Barbara Furlotti, Antiquities in Motion : from Excavation Sites to Renaissance Collections
Barbara Furlotti, Antiquities in Motion : from Excavation Sites to Renaissance Collections, Los Angeles, Getty Research Institute, 2019, 292 p. / ISBN 9781606065914, $ 80
Texte intégral
1La constitution des grandes collections à la Renaissance est un phénomène bien connu. Pourtant, Barbara Furlotti propose dès l’introduction une approche plus originale, en comparant les pratiques anciennes avec les pillages actuels des sites archéologiques en Italie ou au Moyen-Orient. Elle invite ainsi le lecteur à porter le même regard critique, à décentrer le propos pour ne plus penser les collections d’antiques comme une simple activité des élites confortant leur domination sociale et leur capital culturel à l’époque moderne. En adoptant une bottom-up perspective (p. 3), l’auteur souhaite retracer en huit chapitres l’itinéraire des objets de leur découverte jusqu’aux collections. Outre l’attention portée à la culture matérielle et aux aspects pratiques, la complexité du tissu socio-culturel est analysée, en mettant l’accent sur des acteurs souvent délaissés comme les paysans ou les restaurateurs. L’expression Antiquities in motion prend alors tout son sens. L’ouvrage s’intéresse au processus amenant une statue de la zone d’excavation à la collection d’un richissime client, en passant par les espaces de vente, de restauration et le transport. Les mobilités au sein de la hiérarchie sociale sont mises en lumière, notamment avec l’enrichissement des découvreurs et des intermédiaires. Le propos s’appuie sur une grande diversité de sources : artistiques évidemment, mais aussi épistolaires, judiciaires, légales, littéraires, papales et privées.
2Le premier chapitre, « Brought to Light : Digging in and around Rome », s’intéresse aux conditions matérielles de découverte des sculptures, souvent de manière fortuite, grâce à des vignerons ou à des cultivateurs. L’essor de ces pratiques entraîna certes des abus, mais aussi une volonté de régularisation avec un patto di riserva pour tout acte de construction ou de démolition à Rome. Des lois encadrèrent également les activités des fours à chaux. Ces derniers sont théoriquement exclus de la ville en 1557. Néanmoins, la législation papale ne permit pas d’éradiquer les pillages de l’Urbs et de contrôler l’ampleur des destructions. Les œuvres excavées intégraient ensuite le marché de l’art analysé dans le deuxième chapitre (« Marketing Antiquities : Marketplaces, Companies and Shops »). Ce trafic a un impact visuel fort dans la cité. Le Campo de’ Fiori et la Piazza Montanara furent des plaques tournantes du commerce d’antiquités. De multiples acteurs étaient impliqués, comme l’antiquaire Fulvio Orsini. Au-delà des parcours individuels, Barbara Furlotti insiste sur le système entrepreneurial se mettant en place avec des intermédiaires multiples, comme les partenaires Vincenzo Mantovano et Giuseppe Della Porta dans les années 1550. L’auteur étudie alors tout un écosystème allant du pilleur au grand collectionneur. Puis, l’identité, les réseaux et le rôle ambigu des antiquaires sont mis en lumière (« Acquiring Meanings, Gaining Value : Antiquarians and the Market for Antiquities »). Une étude de cas de la famille Stampa est proposée. Leurs compétences devinrent une tradition familiale. Deux générations se sont illustrées : le père tailleur constitua une collection au milieu du xvie siècle et ses deux fils furent des marchands renommés. L’auteur revient régulièrement dans l’ouvrage sur cette famille. La définition d’« antiquaire » est affinée. Certes, il y a des érudits comme Fulvio Orsini, mais ce terme désigne aussi des connaisseurs aux compétences plus techniques, comme le marchand Vincenzo Stampa. Les conséquences des restaurations sont également appréhendées, tant du point de vue de la réalisation matérielle et de la plus-value escomptée que de la réception, y compris sur le long terme avec des statues de-restored (p. 118) au xxe siècle (« From Restoration to Sale : Antiquities in Sculptors’ Workshops »). Le travail des restaurateurs répondait à un impératif esthétique qui influença longtemps les sensibilités.
3Les deux chapitres suivants, (« The Price of Collecting : Acquiring Antiquities in Sixteenth-Century Rome » et « The Other Side of the Coin : Collecting meets Illegality »), explorent les facettes de l’exploitation commerciale des antiquités, notamment les stratégies déployées pour susciter l’intérêt d’acheteurs éloignés de Rome ou encore l’art de la négociation. Barbara Furlotti en profite pour souligner le rôle essentiel d’agents comme Scipione Sadilli. La part d’ombre de ce négoce est analysée (vol d’antiquités, fraudes…). Les activités illégales furent encouragées par la négligence des autorités et par un contrôle inefficient des fouilles. Le renforcement de la législation papale en matière d’exportation d’antiquités est abordé dans le septième chapitre, « Exporting Antiquities : The Rules and the Practice », notamment à travers l’action de Paul IV en 1556 (un motu proprio pour la protection des antiquités romaines) ou par le biais des licences d’export. Toujours soucieuse de mettre en évidence des pratiques moins conformistes, l’auteure étudie des pratiques alternatives pour contourner les interdictions d’exportation. Enfin, le dernier chapitre, (« Moving Antiquities Around »), aborde les aspects logistiques du transport des antiquités et les risques encourus, allant de la casse aux tempêtes en mer, en passant par les pirates.
4L’ouvrage est richement illustré (131 figures en couleurs) et propose un carnet de sources en appendice (p. 246-270). À travers l’étude d’exemples précis, Barbara Furlotti n’offre pas seulement un énième ouvrage sur la découverte et l’engouement des grandes figures de l’époque moderne pour les antiquités. Elle met en valeur la culture matérielle et toute la complexité du tissu socio-culturel impliqué, du simple paysan trouvant une statue dans son champ aux grands collectionneurs.
Pour citer cet article
Référence papier
Cyrielle Landrea, « Barbara Furlotti, Antiquities in Motion : from Excavation Sites to Renaissance Collections », Anabases, 34 | 2021, 281-283.
Référence électronique
Cyrielle Landrea, « Barbara Furlotti, Antiquities in Motion : from Excavation Sites to Renaissance Collections », Anabases [En ligne], 34 | 2021, mis en ligne le 29 octobre 2021, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/13152 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.13152
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