Annie Lennkh, Marie-France Toinet, John Atherton et al.(dir.), Etats-Unis, peuple et culture
Annie Lennkh, Marie-France Toinet, John Atherton et al.(dir.),Etats-Unis, peuple et culture, Paris, Éditions La Découverte, 2004.
Texte intégral
1Les éditions La Découverte ont eu la bonne idée de rééditer un collectif très utile paru initialement dans la collection « L’État du monde » et par la suite repris dans sa collection « Poche Essais » sous le titre États-Unis, peuple et culture. Au départ, ce projet émanait de l’initiative de Marie-France Toinet (1942-1995), assistée de quelques experts en études américaines répartis dans différentes universités en France. Ce collectif concis et clair a l’avantage de présenter sous une cinquantaine de facettes les spécificités de la société américaine depuis ses principes fondateurs jusqu’au début du 21e siècle. Exposés factuels, concision, esprit de synthèse sont les maître-mots qui ont guidé cette entreprise assez unique.
2Une infinité de thèmes sont abordés selon des perspectives historiques, sociales, démographiques, économiques et culturelles. Parmi les exposés les plus originaux, retenons, entre autres, cette synthèse réussie sur l’achat de la Louisiane à la France napoléonienne, en 1803 (p. 47). Plusieurs textes insistent sur l’impossibilité de présenter les États-Unis de manière univoque ou monolithique : « la fragmentation de la société suscite la création de toutes sortes de sous-cultures, ce qui permet aux valeurs anciennes de s’exprimer et d’échapper au conformisme ambiant » (p. 80). Plus loin, à propos de l’exceptionnalisme, on rappelle ce principe auquel beaucoup d’Américains adhèrent : « L’égalité des chances que la société offre à chacun suppose que l’idéologie du melting pot se traduise en termes individuels. Chacun doit oublier sa culture d’origine » (p. 81). C’est sans doute Élise Marienstras qui résume le mieux le caractère unique des États-Unis, même dans son nationalisme, qualifié non pas d’expansionniste, mais dont elle souligne fort à propos l’héritage de la « Destinée manifeste » du début du 19e siècle (p. 48). Le rôle palliatif de l’imaginaire et du Rêve américain permettait aux populations et à chaque individu de croire en sa capacité de réussir et d’un jour arriver à se distinguer de la masse : « Des récits des self-made men — plus nombreux dans les livres d’histoire que dans l’histoire américaine — aux romans d’Horatio Alger, dont les héros rencontrent la fortune grâce à leur seule vertu, tout un arsenal littéraire et idéologique a pourtant été nécessaire pour maintenir en vie un optimisme qui la réalité bafouait chaque jour pour des millions d’individus » (p. 112).
3Il faut tout un livre pour définir ce que sont les États-Unis et ses habitants ; en guise de raccourci, certains politiciens citeront cette formule de l’écrivain Walt Whiltman, habilement reprise par John Kennedy : « Nous sommes une nation de nations » (p. 113). D’autres textes mettront en évidence une clef pour interpréter la société américaine avec ses courants de pensée, ses idéologies, ses mythes et ses utopies, par exemple le puritanisme (p. 112) ou le pragmatisme (p. 113). La question des Noirs, tout comme celle des Amérindiens, ne peut être sous-estimée : « les Africains-Américains représentent 12 % de la population des États-Unis » (p. 112). L’idée du melting pot réapparaît dans plusieurs chapitres pour être relativisée, critiquée, remise en question (pp. 81, 116, 125, 129, 138), tout comme le « bilan controversé » du multiculturalisme (p. 141). Certains affirmeront que le melting pot ne serait qu’une « supercherie » (selon Rachel Ertel, cités en p. 129) ; d’autres seront plus laconiques : « ce qui caractérise le melting pot, c’est qu’il n’a pas eu lieu » (propos de Nathan Glazer et Daniel Moynihan, cités en p. 129).
4Cet ouvrage très instructif conviendra aux étudiants de tous les niveaux universitaires. L’impression d’ensemble n’est tout à fait rose, ni excessivement critique. Une chronologie détaillée et une bibliographie complètent ce livre de base auquel il ne manquerait qu’un index ; ce sera — espérons-le — pour une prochaine réédition. Certains pourraient déplorer l’absence de certains aspects (comme les nouvelles technologies les plus récentes ou les derniers développements liés à l’Internet et les réseaux sociaux) ou regretter le silence sur la dernière frasque du Président américain ; mais ce serait bouder son plaisir de trouver ici tant de mises en évidence des particularités des États-Unis au fil des siècles, sans toujours se concentrer sur le présent et le passé immédiat. Depuis plusieurs années, je recommande États-Unis, peuple et culture à mes étudiants du cours Sociologie des États-Unis, car en plus d’offrir un portrait d’ensemble, il propose un point de vue distancié, ce qui est parfois révélateur, autant à propos du sujet étudié que du point de vue des observateurs européens qui signent ces textes souvent lumineux et incomparables.
Pour citer cet article
Référence électronique
Yves Laberge, « Annie Lennkh, Marie-France Toinet, John Atherton et al.(dir.), Etats-Unis, peuple et culture », Amerika [En ligne], 18 | 2018, mis en ligne le 20 juin 2018, consulté le 02 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/amerika/8480 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/amerika.8480
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