Arlene Holmes-Henderson, Steven Hunt et Mai Musié (éd.), Forward with Classics. Classical Languages in Schools and Communities
Arlene Holmes-Henderson, Steven Hunt et Mai Musié (éd.), Forward with Classics. Classical Languages in Schools and Communities, Londres et Oxford, Bloomsbury, 2018, 296 p., £95 / ISBN 9781474295956.
Texte intégral
1Forward with Classics représente l’aboutissement de deux cycles de conférences organisées à Oxford en 2013 et à Cambridge en 2015 dans le cadre du projet « Classics in Communities » qui vise à revivifier l’enseignement des Classics : ces conférences ont porté sur la question de la diffusion de l’enseignement des langues anciennes auprès d’un public le plus large possible. De ce fait, si le premier public auquel on pense pour un tel ouvrage est celui des enseignants de latin et de grec, quiconque s’intéresse à la question de la place à accorder à ces disciplines dans la formation intellectuelle y trouvera de quoi alimenter substantiellement ses réflexions.
2Après un avant-propos de Mary Beard tout en malice et en optimisme au sujet de l’avenir de cet enseignement, et une introduction des trois éditeurs présentant le projet « Classics in Communities », les dix-sept contributions sont organisées en trois parties. La première partie décrit quels sont le cadre politique et la place de l’enseignement des Classics au Royaume-Uni, dans le reste de l’Europe, en Australie, au Brésil et aux États-Unis. La seconde est constituée d’études de cas, remarquables notamment par la variété des situations et des publics envisagés, des écoles primaires britanniques aux prisons sud-africaines. La troisième partie, enfin, envisage les moyens d’assurer l’avenir des Classics : apports des nouvelles technologies dans l’enseignement, analyse de l’employabilité des jeunes gens formés aux Classics. La conclusion établit un bilan de tout ce qu’a permis le projet Classics in Communities, sans éluder les difficultés ni les questions qui demeurent en suspens.
3Le recul indéniable de l’enseignement des Classics pousse les enseignants qui souhaitent continuer à faire vivre leur discipline à une réflexion particulièrement approfondie et renouvelée, au sujet de sa légitimité et de ses objectifs. La baisse drastique des effectifs, déjà bien installée depuis plusieurs décennies, est l’occasion de s’interroger sur ce qui rend la connaissance des langues et des civilisations de l’Antiquité si précieuse, et, dans le même temps, d’affronter radicalement les obstacles qui limitent sa diffusion. S’il est d’usage de s’alarmer devant la disparition presque accomplie de l’enseignement des Classics, ces contributions entendent inciter à un optimisme certain en montrant qu’il est possible de mettre en place des actions propres à favoriser son retour. Forward with Classics permet d’établir des constats clairs en ce qui concerne les obstacles susceptibles de s’y opposer, et propose des pistes tout à fait concrètes permettant de les surmonter. Les projets et les expérimentations qui sont rapportés mettent en avant l’apport des Classics dans un enseignement qui se veut profondément humaniste : faire comprendre leur actualité, c’est, en fait, rappeler leur éternité et leur universalité dans un discours audible pour les élèves, les étudiants, les parents, les acteurs politiques d’aujourd’hui. Loin de vouloir promouvoir leur enseignement comme un moyen de sélection silencieuse de l’élite, les contributeurs ont à cœur d’en faire bénéficier un public aussi large que possible, forts de la conviction que le goût de ce qui a trait à l’Antiquité est toujours bien vivace et qu’il ne demande qu’à être stimulé.
4Bien qu’au terme de la lecture de l’ouvrage il paraisse difficile de discerner une ligne générale, il faut noter un certain parti pris dominant en faveur d’un renouvellement des méthodes d’enseignement : l’on ne trouvera pas ici de défense de l’enseignement « traditionnel » du latin ou du grec, orienté vers l’apprentissage systématique de la grammaire et l’exercice de la version. Si l’incitation à communiquer à propos des nouvelles méthodes d’enseignement (telles que la « méthode directe ») constitue un mot d’ordre commun (en l’absence de soutien institutionnel fort, on ne peut plus continuer à enseigner les Classics qu’à condition de rallier un public volontaire et motivé), les objectifs des contributeurs sont très divers : tandis que certains vont concentrer leurs efforts en direction du renforcement des compétences linguistiques (meilleure maîtrise de la langue maternelle par l’étude de ses racines latines et facilitation de l’acquisition des langues étrangères), d’autres vont mettre l’accent sur les apports culturels, et certains vont même se contenter de l’idée d’éveiller un intérêt pour l’Antiquité classique. On voit bien ici qu’il est question, non pas de l’enseignement du latin et du grec, mais bien des Classics dans toute la diversité des disciplines que le terme recouvre.
5Pour le lectorat français, certaines contributions peuvent susciter des questions. L’enseignement dans les pays anglo-saxons apparaît comme bien moins centralisé que l’enseignement français, au sein duquel programmes et horaires disciplinaires assurent un cadre général. Notre système est aussi probablement moins souple : nous n’avons pas de tradition très ancrée de la pratique des clubs hors temps scolaire, alors que plusieurs contributions rapportent que ceux-ci peuvent constituer une première voie d’entrée du latin dans un établissement qui n’en propose pas. Le rôle de financements extérieurs (via par exemple la fondation Classics for All) paraît crucial pour pallier une absence de volonté gouvernementale : il n’existe rien de comparable en France. Enfin, le développement actuel de l’enseignement des Classics au Royaume-Uni par des enseignants non spécialistes, qui peuvent même découvrir le latin ou le grec en même temps qu’ils l’apprennent à des élèves, dans un contexte de pénurie d’enseignants spécialistes, peut surprendre.
6Plus généralement, nombre de contributions soulignent l’importance des volontés individuelles, ce qui implique une certaine fragilité des projets décrits, d’ailleurs évoquée ouvertement à plusieurs reprises. Les problèmes de financement constituent également une menace vis-à-vis de leur pérennisation. Face à ces difficultés, la collaboration entre établissements primaires, secondaires et supérieurs apparaît aux contributeurs comme une nécessité, mais, en fin de compte, l’on finit par se demander si réellement la détermination, l’énergie et la créativité des enseignants sont toujours suffisantes pour pallier les effets délétères de certains choix politiques à grande échelle.
7Par ailleurs, on retrouve dans beaucoup de contributions ce qui est à la fois un avantage et un inconvénient des retours d’expériences d’enseignement : les situations décrites, extrêmement diverses, on l’a dit, sont particulières à un contexte, et les auteurs sont à la fois juges et parties, ce qui peut rendre difficile l’évaluation objective des résultats obtenus. Néanmoins, les contributions en question apportent des données tout à fait concrètes et toujours soigneusement contextualisées, et l’ensemble offre au lecteur la possibilité de prendre et de laisser ce qu’il y trouve selon ses convictions et la situation qui est la sienne.
Pour citer cet article
Référence papier
Charlotte Tournier, « Arlene Holmes-Henderson, Steven Hunt et Mai Musié (éd.), Forward with Classics. Classical Languages in Schools and Communities », Anabases, 30 | 2019, 242-244.
Référence électronique
Charlotte Tournier, « Arlene Holmes-Henderson, Steven Hunt et Mai Musié (éd.), Forward with Classics. Classical Languages in Schools and Communities », Anabases [En ligne], 30 | 2019, mis en ligne le 21 octobre 2019, consulté le 19 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/anabases/10198 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/anabases.10198
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