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Actualités et débats

- ITHAC - L’Invention du Théâtre Antique dans le Corpus des paratextes savants du xvisiècle. Analyse, traduction, exploration numérique

Malika Bastin-Hammou et Pascale Paré-Rey
p. 185-190

Texte intégral

1Le projet IThAC a pour objectif l’étude de la réception du théâtre antique en Europe au xvie siècle à travers l’analyse des paratextes savants imprimés qui lui sont consacrés, et la mise à disposition de la communauté scientifique de la traduction de ce corpus traduit en français, grâce à la construction d’une interface numérique évolutive.

2Ce corpus a longtemps été inaccessible aux chercheurs pour plusieurs raisons : disséminé dans différentes bibliothèques en Europe, il aurait été très difficile, avant l’étape fondamentale de la mise à disposition numérique menée par différentes institutions, de le rassembler et de le traiter. Ces paratextes sont en outre majoritairement rédigés en latin (fig. 1), parfois aussi en grec (fig. 2), ce qui les rend difficilement compréhensibles en dehors du cercle des antiquisants. Ensuite, les spécialistes du théâtre antique s’intéressent peu à cette période de la transmission des textes dramatiques anciens, privilégiant soit l’étude de leur transmission manuscrite, soit leur réception contemporaine ; quant aux spécialistes des théâtres du xvie siècle, ils donnent la plupart du temps la priorité à l’étude des théâtres en vernaculaire ou en néo-latin plutôt qu’à celle des textes savants accompagnant les éditions du théâtre antique. Enfin les spécialistes des poètes dramatiques antiques qui s’intéressent à la réception de ces textes au xvie siècle concentrent leurs travaux sur un poète, sans le mettre en relation avec ce qui se dit des autres poètes dramatiques ni mettre en relation les poètes grecs et les poètes latins.

Fig. 1. Adresse de l’édition des tragédies de Sénèque par G. Bernardinus Marmitta à Guillaume de Rochefort, aux presses d’Antoine Lambillon et de Marin Sarrazin, Lyon, 1493

BnF, Gallica.

Fig. 2. Début du paratexte de Marcus Musurus à l’édition princeps d’Aristophane aux presses d’Alde Manuce, Venise, 1498

BnF, Gallica

3On fait l’hypothèse que la collecte, la traduction et l’analyse de ce corpus permettront de saisir à la fois comment le théâtre antique a été reçu et compris par ses « inventeurs » dans l’Europe du xvie siècle, mais aussi comment les idées et les méthodes présentes dans ce corpus, à l’heure où s’inventaient aussi bien le théâtre moderne que la philologie, ont circulé et se sont développées grâce notamment à leur large diffusion rendue possible par l’imprimé. Ces paratextes, qui sont souvent le fait de très grands savants, ont connu en leur temps une audience et une circulation bien plus importantes que celles des textes rédigés en vernaculaire, parce que le latin était alors la langue de la communication savante : les négliger, c’est omettre une étape majeure des débats intellectuels sur le théâtre, la philologie et la réception de l’Antiquité, débats que leur prise en considération permettra de reconstruire, en redonnant leur place à des figures majeures comme Melanchthon, Scaliger et autre Casaubon, en faisant émerger des figures de moindre envergure qui ont également joué un rôle clé dans l’élaboration et la circulation de ces idées, et en mettant en lumière grâce à l’outil numérique cette élaboration et cette circulation. Par exemple, en « cliquant » sur Scaliger, on aura immédiatement accès à tous les paratextes théâtraux écrits par Scaliger, ou qui lui sont adressés, ou encore dans lesquels il est cité, et à la traduction de ces paratextes. Au-delà, cette mise en commun permettra de reconstruire la pensée de tel ou tel humaniste sur le théâtre antique en général, et pas seulement sur un poète donné : Melanchthon édite ainsi aussi bien Euripide qu’Aristophane et Térence, mais ses éditions ne sont jamais mises en relation ; mieux, l’on pourra ainsi repérer à partir de quels textes sa pensée s’est construite – les reprises de textes antérieurs, à l’identique ou augmentés, sont en effet fréquentes d’une édition à l’autre –, mais également quelle fut sa postérité, et reconstituer ainsi des chaînes éditoriales. C’est donc une cartographie dynamique de l’ensemble de la pensée sur la redécouverte du théâtre antique qui sera ainsi produite.

4Le corpus, immense, a fait l’objet d’une réflexion permettant de le circonscrire dans sa nature et dans ses bornes chronologiques. On considère que les paratextes sont avant tout des textes, rédigés et formant une unité de sens, ce qui exclut les notes et commentaires vers à vers. Ils comprennent les textes liminaires – épîtres dédicatoires, adresses au lecteur, préfaces, Vies, traités théoriques – rédigés par des imprimeurs, traducteurs, libraires, professeurs, érudits divers, qui ont commenté les textes dramatiques en voulant les expliquer et/ou justifier leur projet éditorial. La période envisagée s’étend entre 1476, date de la parution de la première édition imprimée de Térence dotée d’un paratexte, à la fin du xvie siècle. C’est une période riche en éditions, en traductions du grec au latin ou en traductions des langues anciennes au vernaculaire.

5La méthodologie adoptée est triple : le corpus est collectivement traduit, encodé, analysé à partir des traductions produites et une plateforme d’exploration permettra, grâce aux outils développés à cette fin, d’aborder cet immense corpus comme un tout. L’invitation de chercheurs extérieurs au projet mais travaillant sur des problématiques proches permettra de bénéficier de leur expertise sur des points précis et de leur recul sur nos pratiques. Une journée d’étude à mi-parcours sera l’occasion de donner une première visibilité au projet et de susciter des recherches venant l’enrichir. Un colloque de clôture renforcera cette dynamique en créant une communauté plus large de chercheurs travaillant sur le corpus et les outils produits, et au-delà.

6Diverses données de la recherche, consignées dans un « Plan de Gestion des Données » désormais attendu dans ce type de projet, seront produites, sous des formes diverses. Nous publierons une anthologie papier des paratextes les plus significatifs  ; nous éditerons un volume de synthèse des séminaires invités, des journées d’étude et du colloque de clôture ; nous proposerons des articles scientifiques à des revues consacrées au théâtre antique, à la réception de l’Antiquité, à l’histoire du théâtre, à la littérature de la Renaissance, aux humanités numériques. Enfin, une plateforme de consultation et d’exploration sera élaborée afin de tirer tous les partis possibles de ces textes enrichis.

7Ainsi, l’impact du projet se mesurera sur les plans scientifique, patrimonial et pédagogique.

8L’apport scientifique majeur du corpus analysé sera de renouveler la vision du rôle du théâtre antique au xvie siècle, que ce soit dans ses rapports avec les travaux savants sur ce théâtre, dans lesquels le théâtre antique agit comme un ferment de réflexion sur des concepts majeurs, ou dans ses rapports avec les théâtres nationaux en train de s’élaborer, pour lesquels les théâtres grec et latin sont des références centrales, qu’il s’agisse de les imiter ou de s’en écarter, du point de vue de la construction, de la langue, du style, des intrigues. Indépendamment de l’édition de texte, le simple fait de cataloguer les éditions et les traductions, de les décrire et de les localiser, est infiniment précieux.

9Ce renouvellement de l’analyse pourra être poursuivi et approfondi grâce à la mise à disposition très large du corpus traduit en français : ni la langue de rédaction, le latin, ni l’éparpillement géographique des éditions, ne feront plus obstacle à son exploitation. Ces productions intéresseront en effet un public varié de spécialistes d’histoire du théâtre, d’historiens de la première modernité et de spécialistes du théâtre antique et de sa réception. Ainsi l’impact du projet dépassera les communautés dont il est issu et touchera des disciplines connexes (sociologie, histoire, histoire du livre).

10Mais il ne s’agit pas seulement de donner accès à un corpus méconnu. Ce renouvellement profond de la compréhension de ce qui se joue alors dans le monde du théâtre, cette lecture distante rendue possible par l’outil numérique, contribuera ensuite à promouvoir, dans la mouvance d’autres travaux, l’idée qu’il est désormais nécessaire d’éditer autrement, de manière enrichie, les textes et leurs commentaires. Cette relecture d’un corpus canonique pourra s’ouvrir à d’autres périodes. En produisant des résultats parfois contre-intuitifs, l’enquête permettra de réfuter des idées reçues sur le théâtre antique à la Renaissance et invitera à poursuivre l’investigation sur d’autres périodes mais aussi d’autres corpus. Le projet invitera ainsi à construire d’autres données et à élaborer de nouveaux outils.

11Les outils d’exploration numériques développés permettront en effet de mettre en relation les textes du corpus, pour faire émerger les concepts-clés du discours critique, la périodisation de leur émergence, l’évolution du nombre d’éditions par auteur, par langue, par pays  ; la cartographie des lieux d’édition ; les réseaux d’humanistes et la circulation des idées. Le projet IThAC est donc novateur aussi bien du point de vue du corpus traité que des méthodologies adoptées et de l’équipe qu’il réunit pour le traiter. Ce qui est également escompté, c’est que les outils numériques d’analyse développés dans le cadre du projet IThAC pourront être réutilisés et servir à d’autres projets d’analyse de corpus de textes patrimoniaux. Le projet IThAC permettra également de faire émerger un patrimoine européen délaissé ; or ce patrimoine est actuellement inaccessible, hormis à quelques érudits, alors qu’il s’agit de textes fondateurs non seulement de la culture renaissante, mais aussi, par-là, de notre culture.

Litt&Arts-UGA

Bastin-Hammou

Malika

Professeure

UGA

Ferrand

Mathieu

Maître de conférences

CNRS

Garcia Fernandez

Anne

Ingénieur de recherche

UGA

Greslou

Élisabeth

Ingénieur de recherche

UGA

Bey

Arnaud

Ingénieur d’études

UGA

Douguet

Marc

Maître de conférences

UGA

Louette

Christiane

Maître de conférences

UGA

Vialleton

Jean-Yves

Maître de conférences

UGA

Dedieu

Alexia

Doctorante IRS-IDEX

HiSoMA-Lyon III

Paré-Rey

Pascale

Maître de conférences

Lyon III

Nicolas

Christian

Professeur

Lyon III

Hermand-Schebat

Laure

Maître de conférences

Lyon III

Lardon

Sabine

Professeur

Lyon II

Hue-Gay

Élysabeth

Ingénieur de recherche

CNRS

Morlock

Emmanuelle

Ingénieur de recherche

Membres impliqués dans ce Projet de Recherche Collaboratif financé par l’ANR

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Pour citer cet article

Référence papier

Malika Bastin-Hammou et Pascale Paré-Rey, « - ITHAC - L’Invention du Théâtre Antique dans le Corpus des paratextes savants du xvisiècle. Analyse, traduction, exploration numérique »Anabases, 32 | 2020, 185-190.

Référence électronique

Malika Bastin-Hammou et Pascale Paré-Rey, « - ITHAC - L’Invention du Théâtre Antique dans le Corpus des paratextes savants du xvisiècle. Analyse, traduction, exploration numérique »Anabases [En ligne], 32 | 2020, mis en ligne le 20 octobre 2022, consulté le 22 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/11307 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.11307

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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