, 1627, 23.

89 Georg Beyer, Delineatio historiae iuris romani et germanici, Leipzig, 1725, 6-7.

90 Burkhard Gotthelf Struve, Historia iuris romani, 16 et 19.

91 Mantovani 2019a.

92 Mantovani 2018, 153.

93 Dumézil 1968, 283 : « Pratiquement, c’est dans les deux premiers livres de Tite-Live qu’il faut chercher l’équivalent des théogonies et des cosmogonies d’autres peuples indo-européens. Ainsi lues, toutes ces légendes royales reçoivent un surcroît d’intérêt ».

94 Nörr 2002 [1976], 234.

95 Nörr 2002 [1976].

96 Nörr 2002 [1976], 209.

97 Voir par exemple Wieacker 2006, 111.

98 Nörr 2002 [1976], 179.

99 Schulz 1946, 171.

100 Nörr 2002 [1976], 196.

101 Maschi 1966, 132, mais il ajoute toute de suite « Per noi, qui, tale indagine risulterebbe eccessiva ed anche superflua perchè è evidente che l’opera fu dettata da un esplicito interesse alla storia. ».

102 Par exemple, en proposant de corriger uias en uia dans D. 1.2.2.11, Mantovani 2019b, à partir de 48’10, suit la correction proposée par Budé (et suivie par Hulot dans son édition de 1803) contra Mommsen ! Voir supra n. 27.

103 Facchetti 2016. Le commentaire se limite en effet à des explications factuelles ou à des renvois à d’autres sources dans les notes de bas de page.

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Pour citer cet article

Référence papier

Clément Bur et Thibaud Lanfranchi, « L'Enchiridion de Sextus Pomponius, heurs et malheurs d’un manuel juridique antique »Anabases, 35 | 2022, 205-224.

Référence électronique

Clément Bur et Thibaud Lanfranchi, « L'Enchiridion de Sextus Pomponius, heurs et malheurs d’un manuel juridique antique »Anabases [En ligne], 35 | 2022, mis en ligne le 10 avril 2024, consulté le 22 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/13868 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.13868

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Clément Bur

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