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Comptes rendus

Erminio Fonzo, Il mondo antico negli scritti di Antonio Gramsci

Andrea Avalli
p. 269-270
Référence(s) :

Erminio Fonzo, Il mondo antico negli scritti di Antonio Gramsci, Mercato S. Severino, Edizioni Paguro, 2019, 134 p., 15 € / ISBN 9788899509620.

Texte intégral

1Ces dernières années ont vu un nouvel intérêt pour la pensée d’Antonio Gramsci (1891-1937) dans les études sur l’Antiquité et sa réception. Après un colloque tenu en 2017 à Newcastle sur Antonio Gramsci and the Ancient World, dont les actes sont en cours de publication, et la fondation en 2018 d’un Gramsci Research Network dédié à ce thème, un ouvrage étudiant la relation du théoricien marxiste italien avec l’Antiquité est paru en 2019. Son auteur, Erminio Fonzo, chercheur en histoire contemporaine à l’Université de Salerne, a analysé les écrits de Gramsci, en se focalisant notamment sur ses très influents Quaderni del carcere – écrits entre 1929 et 1935, pendant son emprisonnement sous le régime fasciste, et publiés dans l’après-guerre – afin de retracer comment son originale réflexion marxiste s’est con­frontée avec l’histoire ancienne.

2D’après un marxisme influencé par l’his­toricisme idéaliste de Benedetto Croce, la connaissance historique – en tant qu’histoire économique et sociale, ainsi qu’histoire des idées – est considérée par Gramsci comme le savoir laïc qui peut le mieux donner les moyens de compréhension du présent et d’élaboration d’une action politique socialiste (p. 23-26). Le passé est donc étudié à partir des urgences politiques du xxe siècle : à son sens, comme pour Benedetto Croce, « l’histoire est toujours histoire contemporaine » (p. 125). Pendant ses études au lycée classique de Cagliari (1908-1911) notamment, et ensuite à l’université de Turin (1911-1915), Gramsci reçoit une formation littéraire, linguistique et antiquisante. Durant la Première Guerre mondiale, en suivant la ligne politique pacifiste du Parti socialiste italien, il interprète la culture classique selon une inspiration antinationaliste et antiraciste (p. 16, 19-20, 33-35), politiquement opposée aux mythes nationalistes de la romanità et de la latinité promus par la droite italienne et par Mussolini. Son approche non-identitaire de l’Antiquité continue pendant son emprisonnement, dans ses notes contre les interprétations fascistes de la langue étrusque (p. 47-49), de Jules César (p. 63-66), d’Homère (p. 114-115), de l’héritage de Rome pour l’Italie moderne (p. 87- 91), ainsi que dans le cadre de sa théorisation marxiste du nouveau type d’intellectuel nazionale-popolare au service des classes subalternes : Gramsci imagine la future perte d’importance du latin et du grec dans l’instruction supérieure en Italie, en faveur d’une majeure adhésion pédagogique au développement économique et technique moderne (p. 37-43).

3En même temps, pour le théoricien marxiste, l’Antiquité est un champ privi­légié d’analyse historique. En particulier, Gramsci retrace dans l’histoire de la langue et de la littérature latine les origines du caractère « cosmopolite » des intellectuels laïcs et catholiques en Italie, de leur distance des classes populaires, et par conséquent de l’absence d’une culture nazionale-popolare dans l’Italie moderne (p. 51-73, 90-96). À la différence de la littérature latine, dont l’originalité et l’autonomie par rapport à la Grèce sont revendiquées dans l’Italie fasciste, le théâtre grec classique est considéré par Gramsci comme modèle positif d’art nazionale-popolare, produit par des grands artistes et accessible au peuple (p. 113-114). Dans le même sens, le dirigeant communiste emprisonné voit en Jules César non pas le héros fondateur d’un empire « italien », mais au contraire l’auteur d’une politique de « dénationalisation » de l’Italie ancienne et de ses intellectuels (p. 51-55, 63-73). Cette interprétation antifasciste de Jules César conduit également à une réflexion sur la notion politique contemporaine de « césarisme », à travers laquelle Gramsci interprète les dictatures du xixe et du xxe siècles (p. 75-79). Le dirigeant communiste emprisonné réfléchit en outre au rôle des luttes des classes, des invasions « barbares », de la langue latine et de la religion chrétienne dans l’histoire de l’Antiquité tardive (p. 81-85, 91-96). Pour ce qui concerne l’histoire de l’économie, en tant que discours privilégié de l’interprétation marxiste de l’histoire, Gramsci se range du côté des « primitivistes » qui (comme Marx, Kautsky et, en Italie, Giuseppe Salvioli) soutiennent l’inexistence d’une économie de type capi­taliste dans l’Antiquité, contrairement aux « modernistes » (Mommsen et Rostovtzeff, et les italiens Corrado Barbagallo et Ettore Ciccotti) qui soulignent la dimension capitaliste de l’économie ancienne. D’après son inspiration marxiste, le dirigeant emprisonné voit ainsi dans l’esclavage la caractéristique structurelle de l’économie et de la société dans l’Antiquité, au contraire du capitalisme contemporain (p. 97-112).

4Erminio Fonzo dédie enfin un dernier chapitre aux œuvres consultées par Gramsci. Dans ces dernières pages, et ailleurs dans son ouvrage, on trouve des informations sur les sources historiographiques de Gramsci sur l’Antiquité : notamment, Guglielmo Ferrero, Corrado Barbagallo, Concetto Marchesi, Ettore Ciccotti, Giuseppe Salvioli (p. 20-22, 28-30, 93, 99-112, 121-122). Ces précieuses indications peuvent aider à reprendre la recherche de l’influence du marxisme dans les études sur l’Antiquité dans l’Italie préfasciste, après les premiers débats en ce sens des années 1970. Il reste ensuite à retracer l’influence posthume de Gramsci sur les antiquisants après la fin du fascisme, en Italie et ailleurs. Plus largement, si on dispose déjà de nombreuses études sur les utilisations fascistes de l’Antiquité, on aurait besoin de nouvelles histoires des réceptions marxistes. Dans cette perspective, on espère que le très utile ouvrage d’Erminio Fonzo puisse représenter le début d’une série de recherches de la part des antiquisants ainsi que des historiens des idées et du marxisme.

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Pour citer cet article

Référence papier

Andrea Avalli, « Erminio Fonzo, Il mondo antico negli scritti di Antonio Gramsci »Anabases, 32 | 2020, 269-270.

Référence électronique

Andrea Avalli, « Erminio Fonzo, Il mondo antico negli scritti di Antonio Gramsci »Anabases [En ligne], 32 | 2020, mis en ligne le 20 octobre 2020, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/11497 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.11497

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Auteur

Andrea Avalli

Università degli Studi di Genova – Université de Picardie Jules Verne
xba@hotmail.it

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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