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Comptes rendus

Marco Cavalieri, Olivier Latteur (dir.), Antiquitates et Lumières. Étude et réception de l’Antiquité romaine au Siècle des Lumières

Arnaud Saura-Ziegelmeyer
p. 279-281
Référence(s) :

Marco Cavalieri, Olivier Latteur (dir.), Antiquitates et Lumières. Étude et réception de l’Antiquité romaine au Siècle des Lumières, Louvain, Presses universitaires de Louvain, 2019, 342 p., 29,50 € / ISBN 9782875588241

Texte intégral

1Après une courte préface de G. Montègre portant sur la place de l’Antiquité dans les débats et réflexions du Siècle des Lumières, M. Cavalieri et O. Latteur introduisent cet ouvrage qui fait suite au colloque de Louvain-la-Neuve du 6 octobre 2017. L’objectif est d’illustrer les différentes tendances intellectuelles visibles chez les antiquaires des Lumières en interrogeant leur interprétation et réappropriation de l’Antiquité romaine et plus globalement leur rapport au passé comme à leur époque. L’ouvrage est construit suivant cinq axes.

2Le premier porte sur la relecture et l’édition des sources anciennes au Siècle des Lumières. I. G. Mastrorosa s’intéresse à la méthode de Louis de Beaufort, un des premiers érudits à pointer le manque de fiabilité de l’histoire romaine. L’auteure montre que l’historiographe questionne la tradition littéraire par l’analyse d’invraisemblances et omissions, conjecturant que ces écrits servent en partie les propagandes familiales. E. Famerie présente ensuite différents traducteurs français des Lumières et interroge leurs motivations à traduire Végèce et son abrégé d’art militaire. Il identifie d’abord le désir de mieux comprendre l’art militaire romain, puis celui de mettre en pratique ses enseignements.

3La deuxième partie traite du rapport entre le pouvoir officiel et les réseaux intellectuels d’académies et d’antiquaires. Ch. Grell revient ainsi sur les conséquences des découvertes vésuviennes sur les intellectuels européens. Elle identifie ainsi trois périodes allant des premières fouilles très protégées aux premières publications et controverses autour des vestiges archéologiques, et jusqu’à l’arrivée du Vésuve et de ses éruptions comme nouveau sujet de préoccupation. M. Cavalieri met en évidence le même intérêt du Duché de Parme pour les découvertes, notamment de Veleia, mais montre qu’au-delà des enjeux culturels et esthétiques, ces dernières sont avant tout utilisées par l’État pour mettre en valeur son prestige. L’excellence de la recherche, la stratégie de publication et les fondations institutionnelles servent surtout les intérêts de la monarchie. O. Latteur concentre son étude sur l’ouvrage de Pierre-Joseph Heylen à propos des monuments archéologiques romains de Belgique. À travers une analyse structurelle de cette dissertatio, il révèle le contexte intellectuel de l’époque et le fonctionnement des réseaux intellectuels et institutionnels.

4Un troisième volet offre différents exemples de travaux d’antiquaires locaux. V. Krings et B. Pilot abordent cette thématique sous l’angle de la correspon­dance autour de Jean-François Séguier et Anne-Marie d’Aignan d’Orbessan. Après avoir dressé leurs biographies respectives, ils interrogent l’origine et les mécanismes liés à leur intérêt pour l’Antiquité qui diffère, sur le plan du référencement des antiquités comme dans leurs relations aux réseaux de l’époque. H. González Bordas propose une étude des productions de Francisco Ximenez portant sur l’épigraphie latine d’Afrique. Il relève chez l’antiquaire des caractéristiques et méthodes spécifiques, notamment l’esprit de collaboration et le souci d’exhaustivité, à l’écart des cercles de l’époque. V. Beirnaert-Mary présente enfin le cas de Jean-Baptiste Lambiez autour de Bagacum Nerviorum. Revenant sur sa formation et ses méthodes, elle présente notamment ses publications et ses fouilles, et notamment son ambition de protection et de conservation vis-à-vis des antiquités qu’il rencontre.

5Un quatrième axe aborde la réception spécifique des cultes isiaques à travers deux articles. Le premier, offert par A. Guédon, analyse la présence des trouvailles isiaques impériales dans le Recueil d’Antiquités du comte de Caylus. L’intérêt de l’antiquaire pour la plasticité de la religion romaine transparaît à travers l’analyse de la gens isiaca. La démarche du comte apparaît comme novatrice : les identifications sont issues d’une comparaison de différents types de sources et le lien entre culte et pouvoir est évoqué malgré une vision essentialiste et morale de la civilisation romaine. C. Trouchaud, à partir d’un article de 1957 et après avoir présenté la terminologie ancienne, remonte la piste historiographique du terme d’horus lock et identifie l’origine de ce terme dans la relation entre les antiquaires Charles Townley et le Baron d’Hancarville qui, grâce à leur influence et leur autorité, ont permis la diffusion de ce néologisme à travers leurs écrits.

6La dernière partie s’intéresse aux collections d’antiquités et à leur mise en scène. Ce sont d’abord les monnaies qui sont abordées avec la contribution de Fr. de Callataÿ. L’auteur questionne les causes du déclin de la numismatique au xviiie siècle à travers une vaste étude des correspondances et des réseaux. Il identifie ainsi des facteurs intellectuels, esthétiques mais aussi économiques. S. Andrès aborde ensuite les portraits à l’intérieur du salon du connaisseur, imitation du salon aristocratique. Souvent décontextualisés, l’identification de ces portraits repose sur la lecture des sources littéraires et dans une moindre mesure sur la comparaison : sont recherchés avant tout la rareté, l’exhaustivité et le goût pour l’Antique. K. Michini analyse la présence de l’Antiquité dans les jardins à l’anglaise en Italie et leur influence intellectuelle. Grâce à l’exemple des jardins des frères Picenardi à Crémone, elle montre les enjeux de la construction, de mise en valeur des vestiges antiques et notamment des collections lapidaires ainsi que leur portée dans les réseaux européens.

7O. Parsis-Barubé conclut le volume par une réflexion méthodologique, rappelant le tiraillement de l’histoire des antiquaires entre pratique savante et prédation des vestiges. Le xviiie siècle montre une triple évolution : le rapprochement de la figure de l’érudit de celle de l’historien, le développement d’un intérêt pour les vestiges locaux et nationaux en même temps qu’une recherche géographiquement variée, et un intérêt accru pour l’objet et non plus seulement pour la littérature. L’ensemble de l’étude contribue aux réflexions sur la théorie de la réception en interrogeant tout autant les schémas de pensées, les modalités que les usages liés à l’Antiquité.

8L’ouvrage atteint son objectif : sur un sujet qui pourrait sembler convenu, il démontre, par la richesse des approches, sa pertinence. L’étude de la réception de l’Antiquité met en lumière des mécanismes propres au Siècle des Lumières, rejoignant ainsi les préoccupations de l’histoire intellectuelle et esthétique, de l’histoire des réseaux comme de l’histoire économique et politique. Loin d’épuiser la thématique, il la renouvelle et ouvre la voie à d’autres études.

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Pour citer cet article

Référence papier

Arnaud Saura-Ziegelmeyer, « Marco Cavalieri, Olivier Latteur (dir.), Antiquitates et Lumières. Étude et réception de l’Antiquité romaine au Siècle des Lumières »Anabases, 33 | 2021, 279-281.

Référence électronique

Arnaud Saura-Ziegelmeyer, « Marco Cavalieri, Olivier Latteur (dir.), Antiquitates et Lumières. Étude et réception de l’Antiquité romaine au Siècle des Lumières »Anabases [En ligne], 33 | 2021, mis en ligne le 10 avril 2021, consulté le 21 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/12227 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.12227

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