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Comptes rendus de lecture

Kostas Kalimtzis, An inquiry into the philosophical concept of scholê. Leisure as a Political End

Florent Rouzade
p. 246-247
Référence(s) :

Kostas Kalimtzis, An inquiry into the philosophical concept of scholê. Leisure as a Political End, Londres et Oxford, Bloomsbury, 2017, 227 p., £90 (hardback) et £28,99 (paperback) / ISBN 9781474237932 et 9781350079878.

Texte intégral

1Kostas Kalimtzis s’adresse à un public curieux d’approfondir sa compréhension de la philosophie antique, en l’abordant à travers le prisme de la scholê. L’auteur propose une enquête répondant à un double questionnement : dans quelle mesure la scholê, comprise comme le temps libre ou loisir consacré à l’activité théorétique, peut-elle devenir la fin collective de l’activité politique, et comment ce concept a-t-il pu se transformer, au point de ne pouvoir être rendu que par le mot loisir, ne présupposant plus aucune activité intellectuelle ?

2Si l’ascholia est ce qui est privé de scholê, l’activité qu’entraîne un esprit tou­jours affairé, comme l’illustre le mythe de Sisyphe, dans le Chapitre 1, la scholê n’est pas pour autant synonyme d’oisiveté, comme en témoigne le verbe grec scholazo. La scholê est une action : soit le loisir, comme moyen, consacré à la recherche de la vérité, non dépourvu de tourments, comme il est démontré dans le Chapitre 2 ; soit la fin de ce processus, atteint dans la possession du bonheur liée à la contemplation de la vérité. La scholê apparaît comme un processus cathartique, décrit dans le Chapitre 3, par lequel l’homme tourmenté par la recherche de la vérité n’obtient la scholê, comprise comme la tranquillité de l’âme, que dès lors qu’il contemple la vérité désirée. Si la catharsis peut passer par la dialectique faisant émerger la vérité, elle peut aussi être obtenue par la mimesis, l’imitation des actions vertueuses, mise en œuvre par et dans le jeu théâtral, au centre de l’éducation des citoyens décrite par la Platon dans la République. Le théâtre est une activité en accord avec le nous visant à créer des citoyens vertueux, ce qui n’est qu’une propédeutique à l’activité du nous : la vie théorétique étant comprise comme la véritable fin de toute vie humaine. Toutefois, Platon semble pessimiste quant à la possibilité de créer une cité de philosophes, réservant l’activité théorétique à une minorité d’âmes d’or, d’élus.

3Le Chapitre 4 met en lumière la spécificité de la pensée aristotélicienne, qui loin de réserver la scholê à une élite, la conçoit comme une puissance de la cité qui ne peut être actualisée que dans la mesure où les citoyens la choisissent collectivement comme fin de la cité, lui conférant ainsi une dimension éminemment politique. Cependant, pourquoi la choisiraient-ils comme fin de l’activité politique et comment parviendraient-ils à la rendre possible ? Kalimtzis traite cette difficulté dans le Chapitre 5, en insistant sur l’originalité de la pensée d’Aristote, qui met au centre de sa réflexion le rôle de la musique comme moyen pour actualiser la scholê, que tout homme conformément à sa nature intellective devrait choisir comme fin. La musique est un bien qui ne peut être obtenu que collectivement, en la choisissant et en organisant conformément à ce choix sa production. Le loisir consacré à la musique (diagogè) prépare les citoyens à choisir la scholê collectivement et à l’unanimité (homonoia) en créant les conditions nécessaires à sa réalisation : c’est-à-dire, d’une part, en mettant à la disposition de tous les citoyens les ressources nécessaires à une vie dont le travail est exclu, ce qui a valu à Aristote ses plus vives critiques, concernant sa bienveillance vis-à-vis de l’esclavage, et d’autre part, en instaurant une éducation propre à développer les vertus morales et intellectuelles de l’enfant, faisant de la justice un moyen au service de l’activité théorétique, véritable fin de la cité.

4Le Chapitre 6 met en lumière la pro­gressive transformation du concept de scholê devenue inopérant dans un monde duquel la liberté politique est absente. En lien avec la création de l’école d’Alexandrie, consacrée aux travaux spéculatifs, et avec l’enseignement des Stoïciens, la scholê est progressivement réduite à l’école, alors qu’à Rome où le concept de scholê est absent, c’est l’otium qui donne lieu à une réflexion sur la fonction morale et politique du loisir. Dans un premier temps, Cicéron le définit comme l’activité publique ou privée ayant pour but de favoriser la paix, puis dans un second temps, avec l’apparition du Principat, il est conçu comme la liberté ou la contrainte de se retirer des affaires publiques pour mener une existence privée, dont le sage, à l’instar de Sénèque, sait se saisir pour contribuer, par son exemple et son enseignement, au bien de l’humanité, à moins qu’il ne profite de ce loisir pour mener une vie de plaisirs et de dissipations. L’ambivalence de l’otium, moyen favorisant l’exercice des vertus privées et publiques et source de corruption, devient, avec les Pères de l’Église, sous le terme de scholê, amputé de sa dimension politique et théorétique, un concept d’abord discuté pour cette même ambivalence, puis abandonné au profit de la prière. Elle lui est préférée comme activité de contention de l’esprit propre à conduire à la contemplation de Dieu, celle-ci se substituant à celle de la vérité.

5Pour Kostas Kalimtzis, le concept de scholê doit être remis au cœur de la pensée philosophique et politique pour répondre au besoin ressenti, de plus en plus vivement, de proposer un autre mode de vie que celui lié à l’activité permanente, valorisé par la société de consommation. L’index (p. 223-227) permet de retrouver aisément les références et concepts contextualisés et explicités de manière très approfondie dans les notes proposées à la fin de l’ouvrage (p. 181-210), assorties d’une bibliographie très complète sur le sujet.

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Pour citer cet article

Référence papier

Florent Rouzade, « Kostas Kalimtzis, An inquiry into the philosophical concept of scholê. Leisure as a Political End »Anabases, 30 | 2019, 246-247.

Référence électronique

Florent Rouzade, « Kostas Kalimtzis, An inquiry into the philosophical concept of scholê. Leisure as a Political End »Anabases [En ligne], 30 | 2019, mis en ligne le 21 octobre 2019, consulté le 16 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/10216 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.10216

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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