Lisa Maurice, Screening divinity
Lisa Maurice, Screening divinity, Edinburgh, Edinburgh University Press, 2019, 228 p., £ 75.00 / ISBN 9781474425735
Texte intégral
1La très prolifique série de publications « Screening Antiquity », publiée chez Edinburgh University Press, a accueilli en juin 2019 la monographie de Lisa Maurice, professeure et spécialiste de la réception de l’Antiquité de l’Université Bar-Ilan (Israël), Screening Divinity. Il s’agit d’un ouvrage s’intéressant à la représentation du divin à l’écran, que ce soit dans les traditions gréco-romaine ou judéo-chrétienne. Cette démarche est plutôt novatrice car elle a été peu abordée dans son ensemble, à la faveur d’articles publiés de manière hétérogènes sur tel film ou tel sujet historique ou mythologique.
2L’ouvrage de 200 pages est divisé en huit parties mais, de manière assez dommageable, ne propose que 16 images, certaines d’assez mauvaise qualité en noir et blanc. La première partie, introductive, pose le débat historiographique, la problématique et la méthodologie de l’auteure et les limites de l’étude : absence des films muets et sur l’Islam et une concentration sur les productions américaines et anglaises.
3La deuxième partie s’intéresse au concept d’anthropomorphisme à l’écran, presque obligatoire pour un art visuel, bien que les entités divines puissent prendre d’autres formes. Qu’elle soit celle des monothéistes ou des polythéistes, la puissance divine est toujours représentée de la même façon, selon des canons littéraires et artistiques antérieurs à la production envisagée. Divers éléments sont pris en compte dont celui du personnage de Jésus, souvent représenté à l’occidentale (blond, yeux bleus) ou la nature patriarcale d’un Zeus ou Dieu vieux, à la barbe blanche.
4Les chapitres 3 et 4 abordent justement les caractéristiques physiques du Divin, Zeus et Hadès d’abord et leurs « référents ». Dans leur représentation au cinéma, il existe donc un fossé entre Dieu/Zeus et Hadès/Satan, avec çà-et-là les choix ambitieux des scénaristes comme dans le film Bruce Tout Puissant ou dans la série Troy : Fall of a City, ayant irrité les puritains : en effet, dans ces deux cas, la divinité n’est plus représentée par la sacro-sainte carnation blanche. Une étude par dieu grec est ensuite développée, souvent issue du même échantillonnage de films (Clash of Titans, son remake et sa suite ; Immortals, Percy Jackson…). Sans surprise, Zeus et son frère des Enfers exceptés, les autres Olympiens intéressent peu et lorsqu’ils sont présents à l’écran, ils sont standardisés. On regrettera que ces chapitres ne soient qu’une succession de descriptions, et que l’analyse conclusive soit peu développée.
5Les chapitres 5 et 6 suivent la logique des deux précédents en présentant les représentations féminines. Du côté grec et romain, les déesses les plus présentes à l’écran (Athéna, Héra, Aphrodite et dans une moindre mesure Artémis) sont créées à l’image des actrices, souvent iconiques, qui les incarnent. L. Maurice démontre parfaitement que, à l’écran, les mouvements féministes et les prises de conscience en matière de gender roles ne suffisent pas encore pour présenter la déesse antique autrement. Du côté judéo-chrétien, l’auteure fait appel à la Vierge Marie et à Marie-Madeleine. S’il est possible d’associer la première au monde divin, il semble plus difficile de le faire pour la seconde. Malgré tout, c’est par ces deux personnages que l’on constate le mieux un changement du rôle de la femme dans notre société, grâce à une relecture plus moderne de la femme que ce n’est le cas pour les divinités polythéistes.
6Le chapitre 7 présente les différentes formes de communication à l’œuvre entre le divin et les mortels : miracles, théophanies, épiphanies, prophéties, prières et divinations. Elles définissent, par essence, le degré de « visibilité » des divinités à l’écran mais aussi entre les personnages.
7Le dernier chapitre s’articule autour de deux façons de brouiller les pistes entre les mortels et les dieux, l’Apothéose et le déicide, depuis Hercule jusqu’à Jésus. D’une certaine façon, il est presque question ici pour L. Maurice de démontrer que les scénaristes (donc inconsciemment les spectateurs) cherchent à faire prévaloir l’humain/le mortel sur le divin/l’immortel, bien que le premier soit destiné à mourir et renaître alors que le second semble immortel par nature mais peut finalement mourir par la main de l’Être Humain.
8La conclusion de l’ouvrage aurait mérité d’être présentée en introduction tant elle revient sur la production des péplums dans le temps. L’ouverture faite sur la série The Handmaid’s Tale permet de réactualiser la question de la religion à l’écran et les rapports qu’entretiennent mortels et divinité.
9Des films qui ne sont pas des péplums sont convoqués tout au long de l’ouvrage, ce qui est fort agréable. On pourra regretter quelques oublis ou approximations, qui n’enlèvent rien à la qualité de la réflexion, mais qui auraient pu contribuer à enrichir l’analyse. Dans une recension récente de son ouvrage, il était reproché à L. Maurice de ne pas parler d’Arès dans Wrath of the Titans (2012), qui a vu dans ce film son plus grand rôle ; il aurait été aussi intéressant de l’envisager, par exemple, dans l’adaptation cinématographique de Wonder Woman (Pattty Jenkins) en 2017, dans laquelle ce dieu est interprété par David Thewlis, le Remus Lupin des films Harry Potter. La lecture de l’ouvrage de L. Maurice est donc à recommander comme point de départ à de nouveaux développements sur la représentation du divin à l’écran.
Pour citer cet article
Référence papier
Mathieu Scapin, « Lisa Maurice, Screening divinity », Anabases, 33 | 2021, 287-288.
Référence électronique
Mathieu Scapin, « Lisa Maurice, Screening divinity », Anabases [En ligne], 33 | 2021, mis en ligne le 10 avril 2021, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/12273 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.12273
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