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Traditions du patrimoine antique

Échos de l’Énéide chez Cendrars : présence de Virgile dans le chapitre « Gênes » de Bourlinguer

Élisabeth Buchet
p. 181-193

Résumés

On examine dans ces quelques lignes le traitement réservé à Virgile par Cendrars dans un chapitre de Bourlinguer, « Gênes ». Si la figure du poète est extrêmement présente dans le chapitre, que ce soit par l’évocation des légendes napolitaines le concernant ou par une description, surprenante par sa violence, du personnage historique, on ne trouve paradoxalement presque pas de trace de son œuvre. C’est de ce paradoxe qu’il est question ici, avec l’examen pour commencer de la manière dont Virgile apparaît, sous la forme presque monstrueuse des légendes napolitaines d’abord, et sous celle d’un poète de cour ensuite. On remarque cependant bien vite que si l’Énéide n’est pas nommée, le chapitre entier semble faire écho à cette œuvre de Virgile, mais de manière détournée et presque parodique.

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Texte intégral

  • 1 Voir Flückiger 2013, 962-963.
  • 2 Voir Leroy 1995, 191-200. Le chercheur mentionne ainsi les différentes significations du mot « Gê (...)
  • 3 Flückiger 2013, 970.
  • 4 Flückiger 2013, 967-968.

1Le chapitre « Gênes » de Bourlinguer occupe au sein de l’œuvre de Cendrars une place singulière : l’auteur, lorsqu’il est en train d’écrire en 1947 ces Mémoires parus en 1948 et « qui sont des Mémoires sans être des Mémoires », semble avoir porté une attention toute particulière à ce chapitre, sur lequel il passe plusieurs mois, à un rythme éprouvant, et dont il semble particulièrement fier1. Or, à l’image de son nom aux multiples significations2, le chapitre est empli de paradoxes et de contradictions savamment entremêlés : ainsi, dans cette œuvre dont chaque chapitre est un port, alors que le chapitre « Naples » est relativement bref, le chapitre « Gênes » se passe presque entièrement à Naples, et le port de Gênes n’est qu’une brève étape entre la traversée depuis Naples et le départ en train du narrateur pour Paris ; de façon peut-être encore plus marquée qu’ailleurs dans Bourlinguer, Cendrars y met à l’œuvre ce qu’il appelle prochronie, ce « traitement du temps libéré des carcans factuels au profit de la recherche du sens et du mythe3 ». Ce chapitre s’inscrit résolument dans la fiction, mais le frère de Cendrars, dans une lettre, peut s’attendrir sur des souvenirs communs, et remarquer qu’il ne se souvient pas de la petite Elena, camarade de jeux du narrateur tuée dans un accident de chasse, alors même que ce personnage est fictif4. Le chapitre lui-même s’ouvre sur un paradoxe : il semble mis sous l’égide de Kim de Rudyard Kipling, avec l’évocation de la « cure de Kim », méthode qui consisterait à s’enterrer, comme dans un tombeau, pour guérir ou renaître, or on ne trouve pas cette méthode sous cette forme dans l’œuvre de Kipling.

  • 5 Cette citation attribuée à Cendrars est généralement notée comme se trouvant dans le numéro de ju (...)

2À cette liste non exhaustive, j’ajouterais un autre paradoxe, auquel j’aimerais m’intéresser dans ces quelques pages : celui de la place laissée à Virgile dans ce chapitre. Le cadre principal du début du chapitre, à Naples, est le bâtiment connu comme le tombeau de Virgile, et c’est bien dans ce tombeau que le narrateur va « s’enterrer », ce qui rend le choix de l’allusion à Kim pour ouvrir le chapitre tout à fait étonnant. Plus surprenant encore, le poète et son œuvre sont étrangement absents de ce chapitre, ou plutôt, lorsque Virgile est présent, c’est sous une forme tout à fait inhabituelle. Nous nous intéresserons d’abord à Virgile lui-même : s’il apparaît, c’est sous le visage du Virgile magicien des légendes napolitaines, ou bien par le biais d’une comparaison extrêmement peu flatteuse, injurieuse même, avec Francis Jammes, et ce alors même qu’en d’autres occasions Cendrars faisait volontiers référence à l’Énéide : on lui prête par exemple une description enthousiaste de Fantômas comme « Énéide des temps modernes5 ». On s’explique mal, de prime abord, les lignes extrêmement dures à l’égard du poète augustéen, qui ont bien de quoi choquer le lecteur latiniste. Ce traitement paradoxal de la figure de Virgile est encore renforcé par la quasi-absence de son œuvre dans ce chapitre : les Géorgiques sont mentionnées, mais l’Énéide, dont on s’attendrait à ce qu’elle soit au moins nommée, n’apparaît pas explicitement. C’est cette absence trop flagrante pour ne pas être délibérée que nous étudierons dans un deuxième temps, par le biais des échos textuels que « Gênes » présente avec l’épopée latine.

  • 6 Jaton 1995.

3Commençons par examiner la façon dont Virgile lui-même est présenté dans notre chapitre. Deux figures distinctes apparaissent : le Virgile magicien des légendes napolitaines d’une part, et la figure historique dont le portrait peu flatteur est dressé en parallèle de celui de Francis Jammes. La première figure, celle de Virgile magicien, a déjà été bien étudiée, notamment par Anne-Marie Jaton, dans son article intitulé « le mythe de Naples6 », et je ne m’y attarderai pas. Bien différent de l’écrivain antique, il est un sorcier, fondateur de Naples et Pouzzoles, qui peut faire usage de magie blanche comme de magie noire. Ainsi trouve-t-on dans le texte :

  • 7 B. Cendrars, Bourlinguer, dans Œuvres autobiographiques complètes, t. II, 2013, édition de la Plé (...)

Mais pour le menu peuple napolitain, comme durant tout le Moyen Âge, Virgile, le poète, est resté un magicien et les voisins de son tombeau se plaignent des diableries qui s’y perpétuent et des visiteurs inquiétants, sorciers, mages, rebouteux, chercheurs de trésor, jeteurs de mauvais sort, noueurs d’aiguillette qu’une telle renommée y attire encore aujourd’hui7.

  • 8 Ce ne sont là que quelques exemples de l’étude très précise effectuée par A.-M. Jaton sur la faço (...)

4Anne-Marie Jaton a bien montré comment ces légendes étaient intégrées dans la structure même du chapitre, qu’elles soient mentionnées explicitement ou non par Cendrars. Nous ne citerons ici que quelques exemples significatifs : la chercheuse mentionne la légende napolitaine selon laquelle Virgile aurait fondé Naples à l’aide d’un œuf cosmique enfermé dans une bouteille et conservé dans une caverne sous le Castel dell’Ovo ; le destin de Naples serait lié à celui de cet œuf. Or celui qui raconte à Blaise enfant l’histoire du clos de Virgile et de ses deux sinistres occupants, le Marquis et le Domatore, s’appelle Pasqualé, ce qu’Anne-Marie Jaton ne manque pas de relever : le nom du paysan évoque immédiatement Pâques et ses œufs. Les deux sorciers eux-mêmes apparaissent comme des épigones du Virgile des légendes napolitaines, qui est bien souvent représenté sous les traits d’un sorcier malveillant ; ainsi que le rappelle la chercheuse, même sous des traits bienveillants, c’est avec l’aide d’esprits et de démons que le poète est censé avoir creusé le tunnel unissant Naples, Pouzzoles et Cumes ; et elle rappelle également que ce n’est sans doute pas un hasard si Cendrars finit par s’embarquer à Pouzzoles après l’échec de la cure de Kim, et qui plus est sur un bateau de Samos, alors même que Pouzzoles a été fondée par des colons originaires de Samos8. C’est ce Virgile sorcier qui prend le plus de place dans le chapitre, ce qui peut s’expliquer par le fait que la plus grande partie du chapitre se situe à Naples.

  • 9 p. 117-118 pour toute la comparaison avec Francis Jammes.

5Cependant Virgile, personnage historique, y est également assez longuement évoqué, même si c’est seulement à l’occasion d’un parallèle que dresse Cendrars entre le poète latin et Francis Jammes. Le passage intervient de manière abrupte, dans la première partie du chapitre. L’auteur vient d’évoquer la mort de sa camarade d’enfance, Elena, la découverte dans sa chambre des centaines d’escargots que la petite fille lui avait offerts, et son voyage en Sicile sous la tutelle d’un jeune Anglais porté sur la boisson. Ces souvenirs se terminent par son retour à Naples : « Quand je revins à Naples pour entrer chez le docteur Plüss, un Boche, j’avais neuf ans. J’entrais en prison. Mais ceci c’est une autre histoire, comme dirait Kipling ». Ce paragraphe est immédiatement suivi, au début de la section suivante, par le développement que Cendrars consacre à Virgile et Francis Jammes : « J’imagine volontiers que pour ses contemporains Virgile devait être une espèce de Francis Jammes9 ».

6Cette transition abrupte peut être mise en parallèle avec le premier paragraphe du chapitre, qui s’ouvre sur l’évocation de Kipling et se termine avec le nom de Virgile, associé à son tombeau.

7Ce qui frappe dans ce passage, c’est avant tout le regard singulièrement peu amène que porte Cendrars sur les deux poètes qu’il compare. Il commence son développement par ces mots :

  • 10 p. 116.

Ses rivaux, les autres poètes officiels, tous durs citoyens de la Rome païenne, devaient se moquer des prétentions bucoliques et géorgiques du premier poète latin à vouloir se faire passer sérieusement pour un Berger (avec un grand « B » ; mais son père l’était, un petit agriculteur de Pietola, près de Mantoue, au nord du Pô, sacqué par la soldatesque)10.

8Au moins Cendrars semble-t-il concéder ici les liens réels du poète avec la nature qu’il a chantée dans ses œuvres. Viennent ensuite quelques paragraphes particulièrement acerbes sur la rencontre de Cendrars et de Paquita, la jeune femme qui l’accompagne, avec Francis Jammes, un « affreux vieillard » et un « vilain monsieur » qui ne se préoccupe guère d’autrui et accepte tout comme un dû. On notera ici que si Virgile n’est pas directement évoqué, la rencontre entre Cendrars, sa compagne, et le poète a lieu alors que Francis Jammes est en train de dénicher des œufs qu’il gobe immédiatement « avec un sourire goulu et barbouillé », ce qui nous ramène aux liens qu’entretient le Virgile de la légende napolitaine avec l’œuf primordial de la cité, mêlant ainsi la figure historique à la figure légendaire, mais de façon en quelque sorte dégradée.

9Le parallèle entre les deux auteurs est ensuite explicité, et intégré dans le récit, puisqu’il est présenté comme une conversation que Cendrars a avec sa compagne en quittant Francis Jammes. Il commence par ces mots : « Vous ne connaissez pas les élégiaques. Ils ont la peau dure… » et rappelle combien le vaniteux Francis Jammes aimait à s’entendre comparer à Virgile ; il insiste sur « le manque absolu de conscience et de sensibilité d’un Civis Romanus, comme Virgile, avant tout, en était un ». Puis vient cet étonnant paragraphe, qui n’est plus adressé à Paquita mais qui vient du narrateur :

  • 11 p. 118.

Jammes et Virgile ont le butor en commun. Chez Virgile c’est l’homme éduqué, le citoyen de la cité antique, l’officiel (Virgile était le protégé non pas d’un mécène quelconque mais de Mécène lui-même aux sollicitations de qui il composa les Géorgiques pour rappeler à ses contemporains les bienfaits de l’agriculture et ranimer chez les Romains l’amour des travaux rustiques qui pacifient les âmes aigries et les esprits révoltés et les détournent de l’action politique — malgré tout le chiqué de ses thuriféraires et les appels, les trémolos du Maréchal de France à la Radio nationale, jamais Pétain n’a pu mettre la main sur un poète français assez bas pour rédiger ses manifestes et ses belles promesses du Retour à la terre — et Octavie, la sœur d’Auguste, fit donner au poète-patriote dix mille sesterces pour chaque vers d’une pièce de circonstance qui en comporte vingt-six)11.

  • 12 Voir Vian 1991, 29 : « [Cendrars] n’évoque pas l’histoire officielle du poète qui somnole dans le (...)

10Le paragraphe n’épargne pas non plus Francis Jammes, qui est cependant expédié plus rapidement, appelé « l’ange-Ersatz à la porte de l’Église, l’Académicien refoulé, le petit-bourgeois sans standing de vie à la campagne ». Le passage surprend par sa dureté, presque sa violence, notamment dans l’équivalence qu’il semble établir entre Virgile et un poète à la botte de Vichy, poète qui n’a d’ailleurs jamais existé car personne n’était « assez bas » ; car c’est bien ce caractère officiel qui semble ici être reproché à Virgile par Cendrars, qui à aucun moment ne critique la poésie de Virgile en tant que telle. Le paragraphe se conclut en effet sur la phrase suivante : « Ce qui n’enlève ni n’ajoute rien à leur poésie ». À la suite de cela, Cendrars apporte une précision, une clé de lecture possible de ce paragraphe. Il écrit : « Mais j’aime toucher l’homme, moi ». Cela pourrait laisser entendre que ce passage surprenant reflèterait la volonté de Cendrars de faire du poète un personnage propre à prendre place dans la galerie de portraits hauts en couleurs que propose Bourlinguer à ses lecteurs ; l’expression employée un peu plus bas pour rajouter quelques traits au portrait de ce personnage ne laisse pas de doute sur les intentions de l’auteur, qui n’est bien sûr pas dupe de ce qu’il fait : « Donc, j’aime à croire » ; de la même manière que la figure de Virgile, « berger fabriqué pour la postérité », est transformée par Dante en guide mystique et par le peuple de Naples en sorcier, Cendrars se l’approprie et, prétendant « toucher l’homme », crée par la même occasion cette nouvelle figure d’un Virgile propre à s’inscrire dans un chapitre de Bourlinguer12. Le Virgile officiel, rebattu, n’y a pas sa place, et c’est peut-être une explication de ce violent rejet d’une figure de Virgile poète officiel du régime augustéen.

11Cependant, une autre explication pourrait exister, et elle pourrait se trouver dans le sort que fait « Gênes » à l’œuvre de Virgile. Deux points en effet doivent nous surprendre dans la charge de Cendrars contre le poète : tout d’abord, en introduisant sa sortie sur Virgile et Jammes par « Vous ne connaissez pas les élégiaques. Ils ont la peau dure », il semble bien que l’auteur range Virgile dans cette catégorie, ce que, précisément, il n’est pas : les Géorgiques sont, on le rappelle, un poème didactique, et ce qui est reproché à Virgile par la suite, c’est de jouer au berger. Le terme « bucoliques » serait donc ici plus approprié, et cela doit alerter le lecteur. D’autre part, les reproches faits à Virgile sont faits à un poète auteur de Géorgiques qui rappellent la logorrhée vichyste sur le retour à la terre. Mais alors même que Virgile est attaqué pour ses liens avec le régime augustéen, il n’est pas question de l’Énéide, ce qui est pour le moins étrange.

  • 13 Voir Vian 1991 31-32 ; voir aussi en 41-44 son étude précise de la façon dont les citations de Ca (...)

12On l’a dit en introduction, cette absence est étonnante, et l’Énéide paraît trop délibérément ignorée dans Gênes pour que ce ne soit pas à dessein. Son absence est d’autant plus surprenante que le chapitre foisonne de citations, de références, de réécritures, qu’il s’agisse de Kipling, de Jean Cassien, ou de Nerval13. Et, de fait, si elle n’est pas mentionnée explicitement, il me semble que ce chapitre renvoie par un certain nombre d’aspects à cette Énéide qu’il omet soigneusement de nommer. J’en distinguerai quatre : le thème de la catabase, pour commencer, peut-être le plus évident, sur lequel s’ouvre le chapitre ; l’errance en mer ensuite ; la présence tout au long du chapitre de la fameuse épine d’Ispahan, que transporte avec lui le narrateur en fuite ; et enfin, de manière complètement inversée, la pietas, vertu au cœur de l’Énéide et du personnage d’Énée, qui est mise sens dessus dessous dans « Gênes », où il va s’agir de tuer le père, de toutes les manières possibles.

  • 14 Virg., Aen., VI, 273-289.

13Commençons donc par la descente aux Enfers, sur laquelle s’ouvre le chapitre. Cendrars est en fuite, portant avec lui une épine d’Ispahan, dont la tige creuse contient de précieuses perles de contrebande. Cherchant à imiter Kim dans le roman éponyme de Kipling, Cendrars s’enfouit dans un trou dans l’enceinte du tombeau de Virgile pendant huit jours, espérant y trouver une renaissance ou en tout cas, comme Énée dans sa catabase, une indication sur ce qu’il doit désormais faire. Cependant, là où Énée trouve dans ce voyage des réponses, et une claire vision du futur, la descente au tombeau du narrateur ne lui apporte que crampes et insomnies, et si Énée peut contempler le glorieux destin de Rome, Blaise, lui, est inexorablement ramené aux souvenirs qui le lient à cet endroit, en particulier la mort de sa camarade de jeux Elena, tuée par un chasseur dans l’enceinte du tombeau de Virgile. Ainsi la catabase du narrateur de Gênes échoue-t-elle, et ce « paradis de [son] enfance » se transforme-t-il en Enfer : « Ou la cure de Kim est de la foutaise ou je n’ai pas l’esprit sain, et l’imitation du tombeau est l’Enfer ». L’état d’esprit du narrateur est détaillé dans un paragraphe résolument scatologique qui n’est pas sans rappeler par certains aspects la description du vestibule des Enfers que l’on peut trouver au livre VI de l’Énéide. Virgile y énumère en effet les maux qui affligent l’humanité et hantent ce vestibule14 : Pleurs, Soucis, Maladies, Vieillesse, Crainte, Faim, Indigence, Trépas, Peine, Sommeil « frère du Trépas », Joies malsaines de l’esprit, Guerre, Euménides, Discorde, Songes vains… Cette énumération est immédiatement suivie d’une liste des monstres qui occupent également les lieux. Cendrars, de son côté, juste après avoir reconnu l’inefficacité de la cure de Kim, applique au Néant un certain nombre d’épithètes, sous la forme également d’une énumération : 

  • 15 p. 89.

Dans quel vertige ne tombe pas l’esprit qui se complaît au spectacle de sa propre chute, ô Néant, bouche de l’anus, rose des acarus, fleur écarlate des boyaux et des intestins, grouillantes hémorroïdes, boucles, nœuds, serpentins, vermicelles, sanglant macaroni, sauce tomate, vomissure par le bas, serpent qui se mord la queue, s’avale, s’aspire, se vide, se remplit le ventre de vent, s’enfle, souffle, s’essouffle, cornemuse, cacade refoulée, zéro, zéro !15

  • 16 « Dieux souverains de l’empire des âmes, ombres silencieuses, Chaos, Phlégéthon, lieux illimités, (...)
  • 17 Voir Amiri 2004. 141-148.

14On note en premier lieu que la forme, une énumération destinée à provoquer l’horreur, est la même. Plusieurs détails créent également un effet d’écho entre les deux textes. Le paragraphe de Cendrars s’ouvre sur une invocation au Néant ; la description des Enfers chez Virgile commence également par une invocation, en VI, 264-265 : Di, quibus imperium est animarum, umbraeque silentes, / et Chaos, et Phlegethon, loca nocte tacentia late16. A priori, en dehors de la forme, rien de commun entre ces deux passages. On note cependant que le Chaos est invoqué par Virgile, en même temps que le fleuve Phlégéthon et les espaces silencieux des Enfers, des lieux, donc. Or on se rappelle que le Chaos, dans l’imaginaire antique, se confondait avec les Enfers mais pouvait également désigner l’espace vide infini qu’occupaient les Enfers17 ; il rejoindrait ici le Néant invoqué par Cendrars.

  • 18 Virg., Aen., VI, 280-281 : Discordia demens, uipereum crinem uittis innexa cruentis (« la Discord (...)
  • 19 Virg., Aen., VI, 296-297 : Turbidus hic eno uastaque uoragine gurges / aestuat, atque omnem Cocyt (...)

15La façon dont Cendrars évoque ensuite le grouillement des intestins est tout aussi intéressante : la métaphore ici est celle d’un « serpent qui se mord la queue », que l’on peut retrouver dans les termes « grouillantes », « serpentins », ou encore « vermicelles ». Ce champ lexical du serpent se trouve dans le passage de Virgile avec l’évocation de la Discorde avec sa « chevelure de vipères », et de l’hydre de Lerne avec ses sifflements18. Enfin, un peu plus loin dans le texte virgilien, le « gouffre mêlé de fange » qui « vomit son sable » n’est pas sans rappeler la « vomissure par le bas » que l’on trouve dans ce passage de Bourlinguer19.

16Le voyage aux Enfers d’Énée ne s’arrête pas là, on le sait, et se termine par la contemplation de la gloire future de Rome. Pour Cendrars, dans ce passage, les Enfers laissent la place à l’enfer, les évocations mythologiques aux évocations scatologiques, et cette catabase est brutalement interrompue par l’exclamation « zéro, zéro ! », qui retire toute efficacité à la tentative de descente aux Enfers du narrateur : si l’enfouissement dans le tombeau de Virgile se rapproche donc bien de la catabase d’Énée, elle finit par n’en être qu’un reflet inversé, sans aucune efficacité. La gloire de Rome du texte virgilien est remplacée par le « zéro, zéro ! » de « Gênes ».

  • 20 « Il était ignoble », p. 152 ; « Il était une fois de plus ignoble », p. 157.
  • 21 Donat, Vit. Verg., 38 : cetera sane uita et ore et animo tam probum constat, ut Neapoli ‘Partheni (...)

17Deuxième élément rapprochant « Gênes » de l’Énéide, l’errance en mer. La simple présence d’un voyage maritime serait insuffisante pour établir un écho avec l’épopée, si ce parallèle n’était encore renforcé par plusieurs éléments, et notamment le fait que c’est sur un navire grec que le narrateur remonte la côte de l’Italie de Pouzzoles à Gênes. Le chapitre insiste sur ce paradoxe, le mettant ainsi en valeur : le narrateur s’étonne auprès du patron du navire, Papadakis, que quelqu’un essaye de faire de la contrebande de vin de Samos, tout fameux soit-il, en Italie où les bons vins ne manquent pas. Mais là encore, le thème de l’errance en mer est perverti : on sait que le bateau doit arriver à Gênes, mais il n’y a guère d’enjeu dans ce débarquement, si ce n’est que le narrateur souhaite échapper à la vindicte de Papadakis, le patron du navire, dont il prévoit qu’il va lui faire un mauvais coup ; et les compagnons du narrateur dans ce voyage sont bien loin de figures héroïques : le Bulgare qui sert de matelot est à plusieurs reprises appelé « ignoble20 » ; c’est un ivrogne violent aux postures répugnantes ; Papadakis apparaît comme vénal, peu digne de confiance, et abuse de son neveu qui joue sur le bateau le rôle de mousse. Le personnage du mousse est, avec la contemplation de la mer, ce qui empêche cette errance d’être entièrement abjecte ; décrit d’emblée comme remarquablement beau, il a une présence lumineuse et s’attache au narrateur qui passe le voyage à le faire rire et à le distraire. La façon dont le narrateur s’adresse à lui est intéressante : il l’appelle « mademoiselle » tout au long du voyage. Cela rappelle les caractéristiques féminines du personnage, et on peut aussi noter qu’en argot maritime, c’est une des appellations traditionnellement réservées aux jeunes élèves officiers. Cependant, il me semble également intéressant de rappeler que d’après des commentateurs tardifs, Virgile était surnommé Parthenias, jeune fille, par les habitants de Naples21. Par ce surnom de « mademoiselle », le mousse pourrait donc ainsi convoquer, encore une fois, la figure de Virgile. À ce titre, il est révélateur qu’il refuse de suivre le narrateur et le Bulgare quand ces derniers désertent à Gênes. Sa dernière apparition dans le chapitre le voit en larmes, étreignant le mât, tandis que le narrateur le salue avec son épine en lui lançant un dernier « Kallinecta, mademoiselle ! » De la même manière que Blaise abandonne le mousse, Cendrars laisse l’Énéide derrière lui en écrivant ce chapitre.

  • 22 p. 149.
  • 23 p. 147.
  • 24 Voir Dubourdieu 1989, 458-460.
  • 25 p. 218.
  • 26 p. 217.

18L’épine d’Ispahan avec laquelle le narrateur adresse au mousse un signe d’adieu pourrait aussi nous renvoyer à l’Énéide. Cette épine est à l’origine de tout le chapitre. Dans la badine évidée se trouvent trois perles de contrebande d’une grande valeur, qui sont à l’origine de la dispute entre le narrateur et son ancien patron Rogovine, et de sa fuite jusqu’en Italie. Elle est ce qui fait l’unité du chapitre, et à plusieurs reprises on insiste sur le fait que le narrateur ne veut pas s’en séparer. Ainsi déclare-t-il à Papadakis : « mets-toi bien en tête que je n’échangerais pas ma badine contre ta barque et sa cargaison »22. Au vu des autres allusions à l’Énéide que l’on peut trouver dans ce chapitre, il est tentant de voir dans cette épine d’Ispahan que le narrateur ne quitte pas de l’Iran à Gênes une image des Pénates qu’Énée transporte de Troie jusqu’en Italie. L’épine a en effet un caractère résolument phallique : « Avec mon épine d’Ispahan je trace distraitement des signes sur le sable, des demi-cercles, des quarts de cercle, les parois d’un vagin, un trait perpendiculaire et alors je fore un trou avec ma badine, un petit entonnoir qui s’évase et que j’écrase d’un coup de talon »23. Or cette caractéristique de l’épine peut rappeler que parmi les sacra conservés à Rome par les Vestales, dont le Palladium apporté de Troie, se trouvait sans doute une figure de phallus24. Mais là encore, l’image de l’objet sacré est détournée par Cendrars. À la fin de sa traversée, les perles ne servent pas à une refondation, à l’accomplissement d’un destin, mais le narrateur en vend une pour payer son séjour à Gênes et offre les deux autres, montées en boucles d’oreilles, à une violoniste de cabaret, une toute jeune femme qu’il surnomme la « môme fil de fer », parce qu’elle lui rappelle une cousine anglaise morte de la tuberculose, et du nom de laquelle il n’arrive pas à se souvenir. Après avoir précieusement transporté son épine et le trésor qui s’y trouvait pendant tout le chapitre, le narrateur part pour Paris sans un sou en poche : « Ce n’est pas encore cette fois-ci que j’allais conquérir Paris »25. Il a cette réflexion : « J’avais joué jusqu’à mon sleeping, et mon épine d’Ispahan, qui ne contenait plus rien, était réellement une épine creuse, et mes poches étaient vides, comme mon cœur, comme ma tête… »26 Le chapitre peut donc encore une fois apparaître comme une anti-Énéide. L’objet précieux que Blaise emportait avec lui n’est pas là pour permettre l’accomplissement d’un destin exceptionnel ; il ne fait que fournir l’occasion de l’errance du narrateur, et se voit réduit à rien avec la fin du chapitre.

19Enfin, un dernier élément me paraît tout à fait intéressant, car le renversement des thèmes de l’Énéide y est peut-être le plus flagrant : le chapitre est marqué par le rejet du père. Claude Leroy, dans le chapitre que nous avons cité plus haut, a bien montré que ce « Gênes » est habité par des figures de père dont le narrateur doit se défaire : il fuit Rogovine qui souhaitait faire de lui son gendre, et il doit fuir Papadakis dont le nom est révélateur. Le père du narrateur lui-même n’est pas épargné. Ainsi lit-on dès les premières pages du chapitre :

  • 27 p. 77.

je riais d’aussi bien singer un père noble et j’allais portant mon épine d’Ispahan devant moi, et je riais, et je maudissais mon père d’avoir eu le premier l’idée de transformer ce coteau agreste, l’un des mieux exposés au monde…27

  • 28 p. 78.
  • 29 Tena 1991 71 : « Dans Gênes, tuer le lépreux de la Calade revient donc à tuer un père (littéraire (...)
  • 30 p. 87-88.

20Et, un peu plus loin : « Or, qui maudit son père est un démon », suivi d’un long développement sur le sujet, citations de Jean Cassien à l’appui28. Or l’image la plus fameuse que l’on a d’Énée fuyant Troie est avant tout une image de piété filiale. Là où le Pius Aeneas portait son père sur le dos pour s’enfuir de Troie, il semble bien que notre narrateur se débarrasse de toutes les figures paternelles dans la fuite qu’il relate dans ce chapitre. En ce sens, la disparition de l’œuvre de Virgile et l’effacement de la figure littéraire et historique du poète latin derrière les avatars qu’on lui trouve dans « Gênes » pourrait être lue comme une marque supplémentaire de cette volonté d’échapper au père, fût-il père en littérature. Ce ne serait pas un phénomène exceptionnel dans ce chapitre, qui applique le même traitement à d’autres auteurs, quoique de manière plus explicite. On a vu que les reprises de Jean Cassien ou Kipling étaient déformées et recomposées ; on peut aussi, à la suite de Liliane Tena, considérer que le mendiant lépreux qui terrifie le narrateur enfant et qu’il tente d’assassiner est également une figure d’un père littéraire qu’il faut tuer, en l’occurrence celle de Rémy de Gourmont, décrit par Cendrars dans « Paris Port de Mer »comme lépreux, et comparé précisément avec ce mendiant lépreux de Naples29. Or il me semble bien que c’est à un phénomène semblable qu’on assiste avec ces échos inversés de l’Énéide. Deux passages en particulier pourraient venir aiguiller le lecteur dans cette direction : le premier serait le récit des tribulations du lieu-dit « Tombeau de Virgile » dans lequel le narrateur va s’enfouir30. Ce lieu, prétendument chargé d’histoire, bardé de certificats historiques et archéologiques, est sans cesse vendu et revendu, toujours à un prix plus élevé, et n’est en fait qu’une escroquerie ; la garantie historique et littéraire ne cherche qu’à attirer les acheteurs et à leur soutirer un prix bien supérieur à la valeur réelle de la propriété. Le deuxième passage se trouve au début du chapitre, au moment où le narrateur maudit son père :

  • 31 p. 77.

Je maudissais mon père d’avoir eu le premier l’idée de transformer ce coteau agreste, l’un des mieux exposés du monde et des plus humains et des plus beaux, un site célèbre depuis l’Antiquité, en un mesquin lotissement moderne, resserré, clôturé par des barbelés, ceint de hauts murs, délimité, empaqueté, mis en prison31.

  • 32 Vian 1991 32 : « Qu’est-ce qui sépare Cendrars avec sa boulimie de lectures, ses paraphrases de K (...)

21On peut s’interroger sur la formulation de ce paragraphe, et en particulier les mots « en premier ». Ils peuvent désigner le fait que d’autres personnes, à la suite du père du narrateur, ont transformé ce lieu en lotissement. Mais ils peuvent aussi signifier que quelqu’un d’autre a changé « un site célèbre depuis l’Antiquité » à la suite du père, qui est maudit pour ce qu’il en a fait, et non parce qu’il l’a transformé. Pourrait-on voir dans ce site et ses environs une image de l’œuvre de Virgile? Et effectivement, il s’agit pour ce chapitre de tuer le père, en présentant une sorte d’anti-Énéide; mais il s’agit de le faire différemment du père du narrateur: un « site célèbre » depuis l’Antiquité, comme l’est l’Énéide, ne peut rester « resserré, clôturé par des barbelés, ceint de hauts murs, délimité, empaqueté, mis en prison »; enterré avec le narrateur dans le tombeau de Virgile, il renaît dans le texte de Cendrars en une sorte d’écho inversé. Avec l’Énéide, Cendrars se comporte bien comme le « joueur de textes » décrit par Jean-Claude Vian, jonglant avec les références, les ré-agençant, pour, en quelque sorte, renaître littérairement32.

  • 33 Voir Vian 1991 36 : « Kipling, Cassien, Nerval participent à ce mouvement de subversion. Ils se d (...)

22Il me semble donc que dans ce chapitre, l’œuvre de Virgile est effectivement bien plus présente que Cendrars ne souhaite le montrer explicitement, et qu’on pourrait y lire une sorte d’anti-Énéide, camouflée dans la structure du chapitre comme les perles dans l’épine d’Ispahan, enfouie en quelque sorte dans le texte cendrarsien comme le narrateur de Gênes dans le tombeau de Virgile. Comme avec Kipling, Jean Cassien, ou Nerval, il s’agit pour l’auteur non pas de s’enterrer avec des textes qui resteraient morts, immobiles, mais bien de les faire renaître dans le chapitre33; dans le cas de Virgile, cela prend la forme de l’écho inversé que l’on a cru pouvoir déceler dans « Gênes ».

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Bibliographie

Bibliographie

Amiri 2004 : Amiri Bassir, Chaos dans l’imaginaire antique de Varron à l’époque augustinienne: étude sémantique et herméneutique, Nancy, De Boccard.

Brugnoli-Stok 1997 : Brugnoli, Giorgio, Stok, Fabio, Vitae Virgilianae Antiquae, Rome, Typis Officinae Polygraphicae.

Dubourdieu 1989 : Dubourdieu Annie, Les origines et le développement du culte des Pénates à Rome, Rome, École Française de Rome.

Flückiger 2013 : Flückiger Jean-Carlo, « Notice à Bourlinguer » dans Blaise Cendrars, Œuvres autobiographiques complètes, t. II, Paris, La Pléiade.

Jaton 1995 : Jaton Anne-Marie, « Le mythe de Naples », in C. Leroy et J.-C. Flückiger (dir.), Cendrars. Le bourlingueur des deux rives, Paris, Armand Colin, 213-222.

Leroy 1995 : Leroy Claude, La main de Cendrars, Villeneuve d’Ascq, Presses univer­sitaires du Septentrion.

Stok 2017 : Stok, Fabio,Why Was Virgil Called ‘Parthenias’?”, Giornale Italiano di Filologia 69, 157–70.

Tena 1991 : Tena Liliane, « Monstres et Merveilles de Gênes », in C. Leroy (dir.), Bourlinguer à Méréville, Paris, Lettres Modernes, 69-87.

Vian 1991 : Vian Jean-Claude, « La Démonologie dans l’écriture de Bourlinguer », in C. Leroy (dir.), Bourlinguer à Méréville, Paris, Lettres Modernes, 27-44.

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Notes

1 Voir Flückiger 2013, 962-963.

2 Voir Leroy 1995, 191-200. Le chercheur mentionne ainsi les différentes significations du mot « Gênes » en français, la proximité avec la Géhenne, dans un chapitre où il est souvent question d’Enfer, ou encore, et surtout, l’influence de Nerval, dont les initiales GN lui semblent pouvoir être retrouvées dans « Gênes ». Cendrars écrit d’ailleurs en note :

« Qu’il me soit permis de citer encore une strophe qui, avec d’autres vers épars dans les Chimères, est une des clés secrètes du présent récit :

Dans la nuit du tombeau, toi qui m’as consolé,

Rends moi le Pausilippe et la mer d’Italie,

La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé,

Et la treille où le pampre à la rose s’allie

(El Desdichado, str. II, v. 5 à 8). »

3 Flückiger 2013, 970.

4 Flückiger 2013, 967-968.

5 Cette citation attribuée à Cendrars est généralement notée comme se trouvant dans le numéro de juin 1914 des Soirées de Paris, dans lequel Cendrars consacre un poème à Fantomas, p. 336 et 339. Cependant, c’est Homère qui est cité dans ce poème : « Mais tout ce qui est machinerie mise en scène changement de décor etc etc / est directement plagié de Homère, ce Châtelet »

6 Jaton 1995.

7 B. Cendrars, Bourlinguer, dans Œuvres autobiographiques complètes, t. II, 2013, édition de la Pléiade sous la direction de J.-C. Flückiger, p. 119. Les numéros de pages renvoient à cette édition.

8 Ce ne sont là que quelques exemples de l’étude très précise effectuée par A.-M. Jaton sur la façon dont les légendes napolitaines conditionnent profondément la forme et le contenu du chapitre.

9 p. 117-118 pour toute la comparaison avec Francis Jammes.

10 p. 116.

11 p. 118.

12 Voir Vian 1991, 29 : « [Cendrars] n’évoque pas l’histoire officielle du poète qui somnole dans les livres, mais les histoires souterraines qui prolifèrent dans la tradition orale. »

13 Voir Vian 1991 31-32 ; voir aussi en 41-44 son étude précise de la façon dont les citations de Cassien ont été recomposées et recollées dans « Gênes ».

14 Virg., Aen., VI, 273-289.

15 p. 89.

16 « Dieux souverains de l’empire des âmes, ombres silencieuses, Chaos, Phlégéthon, lieux illimités, sans voix dans la nuit ». Sauf indication contraire, toutes les traductions de l’Énéide sont tirées l’édition des Belles Lettres, Paris, 1978, et sont dues à Jacques Perret.

17 Voir Amiri 2004. 141-148.

18 Virg., Aen., VI, 280-281 : Discordia demens, uipereum crinem uittis innexa cruentis (« la Discorde en délire, sa chevelure de vipères nouée de bandeaux sanglants ») et 287-288 : belua Lernae, horrendum stridens (« la bête de Lerne sifflant affreusement »).

19 Virg., Aen., VI, 296-297 : Turbidus hic eno uastaque uoragine gurges / aestuat, atque omnem Cocyto eructat harenam. La traduction des Belles Lettres est : « Gouffre mêlé de fange, en un immense tournoiement il bout et rejette en hoquetant tout son sable dans le Cocyte ». Le terme latin traduit par « rejette en hoquetant », eructat, est fort, et désigne véritablement l’action de vomir.

20 « Il était ignoble », p. 152 ; « Il était une fois de plus ignoble », p. 157.

21 Donat, Vit. Verg., 38 : cetera sane uita et ore et animo tam probum constat, ut Neapoli ‘Parthenias’ uulgo appellatus sit (l’édition utilisée est celle de Brugnoli-Stok 1997, 9). Sur ce surnom voir Enciclopedia Virgiliana, III, s.v. Parthenias ; Stok 2017.

22 p. 149.

23 p. 147.

24 Voir Dubourdieu 1989, 458-460.

25 p. 218.

26 p. 217.

27 p. 77.

28 p. 78.

29 Tena 1991 71 : « Dans Gênes, tuer le lépreux de la Calade revient donc à tuer un père (littéraire) ».

30 p. 87-88.

31 p. 77.

32 Vian 1991 32 : « Qu’est-ce qui sépare Cendrars avec sa boulimie de lectures, ses paraphrases de Kipling, de Nerval, ses citations et ses plagiats, d’un simple détrousseur de textes (…) ? Le problème de l’identité de l’écrivain est ainsi posé. Pour y répondre, on pourrait présenter Cendrars comme un joueur de textes ».

33 Voir Vian 1991 36 : « Kipling, Cassien, Nerval participent à ce mouvement de subversion. Ils se désaccordent à la lecture, c’est-à-dire qu’ils s’accordent autrement qu’ils ne l’étaient à l’origine, devenant des miroirs en anamorphose du texte cendrarsien ». Il me semble que cette analyse pourrait aussi être appliquée à Virgile, et en particulier à l’Énéide.

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Pour citer cet article

Référence papier

Élisabeth Buchet, « Échos de l’Énéide chez Cendrars : présence de Virgile dans le chapitre « Gênes » de Bourlinguer »Anabases, 34 | 2021, 181-193.

Référence électronique

Élisabeth Buchet, « Échos de l’Énéide chez Cendrars : présence de Virgile dans le chapitre « Gênes » de Bourlinguer »Anabases [En ligne], 34 | 2021, mis en ligne le 29 octobre 2023, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/12879 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.12879

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Auteur

Élisabeth Buchet

UFR de Latin, Université Paris-Sorbonne
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elisabeth.buchet@sorbonne-universite.fr

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