Jesse Weiner, Benjamin Eldon Stevens et Brett M. Rogers (éd.), Frankenstein and Its Classics. The Modern Prometheus from Antiquity to Science Fiction
Jesse Weiner, Benjamin Eldon Stevens et Brett M. Rogers (éd.), Frankenstein and Its Classics. The Modern Prometheus from Antiquity to Science Fiction, Londres et Oxford, Bloomsbury, 2018, 288 p., £65 (hardback) et £21,99 (paperback) / ISBN 9781350054882 et 9781350054875.
Texte intégral
1En 1818, Mary Shelley offrait un roman qui fit date dans la littérature horrifique et de science-fiction : Frankenstein ou le Prométhée moderne. À l’occasion du bicentenaire de sa publication, de nombreux ouvrages sont revenus sur le succès et la postérité de l’auteure, de Victor et de sa créature, dont celui pour lequel nous proposons ce compte-rendu de lecture. La figure de Mary Shelley et de ses personnages sont telles qu’elles permettent de tirer avantage d’un appareil critique que l’auteure a elle-même utilisé. Ce volume, du trio déjà à l’origine de quelques efforts sur la réception de l’Antiquité, regroupe douze essais d’universitaires, spécialistes de l’Antiquité pour la majorité. Ils sont également répartis en deux moments, « Promethean Heat » et « Hideous Progeny ».
2Dans la première partie, les articles rappellent à la fois le contexte d’écriture de Mary Shelley ainsi que les références antiques et modernes qu’a réemployées consciemment l’auteure ainsi que celles de son entourage, à commencer par son mari Percy Shelley et le poète Lord Byron. Mais ce sont avant tout les auteurs classiques qui prévalent : Ovide, Eschyle et Hésiode sont convoqués pour comparer Victor au Prométhée ancien, ou au contraire le tourner en dérision. Il est tour à tour plasticator ou pyrophoros et peut avoir un lien avec l’alchimie chère à Paracelse ou avec la théorie de l’évolution de Darwin. À ce titre, les chapitres de Genevieve Liveley et Martin Priestman sont très éclairants. Quant à l’ambiance horrifico-romantique, elle est due à la fois à l’entourage immédiat de Mary Shelley, à l’histoire européenne ainsi qu’au phénomène naturel d’ampleur mondiale que fut l’éruption du volcan Tambora en Indonésie (voir les articles de Andrew McClellan, David A. Gapp et Suzanne L. Barnett). Le dialogue entre contemporanéité de l’écriture du roman et utilisation des auteurs anciens est très facilement compréhensible même pour les non-initiés à la période antique.
3La deuxième partie réunit des articles qui, à la suite des premiers, interrogent la façon dont Frankenstein a été à son tour l’origine de nombreuses créations, comme pour mettre en abîme l’histoire du créateur qui est à l’origine d’une « progéniture hideuse et polymorphe ». En premier lieu, on relèvera l’excellent chapitre de Benjamin Eldon Steven rapprochant justement les constructions du roman de Shelley avec les textes d’Apulée. Les références scientifiques à la médecine, à la physique mais également à la psychologie sont aussi le ferment de Frankenstein comme le rappellent Carl A. Rubino et Nese Devenot dans leur chapitre respectif. Les références plus ou moins déguisées au roman de Shelley transparaissent largement dans la culture cinématographique comme le soulignent Jesse Weiner et Samuel Cooper ; c’est d’ailleurs là peut-être que s’est d’abord construite l’image populaire des personnages du roman, jusqu’à confondre le nom Frankenstein avec celui de sa créature. Victor Frankenstein est identifié comme l’avatar du réalisateur Bill Morrison dont l’œuvre qu’il a réalisée Spark of Being serait la créature au sens propre comme au sens figuré. Chez le réalisateur et scénariste Alex Garland, c’est le personnage de Nathan Bates dans Ex Machine qui joue à la fois le rôle de Prométhée et d’Épiméthée. Enfin, Brett Roger interroge à la fois le film de Ridley Scott Prométhée et le comic de Fraction et Ward Ody-C (sortie en France en mai 2019), même si l’analyse du film est bien plus fournie que celle du comic du fait de leur destin populaire respectif.
4Au final, il s’agit là d’un ouvrage d’une grande qualité, facile et agréable à lire. On regrettera cependant des redites historiographiques inhérentes mais nécessaires à ce type de projet.
Pour citer cet article
Référence papier
Mathieu Scapin, « Jesse Weiner, Benjamin Eldon Stevens et Brett M. Rogers (éd.), Frankenstein and Its Classics. The Modern Prometheus from Antiquity to Science Fiction », Anabases, 30 | 2019, 261-262.
Référence électronique
Mathieu Scapin, « Jesse Weiner, Benjamin Eldon Stevens et Brett M. Rogers (éd.), Frankenstein and Its Classics. The Modern Prometheus from Antiquity to Science Fiction », Anabases [En ligne], 30 | 2019, mis en ligne le 21 octobre 2019, consulté le 08 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/10296 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.10296
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