Joshua Billings, Felix Budelmann et Fiona Macintosh (éds.), Choruses, Ancient and Modern
Joshua Billings, Felix Budelmann et Fiona Macintosh (éds.), Choruses, Ancient and Modern, Oxford et New York, Oxford University Press, 2013, 424 p., £ 130 / ISBN 9780199670574.
Texte intégral
1Le volume collectif Choruses, Ancient & Modern publié aux presses universitaires d’Oxford et édité par les trois hellénistes Joshua Billings, Felix Budelmann et Fiona Macintosh se propose, en partant du chœur grec, d’explorer à travers une vingtaine de contributions ses métamorphoses depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours.
2Il s’ouvre sur une introduction solide qui met bien en lumière les enjeux de l’entreprise. Sans se limiter à un type de chœur - même si le chœur tragique est ici prédominant - les auteurs soulignent l’importance des pratiques chorales en Grèce ancienne, dans leur diversité, et rappellent leur rôle dans la construction de la communauté : to take part in a chorus was to be embedded in a social texture and to have a share in the pleasures of community. Cette importance met en lumière à la fois leur moindre présence dans les cultures modernes et le désir récurrent de ces cultures de reconstruire, réinventer quelque chose de similaire – ce que les auteurs qualifient joliment de « nostalgie ». En analysant ce rapport moderne au chœur grec grâce à une réflexion transhistorique, ils entendent « défamiliariser » notre compréhension de ce dernier. Ce sont ainsi les réponses créatives au problème que constitue, pour les modernes, le chœur, qui sont examinées : Schiller, Nietzsche, Brecht sont ainsi convoqués. L’idéalisme allemand et Aristote occupent une part importante de la réflexion, mais les auteurs sont également attentifs à d’autres approches, s’inspirant notamment des sciences cognitives. Ces dernières ont en effet montré qu’être acteur et spectateur d’un chœur activait les mêmes neurones, la différence se mesurant moins en termes de nature de l’expérience que de degrés.
3Le volume comprend quatre parties. La première, Scholarship, revient sur les discours tenus sur le chœur grec à travers les âges. Le premier chapitre, qui s’intéresse aux propos des Anciens sur le chœur est particulièrement intéressant : Anastasia-Erasmia Peponi y analyse les textes de Platon, Aristote et d’autres auteurs et montre l’évolution que connaît la conception du chœur. Les deux chapitres suivants, de Simon Goldhill et Constanze Güthenke, portent sur le « moment » allemand du xixe siècle dont nous sommes encore largement les héritiers, entamé cependant par les travaux en anthropologie sur les pratiques chorales traditionnelles, qui ont amené à reconsidérer le chœur comique sous un nouvel angle, comme le montre Ian Rutherford. Le deuxième partie, Aesthetics, s’intéresse aux contextes artistiques dans lesquels s’inscrivent les pratiques chorales : en Grèce archaïque et classique (Felix Budelmann), dans les tragédies de Sénèque (Hélène Slaney), dans l’opéra (Roger Savage), dans le théâtre européen du xviiie siècle (Joshua Billings) et dans celui de Brecht (Martin Revermann). La troisième partie, Shadows, s’intéresse à la nostalgie de la modernité concernant le chœur antique et sa possible absence : Christian Biet analyse ainsi l’absence de chœur dans le théâtre classique français à l’aune des tensions religieuses qui divisent la communauté, Cécile Dudouyt s’intéresse au chœur « fantôme » chez Voltaire, Laurence Dreyfus au chœur chez Wagner comme une forme purement musicale et Zachary Dunbar au chœur dans les comédies musicales de Broadway, dans un contexte social hautement individualiste. Enfin, la dernière partie, Community, est consacrée à la dimension sociale des performances collectives : en Grèce (Richard Seaford), au xviiie siècle dans sa dimension politico-sociale (Edith Hall), au xixe siècle avec le corps de ballet (Fiona Macintosh), au xxe siècle avec le nazisme (Eleftheria Ioannidou), à la fin du xxe siècle avec le choric theatre allemand qui fait de la tension entre le collectif et l’individu le centre de ses préoccupations (Erika Fischer-Lichte). Le volume se clôt avec le chapitre d’Helen Eastman sur le théâtre britannique contemporain qui revisite les pratiques chorales.
4Par-delà l’ampleur du sujet, qui est loin d’être couvert, et la diversité des contributions, qui sont parfois très éloignées les unes des autres, le volume vaut le détour en raison de la très grande qualité de toutes les contributions, de son introduction magistrale et des pistes de réflexion et d’approfondissement qu’il ouvre.
Pour citer cet article
Référence papier
Malika Bastin-Hammou, « Joshua Billings, Felix Budelmann et Fiona Macintosh (éds.), Choruses, Ancient and Modern », Anabases, 32 | 2020, 259-260.
Référence électronique
Malika Bastin-Hammou, « Joshua Billings, Felix Budelmann et Fiona Macintosh (éds.), Choruses, Ancient and Modern », Anabases [En ligne], 32 | 2020, mis en ligne le 20 octobre 2020, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/11406 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.11406
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