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Comptes rendus

S. Douglas Olson (éd.), Ancient Comedy and Reception. Essays in Honor of Jeffrey Henderson

Malika Bastin-Hammou
p. 276-278
Référence(s) :

S. Douglas Olson (éd.), Ancient Comedy and Reception. Essays in Honor of Jeffrey Henderson, Berlin, De Gruyter, 2013, 1086 p., £ 240 / ISBN 9781614511663.

Texte intégral

1Le volume Ancient Comedy and Reception est l’énorme fruit – 1086 pages – d’une aventure complexe qui explique en partie ses limites. Consacré à la comédie ancienne et à sa réception, comme l’indique le titre, il embrasse un domaine très large et loin d’être homogène : celui de la comédie ancienne, au sens large de comédie composée dans l’Antiquité : la comédie grecque (ancienne au sens strict, moyenne et nouvelle), latine (Plaute et Térence), mais aussi d’autres auteurs dont les textes ont été largement perdus, et leurs réceptions. Traiter de tous ces auteurs ensemble ne va pas forcément de soi ; traiter en plus de leurs réceptions, très différentes, est une démarche intéressante du point de vue de l’histoire du genre comique.

2L’ouvrage n’est hélas pas doté d’une introduction qui permettrait de tisser des liens entre les cinquante contributions ici réunies : à charge pour le lecteur, donc, de les mettre en relation, ou de n’aller chercher que ce qui l’intéresse – et il aura de quoi faire, car plusieurs contributions sont tout à fait passionnantes et de haut niveau. Si elle est dépourvue d’introduction – ainsi que de conclusion – cette collection de contributions est cependant précédée d’une courte préface d’une demi page (Foreword) signée de l’éditeur du volume, S. Douglas Olson, qui éclaire quelque peu cet aspect composite : l’ouvrage a été conçu par Wolfgang Haase qui pour des raisons de santé n’a pas pu le mener à son terme, et S. Douglas Olson n’a fait qu’éditer ce dont il a hérité, à savoir une série de contributions. Si bien que ni le concept d’Ancient comedy, ni celui de reception ne sont interrogés. Très rares sont enfin les liens explicites avec l’œuvre de Jeffrey Henderson, à qui est dédié ce volume d’hommages.

3Le volume est composé de trois parties. La première, intitulée Ancient Comedy and Receptions, regroupe des travaux sur les comiques et leur réception ancienne : neuf portent sur Aristophane, quatre sur Ménandre, deux sur Plaute, à quoi s’ajoutent des travaux plus transversaux – notamment sur la comédie ancienne au sens strict à Rome, dans les romans, ou encore chez Lucien. La contribution de Simone Beta pose la question de l’influence d’Aristophane sur la comédie à Rome à travers la figure de Gnaeus Naevius, dont il nous reste quelques fragments, titres et résumés d’intrigues. Il démontre que le poète fait figure d’exception, lui qui, selon Aulu-Gelle, fut emprisonné pour ses maledicentia et probra – des traits caractéristiques d’Aristophane. Même s’il ne nommait pas ses cibles à la manière du poète grec, elles étaient tout à fait reconnaissables. Les intrigues aussi semblent témoigner d’un lien assumé avec la comédie ancienne, et notamment les Nuées. Enfin Beta pointe des correspondances lexicales tout à fait convaincantes. La contribution d’Ian Ruffell porte également sur le monde romain et dresse un long et utile panorama de la réception de la comédie ancienne dans les textes latins, en réévaluant notamment le rôle de la réception rhétorique. Les références à la comédie ancienne chez Cicéron, Quintilien, Horace sont d’abord passées en revues : si on peut lire chez Horace l’influence des travaux hellénistiques, qui soulignent l’excessive liberté et l’agressivité de la comédie ancienne, lui préférant Ménandre, Cicéron et Quintilien en donnent une vision plus positive. La comédie ancienne représente pour eux un modèle stylistique et moral, alliant un style agréable (suavis) à un propos sérieux (gravis). Et Aristophane est qualifié de facetissimus poeta veteris comoediae par Cicéron, une formulation qui sera reprise à la Renaissance. Si l’agressivité et le goût pour l’invective de la comédie ancienne ne sont pas ignorées, elles apparaissent chez ces auteurs comme mises au service d’une attitude morale : il s’agit de s’attaquer aux vices des contemporains, ce qui la rapproche de l’art oratoire. Ruffell évoque ensuite le recours des auteurs latins à la comédie ancienne comme répertoire d’exemples historiques et notamment politiques, un des plus fréquents, avec Socrate, étant le Périclès comique tonnant tel Zeus. La comédie ancienne est également convoquée dans l’élaboration de la satire. Mais de manière générale Ruffell souligne que les textes de la comédie ancienne sont très peu connus, et que, mis à part Aulu-Gelle, les auteurs latins se limitent à des exemples récurrents. Surtout, cette connaissance se limite aux textes. Enfin, Ruffell revient sur la quasi absence d’influence de la comédie ancienne sur la comédie à Rome.

4La deuxième partie porte sur les réceptions de la comédie au Moyen âge, à la Renaissance et durant la Première modernité. Cette fois c’est la comédie latine qui est le mieux illustrée, puisque seules quatre contributions sur douze portent sur la comédie grecque. Ludovica Radif présente rapidement quelques approches d’Aristophane dans l’Italie du xve siècle – omettant celles d’Alessandro d’Otranto et de Franciscus Passius – et rapporte ses tentatives de mettre en scène l’adaptation de la Fabula Penia de Rinucci et de la comédie perdue de Machiavel Le Maschere, une démarche de recherche-création tout à fait intéressante. John Nassichuk compare deux traductions latines des Nuées, celle de Divo et celle de Frischlin, en se concentrant sur certains néologismes se trouvant dans les propos de Strepsiade, faisant l’hypothèse que la traduction de Divo sert à identifier le lexique tandis que celle de Frischlin est plus attentive au sens, ce qui ne saurait être contesté – je renvoie ici aux analyses de Simone Beta sur la traduction de Divo (Anabases 21, 2015 et QUCC 2012). La très riche contribution de Robert Miola porte sur la réception d’Aristophane en Angleterre de 1500 à 1660 ; elle passe en revue l’importance d’un Aristophane pédagogique à usage des apprentis hellénistes ; la cristallisation de l’interprétation de son œuvre, et notamment des Nuées, autour de la question de la satire personnelle, et deux traductions en anglais du Ploutos du xviie, avant de revenir sur la présence d’Aristophane chez Ben Jonson. Le début de la contribution, de seconde main comme le signale très honnêtement l’auteur, comporte un certain nombre d’approximations : ainsi, aucune source n’atteste une mise en scène du Ploutos par les membres de la Pléiade en 1560. Parmi les auteurs anciens qui ont retravaillé l’œuvre d’Aristophane, c’est Horace, qui voit en Aristophane avant tout un satiriste, qui est le plus lu dans l’Angleterre de la Première modernité. Particulièrement intéressantes sont les analyses qui montrent comment les traductions du Ploutos tentent de rendre la comédie compatible avec la morale chrétienne. L’article de Benjamin Garcia Hernandez, Rosario Lopez Gregoris et Carmen Gonzalez Vazquez propose une belle synthèse collective de la réception de Plaute et Térence dans la littérature espagnole.

5À côté de ces synthèses, d’autres contri­butions portent sur un auteur, voire sur une œuvre en particulier. On notera l’importance de Plaute pour la période : Laura Kendrick s’intéresse au devenir de l’Amphitryon de Plaute au Moyen âge, Hélène Casanova-Robin à l’influence de Plaute sur Pontano ; Térence est cependant présent également, avec Maik Goth dont la contribution porte sur le devenir de l’Andrienne de Térence chez Stelle et Bellamy ; Philippe Ford et Adele Scafuro s’intéressent à celle des deux comiques latins sur Molière, et Adele Scafuro sur Titus Andronicus. On regrettera que les comiques latins n’aient pas donné lieu à une large synthèse à la manière de celle d’Hernandez, Lopez Gregoris et Gonzalez Vazquez pour les littératures de langue anglaise, italienne et française. De la même manière, la réception d’Aristophane en dehors de l’Angleterre est dans cette partie très largement ignorée.

6La troisième et dernière partie fait en revanche la part belle à Aristophane, avec treize contributions sur dix-huit ; elle varie par ailleurs davantage les aires de réception. Maria Luisa Chirico s’intéresse aux traductions d’Aristophane dans l’Italie du xixe s. ; Gonda Van Steen au burlesque mythologique à Athènes à la fin du xixe et à son recours à Aristophane ; Kevin Wetmore à la réception africaine-américaine de Lysistrata. On lira avec intérêt les contri­butions de Marina Kotamani, Lysistrata on Broadway, et Simone Beta sur la réception d’Aristophane dans le modern musical theater. Très originales également sont les contributions d’Amanda Wrigley, Aristophanes at the BBC, et de Martin Winkler sur Aristophane au cinéma.

7Ainsi, le volume fournit plusieurs contri­butions de très grande valeur, mais peu, hélas, de synthèses qui feront, espérons-le, l’objet de travaux ultérieurs.

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Pour citer cet article

Référence papier

Malika Bastin-Hammou, « S. Douglas Olson (éd.), Ancient Comedy and Reception. Essays in Honor of Jeffrey Henderson »Anabases, 32 | 2020, 276-278.

Référence électronique

Malika Bastin-Hammou, « S. Douglas Olson (éd.), Ancient Comedy and Reception. Essays in Honor of Jeffrey Henderson »Anabases [En ligne], 32 | 2020, mis en ligne le 20 octobre 2020, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/11541 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.11541

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